Après 5 ans

Chapitre 6 : Fuire

3568 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 17:15

Après 5 ans

Chapitre 5

Les cinq mugiwaras se faufilèrent aussi silencieusement que des ombres sur le quai bondé du port. Des dizaines de bateaux de tailles différentes étaient alignés, attachés solidement, sans aucune surveillance. Evident, puisque minuit était passé depuis une ou deux heures. L'île où ils s'étaient retrouvés quelques jours plus tôt était au cœur des voies commerciales du Nouveau Monde, et de nombreuses embarcations de transport étaient amarrées dans la baie.

- On prend lequel ? lança Ussop, inspectant rapidement les bateaux à sa portée.

- Peu importe, du moment qu'on se tire vite d'ici.

Cette réponse provenait du blond, les mains bien enfoncées dans les poches, s'apprêtant à sauter dans la première embarcation, pour pouvoir enfin s'éloigner de l'équipage du Kid, bien visible avec leurs torches enflammées dans la ville basse, fouillant la moindre ruelle pour retrouver leur trace.

Leurs hurlements furieux étaient aisément perceptibles pour les oreilles sensibles du cuisinier, qui mâchait avec agacement sa cigarette, en voyant ses amis prendre leur temps.

- Choisir un bateau est important, Sanji, rappela Nami, grimpée sur un voilier à la coque effilée.

- Tu le vole.

- Et alors ? N'oublie pas que sans les compétences du Sunny, nous n'aurions jamais pu survivre à un voyage dans le Nouveau Monde.

- J'en ai trouvé un qui ressemble à lui ! annonça Chopper, la voix réjouie.

- Il est bien. Ca vous dirait de vous dépêcher ? grogna Zorro, déjà embarqué.

Sanji le regarda avec étonnement, notant son attitude nerveuse et ses gestes précipités. Visiblement, il avait plus encore envie de quitter l'île que lui. La présence tout proche de Killer, le supernovae lieutenant d'Eustass Kid semblait l'inquiéter.

La navigatrice étudia la frégate équipée de deux mats et d'une voile latine frémissante dans la brise légère de la nuit. Elle eût un acquiescement muet, faisant signe aux deux hommes à ses côtés de monter à bord. Ussop trancha d'un coup sec les amarrages qui retenaient le bateau au ponton.

- Vite, murmura le vert comme pour lui-même.

Rapidement, Sanji remonta l'ancre sur le pont et détacha les voiles, aidé du médecin dans sa forme humaine. D'un mouvement de son bras mince, Nami leur indiqua qu'elle était prête à partir, tenant fermement le gouvernail d'une main. Au prix de quelques manœuvres qu'ils n'avaient pas exécuté depuis des années, les cinq se détachèrent lentement du port.

Sur le point de sortir de la baie qui protégeait le port, les nakamas virent des formes gesticulantes sortir des bâtiments alignés près de la rive. Sûrement les responsables du port qui devraient se justifier au matin d'avoir perdu un bateau pendant la nuit.

Sanji sourit, les évènements lui rappelant la totale illégalité avec laquelle l'équipage au Chapeau de Paille s'était frayé un chemin dans ce bas monde, quelques années plus tôt.

- Trouvez-moi des cartes et un Eternal Pose, il doit y en avoir sur ce bateau, ordonna Nami, étudiant les courants et les vents légers qui changeaient à la sortie de la baie.

Le blond entra dans la large pièce à l'arrière du navire, qui servait vraisemblablement à la navigation, au vu des empilements de paperasse, de compas et d'appareils de mesure en tous genres. Les propriétaires du bateau avaient soigneusement consigné leur route dans un livre couvert d'écritures diverses.

Il fouilla quelques instants, enroula une carte sur laquelle étaient représentée l'île et ses environs, avant de forcer d'un coup de pied impatient une petite boîte dans laquelle se trouvait un bracelet avec trois sphères et des aiguilles variant incessamment de position.

Il retourna sur le pont, ses pas résonnant sur les lattes de bois épaisses qui le constituaient. Il tendit la boussole aux trois cadrans à la jeune femme aux longs cheveux ondulants, qui s'en saisit avant d'observer attentivement les mouvements anarchiques des aiguilles.

- Dans quatre jours nous devons être rentrés.

La navigatrice et le cuisinier fixèrent simultanément l'homme au visage balafré qui venait de leur rappeler froidement qu'ils n'étaient pas là pour jouer aux pirates.

- Qu'est-ce qui t'attache tant à ta nouvelle vie ?

Il ne l'admettrait jamais, mais Sanji était vexé de la distance que le vert s'acharnait à placer entre lui et ses autres nakamas. Est-ce qu'il se sentait toujours aussi responsable ? Est-ce qu'il ne voulait plus de l'amitié qu'ils étaient prêts à lui prouver encore ? Est-ce qu'il avait définitivement tiré un trait sur leur passé commun … ?

- C'est mon présent, pas ma nouvelle vie. Les Mugiwaras c'est du passé, et d'ailleurs, sans les autres, nous ne sommes rien de plus que d'anciens petits pirates privés de moyens.

- Les autres…

- Ceux qu'on a laissés tombé, il a cinq ans, tu te souviens ?

Le ton acide de Zorro le glaça. Ne trouvant rien à répondre, il se tourna vers Nami, qui observait l'ancien bretteur avec une expression douloureuse. Le vert eût un grognement excédé et tourna les talons pour retrouver Ussop et Chopper, qui exploraient la vaste cale et découvraient les équipements qui s'y trouvaient.

- Je n'aimerai pas être à sa place, murmura la rousse.

Sanji expira lentement une bouffée de nicotine, observant la fumée former des volutes dans l'air. Il ne savait pas ce qu'avait Zorro après leur défaite d'il y a cinq ans. Il ne savait pas ce qu'il avait fait durant ces cinq ans. Il ne savait pas pourquoi son nakama avait abandonné son rêve le plus cher. Il ne savait pas ce qu'il s'était passé dans la taverne.

Lui, Nami, Ussop, Chopper, ils s'étaient imaginés la responsabilité que Zorro devait endosser, seulement les réminiscences de leurs quatre compagnons disparus leur faisaient comprendre que ces places vides pesaient encore plus que le souvenir de la défaite à l'homme qui avait vu tous leurs rêves se briser sans pouvoir agir.

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Zorro se réhabituait au tangage constant de la frégate. Il n'avait pas navigué depuis longtemps, le mouvement monotone et continu s'imprimait en lui et il ne trouvait pas le moyen de dormir. Lui, si assuré dans une chambre d'hôtel, ne retrouvait pas ses marques dans la vie qu'il avait rêvé de reprendre cinq années durant.

Il s'était lavé rapidement. Pour enlever cette sensation de dégoût qui montait en lui quand il bougeait dans ses vêtements moites de sueur. Pour essayer aussi de se défaire de la saleté collée à sa peau depuis qu'il s'était laissé prendre par le blond aux yeux noirs brillants dans le l'obscurité de la chambre. Ce regard le suivait depuis qu'il avait retrouvé ses nakamas. Impossible de s'y soustraire.

Il avait couché avec Killer, il l'avait torturé. Le lieutenant du plus puissant supernovae ne le laisserait pas s'en tirer sans une quelconque vengeance. Sans doute essaierait-il de le tuer. Et il serait satisfait en apprenant que sa proie était en vérité l'ancien lieutenant de Monkey D. Luffy, ce pirate exceptionnel devenu une légende, enfermé au fond d'une geôle impénétrable.

Le soleil se lèverait sur l'horizon calme dans quelques heures. Il ne dormirait pas. S'extrayant du hamac où il s'était couché, jeta un regard à ses trois nakamas endormis, Nami restant dans la pièce de navigation pour étudier leur itinéraire. Il passa un long kimono noir qu'il avait trouvé avec d'autres vêtements dans la réserve.

Ses pieds nus se posèrent sans bruit sur le sol. Il monta sur le pont, s'accouda au bastingage, les yeux posés au loin sur la mer sombre et le ciel qui s'éclairait déjà à l'horizon.

La brise effleura doucement son visage aux traits fins, faisant bruire la boucle d'oreille argentée qu'il portait par habitude, effleurant son torse mat que laissait voir l'échancrure du kimono. Il ferma les yeux.

- Tu te sens coupable ?

Il n'eût pas besoin de le voir pour sentir Sanji à ses côtés. Il soupira.

- Je me sens coupable de tout, figures-toi.

- Je vais te le répéter. Ce n'était pas ta faute.

Il ne répondit pas. Il n'avait aucune envie de ramener le sujet sur la défaite.

- Je peux te demander quelque chose ?

- Vas-y…

- Comment as-tu fait pour vaincre Killer ?

Les lèvres du vert tremblèrent imperceptiblement. Il ne pourrait jamais lui dire qu'il s'était prostitué. Jamais il ne voulait voir du mépris dans les yeux de son nakama. Pire que de la haine, du mépris. Un tressaillement choqué, un silence qui n'en finirait pas, et puis le pas du blond qui s'en irait, sans pouvoir poser de nouveau ses yeux sur cette personne salie par tant d'autres hommes.

Oui, des hommes, qui plus est. Sanji, toujours à courir après des femmes serait encore plus dégoûté.

- C'est de l'avoir torturé qui te rends comme ça ? Tu sais, si tu tire une tronche d'enterrement pendant des jours, ça me regarde aussi. On va rester tous ensemble encore un peu, et on devra être au mieux de notre forme. Essaye de comprendre ! Moi aussi, je n'étais plus habitué à voir du sang couler après les coups que je donnais, et avoir torturé Killer était un passage obligatoire. Nami et moi aurions été en danger si nous étions rentrés chez nous sans savoir qu'ils nous attendaient.

Il se tût, cherchant une quelconque expression sur le visage balayé par le vent de l'homme à ses côtés.

- Ce n'est pas ça.

- Je t'ai vu quand tu essuyais tes mains trempées de sang.

- Ce n'était pas pour ça.

- Tu pourrais peut-être développer tes réponses … ?

Je l'ai touché, caressé, léché. J'ai promené mes mains sur son corps, dans ses cheveux. J'ai pris du plaisir, j'ai jouis dans sa main…

- Zorro ?

Et quand je promenais ma langue sur son ventre, mes mains sur ses cuisses, lui qui s'accrochait à mon dos, qui se cambrait au contact de mes lèvres sur son membre, quand je gémissais avec lui en moi…

- Eh…

Quand il m'embrassait, quand il caressait mes cheveux, quand il grognait de plaisir son l'action de ma bouche, quand il posait ses mains sur mes hanches et accélérait la vitesse de mes mouvements, quand il me masturbait rapidement, quand il s'est libéré en moi…

- Zorro…

Pourquoi poses-tu ta main sur mon épaule ? Pourquoi ta voix est-elle triste ? Pourquoi ton corps est-il tout près du mien ? Quand j'ai couché avec cet homme, j'ai pensé à toi l'espace d'un instant. J'ai vu ton visage sous mes paupières closes, ton nom était posé sur mes lèvres alors que c'étaient des cris de plaisir qui en sortaient. Pourquoi ais-je pensé à toi ? Pourquoi toi ? Pourquoi est-ce d'être à nouveau près de toi qui me fait le plus mal ?

- Je ne peux pas te le dire. Pas à toi, Sanji. Surtout pas.

L'ancien bretteur rouvrit son œil sombre, se détacha de la prise légère que le blond avait imposé à son épaule, il ignora la surprise de celui-ci, se retourna sans le regarder, intérieurement affolé de ses pensées. Il se calma en respirant doucement, se promettant de tout oublier quand il reviendrait à sa vie de prostitué docile, dans quatre jours, s'ils n'étaient pas rattrapés par leurs poursuivants d'ici-là.

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- On a fait le bon choix !

Chopper minauda en ondulant ses bras et ses jambes, une moue craquante sur son museau bleu. Nami ne s'y trompa pas, sauta sur lui, l'enleva du sol, l'étouffa dans ses bras, le pressant contre sa poitrine généreuse, couverte tout au plus d'un t-shirt lui descendant jusqu'aux cuisses, un minishort rouge agrémentant sa tenue… réduite.

- Bien sûr ! Mais dis-moi, ne serais-tu pas encore plus doux qu'avant ?

- Plus il vieilli, plus il est doux, tu devrais le savoir Nami, pouffa Ussop, attablé aux côté de ses nakamas, savourant un déjeuner de restaurant quatre étoiles.

- Bref. Je disais que la frégate est vraiment rapide. Pas un signe de nos poursuivants, fit le renne-médecin en s'extrayant des bras avides.

- Il faudrait peut-être continuer à monter la garde, soupira Zorro, agacé par leur caractère puéril.

La peluche grimpa sur lui, se nichant dans ses cheveux à la teinte improbable. Le vert ne fit pas un mouvement pour l'y déloger, habitué.

- Ton repas est délicieux, Sanji ! Je comprends que tu aies du succès ! lança le tireur, récupérant les dernières traces de sauce dans son assiette.

Le blond coula un regard vers son nakama le moins bavard, tracassé depuis la nuit pas son attitude étrange. Celui-ci de daigna pas lever les yeux de son plat. Le cuisinier avait l'impression qu'un froid s'était installé entre eux, bien différent de ceux qu'ils avaient avant, quand ils se disputaient à longueur de journée. Zorro semblait éprouver pour lui un ressentiment différent de l'amitié teintée de rivalité qu'ils avaient il y a cinq ans.

- Tu as trouvé une île où nous pouvons accoster sans danger, Nami ? demanda Ussop, constatant le peu de loquacité de ses amis.

- D'après l'Eternal Pose, la moins dangereuse, celle qui est indiquée avec des mouvements d'aiguilles les plus calmes se trouve à quelques heures encore, à l'est.

- On pourra y trouver quelques armes pour se défendre, au cas où ? avança le cuisinier.

- Sur la carte, il est indiqué que c'est une île vaste avec seulement quelques villages, mais sur le Nouveau Monde, je pense que tout le monde possède des armes.

Nami croisa ses bras, les sourcils froncés, visiblement sujette à une réflexion.

- Ce qu'il n'y a pas marqué sur les cartes, c'est l'identité et le nombre de pirates qui se trouvent sur l'île en question, soupira la rousse.

- Comment s'appelle l'île ?

- Little Obsession.

- C'est quoi ce nom ? s'étrangla Ussop, relevant la tête, la bouche maculée de sauce.

- Comme d'habitude, sur le Nouveau Monde, toute les îles ont des noms étranges, des habitants étranges, hébergent des pirates étranges et ont aussi souvent une étrange… topographie, dit Sanji en souriant.

- Du moment que l'Eternal Pose dit qu'il y peu de risques… commenta Zorro, mollement.

- Ah oui. Il y a aussi des psychopathes meurtriers sur chacune des îles, j'avais oublié, ajouta le blond, se rappelant d'un détail important de leurs anciens périples.

- Tch.

- C'est pas possible …? S'angoissa Chopper, les dévisageant en ne sachant pas interpréter la part de vérité de leurs paroles.

Ses petits sabots pointus s'enfoncèrent dans les cheveux de leurs propriétaires, lui arrachant un grognement. Quasiment autant qu'Ussop, le renne à l'apparence de raton-laveur avait gardé une aversion prononcée pour la découverte aveugle des îles. Même s'ils n'avaient plus un capitaine impulsif qui recherchait les dangers comme un moyen de subsistance, ils ne pouvaient pénétrer dans des îles avec une prudence complète.

- On a de l'expérience, quand même, dit Nami, tout de même confiante en leur force et leurs aptitudes complémentaires.

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Dubitatifs, les cinq nakamas étaient accoudés à la barrière de l'extrémité avant de la frégate qui filait toujours avec légèreté sur les flots calmes mais doucement agités par la brise. Le climat tiède leur semblait favorable. Côtes à côtes, ils se sentaient animés d'une flamme de courage. Tous, y compris Zorro qui doutait de lui, en ce qui concernait sa capacité à protéger ses amis.

Une île somme toute particulière. D'apparence moyennement étendue, ses côtes bordées d'arbres et de prairies, des toits rouges dénotant la présence humaine. En son centre, une montagne. Un pic. Une pyramide. Un triangle parfait, blanc. Doré sous le soleil. Reflétant les rayons brûlants, le chatoiement des vagues, la course des oiseaux dans le ciel. Immense. Sa pointe aiguisée tendue vers les nuages.

- Je ne sais pas vraiment comment l'interpréter… commenta la navigatrice.

- Cette chose ne ressemble à rien ! ricana Ussop. Je vois pas à quoi ça peut servir !

Le bateau s'approcha doucement du rivage. Aucun port visible. Seulement une bande de terre plane et dénuée de végétation à l'orée d'un village. De là où ils étaient, les mugiwaras entendaient des exclamations et des gens accouraient de leurs maisons pour leur faire des signes.

- Il n'y a pas de signe de l'empereur qui protège cette île, constata Sanji, cherchant un drapeau ou un signe de la présence de la marine.

- Tant mieux.

Près du bord, Chopper tenait l'ancre, prêt à la jeter dès qu'ils auraient accosté. Sanji lança des cordes, deux villageois les attrapèrent et les nouèrent aux poteaux d'amarrage, guidant le bateau vers la terre. Certaines personnes jetèrent un regard à la masse éblouissante qui se dressait au milieu de l'île.

Au moment où la frégate des Mugiwaras toucha l'île, le triangle s'enflamma.

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