Noriko

Chapitre 48 : Un nouvel espoir

4916 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/08/2025 00:00

    Cela faisait deux semaines que Noriko était de retour sur l'île de Kuraigana dans le château où elle avait grandi, et depuis, elle n'avait plus été capable de prononcer le moindre mot. Bien qu'elle s'était remise de ses blessures, elle restait cloîtrée dans sa chambre, se contentant des repas que Mihawk lui déposait devant sa porte.


Un matin, elle ne trouva rien et comprit instinctivement que le grand corsaire ne monterait plus la voir. Elle poussa un soupir de désespoir et à contre-cœur, se dirigea vers l'étage inférieur. Elle aperçut son oncle assit dans le grand salon, en train de lire le journal.

- Je n'avais pas l'intention de te laisser mourir de faim, expliqua-t-il en posant sa lecture. Mais je pense t'avoir laissé assez de temps. Nous devons discuter.

- Je pense qu'il n'y a rien à dire, marmonna-t-elle en s'arrachant un petit bout de peau près de son ongle de pouce avant de pousser un soupir de tristesse.

- Je me doute que tu penses à ce que tu as traversé.

Elle leva un regard sans vie vers lui.

- Tu as seulement eu un aperçu, mais as-tu la moindre idée de ce que j'ai pu endurer ?

- Oh, Noriko... Mais qu'avais-tu en tête, bon sang ? Pourquoi ne pas être rentrée ?

- Parce que je ne pourrai plus jamais te faire confiance et que je ne veux pas finir ma vie prisonnière de ce château.

- Je sais que tu n'as pas envie d'être là.


Elle haussa les épaules en guise de réponse, puis tourna son regard vers la cheminée où brûlait un grand feu. Elle crut pendant un instant que Mihawk se montrerait compréhensif envers elle et que peut-être, il était prêt à lui apporter du soutien ou de l'empathie. Elle était loin de se douter que ce n'était pas le cas.

- Assieds-toi, ordonna-t-il en poussant le pied de la chaise qui était près de lui.

Noriko fut sortie de ses pensées, puis fit quelques pas et préféra s'asseoir en face de lui. L'ordre qu'elle venait de recevoir venait de lui faire monter une grande méfiance.

- Encore et toujours de l'insolence, soupira-t-il de lassitude à voix basse. Comment te sens-tu ?

- Mieux, lâcha-t-elle. De quoi voulais-tu me parler ?

Mihawk ne répondit pas tout de suite.

- Si tu n'as rien à me dire, je vais remonter dans ma chambre, déclara-t-elle en se levant, je n'ai pas faim de toute manière.

- Reste ici.

Elle se raidit, puis ne tenant pas face au regard assassin de son oncle, se rassit et le fixa. Elle n'avait ni l'envie, ni l'énergie de se battre avec lui et préféra aller droit au but.

- Pourquoi m'avoir fair revenir ? demanda-t-elle.

- À quoi t'attendais-tu ?

- Tu aurais pu me laisser vivre ma vie, sans t'en mêler.

- C'est une plaisanterie ?

- J'aurais pu m'en sortir, rencontrer des gens, vivre une vie paisible...

- Tu es partie du jour au lendemain, sans prévenir, sans un mot, sans une lettre, rien. Est-ce que tu t'imagines le sang d'encre que je me suis fait ? demanda-t-il en tapant du doigt sur la table. Tu n'es qu'une gamine immature et insolente qui se prend pour une adulte car elle a décidé de vivre sa vie toute seule.


Mihawk l'attaquait de front, elle s'attendait à des remontrances, mais ne pensait pas que ce serait aussi rapide.

- Alors quoi ? demanda-t-elle en levant légèrement le ton. Tu as préféré envoyé toute la Marine et les chasseurs de prime à mes trousses ? Et tu étais étonné qu'on ait voulu me faire du mal ?

- Je n'ai pas...

- Comment ? coupa-t-elle. Comment as-tu pu ne pas prendre cela en considération ?

- À quoi fais-tu allusion encore ?

- Tu as envoyé la Marine, les chasseurs de prime... Tous ces gens à ma recherche. Comment as-tu pu penser ne serait-ce qu'une seule seconde que personne ne me ferait du mal ?

- Je n'ai jamais...

- Jamais quoi ? Jamais quoi, Mihawk ?

- Tu mélanges tout, Noriko, soupira-t-il en se pincant l'arête du nez.

- Je mélange quoi exactement, de quoi est-ce que tu parles ?

- Tu es encore beaucoup trop jeune pour comprendre.

- Je ne suis plus une enfant, j'ai... J'ai vécu toute seule pendant trois ans, j'ai travaillé, j'ai gagné mon argent, j'ai voyagé, j'ai...

- Et cela fait de toi une adulte responsable ?

- Je me suis débrouillée toute seule ! insista-t-elle en se levant et en posant le plat de ses mains sur la table avant de se pencher vers lui. J'étais toute seule, Mihawk !

- À qui la faute ? demanda-t-il.

Noriko se redressa et resta sans voix.

- Assieds-toi.

Elle ne bougea pas.

- J'ai dit : assieds-toi.

Se laissant tomber lourdement sur sa chaise, elle crispa ses poings afin de contenir le tremblement de ses mains.

- Qui a décidé de faire une fugue ?

- C'est toi qui...

- Qui a décidé de faire une fugue ! ? répéta Mihawk en parlant plus fort qu'elle.

- Moi, admit-elle d'une petite voix. Mais là n'est pas la question, si tu n'avais pas fait faire ces avis de recherches, j'aurais pu rencontrer des gens... Des gens qui m'auraient aidée.

- Oh non, Noriko, ne t'avises pas de rejeter la faute sur moi. Tu es entièrement responsable de tes choix. Tu croyais que j'allais rester les bras croisés à attendre ton retour ? À attendre que tu te fasses tuer, qu'on retrouve ton corps quelque part ?

- Je m'en sortais très bien avant d'être recherchée !

- Vraiment ? As-tu utilisé tes pouvoirs, ne serait-ce qu'une seule fois ?

- Je...

- Dis-moi la vérité.

- Non, avoua-t-elle. Les fruits du démon sont uniques, je ne pouvais pas prendre le risque de me faire repérer. Je me contentais de fuir et de ne faire confiance à personne.

Un petit temps passa entre eux deux et Noriko osa poser les questions qui lui brûlaient les lèvres.

- Pourquoi les as-tu envoyés à ma recherche ? Pourquoi ne pas m'avoir laissé une chance ?

- J'étais fou de rage.

- C'est tout ? C'est ça, ton excuse ?

- Non. Tu ne peux pas comprendre.

- Alors explique-moi !

- Tu es trop jeune.

- Tu ne réponds jamais à mes questions.

- Ça suffit, tu sais très bien que je ne te dirai rien de plus.


Elle se passa une main sur ses yeux en haussant les sourcils, tentant de ne pas céder à sa colère. Une vague de tristesse s'abattît soudainement sur ses épaules.

- J'ai besoin de réponses, Mihawk. Sinon je repartirai. Je m'enfuirai de nouveau et je les trouverai moi-même.

- Tu veux vraiment jouer à ça ? ironisa son oncle. Tu veux vraiment te mesurer à moi ?

- Ce n'est pas... Bien sûr que non, mais je te jure que si je n'ai pas de réponse, je m'enfuirai. Par n'importe quel moyen.

Mihawk soupira de lassitude.

- Je n'ai pas envoyé tout ce monde à ta poursuite, pas à proprement parlé.

- Ils étaient au courant ! coupa-t-elle en tapant des poings sur la table, maîtrisant de moins en moins sa colère. Ils savaient pour mon tatouage, mes pouvoirs, ils savaient qui j'étais ! Arrête de me mentir !

- Calme-toi. Immédiatement. Ce n'est pas comme ça que les choses se sont déroulées.

- Alors comment !? Tu vas me faire croire que tu n'y es pour rien ?

- C'est beaucoup plus compliqué que ça, tu es loin de la vérité.

Noriko était abasourdie par tant d'inepties, elle avala sa salive, tentant de remettre de l'ordre dans son esprit et se prit la tête entre ses mains.

- Alors quoi ? maugréa-t-elle. C'est ma faute !?

- Qui a voulu partir ! ? s'énerva-t-il en haussant le ton. Qui s'est enfuie ?

- Tu m'aurais laissé partir si je t'avais demandé l'autorisation ?

- Bien sûr que non, tu étais beaucoup trop jeune !

- Et me laisseras-tu partir un jour ?

- Pas tant que je ne l'aurais pas décidé.

- Tu n'as pas le droit ! Tu ne peux pas me retenir ici toute ma vie !


Mihawk eut un rictus en serrant ses dents, partagé entre l'envie de la gifler et celle de casser tout ce qui était à sa portée de main. Il avait l'impression de rêver face à une telle insolence et une telle provocation.

- Je n'ai pas le « droit », as-tu dit ? Je t'ai élevée comme ma propre fille, tu te dois de m'obéir, tu n'es encore qu'une adolescente.

- Tu ne peux pas me garder ici éternellement !

- Tu veux que je te prouve que tu as tort ? demanda-t-il en se penchant vers elle.

Noriko sentit son sang ne faire qu'un tour, elle était au bord de la crise de nerf.

- Pourquoi as-tu mêlé la Marine à tout ça ? Tu as fait de moi une criminelle !

- Ce n'est pas ce qu'il s'est passé.

- Alors quoi !?

- Tu me fatigues, Noriko... Je ne peux pas te répondre, c'est compliqué et je te l'ai dit, tu es encore trop jeune pour comprendre.

Les yeux de la jeune fille se brouillèrent de larmes.

- C'est toujours la même réponse.

- Un jour, je t'expliquerai, mais pour le moment, tu dois être patiente et faire ce que je te dis.

Noriko s'enfonça dans sa chaise et se mit à ronger l'ongle d'un de ses pouces. Elle observa le grand salon, ce salon qu'elle détestait, lorsqu'une idée lui traversa l'esprit. Une idée qui la fit tressaillir.

- Es-tu réellement mon oncle ? demanda-t-elle dans un souffle sans le regarder.

- Pardon ?

Elle reporta son attention sur lui et le défia du regard.

- Je ne sais même pas d'où je viens, tu n'as jamais voulu me dire qui étaient mes parents, ou comment je suis arrivée ici... Tu t'es toujours présenté comme tel, pesta-t-elle en ancrant ses yeux dans les siens, tu as dit m'avoir recueillie lorsque j'avais trois ans.

- C'est la vérité.

- Quelle vérité ?

- Je t'ai recueillie, oui.

- Mais tu n'es pas mon oncle, devina-t-elle en serrant sa mâchoire.

Mihawk laissa passer un temps et poussa un petit soupir, tentant de faire retomber la tension.

- Non, admit-il.


Noriko sentit une partie de son cœur se briser par cette déclaration. Elle se sentait trahie. Elle prit une profonde inspiration, luttant contre les larmes qui lui montaient aux yeux ainsi que la colère noire qui menaçait d'exploser en elle.

- Alors, qui es-tu pour moi ? Pourquoi m'avoir élevée ?

- Je suis ton parrain.

Elle se redressa soudainement et ouvrit de grands yeux, laissant tomber ses bras le long de son corps.

- Mon parrain ? Mais... Pourquoi me l'avoir caché ? Je ne comprends pas.

- J'imagine que je te dois au moins ça, déclara-t-il en se massant les sourcils à l'aide de son pouce et de son majeur. Tu te souviens de ce que je te répondais quand tu me questionnais à propos de tes parents ?

- Que tu ne voulais pas en parler, rétorqua-t-elle d'un ton acerbe comme si elle récitait une réplique qu'elle connaissait depuis toujours, qu'ils étaient morts. Je ne vois pas le rapport avec notre relation et encore moins le rapport avec toute la Marine qui s'est lancée à ma poursuite.

- Exact, soupira-t-il.

Nouveau silence. La jeune fille attendit qu'il daigne parler tout en contrôlant les tremblements de ses mains. Un coude posé sur la table, le dos de son index posé sur sa lèvre inférieure, Mihawk fixait le vide, paraissant réfléchir sérieusement à la suite de cette conversation.

- Je ne veux plus que tu me poses des questions sur ton avis de recherche, commença-t-il en remarquant que Noriko se redressa d'un seul coup pour l'écouter. J'ai fait ce qu'il fallait faire et c'est tout, je n'ai pas à me justifier. En contrepartie, je te parlerai de ta mère. Entendu ?

- Ma mère ?

- Entendu ? répéta-t-il avec froideur.

Sa nièce y voyait un chantage grossier, elle n'avait pas vraiment le temps de réfléchir mais elle connaissait que trop bien le caractère et l'entêtement de Mihawk, alors elle obtempéra.

- Entendu.

- Je t'ai toujours dit qu'elle était morte peu après ta naissance.

- Oui, je sais.

- Elle est morte lorsque tu avais un an, je ne l'ai pas connue, et un jour, ton père est venu me voir, me suppliant de prendre soin de toi car il se savait incapable de t'élever. J'étais très occupé durant cette période avec mon statut de nouveau grand corsaire, alors je ne pouvais pas non plus. Il t'a donc placée dans un orphelinat en me faisant promettre de veiller sur toi à distance.

- Mais, attends... Mon père ? Je ne comprends rien, tu le connaissais si bien que ça pour qu'il te demande une telle chose ?

- Oui.

- C'était un ami à toi ?

- Pas exactement, c'est plus compliqué que ça.

- Tout est compliqué avec toi... Mihawk, je t'en conjure, j'ai besoin d'explications, implora-t-elle.

Il continua son récit, comme si elle ne l'avait pas interrompu.

- Ton orphelinat a été détruit un peu après tes trois ans, il ne pouvait toujours pas s'occuper de toi, alors que moi oui. Tu n'avais nulle part où aller, donc je suis venu te chercher.

- Pourquoi il ne pouvait pas ? se risqua-t-elle à demander sans même prendre la peine de penser à ce qu'il avait bien pu arriver à l'endroit où elle vivait à ce moment-là.

- Il avait et il a toujours des affaires à régler.

Noriko aurait juré que le sol s'était dérobé sous ses pieds. Elle se sentit devenir extrêmement pâle, sa tête vacilla, son ventre se contracta et elle dû lutter pour ne pas vomir. Ses lèvres bougèrent toutes seules sans laisser sortir le moindre son. Ses yeux devinrent de plus en plus rond et elle finit par enfin arriver à parler d'une voix blanche.

- « Il a » ? Tu... Tu es... Tu es en train de me dire qu'il est en vie ? se lamenta-t-elle dans un souffle presque inaudible.

- Oui.

- Mais... Comment ? Après tout ce temps... Tu me mens depuis toujours ?

- Je l'ai fait pour te protéger.


Des larmes coulèrent sur les joues de la jeune fille. Ses lèvres supérieurs se retroussèrent et elle secoua la tête de gauche à droite avant de froncer les sourcils.

- Pourquoi me le dire maintenant ?

- Je t'ai toujours dit que que tu étais trop jeune, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, j'estime que tu es assez âgée pour savoir au moins ça. J'avais prévu de te le dire.

Noriko encaissa l'information, mais se força à rester calme. L'heure n'était pas aux disputes mais aux réponses et elle en avait besoin. Elle essuya négligemment ses joues avec vigueur, son visage se referma et son regard devint aussi froid que celui qui se prétendait être son oncle.

- Qui est-il ? Qui est mon père ? demanda-t-elle d'un ton glacial.

- C'est une question à laquelle je ne peux pas te répondre.

- Comment s'appelle-t-il ? continua-t-elle avec l'intention de ne pas le laisser s'en tirer aussi facilement.

- Je ne te dirai pas son nom, Noriko.

- Pourquoi ?

- Pour une raison qui t'échapperait.

- Pourquoi ? elle répéta.

- Noriko, ne teste pas ma patience.

- Tu... Tu n'as pas le droit !

- Ah oui ? demanda-t-il en arquant un sourcil.

- C'est mon père Mihawk, j'ai le droit de savoir qui c'est !

Il leva une main vers elle pour la faire taire.

- Non. C'est peut-être ton père biologique, mais c'est tout. Je refuse catégoriquement de te parler de lui. Tu as désormais interdiction de poser la moindre question à ce sujet.

- Tu n'as le droit..., répéta-t-elle le menton tremblant.

Ses yeux allaient de droite à gauche à une grande vitesse, elle réfléchissait et perdait en même temps le fil de ses pensées.

- Où puis-je le trouver ?

Il leva lentement un doigt menaçant vers elle.

- Noriko, arrête. Je viens de t'interdir de me poser des questions sur lui, ne me fais pas répéter.

- Tu crois que je vais me contenter de ça !?

- C'est un pirate, soupira-t-il. Qu'est-ce que ça change ?

La jeune fille cligna plusieurs fois des yeux, elle n'arrivait désormais plus à réfléchir et finit par secouer sa tête, ne comprenant plus rien.

- Et... Et alors ? On s'en moque, non ? Il y en a des centaines de milliers sur cette mer.

- Si les gens apprenaient ton existence, ce serait catastrophique. Ton père est un grand pirate recherché par la Marine.

- Tous les pirates sont recherchés. Qui est-il ?

- Je ne peux pas te répondre.

Noriko se mordit la lèvre inférieure.

- Dis-moi au moins à quoi il ressemble.

- Si ça peut t'aider, il possède une grosse cicatrice, lâcha-t-il avec lassitude.

- Quoi d'autre ?

- Vous possédez le même tatouage et le même collier. C'est tout ce que je peux te dire, je suis désolé.

- Tu es désolé ? Tu te moques de moi ? Es-tu encore en contact avec lui ?

- Non, se contenta-t-il de répondre.

- Tu ne me diras rien de plus, c'est ça ?

- C'est ça.


Intérieurement, la jeune fille fulminait, mais savait pertinemment que Mihawk ne lâcherait pas un mot supplémentaire. Elle avait envie de pleurer, de crier, et voulait même lui sauter à la gorge. Elle se frotta les tempes, essayant de garder les idées claires.

- Pourquoi ce serait catastrophique ?

- Noriko...

- Pourquoi ? insista-t-elle.

- Arrête, je ne te dirai rien de plus.

- C'est injuste.

- Non, j'ai mes raisons, tu le comprendras plus tard.

Elle se passa une main dans les cheveux et poussa un profond soupir de mécontentement. Sa jambe commença à tressauter toute seule, signe qu'elle devenait impatiente.

- Peux-tu au moins me dire pourquoi tu te fais passer pour mon oncle ?

- Je suis devenu un des grands corsaires, je savais qu'en créant un lien de parenté, tu serais en sécurité. Et... Je voulais que tu me fasses confiance quand je t'ai recueillie.

- Tu as conscience que cette confiance n'est plus d'actualité ? ironisa-t-elle.

- J'en ai conscience, oui.

Elle laissa passer un petit temps, tentant de réprimer sa colère du mieux qu'elle pouvait et leva les yeux aux ciel.

- Et donc, nous n'avons pas le même sang ?

- Oui et non.

- Je ne comprends rien, râla-t-elle en grattant la table avec nervosité.

- Tu devais avoir cinq ans à l'époque. Tu es tombée gravement malade.


La colère bouillonnait de plus en plus en elle, menaçant d'exploser à n'importe quel moment. Elle haussa les épaules, ne sachant même plus si elle devait croire le moindre mot qui sortait de la bouche de son interlocuteur.

- Je ne m'en souviens pas.

- C'est normal, tu étais très faible et tu dormais beaucoup. Je t'ai fait voir plusieurs médecins et ils ont découvert que c'était ton sang qui était malade.

- Mon sang ? s'étonna-t-elle.

- Oui, tu as subi une opération délicate, ils n'étaient même pas sûrs de pouvoir te sauver.

- Qu... Quelle genre d'opération ?

- Il a fallu drainer ton sang, t'en retirer la totalité et le filtrer, tu étais branchée à deux appareils en même temps... À l'heure actuelle, je ne sais toujours pas comment c'était possible, expliqua-t-il en se frottant les yeux à l'aide de son pouce et de son index.

- Quel est le rapport avec ton sang à toi ?

- Un corps adulte en possède environ cinq litres comparé à un enfant qui n'en possède que trois à peu près. Tu étais encore très faible et tu n'aurais pas survécu. On n'a pas pu te soigner entièrement, alors il a fallu te faire une transfusion.

- Une transfusion venant de toi.

- Oui. Au final, ils t'ont entièrement vidé de ton sang pour te donner le mien. Ça peut paraître surréaliste et j'ai toujours du mal à le croire, mais ça t'a sauvé la vie.

Noriko fronça les sourcils, elle était perplexe.

- Tu n'aurais pas pu survivre avec aussi peu de sang.

Mihawk ne put réprimer un sourire.

- Tu me crois aussi faible ?

- Est-ce que... À l'heure actuelle, ton sang coule-t-il dans mes veines ? demanda-t-elle sans réagir à la remarque du grand corsaire.

- Non. Tes cellules ont repris le dessus.

- Mais c'est impossible, c'est scientifiquement impossible.

- Les médecins n'ont jamais pu donner de réponse. On n'a jamais su ce qu'il s'était passé et on ne le saura jamais. C'est sans importance, tu es en bonne santé aujourd'hui, c'est tout ce qui compte.

- Je suppose que tu raison, mais...

- Ôte-toi toute question de la tête, c'est du passé, trancha-t-il.

- C'est facile à dire, bougonna-t-elle.

- Tu dois te concentrer sur ton futur.

Elle ancra un regard froid dans le sien.

- Et quel est mon futur, Mihawk ?

- Pour commencer, nous allons reprendre les entraînements.

Abasourdie, Noriko n'en crut pas ses oreilles.

- P... Pardon ?

- Tu as très bien entendu.

- Tu te fiches de moi ?

- Ne me parle pas sur ce ton.

- Tu te fiches de moi ! ? s'écria-t-elle en se levant.

- Noriko, calme-toi, prévint-il d'un ton menaçant.

- Je viens à peine de rentrer que tu veux déjà m'infliger tout ce qui m'a fait fuir ! ?

- Ça suffit, je ne te laisse pas le choix. Tu t'es suffisamment reposée, tu dois apprendre à te servir de ton pouvoir.

- Jamais, tu m'entends !? hurla-t-elle en se penchant vers lui afin d'être sûre qu'il imprègne sa décision.

Loin d'être impressionné, le grand corsaire la regarda avec dédain.

- C'est ce que nous verrons. Tu dois être fatiguée et je pense qu'en effet tu n'as même pas d'appétit. Tu peux te retirer, conclut-il en reprenant son journal.

Furieuse, et sans se faire prier, Noriko pesta de colère, les larmes inondant ses joues, puis tourna les talons et courut s'enfermer dans sa chambre en claquant la porte. Une fois seule, elle poussa un hurlement de rage en agrippant ses cheveux, manquant de ses les arracher. Elle ouvrit sa fenêtre et explosa de fureur, faisant apparaître un immense torrent d'eau qui alla s'écraser dans la forêt qui bordait le château, arrachant plusieurs arbres au passage.


    Durant les six prochains mois qui suivirent cette dispute, Mihawk levait Noriko aux aurores six jours sur sept et la forçait à s'entraîner à l'extérieur afin de renforcer ses muscles et au combat en corps à corps pour lui apprendre à se battre et surtout à se défendre. La jeune fille était insupportable et passait son temps à être insolente, refusant d'obéir à son parrain la plupart du temps. Les journées se terminaient toujours en larmes pour elle, en colère pour lui et en dispute pour eux.


    Pendant tout ce temps, elle n'avait pas utilisé ses pouvoirs, refusant de manipuler l'eau. Mihawk avait tenté de lui expliquer que c'était pour son bien, qu'elle se devait d'être forte et d'être capable d'affronter le monde extérieur, mais de son côté, Noriko argumentait en lui balançant à la figure que s'il n'avait pas l'intention de la laisser partir, elle ne voyait pas l'intérêt de savoir se défendre. Les conversations menaient rarement à un accord et ils finissaient toujours par se disputer, encore et encore. Un jour, à bout de patience, Mihawk l'avait même menacée de la jeter à la mer si elle continuait à être aussi têtue et Noriko avait été prise d'un rire nerveux face à l'absurdité de la situation. Lorsqu'ils n'étaient pas en train de se quereller, il leur arrivait de ne pas s'adresser la parole pendant plusieurs jours.


    Cette cohabitation pénible faisait partie du plan de Noriko. Si elle se montrait coopérative, elle savait qu'elle éveillerait les soupçons de Mihawk, aussi, elle se contenta de faire exprès de le provoquer afin de faire baisser sa garde. Loin d'être stupide, la jeune fille savait pertinemment qu'il n'était pourtant pas dupe et que si elle était trop calme et obéissante, il finirait par avoir des soupçons. Elle devait se montrer patiente, car elle avait décidé de passer plusieurs mois avec lui avec qu'une seule idée en tête : s'enfuir. Voilà quelle était sa vraie raison et sa véritable motivation.


    Lorsqu'elle était seule dans sa chambre, Noriko s'entraînait sans relâche, répétant les gestes de défense qu'elle faisait semblant de ne pas apprendre durant la journée. Une nuit, elle s'était faufilée dans le bureau de Mihawk où elle avait interdiction d'aller et lui avait volé de l'argent. Très peu pour ne pas éveiller ses soupçons, mais suffisamment pour survivre quelques jours. Un soir, elle avait rejoint le grand salon sur la pointe des pieds et s'était dirigée vers la cheminée, puis avait sorti de sa poche une bouteille en verre et y avait versé de la cendre à l'intérieur, se procurant un stock suffisant pour masquer ses cheveux. Au fur et à mesure que son départ approchait, elle sentait que son cœur battait de plus en plus fort et de plus en plus vite. Elle en ressentait de la peur mélangée à de l'excitation.


    C'est lors d'une nuit venteuse qu'elle passa à l'action. Alors que ses disputes avec Mihawk étaient devenus une partie de leur quotidien, Noriko le provoqua une fois de plus avant de partir s'enfermer dans sa chambre. Une fois seule, elle attrapa le sac qui était sous son lit et se dirigea vers son balcon. Lorsqu'elle fut dehors, elle regarda par-dessus la rambarde et se pencha. Une sensation de peur l'envahie lorsqu'elle regarda dans le vide et elle secoua la tête pour se concentrer. Elle l'avait fait des milliers de fois en sautant d'un arbre, se jeter dans le vide était là même chose quelque soit la hauteur. Sentant que son courage était en train de la quitter, Noriko se tapota les joues, puis monta sur la rambarde. Sans réfléchir une seconde de plus, elle fit un pas en avant et se laissa tomber dans le vide.


    Alors qu'elle tombait, la vitesse du vent dû à sa chute lui giflait le visage et elle luttait pour garder les yeux ouverts. Rapidement, elle ouvrit sa main, se concentra et envoya une énorme bulle d'eau à quelques mètres du sol. Elle ferma les yeux et se mit à espérer, c'était quitte ou double. Un immense soulagement l'envahie lorsqu'elle sentit l'eau la recouvrir, lui confirmant qu'elle avait réussi sa manœuvre. Retenant sa respiration, Noriko flottait dans l'eau à deux mètres du sol. Elle se laissa couler, sentant l'eau remonter le long de son corps, puis un geste habile des doigts, la fit évaporer vers les nuages. Regardant l'eau dans le ciel, elle fut charmée par un tel exploit mais redescendit soudainement sur terre au sens propre du terme. En effet, l'eau ayant disparu, Noriko se trouvait dans les airs et se rappela trop tard d'un effet qu'on l'on appelait « la gravité ». Elle tomba lourdement de tout son long, évitant par miracle les rochers et roula dans la terre avant d'atterrir dans un buisson. Elle se releva en gémissant de douleur, tentant de se dépêtrer des ronces qui accrochaient ses vêtements et sa peau tout en pestant contre sa stupidité. Après avoir vérifié que son sac était toujours sur elle, elle s'épousseta avant de partir en courant, tout en essayant de contrôler le fou rire qu'elle venait d'attraper malgré elle à cause de sa chute.


    Courant à travers la forêt aussi vite que possible et entendant vaguement les baboons éveillés qui s'enfuyaient à son approche, elle réussit à atteindre le rivage complètement essoufflée. Sans perdre de temps, elle sauta à bord du petit navire à voile de Mihawk et détacha les amarres. Comme convenu, le vent lui était favorable et c'est sans un regard en arrière qu'elle mit rapidement le cap en direction de l'horizon, priant silencieusement de ne pas faire de mauvaises rencontres lors de son voyage sur Grand Line. Son père était en vie, quelque part et elle comptait bien le retrouver.

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