Cœur d'Émeraude

De son côté, Hinata se rend à l'aile de rééducation, située au rez-de-chaussée. Elle pénètre alors dans ce qui ressemble à une grande salle de sport toute équipée, ou des personnes de toutes conditions physiques sont occupées sur des tapis, des machines et diverses autres équipements. Elle balaye l'assemblée, et trouve celui qu'elle cherche : un homme, sec et musclé, affublé de vêtements de sports compressifs et coachant et encourageant une personne sur un rameur qui semble peiner à garder son souffle. Hinata s'approche, suffisamment pour attirer l'attention du kinésithérapeute, mais sans interrompre la séance, elle fait alors signe quand il la regarde, puis attend. Peu après, après avoir poussé, une ultime fois, son patient en nage et rouge comme une pivoine, le kiné le félicite, et lui prodigue différents conseils sur la meilleure façon de respirer et récupérer, avant de lui flatter affectueusement l'épaule et d'aller à la rencontre de l'infirmière.

"Bonjour Hinata, vous allez bien ? Demande-t-il en tendant la main.

-Ça va merci, et vous ? Répond Hinata, serrant la main puissante du kiné qui manque presque de broyer la sienne.

-Ça va, déjà dans le dur comme vous pouvez le voir. Comment va notre VIP ? Demande-t-il, désignant préalablement du menton son patient qui tâche de respirer profondément, entre deux gorgées d'eau et épongements de la sueur qui dégouline à grosses gouttes.

-Elle a échoué au test de toux, c'est pour ça que je suis là, répond-elle, d'une moue navrée, tout en tendant le dossier de l'intéressée.

-Et ça vous surprend ? Vous pensiez vraiment qu'elle réussirait un tel tour de force aussi prématurément ? Constate et demande Choi, d'un ton légèrement moqueur en survolant le dossier. Il se concentre sur les différents clichés de radiographies et de scanners, qu'il connaît bien, mais qu'il détaille à nouveau, au cas où un nouveau détail lui sauterait à aux yeux.

-Non, enfin peut-être si, un petit peu. J'espérais qu'elle s'en sorte avec les honneurs, avoue-t-elle, en dodelinant de la tête, conscient du caractère ridicule et chimérique de ses espoirs.

-Vous savez, c'est déjà incroyable qu'elle remplisse la plupart des conditions de décanulation, quand on sait d'où elle revient. Hinata se contente d'acquiescer, se sentant un peu bête maintenant que c'est dit à haute voix.

-C'est donc la toux qui a pêché ? Demande-t-il. Hinata hoche silencieusement de la tête.

-Elle parvient à tousser, mécaniquement je veux dire, tout semble fonctionner, mais elle n'arrive à se dégager, précise-t-elle.

-Ok, mais vous avez une idée des raisons ? C'est la douleur ? Elle manque de puissance ?

-Je dirais que c'est un peu des deux, les constantes se sont envolées dès qu'elle a commencé à tousser, mais elle semblait quand même y aller franchement, donc... je sais pas, je ne veux pas dire de bêtises, mais mon avis c'est que c'est un peu des deux, répond Hinata, hésitante, secouant la tête.

-Ok, et physiquement, comment elle va ?

-Bien à l'auscultation et les constantes sont vite retournées dans la norme, mais nous verront bien ce que révélera la prochaine radio de contrôle, répond Hinata. Choi hoche doucement de la tête.

-Ok, je verrai bien à ce moment-là alors. Mais vous en dites quoi vous ? Elle est prête ? Demande le kiné, très attentif à la réaction et l'avis de sa collègue. Hinata prend le temps de réfléchir, puis elle hoche doucement de la tête, trahissant au mieux une incertitude au pire une hésitation.

-Je pense, oui, physiquement en tous cas. Mais ce n'est pas ça qui m'inquiète, je pense vraiment qu'elle est au point à ce niveau-là. C'est au niveau de ses... réactions et de sa gestion du contact que j'ai le plus de doute, avoue Hinata, avec une note soucieuse dans la voix.

-Comment ça ? Qu'est-ce que vous entendez par là ?

-Qu'elle risque d'être sur la défensive, voir... agressive

-Et bien elle ne sera ni la première à faire de la résistance les premiers jours de sa rééducation, c'est courant qu'un patient réagisse mal pour des milliers des raisons, au début en tous cas. Mais il n'y a pas de raisons que ça se passe mal. Il y aura peut-être un léger bras de fer au début, mais ensuite elle s'y fera, assure Choi, confiant en haussant les épaules, le kiné en ayant vu bien d'autres. Hinata hoche pensivement de la tête, plus que quiconque elle sait que ce ne sera pas aussi simple, et elle doit en avertir son collègue, mais sans trahir le secret médical de Tatsumaki.

-Je ne sais pas Choi. Tatsumaki a... un lourd passif, vraiment très lourd. Elle est très méfiante, sensible, très peu patiente, mais ce n'est pas de la méchanceté ou de l'arrogance, c'est... une façon de se protéger, de garder le contrôle. Et j'ai peur qu'une rééducation trop frontale puisse empirer certaines choses, voir la traumatiser d'avantage, explique Hinata, cherchant le plus soigneusement et justement ses mots, n'ayant pas non plus envie de dépeindre un tableau de Tatsumaki trop tyrannique. Mais Choi la fixe, surpris mais aussi songeur.

-Je ne sais pas trop quoi dire, quasiment tous ceux qui viennent ici ont un lourd passif comme vous dites, qu'il soit physique ou psychologique, et parfois les deux. Tatsumaki n'échappe pas à la règle, elle a des blessures très sérieuses, et qui pourraient laisser des séquelles très handicapantes si la rééducation ne suit pas. Et mon travail est de pousser les gens dans leurs retranchements, même si ça ne fait pas plaisir, explique calmement Choi. Hinata hoche pensivement de la tête, consciente de tout ça.

-Vous savez comment ça se passe maintenant : si je ne pousse pas assez les gens, ils ne progresseront pas et risquent même de régresser, et c'est exactement pareil si je les pousse trop, il faut trouver l'équilibre et pour ça il n'y a pas trente-six solutions : il faut tester la résistance des gens, leur seuil de tolérance à la douleur en les poussant dans leurs limites, développe le kiné, tâchant d'être clair dans sa façon de faire.

-Oui, je sais, je ne remets pas en question votre pratique, je voudrais juste que vous ayez toutes les cartes en main avant de la rencontrer, assure-t-elle.

-Mais d'ailleurs pourquoi rien de tout ça n'est consigné ? Rebondit soudainement Choi, en fronçant les sourcils.

-C'est le genre d'infos que j'aimerais avoir avec son dossier, surtout si c'est si important. L'infirmière se mord la lèvre, gênée. Elle a promis à Edgar Bouvier de garder l'existence du dossier psychologique de Tatsumaki secret, mais elle a aussi conscience que Choi, s'il veut optimiser les séances, doit savoir certaines choses.

-J'ai... fouiné un petit peu, ici et là, parler à sa sœur, observer certaines choses et relié le tout avec le Docteur Edgar Bouvier.

-Bouvier ? Le chef du département psycho ? Je savais pas qu'il la connaissait, s'étonne Choi, agité d'un tic.

-C'est... compliqué, et j'ai promis de ne pas trop en dire alors...

-Attendez Hinata, vous êtes en train de me dire que vous et Bouvier avez des infos tout de même assez essentielles sur une VIP, mais que c'est compartimenté ? D'où ça sort ça ? Demande le kiné d'un air agacé et incrédule.

-Comme je vous le dis, c'est compliqué, vraiment. Le mieux serait de voir directement avec lui, déjà je ne suis même pas sûr d'avoir le droit de vous informer de tout ça, alors je vais éviter de faire une énorme boulette, et ne pas vous en dire plus, coupe court Hinata, en souriant. Choi acquiesce d'un air entendu, mais affichant néanmoins une petite moue sceptique et suspicieuse.

-Très bien, je vais voir ça avec lui. Bon sinon vous comment ça va ? Parce-que vous avez vraiment une sale tête, demande Choi, refermant le dossier, avec un brin de malice, et un soupçon d'inquiétude distillé dans la voix et les yeux.

-Oui, les derniers jours ont été intenses, et hier encore plus, et je pense que je ne suis pas au bout de mes peines, répond la jeune femme en se passant une main lasse sur le visage.

-Mmh... ménagez-vous, j'ai l'impression que vous tirez pas mal sur la corde avec votre VIP, et pas sûr que ça vaille le coup de vous ruiner la santé pour elle, conseille-t-il, avec plus d'inquiétude et de sollicitude cette fois.

-Oui promis, merci Choi. Je vous laisse, j'ai encore pas mal de choses avec faire et je rêve de retrouver mon canapé et mon lit, bonne journée, répond-elle en joignant le geste à la parole. Choi lui fait donc signe, constatant sa hâte, et retourne à son patient, qui n'a pas bougé du rameur. Une fois sortie de l'aile de rééducation, Hinata pousse un profond soupire de soulagement. Elle ne pensait pas que ce serait si tendu et stressant de naviguer en zone grise, de donner les informations qu'il faut, sans en dire trop. Mais elle a réussi, et elle compte sur le professionnalisme et le perfectionnisme de son collègue pour faire le reste. Il ne lui reste maintenant qu'à aller faire ses transmissions, se changer, et ramener Fubuki chez elle.