Ma liberté s'en est allée te rejoindre

Chapitre 8 : Jour J

8629 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/01/2022 23:23

Jour J

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elizabeth se réveilla très tôt, ce matin-là.

Elle n’avait fait aucun rêve, cette nuit. Ou du moins, elle ne s’en souvenait pas. Elle s’éveilla rassurée de ne pas avoir eu cette fois une nuit agitée; elle désirait trop profiter de sa journée, car celle-ci serait unique, elle ne vivrait cela qu’une fois dans sa vie, et elle avait envie d’être bien, dès son réveil, elle n’avait nullement envie d’être aussi perturbée que les autres matinées. Pas cette fois.

 

Elle prit tout d’abord le temps de se sentir bien réveillée avant de se lever. Elle décida de faire un dernier point sur sa situation. Après, elle savait qu’elle n’en aurait plus le temps.

Les paroles de James la veille lui revenaient en mémoire. Elle avait été touchée, elle ne pouvait s’empêcher de sourire en songeant que James lui avait enfin fait une déclaration bien plus belle qu’à l’accoutumée. Il n’y avait pas eu dans ces paroles-là, cette retenue protocolaire qui avait trop longtemps caractérisé James. Elle avait enfin réellement aimé l’une de leurs conversations en tant que fiancés, elle avait aimé la manière douce et sincère qu’il avait eu de lui dire tout cela, et elle avait compris qu’il l’aimait vraiment.

Et cela avait une grande valeur aux yeux d’Elizabeth. Se sentir aimée, désirée, choyée par un homme était l’un de ses rêves, elle avait beau être différente sur certains points, elle n’en restait pas moins comme toutes les femmes à ce sujet : être aimée réellement ne la laissait pas indifférente.

Bien sûr, cela aurait pu vouloir dire qu’elle aurait pu être conquise par tout autre homme qui aurait posé sur elle un peu plus qu’un regard, mais peu importait, là, il s’agissait justement de l’homme qu’elle allait épouser, et après ce mariage, les autres tentations éventuelles se feraient oublier, car elle serait liée avec cet homme qui lui avait ouvert son cœur.

 

Forte de cette idée, elle sourit presque rêveusement en revoyant dans son esprit le baiser que lui avait donné James dans leur chambre. Elle rejoindrait justement cette chambre, dès le soir-même, et rien cette fois ne stopperait les deux mariés dans leurs élans passionnels : ils seraient l’un à l’autre et elle n’aurait plus à craindre pour son honneur si jamais elle espérait aller plus loin qu’un simple baiser. Cette fois-ci, elle aurait toute la nuit pour savourer cette étreinte, et toutes les autres nuits. Et elle était certaine d’adorer ça.

 

 

C’est avec ces idées bien peu sages qu’elle se leva, certainement plus impatiente de la nuit de noces que du mariage lui-même, Elizabeth avait toujours eu en elle un esprit passionné qui se répercutait sur son tempérament, sur ses pensées et elle savait déjà ne pas vouloir être une épouse froide ou distante, pas plus qu’elle ne désirait cela de son futur mari.

 

Comme à son habitude, et pour la dernière fois, Elizabeth s’approcha de la fenêtre, et comme elle l’avait fait la veille, elle ouvrit les volets afin d’admirer l’océan. Il pleuvait comme la veille au soir lorsqu’elle s’était endormie. De fines gouttelettes tombaient sur les carreaux de la fenêtre, brouillant la vue qu’elle avait de l’océan. Le léger brouillard matinal rendait l’horizon difficile à distinguer, si bien que la mer, l’horizon et le ciel se confondaient dans cette brume matinale, lui rappelant presque les levers de soleil de son enfance, à Londres. Pourtant, c’était la fin de l’été, et il ne faisait pas froid, dans quelques heures le soleil reviendrait probablement, elle l’espérait d’ailleurs, car il était prévu qu’elle soit coiffée d’un chignon sophistiqué et elle n’avait guère envie de se retrouver aussi décoiffée qu’après être tombée dans l’eau, comme le jour de la demande en mariage de James.

 

La jeune femme ouvrit la fenêtre, respirant à plein poumons l’air encore frais de la nuit qui achevait de la réveiller. Il était encore fort tôt, et tout à coup, un détail frappa Elizabeth. Comme dans un rêve, une ombre se dessina rapidement à travers l’horizon brumeux. Elle cligna des yeux, persuadée, le temps d’une seconde, d’avoir vu les mats d’un navire aux voiles noires. Un bref instant, le vent lui parut plus lourd, comme chargé d’un regret, mais lorsqu’elle rouvrit les yeux, tout avait disparu. Son cœur fit une embardée le temps de quelques secondes, elle scruta l’horizon avec plus d’insistance, avant de réaliser que son imagination trop vive lui jouait sans doute un de ses tours, comme pour la ramener encore et toujours, à ses rêveries piratesques de mystères et d’aventures.

 

Mais cette fois-ci, elle décida de ne pas se laisser entraîner, et elle se reprit presque aussitôt : aujourd’hui, c’était sa journée et celle de James et rien ni personne ne devait faire de l’ombre à cela.

Elizabeth entendit bientôt Estrella frapper à la porte de la chambre. Avant de répondre, elle jeta un dernier coup d’œil à l’océan, qui était devenu depuis longtemps le symbole de nombres de ses pensées vagabondes. C’était la dernière fois, la dernière nuit, le dernier matin ici. Le soir venu elle rentrerait avec son époux dans leur nouvelle demeure, elle découvrirait d’autres choses, mènerait une autre vie. Et, elle l’espérait, elle n’en serait pas déçue.

Puis elle se détourna de la fenêtre et enfila sa robe de chambre.

 

« Je suis éveillée, Estrella, entres !! »

 

La servante fit son apparition et un sourire lumineux éclaira son doux visage. Elle était visiblement au moins aussi heureuse que si ça avait été elle la mariée :

 

« Bonjour Mlle Elizabeth, avez-vous bien dormi ?? Il faut dire que la journée ne va pas être de tout repos !!! Mais quelle merveilleuse journée qu’aujourd’hui !!!! Vous allez épouser le Commodore !!! J’ai du mal à y croire, je suis si heureuse pour vous !!!!! « 

 

Elizabeth adressa un regard empli de sympathie et de douceur pour sa fidèle Estrella, qui le lui rendit.

 

« Vous savez, aujourd’hui, c’est un peu comme si je mariais ma fille… « 

 

Elizabeth fut très touchée par ces paroles peu habituelles, Estrella avait toujours la retenue des serviteurs envers leurs maîtres, mais cette fois-ci, elle avait parlé avec toute la sincérité possible, et Elizabeth se sentit à cet instant fort heureuse d’avoir auprès d’elle cette femme si gentille.

« Merci Estrella, et je suis si heureuse que tu sois présente à mon mariage, James et Père ont accepté que tu sois présente, que tu nous suives mon époux et moi dans ma nouvelle demeure !!! Je te dois beaucoup, Estrella ne l’oublie jamais… » Répondit elle en lui prenant doucement les mains.

 

Touchée, Estrella osa serrer la jeune fille bientôt femme dans ses bras, fort heureuse pour elle, avant de partir chercher la robe de mariée d’Elizabeth.

 

D’autres servantes firent leur apparition, s’occupant immédiatement d’habiller, de coiffer, de maquiller Elizabeth qui se laissait faire avec un sourire aux lèvres, aujourd’hui, elle serait sublime pour son fiancé, elle se sentait plus belle qu’à l’accoutumée, effet psychologique sans doute, mais qui lui faisait du bien. La jeune femme était déjà d’ordinaire tout à fait ravissante, son teint de porcelaine et ses cheveux dorés des femmes d’Angleterre lui donnaient un air sophistiqué et fragile à la fois, alors que son regard déterminé et sa moue presque boudeuse la rendaient divinement différente des autres aristocrates de son entourage. Cette différence avait plu à plusieurs hommes, personne ne restait indifférent à la jeune femme ; et elle aimait cela, mais aujourd’hui, c’était dans le regard épris et sincère de son futur époux qu’elle se sentirait plus désirable que jamais. C’est à lui qu’elle offrirait ses faveurs, puisqu’il voulait d’elle et l’aimait au point de la vouloir pour femme.

 

Une fois prête, Elizabeth fut rejointe par son père, lui en tenue de cérémonie, qui aussitôt s’exclama avec fierté et tendresse:

« Le Commodore sera certainement ébloui, tu es absolument magnifique Elizabeth. »  

 

Un sourire radieux lui répondit et très vite, les deux Swann quittèrent la chambre pour rejoindre le salon. Un instant, la future Mme Commodore se retourna vers la chambre qu’elle quittait, se rendant compte qu’elle y laissait là des années de sa vie. Mais pour son tempérament aventureux, c’était plus l’excitation d’une nouvelle vie qui dominait plutôt que la nostalgie. Un peu comme lorsqu’elle avait quitté l’Angleterre pour Port-Royal, dix ans auparavant. 

Un sourire doux éclaira le visage de son père en voyant ce bref coup d’œil que sa fille lançait à son passé : lui-même en était fort ému, et fort heureux. Certes, sa fille n’habiterait plus avec lui, mais elle allait devenir une femme accomplie, parfaite comme avait si bien dit James, et c’était bien là l’espoir de tout père pour sa fille.

 

 

 

 

 

 

La fraicheur de la pluie et le brouillard toujours présent enveloppa Elizabeth alors qu’elle posait le pied hors de la demeure. Elle se sentit un instant comme dans un léger vertige, pourtant, cette fois, son corset n’était pas aussi serré qu’il ne l’avait été le jour de la demande en mariage, mais l’air ambiant l’oppressait. La joie qu’elle ressentait à l’idée de cette journée unique n’arrivait pas à enlever ce sentiment d’oppression, les gouttes de pluie froides qui tombaient sur sa chevelure relevé et dans son corsage lui semblaient être comme des caresses sensuelles, mais ce n’était pas agréable, c’était oppressant : cette eau venue de l’océan, appelait à l’aventure, appelait Elizabeth comme pour la mener vers l’océan, c’était un peu comme si cette eau lui rappelait tout ce qu’elle allait perdre, ou du moins, tout ce qu’elle n’aurait pas. Elle ne parvenait pas à s’expliquer ce sentiment, elle avait l’impression de ne jamais pouvoir se débarrasser de cette étrange étincelle qui était en elle et lui prenait son bonheur à chaque fois. Pourtant, à présent, elle savait ce qu’elle voulait, elle voulait se marier, elle était prête, et elle voulait James. Et malgré cela, son esprit avait besoin d’évasion, et elle était incapable d’arrêter ces pensées étranges qui l’assaillaient. Elle avait l’impression que la pluie lui barrait le passage, comme si elle ne devait pas partir, comme si elle devait être retenue encore une fois, pour reculer ce mariage, pour se soustraire à ses obligations, pour vivre autre chose. Était-ce vraiment parce qu’au fond d’elle, il lui était toujours impossible d’accepter de se soustraire à son destin tout tracé, ou bien était-ce autre chose ?? Elle ignorait pourquoi, mais en elle résonnait un ultime avertissement, comme si elle faisait une erreur, comme si quelque chose allait se passer qui ne devait pas arriver. Quelque chose de mauvais, ou au contraire de bon mais qui lui faisait peur, et cette chose, elle ne savait pas si c’était son mariage ou bien, un événement inattendu qui allait survenir. Mais une chose était certaine, plus rien n’allait être comme avant, et même l’ambiance étonnamment triste en ce jour de mariage le lui criait. Chaque goutte d’eau qui tombaient lui donnaient presque envie de pleurer, sans savoir pourquoi, et le vent qui soufflait doucement désormais chassait peu à peu son sourire, la laissant rêveuse et un peu perdue.

 

 

 

 

 

Seule au milieu des jardins où la pluie avait chassé les invités déjà arrivés qui s’étaient réfugiés à l’abri, Elizabeth rêvait. Sa longue robe sophistiquée désormais plus près de son corps sous l’effet de l’eau, sa chevelure légèrement décoiffé sous son long voile blanc flottant au vent faisait d’elle comme une ombre merveilleuse au milieu de ce décor presque lourd d’une menace dont elle ignorait tout. Il y avait quelque chose, dans l’air, dans l’eau, partout, de presque sombre, tout comme le cœur d’Elizabeth. Ses démons l’avaient rattrapé à l’heure où elle avait cru les avoir chassé. Et, pire que tout, elle ignorait pourquoi. Il n’y avait aucune réelle raison à cela, pourtant, dès l’instant où elle avait quitté la demeure de son père et qu’elle avait ressenti la pluie glacée sur elle, elle avait senti son sourire se transformer en quelque chose de triste, de fataliste.

 

La réalité l’avait rattrapé, et tout ce qu’elle avait tenté de croire durant la semaine passée, était loin désormais. Ses pensées l’amenaient à la liberté, à Jack, à l’océan, aux pirates, à d’autres vies, d’autres choses. La réalité… C’était tout simplement qu’elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Elle ne l’avait jamais su, elle n’avait que tenter de se construire des certitudes, mais désormais qu’elle avait quitté définitivement sa demeure, son père, sa stabilité, ses rêveries, elle ne savait plus où elle en était. Elle n’était à présent plus une jeune fille mais pas encore tout à fait une femme, elle n’était plus désormais une fiancée, mais pas encore une épouse. Dans ces minutes qui la faisaient basculer entre deux vies, il lui semblait que tout devenait oppressant. Prise entre deux vies, celle qui s’achevait, celle qui commençait, elle se sentait étouffer presque aussi fort que si elle avait porté de nouveau ce corset dont elle gardait un si mauvais souvenir. Elle avait enfui de fuir, de courir, comme si ces dernières secondes étaient celles qui lui restaient pour réagir et tout changer. Mais changer quoi ????

 

« Elizabeth…Ne restes pas sous cette pluie… Ne restes pas là…. Va rejoindre ton père… »

Sa raison lui soufflait de ne pas rester ici, mais elle ne pouvait s’y résoudre…

 

Un bruit. Des coups de feu, des cris. L’alerte. Les bruits des pas des soldats qui courent et accourent.

 

« Ne reste pas là, Elizabeth, ne reste pas là… » 

 

Encore ces pas qui se rapprochent. Ils courent, ils avancent, c’est si près, ils se rapprochent.

 

« Que se passe-t-il… Pourquoi font-ils ça… »

Des cris, des voix qu’elle connait. Elle se retourne.

 

 

« ELIZABETH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Ne restez pas la !!!! ELIZABETH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »

 

La voix de James. Elizabeth se précipita d’un coup vers lui, laissant tomber son bouquet blanc. La pluie tombait toujours, de plus en plus fort, et bientôt les soldats entouraient la place et les alentours. Au milieu de l’agitation générale, Elizabeth courraient vers son fiancé. Elle ignorait ce qui se passait, et pourtant, elle avait peur. Quelque chose se passait et cela ne lui disait rien qui vaille.

 

« Elizabeth !!!!!!! Non !!!!!!!!!!!! « 

 

Elle sursauta en sentant qu’on la retenait dans sa course alors que James criait. Prise de panique, elle se débattit violemment, incapable de comprendre ce qui lui arrivait.

 

« Ne tirez pas !!!!!!!!!! Ne tirez pas ! »

 

Au loin, Elizabeth vit James ordonner à ses soldats de ne pas agir, alors qu’elle sentait autour d’elle des bras se resserrer. Une voix arriva à son oreille et elle crut défaillir.

 

« Jack… Quelle folie…Pourquoi êtes-vous là… »

 

Jack était la dernière personne qu’elle voulait voir. Incapable de s’échapper, elle sentit des larmes de rage glisser sur ses joues alors qu’elle sentait le canon froid d’une arme sur sa tempe.

 

« Vous savez très bien que je ne vous ferai rien… Je suis navré d’interrompre votre mariage mais… Il y a urgence trésor. »

 

Jack la tourna vers lui et il planta son regard dans le sien. Elizabeth le fixa avec haine, il avait tout gâché, que diable faisait-il ici… Ce qu’elle pouvait le détester…

 

« Mon équipage a pris mon navire… Et je l’ai retrouvé… Ils l’ont emmené près d’ici, à quelques encablures… J’essaie de le retrouver depuis des jours… Quand j’ai su qu’un mariage très important se préparait, je me suis dit que ce serait une excellente diversion… »

 

« Et que vous pourriez récupérer un navire pour aller jusqu’à l’endroit où votre équipage a amarré le Pearl ??? Que croyiez-vous. ????? Tous les soldats de la ville sont à votre recherche !!!!!! Croyiez-vous avoir une seule chance de leur échapper ?????????????? » Cracha Elizabeth, une rage incontrôlable dans son regard.

 

Elle ne pouvait croire à une histoire pareille. Jack non seulement venait d’interrompre le mariage, mais en plus, il se mettait plus que jamais en danger. Sa pire angoisse était en train de se réaliser, elle avait espéré, toute la semaine, qu’il ne fasse pas cela, qu’il n’apparaisse surtout pas. Pas aujourd’hui. Elle l’avait redouté, cet instant où elle le reverrait, et elle avait su, dès le départ, au fond d’elle, que ce serait ce jour-là…Plus que jamais, à son contact, elle se sentait mal à l’aise, ou plutôt… Troublée… Troublée par la liberté qu’il lui inspirait, il n’avait rien à voir avec toutes les autres personnes présentes ici, il était complètement différent, il représentait l’interdit, l’aventure et la liberté, toutes les choses qu’elle aimait sûrement plus que tout ce qu’elle avait dans la vie parfaite qu’elle menait… Ce n’était pas tant sa voix presque tentatrice et sa gestuelle presque sensuelle alors qu’il la maintenait contre lui qui la troublait, ce n’était pas tant l’homme qu’il était… Mais bien tout ce qu’il représentait… Il représentait tous ses démons et il avait un goût de paradis tout à la fois…L’interdit était-il réellement un enfer à comparer à la vie paisible et normale qu’elle s’apprêtait à mener, ou bien au contraire était-ce la clé d’un paradis auquel elle n’avait pas droit…

 

« Je n’avais pas le choix Elizabeth…Mon navire est tout près d’ici….Et je n’avais nulle intention de le laisser aux mains de mutins une seconde fois… »

Jack fixa Elizabeth avec plus d’intensité avant d’ajouter :

 

« Mon compas m’a mené ici… »

 

« Votre compas ????? Il n’indique même pas le Nord !!!! » S’écria Elizabeth indignée d’une telle excuse.

 

« Mais il indique bien mieux…Ce compas indique ce que vous désirez le plus au monde… »

 

Elizabeth le regarda soudainement avec un intérêt redoublé ; son regard changea et se transforma au bout de quelques secondes alors qu’elle percutait ce que Jack venait de dire. Elle n’avait jamais entendu quelque chose comme cela… C’était la plus belle chose qu’elle n’ait jamais découverte, si c’était vrai, ce compas était l’objet le plus précieux qu’elle n’avait jamais vu…Jack avait sorti son compas et Elizabeth tenta de le prendre d’un geste instinctif.

 

« Et votre compas vous a mené ici parce que votre navire est ce que vous désirez le plus au monde… »

 

Jack lui sourit avec fierté en s’exclamant, sûr de lui :

« Bien sûr ma colombe… »

 

Elizabeth se sentit frémir. Jack était parfois merveilleux, et à cet instant, il l’était… Elle lui fit un sourire presque doux, son regard était pétillant d’une liberté qui, plus que jamais, était perceptible, et Jack lui-même en frémit, du moins, c’était ce qu’elle ressentait, elle avait l’impression qu’ils se comprenaient, à cet instant précis, quelque chose se passait entre eux, de fort, même si les deux étaient bien trop fiers pour se l’avouer…Leur regard se nouait le temps de quelques secondes, et Elizabeth lui prit des mains doucement le compas, elle voulait savoir, enfin, ce qu’elle désirait le plus au monde…. Jack lui laissait juste la possibilité de le saisir, il la maintenait toujours, mais il savait qu’elle ne s’enfuirait pas cette fois… Avec fébrilité et fascination, elle ouvrit le compas et regarda l’aiguille tourner. Tourner… Sans se fixer nulle part. Elle releva le regard vers Jack, un peu perdue, alors que celui-ci la fixait d’un air intéressé.

 

« Vous ne savez pas ce que vous voulez, Lizzie… Ce mariage… Ce n’est pas ce que vous voulez n’est-ce pas ??? »

 

Elizabeth se mordit la lèvre, gênée.

« Je n’en sais rien… James… Est quelqu’un de bien…Mais… »

 

« Mais vous rêvez d’être libre… De faire ce que vous voulez quand vous le voulez… Et vous ne savez pas si vous voulez vous obliger à y résister en vous mariant avec votre Prince Norrington… »

 

Jack voyait juste, si juste, trop juste. Il avait cette capacité désarmante à toujours comprendre ce qui n’était pas dit, et elle ne savait que trop qu’il avait raison. Elle avait beau refouler cette partie d’elle, il réveillait trop de choses dans son esprit pour qu’elle y soit insensible. La voix de la liberté qu’elle avait si souvent dans la tête ressemblait étrangement à celle de Jack. Et c’était sa pire peur et son plus bel espoir.

 

 

 

Le monde s’était arrêté autour d’eux. Leur conversation semblait surréaliste, tous deux presque enlacés sur cette place couverte de soldats, sous les yeux médusés et impuissants de James, comme au premier jour… Elle, dans sa tenue de mariée, lui, la tenant étroitement contre lui, la menaçant dans le seul espoir de gagner du temps pour sa survie, alors qu’elle était la seule à ne montrer aucun signe de peur face à cette menace qu’elle savait vaine… La scène était si étrange qu’un instant, le temps s’était stoppé, seuls le bruit de leur voix et de la pluie qui continuaient de tomber brisaient le silence presque mortel qui était retombé sur la place. Le père d’Elizabeth, plus anxieux que jamais, regardait avec angoisse sa fille retenue par ce pirate qu’ils auraient dû tuer depuis longtemps, tandis que le vent ramenait à James l’écho de leur conversation. Il n’était pas très proche d’eux, mais pas assez loin non plus pour ignorer ces bribes de mots qui venaient frapper directement son cœur. Elizabeth… Il l’observait, comprenant peu à peu les réelles pensées de sa fiancée, comprenant bien trop brutalement tout ce qu’il avait essayé de ne pas voir pour donner une chance à leur mariage. Il restait comme abasourdi, trempé à son tour sous la pluie battante, alors que ses soldats attendaient un seul mot de sa part pour tirer sur le pirate. Mais James ne disait rien et il croisa le regard sombre de Jack, suivi du regard soudainement effrayé de sa si chère Elizabeth qui lui suppliait de laisser partir Jack. Avait-il le choix ?? La perdrait-il définitivement s’il ordonnait l’exécution immédiate de Sparrow ?? Y avait-il seulement une solution pour le tuer sans toucher Elizabeth ??

 

La jeune femme comprit les pensées de son fiancé et, l’esprit subitement revenu à la réalité et à la peur que cela lui provoquait, se tourna face à lui, restant toujours retenue par Jack qu’elle protégeait désormais volontairement en restant devant lui. Elle fixa James avec désespoir, elle savait que Jack ne s’en sortirait pas sans elle, il n’y avait plus un seul morceau de la place qui soit désert de soldats et d’armes braquées directement sur le pirate. Il ne pouvait plus faire un seul mouvement sans se faire tuer, il suffisait d’un simple mot du Commodore, et il était mort. Elle le savait. Alors que Jack balayait la scène du regard à la recherche d’un seul petit espoir de s’enfuir, comprenant pourtant déjà qu’il n’y en avait plus aucun cette fois-ci, Elizabeth suppliait James du regard, et à cet instant James commença à avancer vers eux, sans réellement savoir ce qu’il devait faire, il avait l’impression que Jack ne tuerait pas Elizabeth, mais il n’en savait rien, Jack à la place pouvait très bien le tuer lui… James lui-même ne savait pas encore ce qu’il allait faire, il était prêt à tuer Jack si besoin était, ou au contraire à se faire tuer à la place d’Elizabeth, tout ce qui comptait à ses yeux, c’était de la protéger…

 

En voyant James venir vers eux, Elizabeth eut tout d’abord un mouvement de recul. S’il tuait Jack, elle ne pourrait jamais le lui pardonner, et elle le savait. Mais elle savait aussi que si James se faisait tuer, elle ne s’en remettrait pas non plus. En voyant dans son regard toute l’intensité de l’amour qu’il lui portait, jusqu’au point de prendre pour elle des risques certains, elle sentit son cœur chavirer. Elle aimait James, elle le savait désormais… Mais en replongeant son regard dans celui profond de Jack, elle vit encore le reflet de cette liberté qu’elle désirait plus que tout. Et elle était absolument incapable de choisir. Choisir quoi, au juste… Peut-être juste son camps, sa voie… Celui qu’elle voulait défendre…Elle revit un instant les images de son rêve, si similaires à ce qu’elle était en train de vivre, et comprit qu’elle ne pourrait pas faire un choix. Elle avait déjà compris que Jack ne tirerait pas sur elle. Si elle restait contre lui, tout pouvait arriver, car James s’approchait si près d’eux qu’il devenait impossible pour les soldats de tirer un seul coup de feu sans risquer la vie de chacun des trois…

« James… Ne faites pas ça… Je vous en prie… »

 

Mais il continuait à avancer et Jack resserra son étreinte autour d’Elizabeth en approchant de nouveau le canon de son arme sur sa tempe. Puis bientôt, en direction du Commodore alors qu’il serrait ses bras autour du cou d’Elizabeth. Mais son geste était hésitant, il ne voulait pas tirer, ni sur elle, ni sur James. Quelque chose l’en empêchait et il s’adressa au Commodore :

« Poussez-vous… Cette balle ne vous est pas destinée…Ne m’obligez pas à tirer… Lizzie, dites-lui… Dîtes lui que vous ne voulez pas qu’il me tue…»

 

Elizabeth frémit à ces paroles. Folle de rage intérieure, elle trembla de colère face à cette situation qui dévoilait tout ce qu’elle avait toujours voulu cacher. Il avait raison, elle avait envie de hurler à James de laisser partir Jack, mais si elle demandait cela, elle perdrait James, comment pourrait ’il encore l’aimer après cela, déjà elle voyait le regard de James se transformer en rage, en haine vis-à-vis de Jack, elle le voyait si fort, même la jalousie était perceptible à cet instant, ce n’était plus le duel d’un pirate et d’un soldat, c’était la confrontation des deux hommes qui étaient capables de faire battre son cœur…

 

« Sparrow, si vous me tuez, ou si vous tuez Elizabeth, vous savez très bien que mes hommes n’hésiteront pas et que vous y laisserez la vie autant que nous… Si vous la relâchez, je pourrais me permettre de vous laisser une journée d’avance. Je ne le ferais pas pour vous. Je le ferai pour elle. Vous faîtes croire à ma fiancée que la piraterie est quelque chose d’attirant, de noble, de libre… Mais il n’en est rien… Vous devriez partir, Sparrow… »

Puis James s’adressa à ses hommes qui eux, n’entendaient rien de la conversation et qui se tenaient plus que jamais prêt à tirer au premier geste trop menaçant du pirate.

« Ne tirez pas ! Ne tirez que si je vous l’ordonne !!!! »

Puis de nouveau plus doucement :

« Libérez-la Sparrow, ou je leur ordonne de tirer… »

 

Elizabeth se serra un peu plus contre Jack, empêchant les rares marges de manœuvre qui restaient aux soldats pour tirer sur Jack sans l’atteindre elle. Empêchant ainsi James de mettre sa menace à exécution. Pourtant, elle avait conscience que tout pouvait déraper, il suffisait que Jack ne fasse qu’un seul geste en direction de James pour que des soldats tirent pour sauver la vie du Commodore faute de pouvoir sauver la sienne.

 

« Ordonnez à vos hommes de baisser leurs armes… Tout de suite… Commodore…. »

Sous le regard noir de Jack, le fiancé de Liz acquiesça. Mais cette fois, ce n’était pas comme la première prise d’otage. Ce jour-là il avait eu peur de voir la jeune femme se faire tuer. Mais là, il avait compris que ce n’était plus là le véritable risque qu’il encourrait. Il risquait de la perdre s’il ne laissait pas s’enfuir le pirate. Car dans le regard de sa promise, il y avait autant d’amour que de rage, et s’il tuait Jack, il perdrait cet amour si précieux qu’il venait de trouver auprès de celle qu’il aimait. Jamais dans sa vie il n’avait eu un tel dilemme… Il savait qu’elle n’était pas tout à fait tel qu’elle le montrait, il savait qu’elle éprouvait quelque chose pour Jack, du moins, qu’elle aimait la liberté qu’il était, qu’elle aimait cela peut-être plus qu’elle ne l’aimait, et il ignorait si il l’avait déjà perdue, si Liz déciderait après cela de l’épouser ou si tout allait changer mais le problème n’était plus là, il voulait faire un geste pour elle, car malgré tout ce qu’il venait de comprendre, il l’aimait toujours autant… Elle était là si belle, dans sa robe de mariée désormais si trempée, elle le regardait, elle protégeait son pire ennemi, ce Jack Sparrow… L’homme qu’il détestait le plus au monde… Il n’avait qu’une envie, c’était de le tuer, mais il ne pouvait pas, car elle ne le voulait pas… La femme qu’il aimait, admirait suffisamment le pirate pour vouloir le protéger, et contre ça, James ne pouvait rien. Il ne pouvait que la satisfaire, et se surprendre à l’aimer encore plus jusqu’au point de commettre une erreur pour elle… Pour cette femme devenue la complice d’un criminel… C’était le pire moment de sa vie, sa pire faiblesse et lorsqu’il croisa le regard de sa promise, elle put voir en lui toute la digne détresse qu’il ressentait. Elle le fixa sans un mot, presque impitoyable comme la pirate qu’elle avait toujours été un peu, tiraillée entre deux espoirs, deux hommes, deux choix…

 

« Baissez tous vos armes… »

 

Les armes se baissèrent, y compris légèrement celle de Jack jusque-là braquée sur elle, mais elle resta contre Jack, elle l’avait bien compris, si elle s’éloignait, Jack ne s’en sortirait pas, les soldats attendaient juste qu’elle soit hors de danger pour faire feu, ils le savaient tous…

 

Et James le savait :

 

« Ne tirez pas, ne bougez pas !!! Gardez vos armes baissées... » Insista t’il auprès de ses hommes.

 

Elizabeth ne bougea pas. Comment pouvait-elle revenir vers James à présent, tout cela était à cause d’elle, elle lui faisait subir la pire humiliation en soutenant Sparrow ouvertement… Elle se mordit les lèvres, comment pouvait-elle lui faire ça… Comment osait-elle… Et pourtant, il la regardait toujours de la même manière, il l’aimait, malgré tout, et elle n’aurait jamais cru que cet amour soit si puissant…

 

Le cœur d’Elizabeth accéléra alors qu’elle entendit James prononcer ces mots qui lui semblèrent presque lointains tant son esprit était embrumé…

« Ecartez-vous !!! »

 

L’ordre était pour les soldats, et ceux-ci, abasourdis, obéirent devant l’air intransigeant de leur Commodore. Nul doute que beaucoup pensaient à cet instant qu’il était devenu fou, mais personne ne le dit, et bientôt, seuls le pirate, le Commodore et la jeune femme restèrent sur la place, le Gouverneur était lui un peu en retrait, mais il refusait de partir, bien trop angoissé pour sa fille, pour son futur gendre également… Le silence s’installa un instant sur la place, des secondes qui parurent être une éternité pour eux trois, leurs visages tendus reflétaient toute la complexité de cette situation plus qu’improbable et si brutale…

 

En premier, James s’avança vers sa fiancée, tout en fixant Sparrow :

 

« Laissez-la venir me rejoindre… Et faites-vous oublier, Sparrow… »

 

Jack commença à desserrer son étreinte en sentant Elizabeth faire un mouvement en direction de James. Mais il stoppa son geste et retourna la jeune femme face à lui :

« Etes-vous sûre Elizabeth ????? »

 

Elle le fixa et un court instant, elle oublia James. Elle oublia son mariage, et le temps de quelques secondes, dans ses yeux défilèrent les images d’une vie différente, de ce qu’elle aurait pu vivre si elle aussi, avait été une pirate, une femme libre… Et tout ce que Jack aurait pu lui faire découvrir… A cet instant, dans les yeux de Jack, elle était bien, elle était libre, elle pensait comme lui. Ils étaient comme deux gouttes d’eau… Jack avait raison… Mais elle ne se l’avouerait jamais. A regret, elle se détourna sans répondre à la question du pirate, ne voulant pas voir l’ombre très furtif d’un regret dans les yeux sombres de Jack.

« Ca n’aurait pas pu marcher entre nous chérie… J’en suis navré. »

 

Ces mots résonnèrent à l’oreille d’Elizabeth sans qu’elle comprenne exactement pourquoi, puis elle s’arrêta à égale distance des deux hommes, alors que ceux-ci la regardaient, se regardaient, plus personne n’avançaient, c’était comme s’ils la laissaient décider…

 

Elle sentit des vertiges l’envahir. Pourquoi Jack ne partait pas ???? Il savait que rester ne servait à rien… Il n’avait qu’une seule chose à faire, partir, loin, loin d’elle, la laisser vivre sa vie, arrêter de la faire rêver d’une vie d’aventures qu’elle n’était pas destinée à avoir… Pourquoi James n’avançait-il pas ??? Ne voulait plus d’elle à présent qu’il connaissait ses pensées les plus interdites ?? Ou au contraire, l‘aimait-il à tel point qu’il était prêt à la laisser choisir…

 

C’était cela. James la voulait toujours, mais désormais il la laissait choisir… Tout comme Jack, qui lui laissait une chance de dire non à James, car il savait que dès qu’il serait parti elle retournerait vers James même si ce n’était pas son choix…

Ils lui offraient chacun une chance de faire son choix, chacun pour une raison différente, James par amour, Jack par liberté, ils étaient tous deux si près d’elles, leurs regards reflétaient la passion pour l’un, l’amour pour l’autre, et elle sentit un vertige plus profond l’envahir. Comment pouvait-elle renoncer à l’une de ces deux choses merveilleuses, comment pouvait-elle choisir, devait-elle avancer, reculer, devait-elle assumer jusqu’au bout son désir de piraterie et aider Jack à s’enfuir, ou bien devait-elle écouter son amour naissant pour James et prendre sa main à jamais… Qui était-elle réellement… Elle n’en savait rien… Mais son dilemme était certainement la preuve de sa folie… Elle était folle, elle en était sûre, quelque chose chez elle ne tournait pas rond, elle en était certaine désormais…

 

Alors, elle resta là, au milieu des flots de pluie qui l’enlaçaient, du vent qui la giflait, elle resta là perdue entre le regard des deux hommes, créature aussi perdue que belle à cet instant, sublime à en faire battre trop fort le cœur de ses deux amours, créatures dangereuses pour eux deux, trop belle pour être honnête, car quoi qu’elle choisisse, elle ne serait jamais totalement sincère, et cela, ils l’avaient compris tous les trois… Incapable de choisir, incapable de se poser, incapable d’aimer sans penser à un autre. Belle, insaisissable, perdue et impitoyable, aristocrate, fière, pirate, honteuse, tout à la fois, elle était leur damnation… Et elle avait un goût de paradis pour les deux hommes qui en la regardant s’arrêter entre eux, ressentaient plus de désir d’elle qu’il n’avait ressenti…. Et cela elle le sentait, et au fond, cela lui plaisait tellement, se sentir désirée, se sentir libre, à cet instant, elle n’aurait jamais voulu que ces secondes s’arrêtent… Elle les savourait, autant qu’elle les détestaient…

 

Jusqu’à ce que le silence ne soit brisé. Comme au ralenti, elle vit James se jeter sur elle, elle se sentit tomber, elle entendit résonner un bruit sourd et brutal qui ne ressemblait que trop à un coup de feu…

Elle ouvrit les yeux, ne comprenant pas, incapable de comprendre plutôt, elle tenta de se relever, tout était flou autour d’elle, elle chercha des yeux les deux hommes qui étaient près d’elle la seconde d’avant, elle voyait presque trouble, sous cette pluie battante, le choc qui venait de la sortir de ses tourments…

 

James se relevait non loin d’elle, horrifié, et sn regard finit par se poser un peu plus loin que sur Elizabeth. Alors elle se tourna vers cette direction, si vite, et pourtant si lentement, car elle venait de comprendre, et son esprit n’assimilait plus, c’est à peine si elle s’entendit prononcer le nom qu’elle avait longtemps associé à la liberté…

 

Elle ne rêvait pas cette fois. Elle cligna des yeux, peut-être qu’elle se trompait, qu’elle se méprenait, peut-être était-ce le choc... Peut-être… Avait-elle cru qu’il était invincible ou bien avait-elle voulu le croire…

 

« NON !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Jack… ???? Jack……………………………………………. »

 

James se mordit la lèvre en voyant clairement sur le visage de sa douce aimée la détresse qu’elle ressentait. Et cette fois-ci, elle était sincère. Il n’y avait rien à ajouter à cela, qu’elle ait aimé le pirate ou bien qu’il lui ait juste apporté assez de rêves pour la faire être libre, elle ressentait quelque de fort pour lui, quelque chose que seul Jack était capable de lui faire ressentir, et contre cela James ne pouvait rien… Fou de rage il cria après le lieutenant Grooves qui se tenait non loin de là, le canon encore fumant de son arme comme preuve irréfutable qu’il avait fait feu.

 

« Mais pourquoi diable avez-vous tiré Lieutenant !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Avez-vous perdu l’esprit ???????????????????? J’avais donné des ordres !!!!!!!!!!!!!!!!! »

« Mais, Commodore, Sparrow a sorti quelque chose de sa poche et j’ai pensé que c’était une arme. »

 

James se retourna vers le pirate qui tenait dans sa main le compas dont il avait parlé quelques instants plus tôt à Elizabeth…

 

« Ce n’était que son compas !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Il n’allait pas tirer... »

 

« Mais…. Commodore, il fallait le tuer dans tous les cas, c’était un pirate !!!! Ce ne sera pas une grande perte... »

 

James soupira. A voir l’état d’Elizabeth, oh que si, cette mort serait une grande perte… Pour elle…

 

Elizabeth n’écoutait pas tout cela. Elle n’entendait pas les explications du lieutenant, ni la réaction de James auquel elle ne pensait plus. Elle se moquait de savoir qui avait feu. Et pourquoi. Jack s’était écroulé et elle le retenait, à genoux sur le sol trempé elle le soutenait comme s’il pouvait de nouveau se relever… Sa robe de mariée se teinta de rouge, rouge sang du cœur du pirate qui se déversait sur elle…

 

« Qu’est-ce qui vous a pris Jack… Pourquoi êtes-vous venu ici…. » Pleura t’elle, désespérée alors qu’il lui tendait son compas.

 

« Il y avait d’autres routes n’est-ce pas ??? Pour aller retrouver votre Black Pearl ?... Pourquoi avoir choisi Port-Royal… C’était de la folie Jack… » 

 

Jack, plus mort que vivant pourtant, lui fit un faible sourire ironique pour lui répondre :

 

« Mon compas m’a mené ici… A croire… Que c’était le destin… »

 

Elizabeth le fixa et dans son regard perclus de douleur elle vit encore, la liberté, l’ironie, l’envie de vivre qu’il avait, jusqu’aux portes de la mort, il avait cette superbe qui le caractérisait…

 

 

Lorsqu’elle l’avait rencontré, elle avait été déçue, très déçue. Elle avait découvert un homme presque fragile, bien loin d’être aussi invulnérable que dans les histoires qu’il racontait. Jack n’était qu’un menteur, un conteur, il s’était forgé une légende, mais il n’était qu’un homme… En réalité, Jack était un rêveur, et malgré la déception qu’elle avait ressentie, il la faisait rêver… Il était son héros, même si elle ne l’avouait pas, elle l’admirait au point de ne plus être très sûre qu’il s’agissait bien d’admiration… il l’avait déçu en réalité, mais ils se ressemblaient, tous les deux rêvaient de choses qui n’existaient plus dans leur monde, et leurs rêves se rejoignaient, ils se comprenaient, ils étaient pareils... Jack avait raison… Ils étaient tous deux des êtres insaisissables, un peu perdus, ils avaient tous deux un masque pour faire face au monde, mais lorsqu’ils s’étaient retrouvés tous les deux sur cette île, les masques étaient tombés et ils avaient partagé ces rêves de liberté qui les animaient… Jack lui avait montré ce qu’il était vraiment, pour elle il avait brisé la légende, se montrant tel qu’il était vraiment. Il lui avait montré ses cicatrices, il lui avait ouvert un peu son âme en lui parlant … Et elle l’avait écouté, il avait brisé certains de ses rêves mais il lui en créait d’autres, elle avait connu Jack après avoir connu Sparrow… Cet homme-là était beaucoup moins reluisant, mais… Il n’en était moins cet être libre qui la faisait rêver…

 

Et de nouveau, elle se sentit percuté par cette liberté absolue, cette liberté qui venait de le tuer, car il n’était pas invincible… Il n’était qu’un homme qui avait essayé d’être libre et qui en payait le prix… Dans ce monde où tout était désormais maitrisé, codifié, il avait voulu croire qu’une autre voie était possible, et elle y avait cru aussi, à travers lui… Elle avait voulu y croire, il était le symbole de la liberté et de son existence même… Mais il partait… Et avec lui, c’était tout cet espoir qui s’en allait …

 

Elizabeth avait l’impression qu’on lui plantait un poignard dans le cœur. C’était l’essence même de ses rêves qui s’en allait, elle sentait la liberté qu’elle avait en elle mourir avec lui. Peu à peu. D’une main tremblante elle prit le compas que Jack lui offrait alors qu’il tentait de trouver encre une fois un souffle d’air, l’air de la mer qu’il aimait tant… Elle voulait le retenir, le faire revenir, mais elle ne le pouvait pas. Jack n’était pas invincible et la liberté non plus. Il suffisait d’une balle pour la détruire. Elle s’enfuyait loin d’eux, loin d’Elizabeth qui sentait toute une partie d’elle-même s’enfuir de son être à travers les larmes qu’elle versaient et qui se mélangeaient au sang de Jack sur le blanc de sa robe, sa vie à lui et sa liberté à elle se rejoignant dans un ultime adieu…

Elle voulait le retenir…. Mais on ne retient pas les rêves. Elle s’était trompée. La liberté n’existe pas et elle tue ceux qui la cherchent.

Alors le pirate ne chercha plus à lutter, il l’avait compris lui aussi, et alors qu’il laissait sa vie lui échapper, Elizabeth sentit en elle quelque chose se briser. Sa flamme la quittait et elle resta un instant sans bouger, trempée de cette eau venue de l’océan, mais cette fois-ci, elle ne ressentait plus rien de ce qu’elle avait ressenti avant. Ni le vent ni les embruns ne lui procurait des envies de liberté ou d’aventures, elle n’avait plus envie de tout cela. Elle n’était plus cette jeune femme rêveuse, car la source de ses rêves avait disparue. Elle avait l’impression d’avoir fait une chute vertigineuse et de se retrouver là, d’un seul coup, la réalité revenait, sa vue se faisait moins trouble, de nouveau, son vertige s’atténuait. Elle murmura à Jack que sa liberté s’en était le rejoindre désormais, puis elle se releva, pour croiser le regard de James. Il la fixa avec une expression presque de surprise, car elle avait changé, c’était comme si ce qui venait de se passer avait ôté d’elle l’insouciance, son regard en était presque plus dur mais elle n’en était que plus belle… Tous la regardaient elles, personne n’osait ni bouger ni parler, que pouvaient t’ils bien dire après ça…

Alors elle prit le compas que Jack lui avait donné, et l’ouvrit. Mais cette fois-ci, l’aiguille ne tourna pas dans tous les sens. Elle se fixa dans une direction et celle-ci désignait James. Un sourire triste éclaira brièvement le visage d’Elizabeth. Elle n'aurait jamais pu choisir, elle n'aurait jamais pu être heureuse non plus, car toujours elle aurait eu des regrets, d'un côté comme de l'autre... Mais désormais, il n'y avait plus que James, elle n'avait plus que lui, et en le regardant elle se rendit compte plus que jamais, qu’elle l'aimait, qu'elle l'avait toujours aimé... Mais quelque chose en elle, l'autre partie d’elle, n'aurait jamais cessé de contredire cet amour si contradictoire avec ses rêves d’indépendance...

Mais désormais, tout cela s'était éteint et en voyant le décor autour d’elle, elle se sentit a sa place. C'était sa vie, son destin, et James était son amour. Jack avait été comme elle victime d'un désir d’autre chose qui avait fini par le tuer. Mais elle, elle ne commettrait pas la même erreur. Elle était en vie et elle choisirait la voie qui la garderait vivante, peut-être enfermé dans sa cage dorée d'aristocrate, mais vivante... Elle aurait une vie, un mari, des enfants, une famille aimante, une belle demeure, une vie paisible, tout ce que Jack n'aurait jamais eu…

Et cette fois, plus rien ne la retenait. Renonçant définitivement à un rêve de liberté qui ne menait nulle part, elle inspira à plein poumons sans savoir si c'était pour retrouver l’air quelle avait perdu ou bien si c'était parce qu'enfin elle pouvait respirer désormais sans ressentir le poids des deux parties d'elle-même qui s’affrontaient...

Elle se décida enfin à s’avancer vers James, et souri tendrement devant son air d’incompréhension.

« Épousez-moi James... Je vous aime... Ne laissons plus passer notre chance... je vous ai assez faire souffrir comme cela, et si pour me faire pardonner il faut une vie entière, alors je passerai chaque seconde de ma vie à vous aimer pour cela... »

Elle était sincère, plus qu'elle ne l’avait jamais été. Elle n’hésitait plus, car cette fois, il n'y avait plus aucune source d'hésitation pour la jeune femme. Le temps d'un instant James de nouveau ressenti la peur qu'elle ne le choisisse pour la mauvaise raison, qu'elle ne veuille de lui uniquement parce qu'elle n'avait plus que lui. Puis, il se rappela qu'il avait eu peur de la perdre plus encore que n’importe quoi d’autres, et puisque le destin avait choisi, alors il l'a voulait toujours... Il se promit de tout faire pour lui faire oublier tout ce qui n’était pas eux deux et serra les mains de sa future femme plus étroitement. Il lui pardonnait... Ardemment... Puisqu'elle l'aimait... Il lui pardonnait.

« Je vous épouserai, Elizabeth... Peu importe ce que vous êtes réellement... Je vous pardonnerai et je vous épouserai. »

Elizabeth à cet instant oublia tout le reste. James l'aimait plus que n’importe quel homme ne l’aurait jamais aimé... Et le destin ne s'était pas trompé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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