Noriko
L'arcade sourcilière et la lèvre éclatées, Noriko rampait au sol à travers des débris de poutre et de plafond, luttant contre la peur viscérale de mourir. L'élastique de ses cheveux avait lâché et ces derniers trainaient à moitié sur le sol couvert de poussière et à moitié collé sur son visage ensanglanté, lui rendant la vision partiellement brouillée.
Le goût et l'odeur métallique emplissaient ses narines et firent trembler ses papilles, si bien qu'elle en eut un haut le cœur. Cependant, la moindre parcelle de son corps était meurtrie et lorsque son estomac se contracta, elle en gémit de douleur.
Face à sa totale impuissance, Moira s'en donnait à cœur joie et faisait durer son calvaire. Elle avait beau l'envoyer se fracasser contre les moindres recoins de la salle d'entrainement, ce n'était jamais l'endroit qui l'intéressait. Coincée, Noriko devait donc attendre d'atterrir sur le mur voulu afin de le briser et d'avoir une ouverture sur l'extérieure pour enfin pouvoir passer à l'action.
Elle avait vainement tenté de le détruire à l'aide de son eau, se disant que si elle perdait le contrôle, elle aurait au moins le temps de sortir mais Moira était tellement rapide qu'elle se téléportait presque à chaque fois près d'elle avant même qu'elle ne puisse ouvrir ses paumes. Et lorsqu'elle y arrivait, c'était la migraine qui reprenait le dessus, l'obligeant ainsi à s'agripper la tête entre ses mains pour pallier la douleur insoutenable qui la terrassait. Redoutant toujours de blesser ses amis, elle préférait donc ne pas se défendre.
Couchée au sol, Noriko ferma les yeux lorsqu'elle vit un nouveau coup de pied arriver et fut projetée à l'autre bout de la pièce avant de rouler sur un des tapis.
La respiration coupée, les larmes aux yeux et la bouche grande ouverte à la recherche d'air, elle n'arrivait même plus à se redresser. Ses côtes, qui avaient été touchées, étaient en feu et elle eut l'impression que l'une d'entre elle s'était fêlée sous le choc.
Face à tant de faiblesse, Moira claqua sa langue contre son palais, puis s'approcha d'elle.
— Tu es tellement pathétique, je n'ai même pas besoin d'utiliser ma vitesse surélevée. Je suis naturellement plus rapide que toi.
Pour toute réponse, Noriko cracha du sang et s'aperçut qu'elle était enfin couchée près du mur qu'elle devait abattre. C'était le moment ou jamais, elle n'aurait pas de seconde chance.
Tandis que son ennemie se moquait d'elle en déblatérant sans cesse pour la rabaisser, elle réfléchissait à toute vitesse. Moira rendait son corps dur comme du métal avant de la frapper, s'assurant ainsi de lui infliger autant de dégâts que possible et Noriko avait ainsi espéré recevoir un coup qui l'aurait fait passer au travers d'une pierre pour se retrouver dehors. Chaque choc reçut avait été un risque supplémentaire de se faire broyer les os et son ennemie avait joué avec elle en alternant coups de poings et coups de pieds.
Malheureusement, pour l'heure, ses côtes lui faisaient douloureusement comprendre qu'elle ne tiendrait pas plus longtemps.
Elle posa sa main sur une pierre froide en grimaçant et compris qu'il fallait absolument qu'elle trouve un autre moyen de briser ce mur car d'ici peu, son corps ne pourrait plus le faire pour elle.
Elle songea à ses capacités autre que son pouvoir, si on lui retirait son Fruit du Démon, que lui restait-il ?
— Je dois dire que je m'attendais à mieux lorsque je vous ai tous vu débarquer avec vos grands airs, mais peut-être suis-je tombée sur la plus faible de votre équipage ? Vous étiez certes impressionnants, mais au final, ce n'était qu'une image de façade, s'amusa Moira en retirant une poussière invisible de sous son ongle. Vous ne faites pas le poids face au CP9.
Bon sang, que cette femme pouvait être bavarde. Noriko pouffa de rire malgré elle, ce qui lui arracha un sifflement de douleur, la faisant ainsi tousser et gémir de nouveau à cause du coup porté à ses côtes.
Son esprit s'illumina : sa force. Il lui restait sa force surhumaine. Moira était capable de durcir son corps comme du métal, mais elle, elle était capable de briser de l'acier. Son sang ne fit qu'un tour, il y avait peut-être un moyen oui, mais avant tout, elle devait d'abord énerver son ennemie.
— C'est... C'est pas ce... ce que disait ton copain Blueno, ahana-t-elle, dans l'espoir de la vexer.
Sa tendance à parler et à répondre trop vite la fourrait souvent des sales pétrins, mais cette fois, elle remercia son caractère impulsif de lui venir en aide.
Les lèvres de Moira se pincèrent et la manieuse d'eau cru qu'elle allait enfin déclencher sa colère, mais contre toute attente, son ennemie éclata soudainement de rire.
— Ce gros rustre aussi efficace qu'un goutte d'eau lancée pour éteindre un incendie ? Ne me fais pas rire. Son pouvoir nous était utile, mais c'est tout. Il ne m'arrivait pas à la cheville et d'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi il avait été envoyé en mission d'infiltration.
Noriko avait raté son coup et en plus de ça, son ennemie était repartie dans un monologue dans fin. Dans un effort surhumain, elle réussit à se redresser et à s'adosser au mur, pantelante. Une main posée sur ses côtes, elle sentait son esprit s'évader, indiquant qu'elle risquait de s'évanouir à tout moment.
— Dire que je voulais y participer..., murmura Moira, le regard dans le vide.
La manieuse d'eau s'empêcha de lever les yeux au ciel. Décidément, cette maudite femme en avait gros sur la conscience, mais en attendant, celui lui permettait de reprendre son souffle.
— Sais-tu ce qui m'a empêchée d'avoir le rôle de la secrétaire ? sourit-elle avec cruauté. Ma tendance à être trop violente. Notre chef pensait que je n'arriverais pas à contrôler mes nerfs et que je grillerais ma couverture.
Elle éclata d'un rire sinistre.
— Je suis plus puissante que Kalifa, elle et moi n'avons pas les mêmes qualités, mais il semblerait que cette pimbêche ait joué des coudes pour bien se faire voir et ma valeur n'a pas été reconnue. Quand je pense qu'elle a même eu un Fruit du Démon en guise de récompense, pesta-t-elle les lèvres retroussées.
Noriko y vit là une ouverture alors qu'elle continuait à débiter sans s'arrêter, son adversaire était non seulement susceptible, mais en plus jalouse.
— Vraiment ? sourit-elle à travers sa bouche ensanglantée. Elle a pourtant combattu l'un des plus forts de notre équipage.
Moira la fusilla du regard et un tic nerveux fit tressauter son œil.
— Ne dis pas n'importe quoi.
— Sanji, insista Noriko. Il n'a peut-être pas encore d'avis de recherche, mais je peux t'assurer qu'il fait partie des plus puissants de notre groupe.
Son ennemie fronça son nez en la toisant avec hargne et Noriko sourit un peu plus pour la provoquer.
— Elle n'a pas hésité à se jeter sur lui, même si elle ignorait tout de ses capacités. Elle a fait preuve d'une sacrée trempe contrairement à toi qui a passé ton temps à te cacher dans cette maudite tour de merde.
D'un geste rapide, Moira se servit d'une de ses techniques spéciales et la fit taire en enfonçant la totalité de son index entre ses côtes, lui arrachant ainsi un grand cri de douleur.
— Ne t'avise plus de me manquer de respect, vociféra-t-elle.
Recroquevillée au sol, les larmes ruisselant sur ses joues, Noriko sifflait entre ses dents en gardant ses poings fermement serrés et luttant de toutes ses forces pour ne pas craquer. Si elle perdait le contrôle maintenant, son calvaire n'aurait servi à rien et ses amis en pâtiront malgré tout.
Moira l'attrapa par les cheveux pour lui relever violemment la tête et la jeune femme voulu saisir immédiatement son avant-bras avant de le regretter aussitôt lorsque ses côtes la lancèrent. Moira ricana puis l'agrippa par la gorge avant de la soulever prestement au niveau de son visage.
— Tu sais, je peux tuer quelqu'un de plus d'une centaine de façons différentes, c'est pour ça que j'ai été affectée ici. Mais avant d'intégrer le CP9, j'étais affiliée à la Prison d'Impel Down et plus précisément à l'étage des salles de torture.
Repoussant la douleur qui lui transperçait les os, Noriko posa ses mains tremblantes sur l'avant-bras de Moira, tentant mollement d'atténuer la pression sur son cou. Ses pieds ne touchaient plus le sol et elle lutta rapidement pour respirer.
Avec un grand sourire, Moira posa le pouce de sa main libre sur son œil et appuya doucement, faisant réagir instantanément la manieuse d'eau. La gorge broyée, incapable de hurler, elle se contenta de gigoter en poussant des gémissements rauques, le corps parsemé de spasmes de douleur et sa tête menaçant d'exploser.
— Je peux te dire que prenais mon pied là-bas, murmura Moira d'une voix suave. Entendre ces cris d'agonie qui résonnaient comme une douce musique à mes oreilles, c'était... jouissif.
Un frisson d'excitation parcourut très clairement son corps et un immense sourire étira son visage tandis que ses yeux se mirent à briller.
Elle retira son pouce et Noriko poussa un râle de douleur en serrant ses dents, avant de chercher désespérément à emplir ses poumons d'air. Sa vision déjà altérée, elle ne pourrait désormais compter que sur un seul œil car même si elle n'était pas devenue borgne, sa paupière refusait désormais de s'ouvrir.
— Si tu avais été forte, je t'aurais torturée ici même. J'aime voir ceux dotés d'un mental d'acier plier à ma volonté, mais toi, tu es tellement faible que ce ne serait pas drôle.
Elle la rapprocha d'elle et vint coller sa bouche à son oreille.
— Nico Robin, en revanche, c'est autre chose. Tu sais que j'ai eu le droit de lui dire bonjour ? Quand elle a manqué de respect à notre chef. Crois-moi, elle l'a bien senti passé.
Noriko la regarda avec une horreur non dissimulée et sentit la haine l'envahir, comprenant parfaitement ce qu'elle sous-entendait et ce qui attendait son amie pour la suite. Moira lui fit de nouveau face et s'amusa de sa réaction en lui souriant cruellement.
— Vous ne pourrez pas la sauver. Même si tes amis sortent vainqueurs de leurs combats, ils ne sortiront pas d'ici vivants. Je m'en assurerais personnellement en les traquant un par un. « Pour Robin », c'est bien ça ?
Elle se mit à rire à rire, se moquant ouvertement des Chapeaux de Paille, les revoyant certainement plonger avec espoir dans les chutes d'eau avant d'être rattrapés par le train.
Peinant à respirer, la manieuse d'eau étira un fin sourire sur ses lèvres en ancrant ses yeux dans ceux de son ennemie. Moira fronça soudainement ses sourcils en calmant son rire, puis retroussa son nez face à son insolence.
— Tu crois... vraiment pouvoir les vaincre ? demanda Noriko entre ses dents d'une voix brisée. Tu ne... fais pas le poids contre eux.
Les traits de son ennemie se détendirent aussitôt et elle pouffa de rire.
— Ne t'en fais pas pour moi, tu n'as pas encore vu l'entièreté de mes capacités. Je te garantis que tes amis souffriront entre mes mains et finiront par me supplier de les achever, menaça-t-elle froidement. Mais si ça peut te rassurer, tu seras plus là pour le voir.
Si Noriko avait pu rire, elle l'aurait fait, mais sa posture ne lui en laissa pas l'occasion. Elle se contenta donc d'agrandir son sourire.
— En attendant, je respire toujours... ce qui me laisse croire qu'à part... ta grande gueule, tu ne sais pas faire grand-chose.
La teinte de Moira devint presque aussi coloré que ses cheveux et sa lèvre se retroussa légèrement. La jeune femme aux cheveux blancs avait vu juste : elle était bien susceptible.
— Comment oses-tu ? De quel droit t'adresses-tu à moi de la sorte ? fulmina-t-elle en resserrant son emprise sur sa gorge. Sais-tu qui je suis ? Je viens d'une longue lignée d'assassins, tu devrais faire preuve de respect face à plus fort que toi.
— Va te faire foutre, articula Noriko avec peine, bien que très clairement.
Comme elle s'y attendait grâce à son ultime provocation, Moira durcit son corps et lui donna un coup de poing, sans pour autant la lâcher. Noriko encaissa le coup sans bouger et sa pommette explosa de douleur.
Moira la redressa rapidement, s'apprêtant à réitérer son attaque, mais Noriko la prit de court et, au moment où son poing allait de nouveau s'abattre sur son visage, elle le para d'une main tout en resserrant l'emprise de son autre sur son avant-bras. Simultanément, elle la repoussa d'un coup de pied qui la déséquilibra et réussit à décaler son visage de plusieurs centimètres.
Son poing tenant fermement celui de Moira, ils s'écrasèrent ensemble sur le mur de pierre et, la force des deux combinés le brisa dans un terrible fracas.
Emportés par leur élan, les deux femmes basculèrent dans le vide et se retrouvèrent enfin à l'extérieur de la tour.
Prise au dépourvue, Moira lâcha Noriko, puis se servit d'une autre de ses capacités pour rebondir littéralement sur l'air, sautillant d'un pied sur un autre et évitant ainsi la chute.
Noriko, elle, tomba lourdement et alla s'écraser sur des caisses de bois, les pulvérisant sur son passage.
En temps normal, elle aurait amorti sa chute, mais jusqu'au bout, elle s'était empêchée de créer de l'eau.
Dans un grognement de douleur, elle rampa au sol parmi les débris de bois et de pierre qui reposaient sur elle et qui ralentissaient sa course. Les yeux clos à cause de la poussière qui dansait autour d'elle, elle roula sur le dos puis dégagea son pied coincé dans une immense bâche qui, à l'origine, devait certainement recouvrir une partie des caisses écrasées.
Hors d'haleine, elle se massa le cou en reprenant douloureusement sa respiration, puis toussa sans pouvoir s'en empêcher.
Sa cage thoracique se comprima et ses côtes lui rappelèrent dans une douleur aigue qu'elles étaient fragilisées. Tandis qu'elle luttait contre cette sensation d'avoir une lame plantée et tournant sur elle-même entre ses os, les larmes roulèrent de nouveau sur ses joues.
Sa pommette la brûlait, sa lèvre et son arcade saignaient toujours et le goût métallique du sang n'avait pas encore quitté sa bouche.
L'air marin emplit ses poumons et le bruit des chutes d'eau se fraya un chemin parmi le sifflement strident qui avait pris place dans ses oreilles. Comprenant qu'elle était bel et bien dehors, son cœur ralentit instantanément sa course folle et un soulagement intense l'envahit.
Elle ouvrit donc les yeux mais grimaça immédiatement de douleur avant de poser sa main dessus. Son œil meurtri était désormais entrouvert et d'ici peu, elle serait certainement capable de l'ouvrir complètement, mais en attendant, il la faisait souffrir. Bien qu'elle avait toujours cette horrible sensation d'avoir quelque chose de coincé sous sa paupière, il devait certainement être juste très irrité et Noriko ne s'en inquiéta pas plus que nécessaire.
Elle se roula sur le ventre en serrant ses dents, puis se redressa avec peine en tenant ses côtes.
Elle avait atterri au pied d'un des versants latéraux de la tour, sur une immense terrasse pavée. À perte de vue, se trouvait l'océan, bordé de l'interminable grille sui faisait le tour de l'île et juste avant, l'immense gouffre qui descendait dans les entrailles de la terre, cerné par les chutes d'eau géantes.
D'un côté, elle pouvait apercevoir une partie de l'Île Principale et remarqua qu'elle était en réalité divisée en deux landes de terre, la première légèrement plus en hauteur que la deuxième où s'érigeaient également des centaines de bâtiments. À certaines fenêtres, du linge y séchait et Noriko comprit qu'il s'agissait des habitations des soldats, où se trouvaient certainement leurs familles.
De l'autre côté, la surplombant de toute sa hauteur, à tel point qu'elle ne pouvait pas en voir le sommet, se trouvait la Porte de la Justice. Avec soulagement, elle constata qu'elle était toujours fermée, ce qui voulait dire que Robin ne l'avait pas encore franchie.
Elle se releva complètement et, une fois debout, avisa sa main humide et chaude, puis remarqua avec effroi la tâche sanglante sur son débardeur beige – qui avait également teinté la veste de Pauly qu'elle portait toujours – et qui s'étalait jusqu'à envahir son ventre nu. Elle saignait abondamment, l'index planté entre ses côtes l'avait ouverte et si Moira l'avait enfoncé dans son intégralité, cela signifiait que la plaie était profonde de plusieurs centimètres.
Elle tendit avec peine ses bras le long de son corps et, d'un mouvement douloureux d'épaules, fit glisser sa veste de son dos avant de la jeter sur les débris de bois. Pauly avait été serviable pour la couvrir, la moindre des choses était de lui rendre son vêtement dans le même état qu'il lui avait été donné.
Un rire attira son attention et elle leva la tête avant de sentir son ventre se contracter.
Le menton tremblant, Noriko fronça ses sourcils et prit une profonde inspiration, repoussant au plus profond d'elle-même la douleur qui cinglait son corps. Face à elle, Moira redescendait lentement vers elle en sautillant toujours les airs et le sourire qu'elle arborait lui fit comprendre que le combat était loin d'être terminé.
— Tu saignes beaucoup pour un Logia.
— Ouais, cracha Noriko en ouvrant les paumes de ses mains, on me le dit souvent.
— Tu devrais être enfermée et étudiée de près, ce n'est absolument pas normal, se moqua Moira. Malheureusement pour l'avancée de la science, te laisser en vie est au-dessus de mes forces.
— Ne te méprends pas, je le vis parfaitement bien, cingla Noriko, et je te rappelle que tu n'as pas encore gagné ce combat.
À ces mots, elle fit apparaitre de l'eau dans ses mains et forma deux bulles. Moira esquissa une moue dubitative, puis secoua la tête en pouffant de rire.
— Tu penses que tes petites bulles d'eau ridicules vont en changer l'issue ? Rends-toi à l'évidence, tu ne peux pas me vaincre. Tu es perdue, tous comme tes amis après toi et votre si charmante Nico Robin. Vous aviez une chance de vous en sortir pourtant, mais vous avez rendu vain son sacrifice en venant ici. Tu n'imagines pas dans quel état elle était lorsqu'elle l'a compris.
Noriko ne bougeait pas, se concentrant sur sa respiration saccadée qui lui faisait un mal de chien et cherchant un moyen de mouvoir son corps sans être ralentie par ses blessures. Le duel serait serré et ses gestes limités, ce qui voulait dire qu'elle n'aurait droit qu'à quelques attaques avant que son corps ne la trahisse et qu'elle ne sombre pour de bon.
Moira leva les yeux au ciel et commença à la contourner en attachant ses cheveux en une haute queue de cheval.
— Vous auriez dû fuir, l'accord entre elle et le CP9 vous permettait de quitter Water Seven sans encombres, mais rien ne stipulait de vous laisser tranquille après ça. Enfin, je ne vais pas m'en plaindre, j'avais justement soif de meurtres dernièrement.
Noriko fit grossir ses bulles d'eau dans le creux de ses paumes en faisant tout pour garder un visage impassible, malgré sa peur d'échouer.
— Tu parles trop, haleta-t-elle avec hargne, amène-toi.
Moira fut grandement offusquée et, sans un mot, disparut complètement de son champ de vision avant de réapparaitre derrière elle pour donner un coup de pied qui lança une onde invisible tranchante et mortelle.
Noriko se baissa juste à temps et en eut le souffle coupé. Le cœur battant à tout rompre, l'adrénaline fit soudainement son apparition dont elle se servit pour se redresser et lancer un torrent d'eau sur son ennemie qui l'esquiva sans problème.
— Je vois, s'amusa Moira, tout ce temps, tu cherchais à combattre en extérieur pour avoir plus de liberté dans tes attaques.
— Tu viens de t'en rendre compte ? rétorqua Noriko. Je dois te féliciter ?
En serrant des dents face à cette nouvelle provocation, la femme aux cheveux écarlates abattit un nouveau coup de pied que la manieuse d'eau para avec son avant-bras. Le coup fut si puissant qu'elle s'enfonça légèrement dans le sol de pierres, mais réussit tout de même à rester debout.
Les yeux de Moira se plissèrent. Elle semblait comprendre que Noriko savait bel et bien se battre, mais qu'elle n'avait pas démontrer ses capacités jusqu'à maintenant.
— Je ne sais pas à quoi tu joues, pesta-t-elle, mais ça ne te sauvera pas.
Pour toute réponse, Noriko la balaya d'un nouveau torrent d'eau, mais se contenta de brasser du vide. Haletante, elle tituba jusqu'à retrouver son équilibre et, surprise, constata que Moira avait de nouveau disparu.
Elle jura intérieurement. Cette femme était beaucoup trop rapide pour elle et si elle continuait ainsi, elle n'arriverait qu'à se vider de ses forces.
Une boule lui serra la gorge. Elle remarqua enfin l'absence de quelque chose qui aurait dû la faire réagir plus tôt. Elle s'était enfin servit de ses pouvoirs, mais son mal de tête n'était pas réapparu.
Elle sauta sur le côté, esquivant le poing meurtrier de Moira qui s'enfonça profondément dans le sol.
Rapidement, elle fit apparaitre des bulles d'eau dans ses paumes qu'elle lança sans s'arrêter sur elle et Moira se mit à courir le long de la place.
Grognant de rage, Noriko continuait de la poursuivre avec ses attaques, tentant d'anticiper ses pas, mais Moira était toujours plus rapide et évitait chaque impact avec soin en sautant agilement dans les airs.
Hors d'haleine, la manieuse d'eau dû reprendre son souffle et son ennemie en profita pour lui asséner une nouvelle onde meurtrière à l'aide d'un coup de pied.
Ne pouvant la parer, Noriko enfonça un torrent d'eau dans le sol à l'aide de ses deux mains et se propulsa dans les airs. Lorsqu'elle atterrit dans une bulle d'eau qu'elle lança sous ses pieds pour se réceptionner, elle ne put qu'assister, impuissante à l'onde qui fila droit vers les habitations de l'Île Principale avant de d'en trancher certaines.
Les cris de terreur stridents qui s'en échappèrent lui parvinrent jusqu'aux oreilles malgré le bruit des chutes d'eau et Noriko sentit son cœur rater un bond, lui faisant même oublier les souffrances qui parcouraient son corps.
Elle sentit ses cheveux se dresser sur son crâne et dans un hoquet de stupeur, comprit que des citoyens venaient certainement de perdre la vie. Hommes, femmes, enfants, vieillards...
Le regard rivé sur eux, ses jambes flageolèrent et elle ne put éviter le coup de poing de Moira qui s'écrasa sur sa joue.
— Ne jamais quitter des yeux son adversaire, précisa son ennemie en s'approchant d'elle.
Couchée au sol, la jeune femme aux cheveux blancs n'avait même pas senti la douleur du coup et se redressait déjà, haletante et le regard fixé sur l'Île. Ses mains tremblaient et elle était pétrifiée de terreur. Deux bâtiments s'effondrèrent au même moment, provoquant de nouveaux cris de panique et de désespoir.
Moira vint se placer devant elle, afin de lui masquer la vue.
— Ce sont des dommages collatéraux, sourit-elle. Inutile d'en faire toute une histoire.
Noriko n'en crut pas ses oreilles.
— Ce sont des civils...
— Que nous sommes autorisés à nous en débarrasser si besoin est.
Noriko serra des dents. Elle avait déjà assisté à une horreur de ce genre. Même si elle était très jeune, elle se souvenait parfaitement des cris de terreur poussés par les villageois qui tentaient désespérément de fuir pour sauver leurs vies, se poussant et se marchant les uns sur les autres. Elle revoyait parfaitement les gorges tranchées, les gens piétinés et les incendies qui ravageaient les maisons de son village.
Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits et dans un élan de rage, fit apparaitre une immense vague qu'elle envoya à la poursuite de Moira qui s'élevait déjà dans les airs.
— Tu es une pirate, non ? Ne me fais pas croire que tu tiens aux familles de tes ennemis, s'amusa cette dernière alors qu'elle esquivait le torrent dans une danse improvisée sans le moindre effort.
L'eau lui frôla et Noriko crut un instant qu'elle l'avait touché. Elle pesta. Si elle arrivait à ne poser ne serait-ce qu'une goutte d'eau sur son ennemie, elle pourrait la contrôler pour la faire grossir et lui prendre sa clé. Sans manquer également de l'enfoncer dans le fond de sa gorge pour la noyer.
Noriko arqua ses doigts pour intensifier son eau. Même si la migraine et la brûlure dans ses yeux étaient toujours absentes, son envie de tuer venait enfin de faire surface.
— Je n'ai aucune pitié pour ceux qui portent atteinte à la vie de mes proches, Marine ou pas, cria-t-elle avec force, mais je ne m'en prendrai jamais à des innocents et je ne te laisserai pas faire !
À l'instar de Zoro avec ses sabres, Moira se servit d'une nouvelle onde partant d'un coup de pied et la fit remonter le long du torrent, le faisant ainsi exploser de l'intérieur et Noriko dû se jeter sur le côté avant qu'il ne la touche, interrompant ainsi son attaque et faisant disparaitre son eau.
Agenouillée et les mains sur le sol, elle reprenait son souffle, tandis que Moira atterrissait tranquillement près d'elle.
— Tu ne comprends toujours pas que tu ne peux rien contre moi ? s'enquit-elle. Tu n'es pas assez puissante pour me causer du tort. Regarde-toi, tu possèdes un des Fruits les plus rares du monde et tu ne sais même pas t'en servir.
— Je t'ai déjà dit que tu parlais trop ! rugit Noriko en ancrant un regard noir dans le sien, prenant même la peine d'ouvrir son deuxième œil malgré la douleur.
Elle lui envoya un torrent à pleine vitesse que son ennemi balaya d'un coup de pied.
— Est-ce que tu sais qui je suis ? répéta Moira, comme si Noriko n'en avait pas assez de l'entendre jacasser. Tu me dois le respect !
La manieuse d'eau ne prit pas la peine de lui répondre et réitéra son attaque, alternant cette fois bulles et torrents lancés en continu contre elle. La femme les évita un par un, mais Noriko les contrôla jusqu'au bout et les fit revenir à la charge en la prenant en traitre, espérant ainsi la toucher une bonne fois pour toute.
Malheureusement, Moira demeurait toujours la plus rapide et, à l'aide d'ondes émises de ses sempiternels coups de pieds, détruisait chaque parcelle d'eau qu'elle voyait.
Un constat vint soudainement à l'esprit de Noriko : Moira ne maitrisait pas le Haki de l'Armement.
Cela expliquait qu'elle évitait ses attaques et qu'elle les repoussait sans les toucher, se contentant de les détruire à distance. Elle savait donc que si une seule goutte d'eau se posait sur elle, elle ne pourrait pas s'en débarrasser et serait ainsi immédiatement engloutie et prisonnière d'une bulle.
Le fluide offensif – que chacun avait en son intérieur et au terme d'un entrainement intensif – permettait notamment de toucher le vrai corps des utilisateurs ayant ingéré un Fruit du Démon de type Logia ; mais également de toucher l'élément lié au Fruit sans passer à travers si c'était quelque chose d'imperceptible – comme la fumée, le gaz ou encore l'eau.
Contrairement au Granit Marin, il n'annulait pas les pouvoirs de l'utilisateur, mais demeurait malgré tout redoutablement efficace en combat.
Jusqu'ici, Noriko ne s'en était jamais préoccupée parce qu'elle ne pouvait pas se transformer en eau, et ses adversaires n'avait donc pas besoin de le maitriser pour la toucher, mais le fait de savoir que Moira ne pourrait pas contrer physiquement son eau la revigora.
Le problème restait toujours le même que pour récupérer la clé. Elle n'arrivait pas à la toucher à cause de sa rapidité. Elle crispa sa mâchoire et ne vit que deux solutions qui, pour elle, étaient impossibles. Soit elle devait contrôler de l'eau déjà existante qui, par miracle serait déjà posée sur son ennemie, soit elle devait réussir à faire apparaitre une bulle sans avoir besoin de la faire sortir de sa main.
Son ennemie disparut encore de son champ de vision et, anticipant la suite, Noriko fit volte-face en lançant de l'eau, mais son attaque fendit le vide et elle percuta trop tard que Moira était au-dessus d'elle, flottant dans les airs.
Dans un cri de douleur, son corps fut lourdement écrasé contre les dalles de pierre lorsqu'elle se prit l'impact de plein fouet et elle crut qu'elle que tous ses os avaient été broyés en même temps.
Moira avait de nouveau durci son corps et Noriko n'avait pas eu le temps de parer son coup de pied qui s'était abattu sur son épaule, la faisant ainsi embrassé le sol et finir au fond d'un cratère formé dans la pierre.
Allongée sur le dos et grognant de douleur, le corps parsemé de terre ainsi que de gravats, elle respirait si bruyamment que ses cris d'agonie se perdaient dans ceux de sa rage. Sa peur de mourir, son angoisse d'avoir mal, sa crainte d'être inutile aux yeux de tous, sa lutte acharnée pour survivre, tout se mélangeait dans sa tête et elle ne put empêcher un sanglot de sortir de sa gorge.
Les larmes roulèrent sur ses joues sans s'arrêter, se frayant un chemin parmi la crasse et le sang dont son visage était badigeonné avant d'atterrir dans sa bouche, donnant ainsi un goût salé à la saveur métallique qu'elle sentait toujours jusqu'au fond de sa gorge. Elle ne savait pas si elle pleurait de tristesse ou de désespoir, mais elle se sentait faible de craquer de la sorte.
Elle maudit son Fruit du Démon de ne pas lui venir en aide, ne comprenant pas pourquoi ni sa migraine, ni l'incendie qui lui dévorait les yeux refusaient de refaire surface. Elle était pourtant emplie de haine, la mort planait au-dessus de sa tête et elle ne voulait qu'une chose : se débarrasser de Moira. Tous les éléments qu'elle pensait utiles pour déclencher les symptômes étaient présents, alors pourquoi cela ne fonctionnait-il pas ?
Avec hargne, elle utilisa ses dernières forces pour se tourner sur le ventre et rampa en gémissant pour remonter dans la terre parmi les innombrables morceaux de dalles qui l'entouraient.
Ses doigts sanglants et ses ongles sales cassés se posèrent enfin sur une pierre plate bien ancrée et elle comprit qu'elle était arrivée au niveau de la surface, où se trouvait la tour.
Elle se hissa douloureusement et se retrouva nez à nez avec les pieds de Moira.
Noriko leva les yeux et l'aperçut, les bras croisés et son sourire cruel aux lèvres, l'attendant sagement. Sa vision se brouilla et tout tourna si vite autour d'elle qu'elle en eut un vertige.
Son ennemie prit la peine de détacher ses cheveux, faisant comprendre que le combat était terminé, puis se pencha et l'attrapa brutalement par la nuque pour la redresser avant de se mettre en marche.
— Noriko, recherchée pour 200 millions de berrys, annonça-t-elle fièrement en la trainant derrière elle. Je me moque que tu sois recherchée seulement vive ; j'ai l'autorisation de tuer qui je veux quand bon me semble si tant est que c'est pour le bien d'une mission, or, pour notre bien à tous, tu dois être éliminée. J'annonce donc officiellement ta mort.
Noriko luttait désespérément contre sa poigne en tentant de se redresser pour comprendre où elle l'emmenait tandis que la femme aux longs cheveux rouges marchait de manière déterminée à travers la place.
N'ayant même plus la force de crier mais voulant résister, la manieuse d'eau attrapa mollement le poignet de son ennemie et, poussant des gémissements gutturaux, tenta de reculer. Dans sa lutte, elle trébucha et bascula sur dos, faisant ainsi face au ciel bleu parfaitement dégagé.
Passablement agacée, Moira jura à voix haute et lui saisit la bretelle de son vêtement de sa main libre pour la forcer à avancer.
Agrippée à l'avant-bras de son ennemie et trainée de force, Noriko tentait d'enfoncer ses talons dans le sol pour ralentir sa course, mais ses bottes couvertes de son propre sang étaient glissantes et ne lui furent d'aucune aide.
— Sais-tu qui je suis ? demanda encore fièrement Moira en s'arrêtant pour reprendre son souffle.
À moitié allongée à ses pieds, uniquement retenue par sa poigne et les yeux se révulsant presque, Noriko haletait avec difficulté. Ses forces avait abandonné son corps et elle luttait pour ne pas s'évanouir.
Moira ancra son regard dans le sien et lui décocha un sourire cruel.
— Je descends d'une longue lignée d'assassins qui fut longtemps reconnue dans le monde entier. Aujourd'hui j'en suis l'ultime survivante, mais je compte bien perpétrer notre histoire et les rendre tous fiers de moi. Un jour, le monde tremblera de nouveau en entendant notre nom. Chaque mort me rapproche un peu plus de mon but qui est de devenir la personne de ma famille ayant commis le plus d'atrocités ; et le jour où je les rejoindrai dans l'autre monde, ils seront tous forcés de me vouer un immense respect...
Emplie d'une douce mélancolie, elle inspira l'air marin, recula son pied droit afin de prendre appui dans le sol et se pencha légèrement vers elle, les yeux brillants d'excitation.
— Alors merci à toi, chuchota-t-elle avec complicité, merci pour ton participation. Je peux t'assurer que ta mort ne sera pas vaine.
En voyant ses longs cheveux rouge flotter au vent, Noriko comprit trop tard où elle se trouvait. Elle serra des dents en fermant ses yeux et, incapable de réagir, fut brusquement jetée dans le vide.
Paralysée, la jeune pirate ne put qu'assister, impuissante, au dernier geste de Moira qui lui envoyait un baiser avant de s'élever dans le ciel à une vitesse accélérée. Elle disparut ensuite de son champ de vision, emportée avec la parcelle de terre où se trouvait la Tour de la Justice et bientôt, ce fut la totalité de l'Île Principale vu du dessous qui s'offrait à elle.
Une sensation de chaleur prit possession de son corps et la berça doucement.
Elle cligna des paupières, comme si elle luttait pour ne pas s'endormir, et expira longuement, presque de soulagement.
Le combat était terminé, Moira avait gagné, Noriko pouvait enfin se reposer.
Alors, tandis que les battements de son cœur faiblissaient peu à peu, elle ferma les yeux et se laissa aller, cessant enfin de lutter.
— DIS-MOI QUE TU VEUX VIVRE !
Résonnant en écho, la voix de Luffy réveilla Noriko de sa torpeur, lui insufflant le sentiment que tout n'était pas terminé.
— JE VEUX VIVRE !
Robin...
Une grimace douloureuse tordit la bouche de la manieuse d'eau tandis que ses sourcils se froncèrent.
« POUR ROBIN !!! »
Noriko ouvrit de grands yeux et son cœur s'arrêta soudainement de battre, comme s'il comprenait ce qu'il se passait, suivit de près par une montée en puissance d'adrénaline qui déclencha un long cri de stupeur à sa propriétaire.
Lui arrachant presque la poitrine dans une vive douleur, son rythme cardiaque s'éleva si intensément qu'elle le sentit propulser un afflux sanguin jusque dans ses oreilles.
Autour d'elle, tout avait disparu, ne laissant place qu'à une noirceur quais totale. Une faible lumière émanait toujours du ciel qu'elle savait bleu, mais qui était désormais réduit à un point blanc pas plus grand que sa paume ouverte lorsqu'elle la tendit devant son visage.
Les chutes d'eau grondaient terriblement fort et les embruns de l'océan qui s'en détachaient venait se coller sur sa peau sous formes de centaines de petites gouttes d'eau à peine perceptible.
Subitement en proie à la panique, Noriko réalisa enfin qu'elle chutait dangereusement dans un gouffre sans fin.
Instinctivement, elle se mit à battre des pieds et dans bras, cherchant désespérément quelque chose à laquelle se raccrocher, malgré les suppliques que lui lançait son corps douloureux.
L'appel d'air causé par sa chute lui giflait le visage, les larmes aux coin de ses yeux ne restaient pas longtemps à leur place et ses oreilles sifflaient si fort qu'elle crut que ses tympans allaient exploser. Autour d'elle, tout était brouillé, partiellement par le sang coulant toujours de son arcade sourcilière et lui obstruant la vision, mais également par son œil toujours endolori.
En poussant un cri mêlant rage et terreur, un vieux réflexe surprit son corps engourdi par le froid à mesure qu'elle s'éloignait du soleil lorsqu'elle fit apparaitre une bulle d'eau qu'elle lança aussi loin qu'elle put dans le but de se réceptionner.
La vitesse de l'impact la fit se fracasser dessus à une force phénoménale, lui coupant le souffle et manquant de lui broyer définitivement ses côtes déjà fragilisées.
Hurlant du fond de sa gorge, elle réitéra son attaque, envoyant plusieurs bulles à l'aveugle, en manquant certaines, mais s'écrasant violemment contre d'autres, criant à chaque impact douloureux tandis que ses bras qui protégeaient son visage absorbaient tous les chocs.
Chaque coup était plus violent que le précédent et la faisait hurler, mais, se moquant éperdument de se broyer les os car seul lui importait de survivre, elle recommença, toujours avec plus de détermination.
Au dernier heurt, son corps bascula et elle ne put empêcher une interminable série de roulades jusqu'à ce que, peinant à trouver le bon endroit qui était quelque part sous son corps, elle se stabilise à l'aide d'une énième bulle lancée au hasard et se retrouva cette fois face au ciel.
L'obscurité prit rapidement place sur le peu de lumière restant et l'ouverture où se trouvait Enies Lobby se refermait à vue d'œil, indiquant qu'elle s'enfonçait toujours plus dans les méandres de Grand Line.
Les cascades géantes semblaient de resserrer davantage sur elle et le bruit de l'eau qui s'en échappait était assourdissant au point qu'elle ne s'entendait même plus penser.
Son rythme cardiaque ralentit de nouveau. Son cœur allait la lâcher avant qu'elle n'atteigne le fond.
Au bord de l'épuisement, elle ferma ses yeux pour occulter son esprit. Elle allait mourir. Ce n'était pas la première fois qu'elle éprouvait cette sensation, mais cette fois, aucune solution ne s'offrait à elle, pas même les capacités de ses amis qui ne risquaient certainement pas de lui venir en aide.
Dans un gémissement de désespoir, elle fit apparaître une ultime bulle d'eau qu'elle garda entre ses mains, plaquée contre son torse. Au moins, son pouvoir l'avait accompagné jusqu'au bout. Elle posa ses lèvres dessus et la laisser s'élever dans les airs à une vitesse folle avant de s'évaporer définitivement.
Un mal de tête l'envahit, l'obligeant à fermer les yeux et se maintenir les tempes de toutes ses forces. Elle crut que sa boite crânienne allait exploser à cause de la pression exercée par la chute et se mit à hurler de douleur.
Un visage apparut alors clairement dans son esprit. Mihawk.
Si seulement, elle l'avait écouté, si seulement elle s'était entrainée comme il lui avait demandé. Elle aurait été forte, elle aurait battu Moira, elle n'aurait pas laissé tomber ses amis qui comptaient sur elle et qu'elle allait décevoir. Ses amis qu'elle ne les reverrait plus jamais, qu'elle n'aiderait pas à sauver Robin.
Elle ne connaitrait jamais l'identité de son père. Elle ne rejoindrait jamais non plus Ace pour parcourir les mers avec lui, ne lui tiendrait pas tendrement son visage entre ses mains pour lui dire une toute dernière fois qu'elle l'aimait.
Elle serra son bracelet à perles rouges contre son cœur et des larmes envahirent ses yeux.
Si seulement, elle avait mieux maitrisé son fruit. Si seulement, elle avait été plus forte, plus puissante.
Si seulement.
Elle avait été...
Plus forte.
Plus. Forte.
Un léger coup se fit sentir dans son dos et son corps fut soudainement retenu dans les airs, comme bercé par un nuage. De l'eau l'encercla complètement, s'engouffrant dans son nez, sa bouche et ses poumons mais pour autant, elle ne suffoqua pas et comprit qu'elle avait finalement atteint le fond de Grand Line. Sans douleur.
Elle sentit son esprit s'apaiser et, incapable de nager à cause de sa malédiction, se laissa sombrer. Jamais elle n'aurait pensé que mourir serait aussi agréable.
Une violente douleur envahit ses yeux, brûlant intensément ses iris et traversant ses pupilles avant de s'engouffrer au travers de ses nerfs optiques ; s'enfonçant jusqu'au tréfonds de son crâne pour lui cisailler l'arrière de la tête avant de s'engouffrer dans ses dents, lui donnant la sensation que leurs racines poussaient hors de ses gencives.
Ce mal insoutenable lui fit comprendre qu'elle n'était pas morte.
Elle poussa un hurlement strident qui, malgré le fait qu'il soit étouffé par l'eau, résonna dans l'obscurité.
Parcourue de spasmes incontrôlables, ses mains tremblèrent, ses doigts s'arquèrent et elle voulut hurler de nouveau lorsqu'elle sentit que tous ses ongles étaient arrachés en même temps.
Cependant, la douleur disparut aussi vite qu'elle était arrivée et ses yeux s'ouvrir soudainement, laissant place à un feu ardent qui la consumait de l'intérieur, mais sans la faire souffrir. Elle comprit alors qu'elle ne se noyait pas et que son corps était suspendu dans les airs.
Elle n'était pas en train de couler et ce n'était pas dans la mer qu'elle avait atterri, mais dans son eau. Son eau qu'elle avait créée de toute part et qui était apparu sans qu'elle ne s'échappe d'une de ses paumes.
Ayant la sensation d'être paralysée elle tenta de bouger légèrement ses doigts et l'eau lui obéit instantanément avant de la redresser en douceur. Un tourbillon se forma autour d'elle, libérant le haut de son corps, mais le gardant prisonnier de sa taille jusqu'à ses pieds.
Elle prit une grande inspiration de soulagement. Une étrange sensation dansait dans ses yeux, mais curieusement, plus aucune douleur ne semblait l'atteindre.
Cernée par l'obscurité, elle leva le nez vers le seul point lumineux : il était si petit qu'elle comprit qu'elle avait chuté de plusieurs kilomètres.
Ses poings se serrèrent si forts qu'elle se planta les ongles dans ses mains au point de se faire saigner. Les sourcils froncés, la lèvre supérieure redressée sur ses dents, elle sut instinctivement quoi faire.
Obéissant de nouveau à un geste habile de ses doigts, l'eau l'éleva dans le ciel à une vitesse folle et bientôt, elle fut de nouveau baignée dans la lumière et sentit le soleil lui réchauffer le corps.
À moitié engloutit dans une bulle d'eau, elle ralentit sa course lorsqu'elle fut dans le ciel bleu. Ses longs cheveux blancs virevoltant autour d'elle dans les airs, balayant son visage comme s'ils étaient en apesanteur dans l'eau, elle put enfin détailler son corps avec attention.
Il avait été nettoyé par son eau et seules restaient ses innombrables blessures infligées tantôt. Elle baissa les yeux et, sans ciller, remarqua que sa plaie entre ses côtes saignait de nouveau, à la différence qu'elle n'en ressentait plus la douleur. Elle posa une main dessus, se rendant seulement compte à cet instant de la forme de ses ongles devenus noirs. Ses mains ne saignaient pas comme elle le croyait après les avoir enfoncés dans ses paumes, mais de l'eau se dégagea des petites coupures qui se refermaient déjà.
Cherchant du regard son ennemie qui l'avait envoyée dans les abysses, elle la trouva de dos, marchant avec détermination vers la tour et Noriko comprit à sa position que sa chute n'avait duré que quelques secondes.
Son ennemie dû sentir sa présence, car elle s'arrêta et se retourna vers elle, affichant un air dubitatif sur son visage avant de se transformer lentement en une expression colérique.
Ses yeux s'écarquillèrent de plus en plus et sa bouche s'ouvrit sans qu'aucun son ne s'échappe lorsque Noriko tendit une main au-dessus de sa tête avant de faire apparaître une bulle d'eau qui tourna sur elle-même à toute vitesse dans le creux de sa paume.
Soudainement revenue à la réalité, Moira eut le réflexe de sauter sur le côté au moment où la jeune pirate abattit son bras, faisant filer la bulle droit sur elle. L'explosion qui en suivit fit trembler le sol et l'explosa en deux sur son passage, formant un immense cratère à l'endroit même où la elle se tenait quelques instants plus tôt.
Noriko observa avec attention son ennemie. La femme aux cheveux écarlates jura entre ses dents et toussa dans son coude à cause de la terre et la poussière élevées dans les airs. Sa respiration se coupa et elle eut un hoquet de stupeur en sautant rapidement dans le ciel en rebondissant sur l'air, lorsque le sol se mit à trembler sous ses pieds.
Suite au choc, une partie de la place dallée s'écroula et glissa dans les chutes d'eau dans un fracas assourdissant. Complètement impassible face à la puissance de son attaque, Noriko ne réagit pas et se contenta de fixer silencieusement son ennemie d'un air profondément détaché.
Moira fit volte-face vers elle, prête à l'attaquer, mais un torrent d'eau la balaya d'un revers et elle fut envoyée se fracasser dans le mur de la tour.
D'un coup de pied, celle-ci dégagea tous les débris de son passage avant de se redresser en marchant dignement vers Noriko, la respiration saccadée.
— Comment peux-tu être encore en vie !? Tu crois qu'un de tes coups aura raison de moi !? Est-ce que tu sais qui je suis !? Est-ce que tu sais à qui tu as affaire !?
— Je t'avais pourtant prévenue, répondit placidement la manieuse d'eau sans se préoccuper de ses cris, tu parles trop.
Le visage de Moira se tordit dans une grimace mêlant indignation, rage et colère. Elle se téléporta près d'elle, prête à lui donner un coup pied, mais fut soudainement bloquée dans son élan. Les yeux écarquillés, elle voyait enfin Noriko de près depuis qu'elle était remontée des profondeurs obscures et une expression de terreur intense se dessina sur son visage.
— Qu'est... QU'EST-CE QUE TU ES !?
La main tendue nonchalamment vers la membre du CP9, Noriko profita de sa stupeur pour faire danser ses doigts dans le vide et, pour la première fois, sans qu'elle n'ait besoin de la créer à partir d'une de ses paumes, fit apparaitre une bulle d'eau par le simple fait de l'imaginer.
Cette dernière s'était matérialisée sur le pied de son ennemie et remontait rapidement jusqu'à sa cheville.
En poussant un cri guttural, Moira ne put qu'assister, complètement immobilisée, à l'apparition d'une deuxième bulle, qui imita la première. Dans un mouvement de panique, elle tenta d'utiliser ses capacités spéciales pour se sortir de là, mais il était trop tard, elle était piégée et Noriko n'avait aucune intention de la laisser filer.
En proie à la panique, elle la dévisagea d'un air terrifié.
— QU'EST-IL ARRIVÉ À TES YEUX !? D'OÙ... D'OÙ SORS-TU UNE TELLE PUISSANCE !?
L'index et le majeur levés près de son oreille, Noriko cligna des paupières, puis pencha légèrement la tête sur le côté, ne comprenant pas sa réaction.
— Tu es rapide, trancha-t-elle d'un ton trop calme par rapport à la situation, alors il faut régler le problème à la source.
Elle ferma lentement sa main, ce qui accentua la pression de l'eau qui obéit à son geste et Moira hurla de douleur. Ses yeux s'agrandirent d'horreur lorsque l'eau remonta vers ses tibias pour finalement s'enrouler autour de ses genoux.
Enfin, Noriko resserra son poing, ce qui eut pour effet de lui briser les os en faisant gicler une grande quantité de sang.
Sans se soucier des hurlements effroyables qui se répercutaient en écho dans le ciel, elle balaya l'air de ses doigts et envoya Moira s'écraser contre les dalles de pierre à une vitesse folle.
Pantelante, cette dernière s'extirpa après quelques secondes en rampant avec peine du cratère qui s'était formé à l'impact, trainant derrière elle ses jambes complètement broyées et réduites en charpie, laissant impossible toute tentative de les sauver.
Avec une parfaite maitrise de sa nouvelle capacité, Noriko dirigea son eau qui supportait son poids et atterrit près d'elle en douceur.
— Tu ne... Tu ne peux pas me vaincre ! s'égosilla Moira avec désespoir, les yeux larmoyants révulsés par la douleur et la haine.
La manieuse d'eau se contenta de l'observer en silence et fit apparaitre une nouvelle bulle sur son torse qui se mit à grossir jusqu'à l'envelopper des pieds aux épaules.
Elle la souleva au-dessus de sa tête et, décrivant un arc de cercle avec son bras, la fit survoler jusqu'au-dessus du gouffre, là où elle-même avait été jetée.
Pendant ce temps, Moira continuait de jacasser, alternant gémissements de douleur et cris rauques venant du venant du fond de sa gorge.
— Tu ne peux pas me tuer !! Je suis... la dernière descendante d'une longue lignée d'assassins ! Je suis... Je suis...
Noriko resserra son poing, ce qui la fit taire et grimacer intensément de douleur.
Lorsque la cage thoracique de Moira comprima ses poumons jusqu'à lui faire cracher du sang, la manieuse d'eau rouvrit sa main, arrêtant ainsi la torture de sa victime qui suffoqua dans son propre sang. Elle la rapprocha d'elle et ancra son regard dans le sien. La peur viscérale se lisait dans les yeux de la femme aux cheveux rouges, comme si ce qu'elle voyait relevait de ses pires cauchemars.
— Tu... Tu n'es pas... humaine, ahana-t-elle au bord de la mort.
En silence, la jeune pirate ne releva pas sa remarque et bougea ses doigts. La veste de Moira s'ouvrit, laissant apparaitre une bulle d'eau tenant en son sein la clé qu'elle avait été chargée de protéger et cette dernière vint se poser délicatement dans le creux de la main de Noriko.
Elle l'observa et passa son pouce sur le chiffre 6 qui y était inscrit.
— Je suis... l'héritière d'une longue lignée... d'as... d'assassins...
Noriko leva ses yeux vers son ennemie, toujours suspendue dans le vide. D'un geste du menton, elle fit remonter l'eau jusqu'au sommet de son crâne, s'enfonçant dans son nez, sa gorge et faisant ainsi taire définitivement ses longues plaintes interminables de désespoir.
Un sourire cruel se dessina sur son visage lorsqu'elle la rapprocha d'elle pour la regarder se noyer dans une lente agonie.
— Et moi, souffla-t-elle avant de passer sa langue sous ses dents pointues, je suis Noriko, nièce de Dracule Mihawk, détentrice du Mizu Mizu no mi, l'un des Fruits du Démon les plus rares et les plus puissants du monde et tu as fait l'erreur de me sous-estimer.
Elle leva une paume ouverte devant elle et Moira fut éjectée dans les airs, survolant ainsi les tréfonds de l'océan.
— Pour Robin, chuchota Noriko.
D'un geste, elle fit tomber à pic la bulle d'eau dans les entrailles de Grand Line à une telle vitesse qu'il était quasi impossible de la suivre des yeux.
Après quelques secondes, elle tourna sa paume ouverte vers elle, tenant toujours Moira prisonnière dans sa bulle d'eau et, sans hésiter, referma son poing sur lui-même avec force.