Noriko

Chapitre 60 : Alabasta (2)

6793 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/10/2025 10:02

Le réflexe de survie de Noriko fut d’envoyer une ultime bulle d’eau entre elle et le bâtiment sur lequel elle fonçait à toute vitesse. Son eau ne fut pas assez dense pour la retenir entièrement et n’atténua que légèrement le choc de son corps sur le mur. Elle en traversa un, puis deux et un fracas assourdissant s’en suivit, élevant un énorme nuage mêlant poussière, terre et sable dans les airs. La bâtisse toute entière s’écroula ensuite sur elle à cause de l’onde de choc.


Elle avait repris conscience coincée sous les gravats et tentait maintenant de s’en extirper à l’aide de nombreuses bulles d’eau qui se trouvaient toutes aussi inefficaces les unes que les autres. Se servant de la force de ses bras, la jeune femme essayait avec ardeur de se frayer un chemin à travers les décombres. Elle rampait, toussait de la poussière et du sang et tentait vainement de ne pas prêter attention à la douleur qui parcourait son corps. Soudain, l’immense décombre qui lui barrait le passage fut soulevé dans les airs, laissant entrer un rayon de soleil qui l’éblouit.


Dans sa forme la plus puissante, Chopper tenait l’énorme caillou à bout de bras. Lorsqu’il aperçut la jeune pirate, ses yeux s’écarquillèrent, puis il jeta ce qu’il portait au loin et hurla son nom. Quatre mains puissantes empoignèrent la jeune femme aux cheveux blancs et la trainèrent sur le sol, hors de danger.

-       Noriko !! crièrent en même temps ses amis Ussop et Chopper, déconcertés de la voir toujours en vie.

Des larmes étaient apparu aux coins des yeux des deux garçons, leur amie était couverte de sang et de saleté.

-       C... Cr.. Croco…, tenta d’avertir la jeune femme d’une voix presque inaudible.

-       Non, ne parle surtout pas, avertit le plus jeune de ses compagnons.

Tandis que le petit renne au nez bleu s’attelait à lui prodiguer les premiers soins tout en crispant des dents pour contenir son angoisse, Longs-Cils se coucha près d’elle, les larmes ruisselant sur son visage. Ussop, lui, était couvert de bandages de la tête aux pieds et se lança dans un monologue qui semblait sans fin, tout en faisant de grands gestes avec ses bras. Soit il n’avait pas mal, soit la situation l’angoissait tant qu’il ne pouvait pas tenir en place. Il lui raconta comment ils avaient combattu Mr 4 et Mrs Merry Christmas, puis lui expliqua qu’ils l’avaient aperçue volant dans les airs et ensuite s’écraser dans un bâtiment, mais qu’ils n’avaient pas été assez rapides pour intervenir et la rattraper. Les oreilles sifflantes, Noriko ne comprenait qu’un mot sur deux. Allongée sur le dos, les cheveux emmêlés et ensanglantés, le souffle court et douloureux à chaque inspiration, elle puisa dans ses forces et réussit à bouger une main, pour ensuite lever son pouce dans la direction du menteur invétéré, un sourire dessiné sur son visage et des larmes inondant ses joues. Ussop se tut aussitôt, puis se frotta les yeux afin de chasser les larmes qui commençaient à couler en cascade.

-       On a cru que tu étais morte écrasée, gémit-il.

-       Elle ne peut pas parler Ussop, intervint Chopper d’un air extrêmement sérieux.

-       Qu’est-ce que tu veux dire ? s’étonna son ami.

-       Les marques qu’elle porte autour du cou sont des marques de strangulation, expliqua le docteur qui continuait de l’examiner, et ses cordes vocales ont été écrasées.

-       Tu veux dire qu’elle a perdu l’usage de la parole ?

-       Ce n’est pas irréversible et heureusement, mais il faudra qu’elle reste muette pendant les prochains jours si elle ne veut pas que ça s’empire. De toute façon, la douleur l’empêchera de le faire.

Noriko encra son regard dans celui qui la soignait et cligna lentement des yeux, lui indiquant qu’elle avait compris. Elle ferma ensuite ses paupières et se laissa soigner en pleurant silencieusement, la peur faisait place au soulagement d’être en vie.


-       Nori-Jolie !

-       Norikoooooo !

Des cris suraigus réveillèrent la principale concernée. Perchée sur le dos de Longs-Cils qui avançait lentement, elle réussit à se redresser sans trop de mal, l’antidouleur que Chopper lui avait donné était redoutablement efficace. Elle baissa la tête et aperçut Nami et Sanji qui étaient en train de la fixer, les yeux emplis de larmes. Le jeune cuistot hurlait à tout va qu’il éclaterait la tête à celui qui lui avait fait ça et Nami criait qu’il ne devait pas parler aussi fort lorsqu’on se trouvait en présence d’une personne blessée et que toute façon, Luffy était déjà en route pour éclater lui-même Crocodile, ce qui confirma à Noriko que son capitaine allait bien. Zoro intervint en leur disant de la fermer, vociférant tout aussi fort, ce qui engendra une dispute entre les deux garçons, suivit de près d’une énième bagarre. La navigatrice se tourna vers eux et, poings en l’air, les menaçait tous les deux s’ils n’arrêtaient pas. Noriko ne put s’empêcher de sourire. Ce fut Vivi qui sépara les deux garçons, les poussant hors de son chemin pour se précipiter vers elle, avant de poser son front sur le genou de son amie, pleurant de joie de voir qu’elle était en vie. La nièce de Mihawk lui caressa les cheveux et lui sourit gentiment. Elle était soulagée, ses amis portaient tous des séquelles de bagarres, mais tout le monde allait bien.


Ussop et Chopper arrivèrent en courant à ce moment-là, indiquant qu’ils n’avaient rien trouvé.

-       Nous devrions nous séparer, suggéra Sanji. Longs-Cils, je t’ordonne de ne pas quitter d’un poil Nori-Jolie, Chopper, tu restes avec eux au cas où elle aurait besoin de soins. Vous tous chercherez de votre côté en arpentant les routes.

-       Entendu, confirma le petit renne.

Sans perdre un instant, ils partirent tous chacun de leur côté et même Zoro obéit sans broncher aux ordres du cuistot.


Portant toujours Noriko sur son dos, Longs-Cils se remit en marche. Sous sa forme Heavy Point, Chopper avançait à leurs côtés et en profita pour faire part de toute la situation à la jeune femme. Luffy avait été vaincu par Crocodile, il la rassura en lui disant qu’il se remettrait de ses blessures et qu’il était déjà parti à sa poursuite pour un deuxième combat. L’équipage, quant à lui était chargé de trouver une bombe qui menaçait de faire sauter la grande place, rasant tout ce qui l’entourait sur un rayon de cinq kilomètres. Noriko encaissa les nouvelles et serra les poings, ce n’était pas le moment d’être faible, son corps devrait attendre avant de pouvoir se reposer.


Alors qu’il ne leur restait plus beaucoup de temps, le jeune renne et la jeune femme aperçurent une fumée rouge monter dans le ciel : quelqu’un avait repéré la bombe.


Ils se précipitèrent ainsi vers la grande place et retrouvèrent leurs amis. La bataille y faisait rage, une odeur de sang y régnait en maître et le bruit assourdissant des armes et des cris rendaient la communication entre les Chapeaux de Paille difficile. Nami était déjà en train d’élaborer un plan afin de gagner au plus vite l’horloge qui se trouvait tout en haut de la tour qui s’élevait près d’eux et qui abritait la bombe. Noriko se laissa tomber du dos de Longs-Cils et boita en direction de la bâtisse, indiquant à ses amis qu’elle voulait les aider. Chopper lui hurla qu’elle devait se reposer, mais elle leva une main lui indiquant qu’elle allait bien et qu’ils n’avaient pas le temps de se battre. Nami hocha la tête en signe d’accord et se servit de sa nouvelle arme pour produire un vent suffisamment puissant qui envoya Vivi chevauchant Chopper qui était sous sa forme Walk Point dans les airs. Sanji sauta à son tour, ordonnant au petit renne de se placer sur sa jambe. D’une force surhumaine, il les envoya tous les deux encore plus haut. Zoro, qui, grâce à son sens de l’orientation se trouvait sur le toit d’une maison près de la tour, sauta également. Chopper se plaça sur le plat de la lame des sabres que lui présenta le bretteur et ce dernier usa de la force de ses bras pour les envoyer de nouveau plus haut. Lorsque la princesse fut pratiquement à la hauteur de l’horloge, Chopper prit sa forme Heavy Point et la propulsa près du cadran qui était en réalité une porte menant à l’intérieur de la tour gardée par deux agents du Baroque Works qui avaient pour mission d’allumer la mèche d’un boulet de canon géant. Au pied du bâtiment, Noriko projeta des bulles d’eau au ras du sol afin de rattraper tous ses compagnons qui tombaient, pour leur éviter une chute douloureuse. De con côté, Vivi se débarrassa rapidement des deux assaillants grâce à ses Kujakki Tendent Slashers et avec la même attaque coupa la mèche juste à temps. Le tout avait été accompli en quelques secondes. L’équipage poussa un soupir de soulagement et certains d’entre eux se laissèrent tomber à genoux. Ils avaient évité la catastrophe et sauvé la ville, tandis que les hommes qui se battaient derrière eux n’avaient absolument rien remarqué.


Ils entendirent soudainement un cri de rage à en faire dresser les cheveux sur la tête provenir du cadran. Vivi se pencha vers eux, le visage déformé par la haine et les sanglots. Elle venait de découvrir qu’un compte à rebours se trouvait sur la bombe et qu’ils ne pouvaient plus rien faire. Avant qu’ils ne puissent réagir, une ombre fila à toute allure au-dessus de la tête des Chapeaux de Paille qui durent se protéger les yeux pour ne pas être aveuglés par la poussière. C’était un oiseau géant qui venait de se poser près de la princesse. Quelques secondes plus tard, le même oiseau ressortit du cadran de l’horloge avec la bombe entre ses serres. Impuissants, ils le virent tous monter vers les nuages, plus haut, toujours plus haut à plusieurs kilomètres du sol et ce fut sous les hurlements désespérés de Vivi que la bombe explosa dans le ciel.


Un silence de mort régnait dans toute la ville. Le fracas de l’explosion avait fait une trêve entre l’armée royale et l’armée rebelle. Soldats et civils avaient le nez en l’air, la bouche béante, ne comprenant absolument pas ce qu’il venait de se passer. Ce fut les hurlements de joie des Chapeaux de Paille qui brisèrent le silence, ils avaient déjoué l’attaque de Crocodile. Malheureusement, leur enthousiasme fut que de courte durée. Un des nombreux gardes royaux hurla au complot, que l’armée rebelle avait voulu tous les tuer, mais que l’attaque avait échoué. Ceux de l’armée rebelle ripostèrent rapidement en criant que c’était eux les fautifs, qu’ils avaient voulu les tuer lâchement tout comme ils avaient tué Koza. Un coup de feu retentit parmi la foule, immobilisant tout le monde. Soudain, le drame se produisit et la bataille opposant les deux clans reprit de plus belle dans un boucan infernal, laissant l’équipage du Vogue Merry de nouveau impuissant face à un tel massacre.

-       ARRETEZ DE VOUS BATTRE !

Les Chapeaux de Paille levèrent le nez. Vivi s’égosillait à en perdre la voix, pleurant, hurlant et frappant ses poings sur la porte ouverte de la tour de l’horloge, où elle se trouvait toujours.

-       JE VOUS EN SUPPLIE !

C’en fut trop pour Nami, elle attrapa Zoro par le col et le poussa vers la foule qui se battait.

-       Eh, calme-toi !

-       Nous devons les arrêter !

De nerf, elle prit Sanji par le bras et le poussa également.

-       Ils vont tous s’entretuer à cette allure !

-       Nami-chérie, que veux-tu que nous… ?

Il ne termina pas sa phrase. La navigatrice était en larmes.

-       Prévenez-les tous ! Un par un s’il le faut, je m’en moque, mais arrêtez-les ! Sinon, tout ce que nous aurons fait n’aura servi à rien !

Les deux garçons hésitèrent un bref instant puis s’élancèrent vers les deux armées. Ils ne se battraient pas, mais pourraient toujours en assommer quelques-uns de manière à réduire les pertes.

-       Ussop, Chopper, Noriko ! Bougez-vous ! Ils ne vont pas tout faire !

Le menteur invétéré et le petit renne ne se le firent pas dire deux fois et décampèrent rapidement. Noriko, elle, s’approcha difficilement de son amie qui venait de tomber à genoux et lui posa une main sur l’épaule.

-       ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE ! JE VOUS EN PRIE !

Au-dessus de leurs tête, Vivi continuait encore et encore à crier inutilement.

-       Ils ne l’entendent pas, gémit Nami en se frottant les yeux, ils font trop de bruit, ils… S’ils entendaient la voix de leur princesse, ne serait-ce qu’un instant, ils s’arrêteraient immédiatement.

Elle se releva en tremblant, s’aidant de la main fébrile que Noriko lui tendait. Vivi avait besoin d’aide et elle ne pouvait pas se permettre de flancher. La navigatrice reprit sa vigueur d’antan et comme à son habitude, donna un ordre.

-       Ne reste pas planter là, Noriko. Tu ne peux pas parler et je sais que tu peux à peine bouger, mais je t’en prie, trouve une autre idée.

Elle prit une inspiration et s’élança à son tour dans la foule enragée, frappant qui elle pouvait avec son bâton métallique.

-       JE VOUS EN SUPPLIE, ARRÊTEZ !

« Noriko, je t’en prie, fais quelque chose… » Ces mots résonnèrent soudainement dans l’esprit de Noriko, comme si la princesse les prononçait du haut de la tour. Elle la revit penchée sur Kaloo qu’elle croyait perdue, suppliant son amie d’intervenir, même si cette dernière n’avait aucune idée de comment l’aider.

-       ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE !

Elle sut alors ce qu’elle devait faire. Vivi n’avait besoin que de quelques secondes, pas plus. Elle n’avait pas saisi sa chance après l’explosion, alors la jeune pirate allait lui en donner une autre.


Surmontant la douleur qui parcourait son corps, concentrant ses pensées sur son pouvoir, elle se plaça devant la foule et prit une grande inspiration. Ses yeux se fermèrent, elle devait faire le vide dans son esprit. Elle leva le menton et expira lentement par la bouche. Son corps s’avança soudainement, divaguant lentement. Les cheveux en bataille, emmêlés de terre et de sang séché qui lui collaient des mèches sur le front et sur la joue gauche, elle marcha à travers la foule, tel une morte-vivante. Les yeux dans le vague, n’entendant plus que partiellement ce qui se passait autour d’elle à cause du sifflement incessant qui résonnaient dans ses oreilles, elle avançait. Les nombreux coups qu’elle avait subis durant ses affrontements avec Mr 2 et Crocodile se répercutaient sur son corps et cette fois, elle ne pouvait plus les nier, ni les repousser. Elle continua d’avancer, évitant soigneusement les coups et les mouvements de foule qui menaçaient de la faire tomber. L’odeur métallique qui montait du sol lui piqua le nez. Elle toussa du sang qui coula le long de son menton, le pansement de son arcade sourcilière en était également imbibé et recommençait à couler, rejoignant celui qui se trouvait sous sa bouche. Elle crut apercevoir Zoro, lui demandant plus ou moins ce qu’elle fichait là avant de se retourner et d’assommer deux gardes d’un seul coup. Elle trébucha légèrement, une balle venait de lui traverser le bras, créant un trou en dessous de son épaule. Ce ne fut pas du sang qui s’en écoula, mais de l’eau. La plaie se referma comme si de rien n’était et elle continua d’avancer, écartant ceux qui se trouvaient sur son chemin.


Lorsqu’elle fut au centre de la place, miraculeusement en un seul morceau, elle tendit ses bras devant elle telle une somnambule, inclina douloureusement ses deux paumes de mains vers le sol et laissa s’écouler un immense torrent d’eau qui s’étala dans toute la ville.


L’eau se propagea à une vitesse folle, montant à hauteur des genoux de tous les habitants qui se livraient bataille. Seuls les Chapeaux de Paille comprenaient ce qu’il se passait, leurs bouches étaient grandes ouvertes et Noriko ne saurait dire s’ils trouvaient ce geste inconscient ou réfléchi. Les deux armées, elles, poussaient des cris de terreurs, avant de faire silence. Après des années de sécheresse, de l’eau était sortie de nulle part. Noriko fit un dernier geste de la main, évacuant ainsi toute l’eau qu’elle venait de créer, la dirigeant entièrement vers le désert avant de la faire disparaître complètement, laissant les habitants d’Alubarna dans l’incompréhension la plus totale.

-       ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE !! JE VOUS EN PRIE, ARRÊTEZ !!

La voix de Vivi résonna enfin sur toute la place. Noriko avait réussi à lui offrir de précieuses secondes.

-       C’est notre princesse !

-       Depuis quand est-elle revenue ?

-       Je croyais qu’elle avait quitté le pays ?

De nombreuses voix s’élevaient tout autour des Chapeaux de Paille, mais celle de Vivi demeura la plus forte. Comprenant que tout le monde l’écoutait enfin, elle ordonna à son peuple d’arrêter le massacre et que cette guerre était un coup monté de Crocodile.


Curieux hasard ou ironie du sort, c’est lorsqu’elle prononça son nom que ce dernier tomba du ciel, en plein milieu de la foule. Des cris résonnèrent de nouveau, commentant tout ce qu’il se passait.


La tête baissée, Noriko sourit puis tomba à genoux. Elle n’en pouvait plus. Luffy avait réussi à vaincre Crocodile et la guerre avait été stoppée. Elle se laissa tomber en arrière au sol. Gisant sur le dos, les bras et les jambes écartées, elle prenait de profondes et douloureuses inspirations tout en regardant le ciel, lorsque soudain, elle sentit tomber sur sa joue une goutte d’eau.

-       Eh, interpella Zoro qui s’assit en tailleur près d’elle. C’est de toi, ça ?

-       Non… chuchota très faiblement Noriko avec un sourire. Je ne contrôle pas la pluie.


Le pouvoir de sécheresse de Crocodile avait été vaincu en même temps que son propriétaire. Noriko avait senti la pluie tomber sur sa peau, avait entendu les gens autour d’elle hurler et pleurer de joie et parmi eux s’étaient trouvés ses amis. C’était donc dans un dernier sourire qu’elle s’était enfin autorisée à se reposer.


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Voilà plusieurs jours que Noriko était alitée dans une des nombreuses chambres du palais royal. Elle dormait les trois quarts de la journée, n’apercevant que très peu ceux qui lui prodiguaient des soins et petit à petit, son corps reprenait des forces. La dernière phrase qu’elle avait prononcée lui avait arraché la gorge et elle avait reçu pour ordre de ne plus parler et de ne plus prononcer le moindre mot, sous aucun prétexte. Elle avait cependant recommencé à manger de la nourriture solide, ce qui l’avait vivement encouragée dans son vœu de silence forcé. Elle s’était également inspectée pendant des heures devant un miroir, scrutant son ventre, son corps, son bras. Elle se souvenait du coup de feu de Mr 2 et de la balle perdue reçue lorsqu’elle marchait dans la foule qui se battait à mort. Elle était pourtant sûre d’elle, on lui avait tiré dessus. Noriko s’était de nouveau passé la main sur le bras, juste sous son épaule droite et n’avait constaté que de simples courbatures. En regardant de plus près, elle n’avait vu aucune marque d’impact de balle, de blessure quelconque ou de cicatrice. Des hématomes, des ecchymoses, des bleus et des coupures oui, mais aucune trace de balle qui lui avait perforé le corps. Elle s’était rendue à l’évidence sans savoir comment elle s’y était prise, mais force était de constater qu’elle avait contrôlé son fruit du démon, que son pouvoir avait fait effet et qu’elle s’était transformée en eau. Il ne lui restait plus qu’à recommencer et d’ici peu, elle serait sans doute capable de faire passer des objets ou des attaques à travers elle. Elle avait serré son poing et avait enfoncé ses ongles dans sa peau. Cette découverte l’avait fait trembler de la tête aux pieds et elle était retournée dans son lit sous sa couverture, de peur de s’évanouir. Recroquevillée, les larmes aux yeux et avec un sourire béat, elle avait enfoncé sa tête dans ses genoux, emplit de fierté. Ace serait sans doute fier lui aussi, car elle était enfin devenue plus forte.


Un matin, la porte de sa chambre s’ouvrit à la volée. Vivi venait lui rendre visite. Elle l’aida à se brosser les cheveux, en profitant pour lui apprendre qu’Igaram était en vie et qu’elle en était heureuse, elle lui expliqua tout ce qu’il se passait dans le pays, comment son père allait le reconstruire et regagner la confiance du peuple… la remerciant un nombre incalculable de fois pour son idée de s’être servie de l’eau. Elle lui dit que Koza avait survécu à ses blessures et que la pluie avait recommencé à tomber naturellement. Elle lui apprit qui était Chaka et quel avait été son rôle dans l’histoire. Ensuite, elle lui parla longuement de l’homme qui s’était sacrifié pour eux : Pell. La princesse repartit les larmes aux yeux en lui ordonnant de se reposer. Dès lors, les visites se succédèrent.


Peu de temps après, cela avait été Zoro qui avait passé la tête dans l’entrebâillement de la porte pour s’assurer qu’elle était toujours en vie et lorsque leurs regards s’étaient croisées, il lui avait fait un signe de tête, puis était reparti sans un mot ou peut-être un grognement qui semblait indiquer qu’il était soulagé. Nami, elle, lui avait apporté de quoi se changer, ainsi qu’un nouveau bandeau, noir cette fois-ci, pour son tatouage afin de remplacer le précédent qui avait été jeté tellement il était abimé. Ussop lui, était venu lui conter une fois de plus la manière dont il s’était débarrassé de ses ennemis avec une efficacité redoutable. Il s’était également senti obligé de lui dire qu’Igaram était marié et que sa femme, en plus d’être la patronne de la cuisine, lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, ce que Noriko avait fait semblant de comprendre en hochant la tête, bien qu’elle n’avait absolument pas compris où il voulait en venir. Chopper, quant à lui, venait lui rendre visite aussi souvent que possible pour s’assurer qu’elle allait bien. Se sentant trop couvée, bien que reconnaissante, Noriko avait fini par lui écrire une note afin de lui faire comprendre qu’il fallait qu’il arrête de s’inquiéter. Un matin, ce fut le tour de Sanji et de Longs-Cils, qui s’était avéré être un dromadaire pervers, de lui rendre visite, espérant la voir en petite tenue dans son lit. Une bulle d’eau envoyée à vive allure les fit sortir rapidement de la pièce, même si la jeune fille n’avait pas pu s’empêcher de sourire de les savoir tous en pleine forme.


Lorsque Luffy s’était réveillé de son coma de quelques jours, il était venu la voir pour la féliciter d’avoir tenu tête à Crocodile et pour lui confier qu’il avait toujours su qu’elle était balèze. Noriko lui avait souri et son capitaine lui avait raconté la manière dont il avait éclaté la tronche de ce fichu croco sans omettre le moindre détail. Il lui rapporta, fier de lui, que le point faible du grand corsaire était l’eau, qu’elle aurait pu donc l’éclater elle aussi et qu’il s’était même servi de son propre sang pour l’atteindre. Noriko fut ébahie en le voyant gesticuler, parfaitement remis de ses blessures. Elle se remercia d’être muette car elle n’avait jamais vu Luffy aussi content d’avoir gagné un combat et c’est en souriant, pendant qu’il dévorait sans culpabilité le repas qu’on avait apporté pour elle, qu’elle se promit donc de ne jamais lui révéler qu’elle aussi avait découvert ce point faible.


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Noriko avait suivi les filles jusque dans l’immense salle de bain royale qui était munie d’un énorme bassin central avec de nombreuses douches aux alentours. Elles étaient séparées des garçons par un grand mur qui n’atteignait pas le plafond. S’approchant de l’eau, Vivi invita ses deux amies à la rejoindre. Nami, qui ne se le fit pas dire deux fois, ôta rapidement sa serviette qui masquait sa nudité et se jeta à l’eau.

-       Ça fait tellement du bien, se languit-elle. Je n’ai rien contre les douches, mais un bain relaxant, c’est tout ce qu’il me manquait.

Ses deux amies ne purent qu’acquiescer à cette remarque.

-       Tes blessures ont l’air d’aller mieux Noriko, mais vas-y doucement, d’accord ?

La jeune femme concernée hocha la tête en signe d’accord et suivit la princesse aux cheveux bleus rejoindre la navigatrice.


Tandis que Vivi se mettait se baignait à son tour, Noriko s’assit sur le rebord du bassin et mit ses jambes dans l’eau chaude. Ce contact la détendit instantanément et elle poussa un soupir de soulagement. Elle retira sa serviette et se laisser glisser entièrement à l’intérieur. Instantanément, son corps s’affaiblit entièrement et elle devina qu’elle ne serait pas capable de produire un torrent d’eau, même si elle en avait envie.


Elle lança un regard à son avant-bras droit et fut consternée de voir qu’elle n’avait pas retiré le bandeau désormais noir qui ornait son bras. Elle le défit et le jeta près de sa serviette. Puis, sans prévenir, plongea la tête sous l’eau. Le silence qui y régnait lui fit l’effet d’être dans un cocon ou rien ne pouvait l’atteindre. Elle avait oublié cette sensation, oublié ce que c’était d’être parfaitement immergée. Même si elle n’avait pas mangé son fruit du démon lorsqu’elle était enfant, Noriko n’aurait jamais pu nager, pour la simple et bonne raison qu’elle n’avait jamais appris. Aussi, chaque baignade, chaque immersion totale dans une baignoire était une expérience qu’elle appréciait particulièrement et ce, sans aucun rapport avec son fruit lui permettant de contrôler l’eau. Elle se sentait bien, tout simplement.


Deux mains lui attrapèrent les épaules et la sortirent instantanément de l’eau. Surprise, Noriko toussa.

-       Bon sang ! Tu nous as fait peur !

Nami lui faisait face, un regard sévère sur le visage, Vivi se tenant à ses côtés. La jeune nièce de Mihawk était dans l’incompréhension et se contenta de dégager ses cheveux qui lui masquaient partiellement la vue en les plaquant en arrière.

-       J’ai cru que tu te noyais à cause de ton incapacité à nager, ça fait plus de deux minutes que tu es là-dessous !

Toujours contrainte de ne pas parler, la jeune femme se contenta de regarder l’eau qui lui arrivait au bassin et fit un signe de menton pour inviter son amie à regarder.

-       Oui, bon tu as pieds, continua la navigatrice en mettant ses mains sur ses hanches, mais fais quand même attention, j’ai cru que tu avais glissé et que tu t’étais cognée la tête !

-       Tout va bien, Nami, intervint Vivi. Noriko ne risque plus rien, Chopper et les médecins ont été formels, ses blessures sont guéries.

Pour toute réponse, la muette lui fit un immense sourire, se boucha le nez et replongea sous l’eau après avoir pris une immense inspiration.

-       Je te jure, parfois, elle me fait penser aux garçons avec son inconscience, pesta Nami en se tournant vers Vivi.

-       Laisse-la, ça doit lui faire du bien d’être dans son élément.

-       Mais enfin, ce n’est pas une sirène ! Elle peut très bien rester hors de l’eau.

Vivi rit de bon cœur à cette remarque qui éveilla sa curiosité.

-       Tu sais qu’elles existent vraiment ?

-       Avec tous les énergumènes qu’on a dans notre propre équipage, ça ne m’étonnerait même pas, rétorqua la rouquine sans de préoccuper de savoir si la princesse était sérieuse.

Vivi lava les cheveux de Nami qui s’était agenouillée, tout en restant près de Noriko, au cas où. Cette dernière ressortit soudainement de l’eau, les arrosant au passage, ce qui provoqua une bataille d’eau et un fou-rire général.

-       Eh, on peut venir ?

Les deux filles dotées de parole hurlèrent en même temps et toutes les trois se tournèrent vers la provenance de cette voix bien familière. Celle de Sanji.

-       Salut les filles ! s’ajouta la voix d’Ussop.


Au-dessus de leurs têtes, les garçons, en plus de Longs-Cils, avaient escalader le mur qui les séparaient et étaient aux premières loges pour assister à leur bain commun. Noriko qui s’était rassise par réflexe voulut leur envoyer une énorme bulle d’eau pour les calmer, mais étant immergée jusqu’au cou, son attaque se solda par un échec.

-       Joli coup, Nori, commenta Luffy avec ironie et un grand sourire.

-       Mais qu’est-ce que vous faites là ? s’indigna Vivi qui avait elle aussi replongé en constatant avec embarras que même son propre père en profitait pour tenter de se rincer l’œil sur ses amies.

-       Allons, ils ne veulent que du spectacle, commenta Nami d’une voix enjôleuse en se passant les mains dans les cheveux

Puis, sans prévenir, la navigatrice se releva et révéla le haut de son corps à toute la gente masculine qui se trouvait en face d’elles. Les garçons basculèrent tous en arrière et se fracassèrent sur le sol dans un immense raffut.

-       Nami ! hurla Vivi, les joues empourprées.

La jeune rouquine lui fit un clin d’œil aguicheur avant de se rasseoir dans l’eau en riant.

-       Ils ont eu ce qu’ils méritaient, non ?

Noriko, quant à elle, était silencieusement écroulée de rire.


Le soir même s’en était suivi un banquet ayant été servi en l’honneur des Chapeaux de Paille et Noriko avait enfin pu faire la connaissance de Terracotta la femme d’Igaram et avait constaté avec étonnement que l’un était la copie conforme de l’autre. Pour une fois, Ussop n’avait pas menti. Ils avaient mangé et ri tous ensemble, partageant enfin un moment de joie et de détente après toutes ces péripéties.


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L’équipage avait fait leurs bagages et devait partir plus tôt que prévu. Les évènements qui s’étaient déroulés durant les derniers jours avaient eu un impact politique mondial et désormais, en tant que pirates, ils devaient déguerpir sur le champ afin que le roi Cobra et le pays tout entier ne soient pas affiliés à eux. La question demeurait silencieusement sur toutes les lèvres : Vivi allait-elle venir avec eux ?


Ils avaient donc traversé le désert à l’aube sans dire au revoir à personne et s’étaient tous dirigés dans un silence morbide vers le Vogue Merry. Ils y avaient donné rendez-vous à la princesse et tous étaient dans l’attente de savoir si elle allait les rejoindre.

-       Nous devons y aller, lâcha Nami. Nous ne pouvons plus attendre.

Une fois au large, une bonne partie de l’équipage était roulée en boule au sol.

-       Vivi…, pleurnicha Chopper.

-       Vivi, répéta Luffy.

-       Eh oh, vous n’allez pas déprimer quand même ? râla Zoro. Il fallait l’emmener de force si vous la vouliez tant que ça !

Tous se levèrent en même temps.

-       Tu n’as donc aucun cœur !? cria Ussop.

-       Sans cœur, rajouta Nami en le pointant du doigt.

-       Monstre ! s’enquit Chopper.

-       Tête de cactus, commenta Sanji.

-       Bretteur à trois sabres, marmonna Luffy.

-       Ça ne marche pas, lui expliqua Nami.

-       Pourquoi ? demanda le capitaine.

-       Parce que ce n’est pas une insulte vu qu’il se bat avec trois sabres, c’est juste un constat, tu comprends ?

-       Bretteur à quatre sabres, bougonna Luffy avant de se remettre en boule.

-       Non mais c’est fini, oui !? explosa l’escrimeur qui bouillonnait intérieurement jusque-là. Noriko, dis quelque chose, sinon je vais les trancher en rondelles.

-       Je suis sûre qu’elle te dirait la même chose si elle pouvait parler, n’est-ce pas Noriko ? rajouta la navigatrice avec un grand sourire.

Pour toute réponse, Noriko croisa les bras et lança un sourire satisfait à son ami escrimeur. Effectivement, elle l’insultait en silence. Zoro se retrouva démunit face à tout son équipage et s’éloigna en bougonnant et en les insultant vulgairement de casse-pieds, plus ou moins.


Une voix qu’ils connaissaient tous bien s’éleva dans le ciel. Tous, y compris Zoro se précipitèrent à la poupe du navire et constatèrent avec joie que Vivi se tenait debout sur une plage, Kaloo à ses côtés. Elle parlait dans un escargophone qui faisait office mégaphone. Elle se lança dans un monologue afin de les remercier une énième fois et de leur expliquer qu’elle ne pouvait pas partir avec eux, son pays ayant trop besoin d’elle. Lorsqu’elle leur dit en pleurant qu’elle était désolée, qu’elle ne les oublierait jamais et qu’elle resterait éternellement leur amie, Luffy voulut lui répondre en hurlant, mais Nami fut plus rapide et lui plaqua une main sur la bouche.

-       Si tu lui réponds, ils sauront qu’elle est avec nous, lui expliqua-t-elle les larmes aux yeux, en faisant allusion à la Marine. C’est une princesse et une civile, si nous lui répondons, ils l’accuseront de piraterie.

Un silence de plomb s’abattu soudainement à bord du Vogue Merry. La navigatrice avait raison.

-       Nous devons lui dire au revoir en silence, rajouta-t-elle.


Au loin, les pleurs et les excuses de Vivi résonnaient insupportablement dans les oreilles de l’équipage. Tous avaient le cœur brisé. D’un commun accord, ils levèrent tous une main en l’air, faisant le signe V de la victoire avec leurs doigts.

-       Vous croyez qu’elle comprend ? demanda Nami en pleurant.

-       Oui, intervint Noriko qui avait retrouvé sa voix, à la surprise générale. Elle comprend.

Alors qu’elle pleurait en se mordant la lèvre inférieure pour empêcher son menton de trembler, elle fit danser habilement ses doigts. Ses larmes se détachèrent de son visage et s’envolèrent en direction de Vivi. Lorsqu’elles atteignirent leur cible, la princesse découvrit un message flottant devant ses yeux. Un message qui lui promettait qu’ils se reverraient très vite. Vivi laissa éclater sa joie, les remercia à nouveau et leur hurla de faire attention à eux, tout en leur souhaitant bonne chance.

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