Noriko
La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Noriko se réveilla en sursaut. Des voix et des bruits de pas... La chaleur de la saison l'obligeait à dormir la fenêtre ouverte et elle remercia le ciel d'avoir entendu ce qui se tramait dehors : plusieurs personnes étaient en train de se rapprocher de la petite maison où elle vivait depuis quelques mois. Cette maison qui surplombait un lac, cachée dans une sombre forêt de sapins et qui était à une heure de marche du village le plus proche, cette maison vide qui avait été abandonnée depuis des mois après la mort de son propriétaire et où elle avait décidé de s'installer, cette maison qu'elle avait réussi à aménager, se contentant d'un minimum de confort afin de pallier à sa survie. Cet endroit qui était devenu son foyer était si petit qu'il ne contenait que deux pièces : la première se composait à la fois d'un fauteuil, d'une table ronde avec deux chaises, d'une cuisine aménagée et dans un coin, un lit pouvant accueillir deux personnes. Dans la deuxième pièce se trouvait tout simplement la salle de bain.
Noriko avait essayé de trouver du travail afin d'avoir un peu d'argent pour acheter des vivres et ainsi subvenir à ses besoins, mais devait se contenter de faire du bénévolat en échanges de quelques vivres. Cela lui suffisait amplement. Tous les trois jours, elle se teignait les cheveux en noir à l'aide de charbon et de cendres, puis descendait au village pour proposer son aide à qui le voulait. Lorsqu'elle était arrivée après un an de fuite, elle avait été soulagée de ne trouver que des gens accueillants et bienveillants, mais surtout, aucune trace de la Marine, ni de criminalité. Grand Line était grande et vaste et elle avait finit par atterrir sur cette île. Le maire et chef du village qui était loin d'être méfiant l'avait pris sous son aile et voyant la bonne volonté et la gentillesse qu'elle incarnait, lui avait fait part d'une maison abandonnée qui se situait au nord, à une heure de marche. Il lui avait signalé que le propriétaire des lieux, à cause de son âge avancé, était allé finir ses jours en mer. Il l'avait également prévenue que la maison bien que moderne, était délabrée et vétuste. Noriko s'en moquait et s'était déterminée à faire ce qu'il fallait pour avoir un confort de vie tout à fait convenable. En arrivant sur les lieux, elle avait constaté que le maire avait exagéré ses propos et trouvait la petite maison à son goût. Pour la première fois, elle s'était sentie chez elle et apaisée.
Sa tranquillité n'avait malheureusement pas duré plus de six mois et c'est par une nuit sans lune qu'elle dû sauter par la fenêtre de sa maison, afin de s'enfuir en courant le plus silencieusement possible. Elle n'avait plus entendu parler de Mihawk depuis sa deuxième fugue, mais comprit très rapidement que les personnes qui s'approchaient de chez elle en pleine nuit lui voulait du mal. Habillée d'un petit short en coton noir ainsi que d'un débardeur de la même couleur et ayant pris ce qu'elle pouvait, elle détala aussi vite que lui permettaient ses pieds nus, sans savoir où elle allait. Dans sa main, elle tenait ses bottes et ne prit le temps de les enfiler que quelques dizaines de mètres plus loin, cachée derrière un arbre. Autour de son cou, elle avait mis son bandeau et se dépêcha de l'enrouler autour de son tatouage. Sachant pertinemment que la couleur de ses cheveux serait suffisante pour la trahir, elle n'avait malheureusement pas eu le temps de prendre quoi que ce soit pour les cacher. Ils lui arrivaient désormais au milieu de la taille et elle se maudit de les avoir laissés pousser. Encore à l'arrêt, elle en profita pour reprendre son souffle et tendre l'oreille. Complètement aveuglée par la noirceur de la nuit, elle se dirigea à tâtons vers ce qui lui semblait être le lac. En le longeant, elle arriverait à trouver le chemin qui la mènerait vers le village, même si c'était prendre le risque de ne plus être camouflée par les arbres, elle n'avait pas le choix, elle ne devait surtout pas se perdre dans la forêt et encore moins se tordre la cheville sur une racine ou tomber sur la tête. Elle avait songé à grimper au sommet d'un arbre, mais les troncs étaient si larges et les premières branches si hautes qu'il lui était impossible d'avoir une prise solide.
Des cris résonnèrent à ses oreilles, elle ne savait pas à combien s'élevait le nombre de ses poursuivants, mais pouvait dire avec certitude qu'ils avaient pénétré à l'intérieur de sa maison et étaient énervés de l'avoir trouvée vide. Elle les entendit sortir en trombe immédiatement et peu de temps après, un faisceau lumineux la manqua de justesse. Elle eut le réflexe de se jeter à plat ventre au sol afin de ramper en toute discrétion. Alors qu'elle tentait de faire le moins de bruit possible, une branche craqua bruyamment sous son poids, attirant l'attention sur elle.
- Elle est là! cria quelqu'un.
Noriko se releva et s'enfuit en courant, jetant par dessus son épaule une bulle d'eau dans l'espoir de ralentir ses poursuivants. Elle avait à peine parcouru vingt mètres lorsqu'elle tomba nez à nez avec un homme.
- Je l'ai! cria-t-il.
Il se jeta sur elle sans attendre et la jeune fille l'esquiva au dernier moment, puis se servant de ses techniques de combat défensif, l'attrapa par l'épaule et le poussa par dessus sa jambe afin de le mettre à terre. Sans prendre le temps d'écouter les insultes à son encontre, elle reprit sa course, hors d'haleine, esquivant dangereusement les faisceaux lumineux qui la traquaient. Elle fut soudainement plaquée au sol par un autre homme qui lui avait foncé dessus en la poussant sur le flanc. Ils roulèrent tous les deux dans la terre et il réussit à se placer au dessus d'elle. Elle se débattit et lui griffa le visage avant que son bras soit immobilisé. Le poing de son ennemi la frappa au visage et elle poussa un cri de douleur. Remontant son genou, elle arriva à le repousser et à se dégager, avant de l'éjecter quelques mètres plus loin à l'aide d'une bulle d'eau. Elle roula sur son ventre et se releva en titubant, puis se rendit compte qu'elle était au bord d'une petite falaise qui surplombait le lac. Son agresseur, qui s'était remis plus rapidement que prévu de son attaque se tenait déjà derrière elle et en profita pour la frapper à l'arrière de la tête à l'aide d'une pierre qu'il avait ramassée, ce qui la fit tomber en avant. Perdant l'équilibre, elle bascula de son tout son long, se prit des buissons, roula dans des fougères et finit par atterrir dans l'eau. Son pied heurta violemment un rocher qui elle sentit sa cheville se tordre en un angle anormal, ce qui lui arracha un cri de douleur. Sentant ses forces la quitter et sa tête tourner, elle se redressa péniblement et constata avec miracle que le lac n'était pas profond à ce niveau et que l'eau lui arrivait à la taille. Sans perdre de temps et ignorant la douleur insupportable qui lui lancinait la cheville, elle se dépêcha de sortir silencieusement, tout en restant cachée sous les fougères. L'homme qui l'avait frappée criait des injures confirmant qu'il avait perdu sa trace.
Elle boita longuement, profitant du clapotis de l'eau qui étouffait le bruit qu'elle pouvait produire, se baissant au maximum, tout en gardant la tête hors de l'eau, elle se sentait de plus en plus fatiguée. Son mal de crâne la faisait souffrir et sa vision commença à se troubler. Sentant la panique l'envahir, elle luttait pour ne pas s'évanouir. Elle posa une main à l'endroit où elle avait reçu le coup et sentit sa main devenir chaude au contact du sang. Son thorax commença à se soulever de plus en plus vite et malgré la chaleur de la nuit, elle se rendit compte qu'elle grelottait et était frigorifiée. Noriko s'essuya le visage et continuait d'avancer, sans être sûre de la direction qu'elle prenait. Au loin derrière elle, elle entendit des voix et aperçut les faisceaux lumineux qui balayaient la forêt. Ne pouvant plus poser son pied, elle continuait encore son périple, crachant l'eau qui s'infiltrait dans sa bouche et se servant de la force ses bras pour attraper le fond du lac afin de ramper le plus vite possible. Il fallait qu'elle garde son sang froid.
La forêt était de moins en moins sombre et pour cause, le ciel commençait à pâlir et à se teinter de rose, l'aube pointait à l'horizon, ce qui lui permettrait de mieux voir, mais malheureusement, de se faire repérer plus facilement. Atteignant enfin une des rives du lac qui était plate, elle se hissa en puisant dans ses dernières forces puis rampa hors de l'eau, à bout de souffle et grimaçant de douleur.
- Je la vois! hurla quelqu'un, dépêchez-vous, elle va nous échapper!
Noriko avait du mal à respirer, l'eau l'avait affaiblie, son mal de crâne était de plus en plus intense, lui faisant redouter un traumatisme crânien et la sensation à sa cheville lui faisait penser qu'elle avait déjà doublé de volume, indiquant une potentielle fracture. Continuant à ramper, elle tendit son bras au-dessus de sa tête afin d'atteindre une prise. Elle chercha une branche, une racine ou même une pierre qui pourrait l'aider. Son cœur s'arrêta soudainement de battre, ses doigts venaient de se refermer sur une botte. Au moment où elle entendit ses assaillants se précipiter vers elle en longeant le lac, elle redressa rapidement sa tête et se trouva face à face avec un homme. Le souffle court, elle n'arriva plus à prononcer le moindre mot, se savait incapable de marcher et comprit qu'elle allait de nouveau être capturée.
L'homme qui semblait assez jeune la fixait sévèrement, les sourcils froncés, il semblait soucieux. Sans un mot, il se contenta d'enjamber Noriko, marcher le long du lac sur quelques mètres et de se placer sur la trajectoire de ses poursuivants. La vision de la jeune fille était de plus en plus trouble et les sons qui l'entouraient de plus en plus faibles. Elle lutta pour se mettre sur le côté pour regarder par-dessus son épaule, incapable de dire ce qu'il se passait devant ses yeux. Une lumière vive s'éleva soudainement dans les airs et elle sentit une immense vague de chaleur l'envahir, elle aurait juré apercevoir un feu géant. Des bruits sourds qui ressemblaient à des cris de souffrance et de douleur lui parvinrent aux oreilles, ainsi qu'une odeur de chair brûlée. Déstabilisée, Noriko divaguait de plus en plus, il lui sembla distinguer une silhouette qui s'approchait dangereusement d'elle, puis plus rien. L'esprit embrouillée, la tête menaçant d'exploser, elle venait de tourner de l'œil.
Noriko se réveilla en sursaut et se redressa soudainement, ce qui lui valut de manquer de s'évanouir de nouveau. Après avoir rapidement remarqué qu'elle était toujours habillée de la même manière que lors de sa fuite, elle mit immédiatement une main à l'arrière de son crâne et grimaça de douleur. Elle ne saignait plus et constata qu'elle avait environ deux points de suture : quelqu'un l'avait soignée. Sa main passa de l'arrière de sa tête jusqu'à son œil, il était très douloureux et elle était persuadée qu'il était déjà au beurre noir. Suite à cela, elle remarqua de façon perplexe qu'elle était assise dans son lit, se demandant comment elle avait atterri là et combien de temps s'était écoulé depuis son évanouissement. Elle voulut bouger ses jambes, mais la douleur qui lui explosa brutalement dans la cheville la ramena durement à la réalité et la fit se souvenir de la blessure infligée durant sa course. Elle se passa délicatement une main sur les yeux et tiqua soudainement face à un détail très important.
Ressentant un élan de panique, elle attrapa son avant-bras et constata avec stupeur et horreur que son bandeau avait disparu, laissant son tatouage visible.
- C'est ça que tu cherches? demanda une voix.
Noriko sursauta et sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle redressa la tête et constata qu'un jeune homme était assis à la table ronde, s'amusant à faire tourner son bandeau de couleur bleu autour de son doigt. Le sang de la jeune fille se figea.
- Je me suis permis de le retirer, je croyais que tu étais blessée, continua le garçon.
- Qui es-tu? demanda froidement Noriko avec grande méfiance, prête à lui envoyer une bulle d'eau dessus.
- Je m'appelle Ace, sourit-il.
La jeune femme l'observa longuement. Torse nu, le jeune intrus arborait une musculature impressionnante ce qui la fit comprendre qu'elle ne serait pas de taille à lutter contre lui, surtout avec une cheville en moins. Un collier à perles rouges décorait son cou et deux bracelets similaires ornaient chacun de ses poignets. Accoudé nonchalamment au dossier de la chaise sur laquelle il était assis à califourchon à l'envers, un chapeau orange y avait été accroché et un sac de voyage gisait au sol à côté de ses pieds.
- Ce sont des bottes de la Marine, non?
Ne s'attendant pas à cette question, elle fut prise au dépourvu et fronça les sourcils, puis remarqua que les yeux d'Ace étaient rivés sur les chaussures trainant au pied du lit. Il avait dû les lui enlever avant ou après l'avoir couchée.
- Heu non, mentit-elle. Non, ce sont juste des bottes.
Il ne parut pas la croire, mais elle s'en moquait.
- Tu es Noriko, n'est-ce pas?
La jeune fille concernée ouvrit la bouche sans pouvoir émettre le moindre son, tentant de masquer la panique qui commençait à prendre possession de son corps.
- Je t'ai reconnue à ton collier et à tes cheveux blancs, et ton tatouage me l'a confirmé.
Elle baissa les yeux vers sa poitrine et aperçut sa croix qui était visible, la rangeant aussitôt. Le cœur battant à tout rompre, elle serra les poings, tentant de garder son calme.
- Ne t'en fais pas, je me moque de ta prime, si j'avais voulu te livrer, je l'aurais déjà fait, s'amusa-t-il en se frottant le coin d'un œil à l'aide du bout de son annulaire.
- Qu'est-ce tu me veux? coupa-t-elle avec hargne. C'est toi qui m'a aidée, pas vrai?
- Oui, tu semblais en avoir besoin et je passais par là.
- À cette heure de la journée?
- Je cherchais quelqu'un, précisa-t-il.
- Qui?
Il lui lança son bandeau qu'elle s'empressa de remettre.
- Pas toi, si ça peut te rassurer. Tu n'as pas à le porter, je sais qui tu es, précisa-t-il en le pointant du menton.
- Je préfère le garder, merci.
- Ceux d'hier sont partis.
Elle tressaillit, comprenant qu'il parlait des hommes qui la pourchassaient.
- Comment ça « partis »? Tu les as combattus?
- Non, seulement donné une bonne correction, ils ne sont pas prêts de revenir.
- Je vois...
- Ça t'ennuie?
- Non. Si j'avais pu, je l'aurais fait moi-même.
- Qu'est-ce qui t'en as empêché? Je crois savoir que tu maitrises un fruit du démon.
- J'en ai un, répondit-elle en détournant le regard vers la fenêtre, mais je ne le maîtrise pas, cette rumeur est fausse.
Il parut d'abord étonné, puis dubitatif.
- Donc, tu n'es pas aussi dangereuse qu'on le pourrait le croire?
- Pas que je sache, avoua-t-elle en baissant les yeux. Ça ne change rien de toute manière...
- Je vois. Tu peux prendre le cachet qui est à tes côtés, c'est un anti-douleur que j'avais dans mon sac, indiqua-t-il pour changer de sujet.
La jeune fille tourna la tête vers sa petite table de nuit et y découvrit en effet un cachet, posé à côté d'un verre d'eau. Elle sentit son sang ne faire qu'un seul tour, et serra ses poings de colère, se souvenant parfaitement de la dernière fois où elle avait été droguée.
- Tu n'en veux pas? lui demanda-t-il soucieux.
- Non merci, peut être plus tard, répondit-elle d'un ton sec.
Un petit silence s'installa entre eux. Ace l'observa se toucher l'oeil et faire une grimace.
- Tu as un coquard. Je suis désolé, je ne savais pas comment le soigner.
- Ce n'est rien, j'ai juste été frappée hier, ça passera, j'ai l'habitude.
Un infime voile de tristesse passa dans les yeux d'Ace qui hocha la tête en silence, puis il se mit soudainement à fouiller son sac pour en ressortir un papier qu'il vint lui apporter près d'elle. Par peur, elle tenta de se reculer mais sa cheville la lança immédiatement, la faisant gémir de douleur.
- Je ne te ferai pas de mal, tu sais? Tu ne devrais pas bouger, tu t'es salement foulé la cheville.
- Je vais bien, mentit-elle, mais garde tes distances.
- Je ne m'approcherai pas plus, se défendit-il en restant debout près du lit.
- C'est quoi ce papier? demanda-t-elle en regardant sur sa couette sans prendre la peine de masquer son agacement.
Elle répondit à sa propre question en constatant que c'était un avis de recherche partiellement déchiré, rendant le nom et la prime impossible à lire. L'image représentait le jeune homme qui était en face d'elle, son chapeau sur la tête debout et souriant, comme s'il discutait avec quelqu'un et que la photo avait dérobé ce moment.
- C'est moi. Je suis recherché aussi, comme tu peux le constater. Je voulait seulement te prouver que je ne risquais pas de te dénoncer.
- Pourquoi le gardes-tu sur toi?
- Je ne sais plus, je l'avais arraché d'un mur je crois, tu peux le garder si tu veux.
- Je n'en vois pas l'utilité, marmonna-t-elle en arquant un sourcil.
- Hmm, c'est vrai, admit-il un peu confus en reprenant son affiche.
Il resta planté près d'elle sans bouger, regardant ce qu'il tenait entre les mains. La jeune fille se demanda combien de temps il comptait rester dans cette position, le visage caché derrière ce bout de papier. Elle leva les yeux aux ciel et tenta une esquive pour le faire partir.
- Je te remercie de m'avoir aidée, mais je vais bien maintenant, tu n'es pas obliger de rester là, interpella Noriko pour le ramener à la réalité.
- Tu mens très mal, lâcha-t-il sans poser son avis de recherche.
La jeune fille parut sidérée par cette remarque.
- Je te demande pardon?
- Tu permets que je soulève ta couette? demanda-t-il soudainement en froissant l'affiche dans ses mains avant de la balancer vers son sac.
- Ex... Excuse-moi!? s'offusqua la jeune fille qui fut immédiatement envahie par la colère et la panique en remontant sa couverture sur sa poitrine avant de la presser contre elle.
- Je veux seulement regarder ta cheville, voyons.
Elle prit du temps à faire monter cette information jusqu'à son cerveau et se rendit compte qu'elle avait exagéré sa réaction. Il fallait qu'elle se calme, vu son état, elle n'était pas en capacité de se défendre et pour le moment, il ne fallait pas contrarier cet invité indésirable.
- Oh... Non, non, inutile, je vais bien. Je préfère que tu évites de t'approcher.
- Je t'ai portée jusqu'ici et je t'ai soignée, je pense que tu peux me faire confiance.
- Je ne fais confiance à personne.
Ace laissa passer un petit silence, puis la détailla de haut en bas, ce qui agaça la jeune fille.
- Depuis combien de temps es-tu seule?
- J'ai perdu le décompte. Et puis, ça te regarde pas.
- Écoute, je veux seulement t'aider.
- Mais pourquoi? demanda-t-elle en haussant le ton.
- Parce que tu en as besoin. Je ne te ferai pas de mal, je te le promets.
- Des promesses, j'en ai entendus des tas...
Il mit ses mains derrière son dos et la regarda gentiment.
- Est-ce que tu veux bien soulever ta couette? Je ne te toucherai pas, je veux seulement jeter un coup d'œil à ta cheville.
Noriko comprit qu'il ne la lâcherait pas et obtempéra en soupirant. Elle attrapa sa couette avant de la lever et découvrit partiellement sa jambe afin de montrer son pied tout en lâchant un rictus de douleur, surprise de découvrir un pansement qui ornait sa cheville. Sans bouger ses mains, Ace se pencha longuement vers elle et l'observa.
- Je ne vois pas grand chose avec le bandage, mais ça a l'air d'être encore plus gonflé que ce matin. Tu devras rester alitée pendant quelques temps.
- Je survivrai, je peux très bien me déplacer sur une seule jambe.
- Je pense que tu ne mesures pas l'ampleur de ta situation.
- N'insiste pas, s'il-te-plaît.
- D'accord, dit-il tout simplement en retournant s'asseoir.
Noriko poussa un petit cri d'exclamation involontaire en voyant son dos et plaqua aussitôt sa main sur sa bouche.
- Qu'y a-t-il? demanda Ace en se retournant. Tu es toute pâle.
- Ton... Ton dos... C'est ... L'emblème que tu portes, c'est celui de Barbe Blanche je le reconnais.
- Oui, je fais partie de son équipage, mais nous ne sommes pas intéressés par l'argent si c'est ce qui t'inquiète.
- Bien sûr, des pirates pas intéressés par l'argent, on aura tout entendu.
- Mais puisque que je te dis que je me moque de ta prime, répéta-t-il d'un ton las en écartant les bras.
Elle le fusilla du regard.
- Et tu vas continuer à me faire croire que tu es tombé sur moi par hasard?
- Et oui, c'est un hasard, soupira-t-il. Je ne sais pas comment les autres t'ont retrouvée, mais moi, j'ignorais que tu étais là.
- Pourtant tu me connaissais.
- J'avais déjà entendu parlé de toi oui, mais sans plus. C'est ceux d'hier qui m'ont tout dit.
- Comment ça? Tu disais m'avoir reconnue avec mon collier, la couleur de mes cheveux et...
Ace leva une main devant lui pour l'inciter à la calmer et à l'écouter.
- Je leur ai fait comprendre qu'ils étaient lâches de s'en prendre à quelqu'un sans défense, ils se sont justifiés en me donnant ton identité, que tu étais dangereuse bla-bla-bla, ils m'ont prévenu qu'ils allaient me tuer pour ne pas avoir à partager ta récompense, et encore du bla-bla-bla, ça ne m'intéressait pas, ils m'ont attaqué et je me suis défendu. C'est vrai qu'en temps normal, je ne t'aurais pas reconnue, mais avec ce qu'ils m'ont dit, je me suis rendu compte que c'était bien toi, je ne t'ai pas menti.
- C'est tout? demanda-t-elle d'un air méfiant.
- Comment ça, « c'est tout »?
- Tu t'es défendu et ils sont partis?
- Bon d'accord, il est possible que je me sois un peu emballé, admit-il gêné.
- Il reviendront, murmura-t-elle.
- Je t'assure que non.
- Ils m'ont retrouvée, ils ont dû suivre la piste depuis le dernier endroit où j'ai été aperçue, les rumeurs vont vite dans ce monde...
- Ils ne reviendront pas.
Elle leva ses yeux vers lui, réfléchissant à toute vitesse, l'esprit complètement embrouillé.
- Qui es-tu réellement?
Il haussa les épaules avec un large sourire.
- Ace.
- Tu vois très bien ce que je veux dire, s'agaça-t-elle, quel est ton lien avec Barbe Blanche? Je doute que tu ne sois qu'un simple mousse, tu ne te baladerais pas tout seul comme ça.
- Je suis le commandement de sa seconde flotte, répondit-il avec franchise.
Elle écarquilla les yeux, soudainement frappée par une évidence que son mal de tête évitait soigneusement jusque là.
- Tu es Ace aux poings ardent, souffla-t-elle. Je n'ai pas rêvé hier, tu as utilisé le feu.
- C'est bien moi, confirma-t-il en faisant apparaître une flamme dans sa main.
Noriko attrapa son collier par réflexe à travers son haut, ce qui n'échappa pas à son interlocuteur.
- Tu as peur du feu?
- Non. C'est juste que... Ça ne te regarde pas, reprit-elle de nouveau sur la défensive.
- Je t'ai dit qui j'étais et je t'ai sauvé la vie, tu peux au moins me donner la relation que tu as avec le feu. Tu connais la mienne après tout, sourit-il.
- C'est du chantage, ça.
Ace attendit sagement, jusqu'à ce que la jeune fille lève les aux ciel et finisse par parler.
- Je suis faite d'eau, je me transforme en vapeur à son contact.
- Ça peut paraître bête, mais comment t'en es-tu rendue compte?
- J'en ai fait l'expérience quand j'étais petite. C'est extrêmement douloureux... Une douleur à la limite du supportable, comme si... Comme si ta peau fondait.
Elle regardait dans le vague, surmontant sans doute un événement traumatisant.
- Je n'ai pas l'intention de te toucher, tu ne risques rien.
- C'est ce que tu dis, ironisa-t-elle sans trop le croire.
- Quelqu'un t'a fait du mal? Avec du feu?
Elle sembla surprise par cette question.
- Quoi? Non! Enfin, Pas avec du feu, j'ai... Je me suis seulement approchée trop près d'une cheminée un jour, et une braise est tombée sur mon pied. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas une histoire très intéressante, expliqua-t-elle en balayant l'air avec sa main.
Ace rigola, ce qui vexa la jeune fille.
- C'était ça que tu ne voulais pas me dire? C'est plutôt mignon comme histoire si tu étais petite, c'était un accident.
Noriko devint aussi rouge qu'une tomate.
- Ce n'est pas... Tu es vraiment énervant!
- Je vois... Bien! Je vais aller au village, annonça-t-il en claquant dans ses mains, reste ici pour te reposer.
- Au village? Pourquoi faire? paniqua-t-elle.
- Chercher des vivres. Tu ne t'en sortiras pas toute seule.
- Parce que tu comptes revenir!?
- Bien sûr.
- Mais tu n'as pas à m'aider. Je... Je ne veux pas, s'offusqua-t-elle.
- Je n'ai rien d'autre à faire, et toi non plus avec un pied moins, sourit-il.
Elle poussa un soupir d'agacement en se frottant les yeux à l'aide de son pouce et de son index, avant d'arrêter immédiatement à cause de la douleur du coup de la veille. Elle pesta intérieurement contre sa bêtise et reporta son attention sur Ace.
- Je croyais que tu cherchais quelqu'un?
- Oui, c'est vrai, depuis plusieurs mois, donc je ne suis pas à un jour près.
Elle comprit que ça ne servait à rien de débattre.
- Le village est à une heure d'ici, au sud.
- Je sais, j'en viens.
- Mais qu'est-ce que tu es venu chercher dans cette forêt?
- On m'a parlé d'une maison cachée ici, je voulais vérifier.
- Ils ne t'ont pas dit qui y vivait?
- Non. Peut-être. Je sais plus. Je mangeais en même temps et je me suis endormi pendant la conversation.
Cette affirmation la laissa dubitative, elle avait l'impression qu'il se fichait d'elle et retroussa sa lèvre supérieure lui donnant l'air de celle qui ne comprenait rien.
- Mais? C'est une plaisanterie?
Il haussa les épaules d'un air innocent.
- Non. Ça m'arrive souvent.
Le mal de tête de Noriko reprit le dessus sur ses esprits.
- Rooh mais c'est pas vrai... Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça, comment peux-tu être aussi décontracté? se lamenta-t-elle en faisant tomber sa tête dans ses mains.
Il ne répondit pas et se contenta de lui sourire bêtement.
- Je vais te laisser te reposer, je serai de retour dans un peu plus de deux heures.
- Mais pourquoi t'acharnes-tu à vouloir revenir? Je t'ai dit que je ne voulais pas, maugréa-t-elle.
- Parce que tu en as besoin, se contenta-t-il se dire avant de tourner les talons vers la sortie. Tu peux me poser la question autant de fois que tu le veux, ce sera toujours la même réponse.