SPARROW - Le Monocle de Clairvoyance

Chapitre 9 : Saint-Domingue

8019 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/01/2024 19:02

-       Debout là-dedans !

    Jack, Bellamy, et Charlemagne, se sont accordés une sieste bien méritée. Charlemagne, resté dormir sur le pont du navire, s’est fait dévorer par les moustiques. Les deux jeunes hommes ont préféré le « confort » des couchettes du dortoir. Jack a à peine dormi, cela fait quelques jours qu’il est pris d’atroces migraines, depuis qu’il a utilisé le monocle. Il a beau creuser, rien ne vient, aucun souvenir. Tout s’est passé très vite lors de son duel contre Harvey. Lui-même ne sait même plus comment lui est venu l’idée d’enfiler la lunette. La seule chose dont Jack est sûr, c’est que ce petit objet lui a permis de dominer totalement quelqu’un de bien plus fort que lui. Comment ça marche ? Le jeune capitaine a beau examiner le monocle sous tous ses angles, il ne dégage définitivement rien. Quand il l’enfile, et qu’il regarde dans le vide, rien non plus. Ce fourbe a même essayé de contempler Bellamy à travers le verre durant son sommeil, toujours rien.

    Assis sur la rambarde de la proue du bâtiment, le capitaine attend que ses hommes soient enfin réveillés, et en forme, une grande journée les attend. Bellamy a dit avoir une idée, mais avec le blond, une idée n’est pas toujours synonyme de plan. Jack a beaucoup cogité dans le vide, pourquoi vouloir se diriger directement dans la gueule du loup ? Il n’a pas réussi à cerner les intentions de son camarade, mais c’est une idée qui l’excite.

-       Ohé, fidèles matelots, pas trop dur ? Buvez donc, vos yeux s’ouvriront d’eux-mêmes !

-       Ahah tu sais, Jack, j’ai beau ne pas connaître mon âge, je suis sûr que je ne suis plus tout jeune, constate Charlemagne.

-       Et moi, je vais me faire vieux bien trop tôt si je continue à vous attendre !

-       T’es culotté quand même, souffle Bellamy, qui pousse enfin la porte de la cale pour rejoindre le pont.

-       Te voilà, jolie blonde, je t’attendais.

-       Laisse-moi tranquille, tu veux…

    Tout comme Jack, mais pour des raisons différentes, Bellamy a très peu dormi. Il a passé la nuit à réfléchir à son plan. Le jeune second a déduit rapidement que s’éloigner le plus possible des villes de l’île était inutile. Ils seraient, certes, incognito dans la jungle, mais il leur serait impossible d’obtenir la moindre information sur ce fameux Gourou. Charlemagne ne sait rien, si ce n’est que des moyens conséquents ont été mis en place pour l’évader, preuve que peu importe ce qui se cache derrière ce pseudonyme, c’est quelque chose de grand. Le Gourou doit donc être connu, un minimum. Si son activité est de libérer des esclaves, sur une île qui vit principalement de ce commerce, il doit poser un sacré problèmes aux autorités, ainsi qu’aux marchands, il faudra donc être très vigilant, et ne pas questionner n’importe qui. Car en revanche, si le gourou parvient toujours à être actif, il y a forcément des gens, dans la ville, qui le soutiennent, et ce sont eux qu’ils doivent trouver. Le problème majeur, c’est Charlemagne. Deux gamins qui débarquent sur un navire, avec des dégaines douteuses, peuvent encore passer pour deux jeunes vagabonds faisant escale pour essayer de faire du troc. Mais deux gamins qui débarquent sur un navire, avec des dégaines douteuses, et un vieil homme à la peau noire, dans le port de Cul-de-Sac, sur Saint-Domingue, c’est une autre histoire. C’est un territoire où être noir, signifie être esclave. Bellamy s’est pris la tête toute la nuit pour justifier la présence de Charlemagne à leurs côtés, il n’a pas trouvé la solution. C’est pour ça que, une fois bien réveillé, il rejoint le principal intéressé, et Jack, pour leur faire part de ses réflexions nocturnes.

-       Je vois… tu as raison Bellamy, très bonne observation. Je ne pourrai pas passer inaperçu sur le port. La dernière fois que j’ai mis les pieds là-bas, j’ai compris que l’homme noir était moins estimé qu’un rat. C’est encore pire qu’en Europe.

-       Les hommes sont vraiment répugnants, ils ont inventé le terme de « monstre » pour définir tout ce qui a l’air plus infâme qu’eux même. En vérité, ils se sont trouvé une belle définition pour dire ce qu’ils sont, dit Bellamy, le poing serré.

-       Bof, tu sais, gamin, si nous, les hommes noirs, sommes traités comme ça à travers les océans, c’est peut-être parce que c’est notre nature, finalement.

-       Je ne veux pas l’entendre ! Sors-toi ça de la tête, Charlemagne. Tu sais lire, tu sais te battre, tu sais soigner, et tu sais même chanter. J’ai rencontré des hommes blancs qui ne savaient même pas distinguer leur droite de leur gauche. Le problème doit venir de quelque chose de plus profond. Je me demande comment fonctionne votre continent d’origine, l’Afrique. Comment deux continents, séparés par une simple mer, ont pu connaître deux développements si différents…

-       C’est passionnant ! Vraiment, fantastique, mais tu auras tout le temps de te questionner sur l’Afrique quand j’aurais déposé ta grosse carcasse en France, professeur Bellamy. Mais là, on a un problème, et qu’est-ce qu’on fait, quand on a un problème ? intervient Jack.

-       On cherche une solution, s’exclame Charlemagne

-       Juste ! Tu es brillant, moussaillon. On cherche une solution ! poursuit le capitaine en se levant. Et si on faisait comme si Charlemagne était notre esclave, à nous ?

-       Non. J’y ai déjà songé, mais ça ne sera pas crédible. Deux gamins à l’allure de pouilleux comme nous, aucun garde n’y croira une seule seconde.

-       Hum… et si on faisait croire que Charlemagne est un homme déclaré libre ?

-       Ils demanderont des papiers.

-       Fais chier ! Attends… et si on…

-       Et si vous vous faisiez passer pour des esclavagistes ? suggère Charlemagne.

-       Pareil, on nous demandera des papiers en cas de contrôle, ce n’est pas crédible.

-       Pas si vous vous présentez comme de simples passeurs ! Si vous êtes assez convaincants, vous pouvez dire que vous êtes envoyés par le nègre blanc pour déposer un fuyard, comme des chasseurs de prime.

-       Le nègre blanc ? C’est quoi ce nom à la con ?

-       Le nègre blanc, mon capitaine, est le négrier avec qui j’ai traversé l’océan. Son vrai nom est Suleyman Umar.

-       Jamais entendu parler.

-       Moi si, sur Nassau. J’ai entendu ce nom, c’est un négrier noir de peau, n’est-ce pas ? Demande Bellamy.

-       Oui, je crois bien que c’est le seul d’ailleurs.

-       C’est possible ça ? s’interroge Jack.

-       Il faut croire que oui, je l’ai vu de mes yeux. Il n’avait aucune pitié pour nous lors de la traversée. Dès qu’un esclave flanchait, ou désobéissait, il était jeté par-dessus bord avec un boulet de canon attaché à la cheville. Certains soirs, j’ai même entendu quelques-uns de ses hommes se dire terrifiés par le comportement de leur capitaine.

-       Et pourquoi dire que nous venons de sa part ? C’est plutôt risqué, remarque Bellamy.

-       Au contraire. Quand nous sommes arrivés sur Saint-Domingue, j’ai remarqué qu’aucun soldat français n’osait s’approcher de lui. Personne ne veut traiter avec ce monstre. Les deux hommes qui ont tenté de nous délivrer en ont payé le prix fort, c’est lui qui les a massacrés. Si vous déclarez avoir attrapé l’un de ses fuyards, je pense qu’ils nous laisseront le bénéfice du doute, par crainte de se mêler de ses affaires.

-       Oui, certes. Mais après ? Si ils nous croient, qu’est-ce qu’on fera ? 

-       Bah on prendra la fuite, t’arrives vraiment à suivre,  Bellamy ?

-       Triple andouille, si c’est ça, autant accoster, et tenter directement de contourner les contrôles. Et si tu suivais, tu comprendrais qu’avec un homme noir à bord, c’est impossible, s’agace Bellamy.

-       C’est juste, mais pas tout à fait. À cette période de l’année, le nègre blanc est probablement présent sur Saint-Domingue, stipule Charlemagne.

-       Mais, attends, c’est de la folie de se pointer là-bas en disant être à sa solde, alors qu’il est lui-même sur place ? Charlemagne, tu es gentil, et tu sais pleins de choses, mais je pense que pour ce qui est de l’élaboration des plans tu devr…

-       Vous direz que vous vous dirigez vers la tour d’argent, et que, par manque de confiance suite aux récentes tentatives d’évasions, le nègre blanc a ordonné que vous ne soyez pas escortés, suggère Charlemagne, en coupant son second.

-       C’est quoi ça encore, la tour d’argent ? Demande Jack, qui suit la conversation en pointillés.

-       C’est le repaire de Suleyman sur Saint-Domingue. Enfin, je crois, du moins j’espère.

-       Comment ça tu crois ?! On a pas le droit de « croire », on doit être sûr ! S’affole le blond.

-       J’en suis presque sûr ! Vous savez, j’ai entendu pas mal de discussions lors de la traversée, et j’ai souvent entendu des hommes de l’équipage dire avoir hâte de pouvoir se reposer à la tour d’argent. Alors, j’imagine que c’est son repaire, c’est quitte ou double.

-       Et pourquoi pas triple ? Nous sommes trois après tout, remarque Jack.

-       C’est une expression, abruti. Ça veut dire que ce sera soit un échec cuisant, soit une réussite totale.

-       Exactement, il n’y a aucune certitude malheureusement… mais ça vaut le coup d’essayer !

-       Je sais pas, ça m’a l’air irréalisable, s’inquiète Bellamy.

-       Trouillard ! Arrête ton char, on a fait pire sur Nassau ! Moi j’y crois à ce plan, même si j’ai pas vraiment tout compris, on fonce ! Clame Jack, encouragé par Charlemagne.

 

***


Une demi-journée a suffi à l’équipage du moineau pour contourner l’interminable littoral ouest d’Hispaniola, afin de rejoindre le port commercial de Saint-Domingue, Cul-de-Sac. Ce port donne sur la plus grande ville de l’île (toujours pas nommée par les français). L’expérience n’a rien à voir avec le débarquement sur Tortuga, pourtant très proche à vol d’oiseau. Des centaines de navires naviguent autour du port. Beaucoup d’étendards sont hissés, arborant différentes couleurs et motifs, mais aucun Jolly Roger à l’horizon. Des négriers, des pêcheurs, des bateaux de commerce, de marine, et de simples voyageurs vont et viennent, l’île semble florissante. Bellamy est fasciné par ce melting pot, et par l’effervescence commerciale qui anime la baie. Jack, lui, s’en fiche un peu. Il s’amuse a essayer d’estimer la valeur des cargaisons de chaque navire, avec Charlemagne en guise de juge.

-       Celui-là, le gros avec les deux belles voiles blanches, j’ai senti une odeur forte, tenace, et presque écœurante quand on lui est passé devant, il doit transporter des épices !

-       Bien vu, je reconnais l’odeur du poivre, et même de… je ne sais pas si c’est de la muscade, ou de la cannelle, peut-être du cumin, réfléchit Charlemagne à voix haute.

-       Ce sont trois épices qui n’ont rien à voir, se désole Bellamy.

    Le blond examine l’envergure du chantier d’accroissement du port, il n’avait jamais vu de tels échafaudages auparavant. D’habitude ceux-ci sont bancals, entièrement en bois, et soutenus par des cordages. Ici, ils forment une véritable galerie de passage entre les bâtiments en travaux, et sont consolidés par des structures fines en acier. Il y a même trois constructions gigantesques, qu’il pense être des grues. S’il n’en est pas sûr, c’est parce que la seule grue qu’il ait jamais vue sur Nassau, faisait moins de la moitié de la taille de l’une de celles-ci. Ce sont de véritables bijoux d’ingénierie qui surplombent le ciel de cette ville.

-       C’est pareil, je parie que son chargement vaut une dizaines de pièces d’or, dit Jack, à propos de la caravelle marchande d’épices.

-       Les marchands sont souvent payés en pièces d’argent, Jack, les pièces d’or, c’est réservé pour les affaires de la haute, précise Charlemagne

-       Bah moi, celui pour qui j’ai bossé toute ma vie, il ne voulait que de l’or ! De l’or, et du tabac. Pourtant, c’est un vrai péquenot Javier, un vrai de vrai !

-       Et bah il avait tout compris, ce monsieur, l’argent a de la valeur, certes, mais l’or… ça fait tourner la tête à n’importe qui, c’est un métal maudit, que l’homme n’aurait jamais dû aller puiser ! Mais vu que des galibots continuent d’aller chercher ce butin diabolique six pieds sous terres, c’est pas à nous de se priver d’en désirer ! 

-       Bien dit, Charlemagne ! Bientôt, on pillera un tas d’or, et on aura plus besoin de se faire petit, ni de fuir, pour obtenir ce qu’on veut ! répond Jack, des étoiles dans les yeux.

-       Ahah et comment, mon capitaine ! acquiesce Charlemagne, enjoué.

-       Oui, bon, c’est beau de rêver, mais pour aujourd’hui, on va essayer de se faire le plus petit possible, si vous voulez bien commencer à vous imprégner de vos personnages…

-       T’es vraiment un rabat-joie, le blond, dit Jack en se redressant. Allez les gars, c’est l’heure ! Bellamy, si on veut être crédible, va falloir que tu gères l’amerrissage, on doit pas se faire remarquer.

-       Je m’en sors très bien ! En tout cas, beaucoup mieux que depuis deux jours… je me suis entraîné à l’exercice du cordage, ça devrait le faire. Je compte sur toi pour pas faire foirer le plan, dans le cas où on serait contrôlé.

-       T’en fais pas, mauviette, je connais mon discours sur le bout de la langue.

-       Je demande qu’à voir… Charlemagne, tu es prêt ?

-       Qu’est-ce que tu crois, bonhomme ? Jouer l’esclave ne devrait pas être difficile pour moi, répond-t-il avec sarcasme.

-       Hm, c’est vrai… allez les gars, que la commedia dell’arte commence ! clame Bellamy, confiant.

    L’amarrage se fait sans trop d’encombres. Bellamy disait vrai, il s’est amélioré. Ils se dirigent dans la partie la plus à droite du port, destinée aux petites embarcations à un mât. Assez tranquilles lors de la manœuvre, ils voient vite deux soldats de la marine française se diriger vers leur navire, pour terminer l’attelage aux bites d’amarrage du port. Les deux hommes portent des uniformes bleus, ornés de dorures, et de détails rouge et blanc. Ce sont de simples soldats de patrouille, chargés de contrôler les vas-et-viens sur le port. Au moment de descendre, Jack sent que Bellamy est un peu stressé.

-       Avoue, tu comptais sur ma bonne étoile, tu étais sûr qu’on échapperait au contrôle ? lui dit-il, amusé par la situation.

-       Tais-toi, reste concentré, bon sang, lui répond le blond.

-       Eheh, mauviette !

    Jack attrape violemment Charlemagne par le bras, et lui donne un coup de pied à l’arrière du genoux.

-       Avance, sale race ! crie-t-il.

    Charlemagne s’exécute, et avance au pas, guidé par les deux gamins derrière lui. Le port est animé, ça pullule dans tous les sens. Les garçons ont beau être en pleine opération, ils sont subjugués par le lieu. Il y a un grand marché où l’on troc tout et n’importe quoi, les commerçants hurlent à tue-tête le nom de leurs produits, ainsi que les prix. On y vend  des fruits, des légumes, des épices, du tabac, des herbes, des matières premières, des vêtements etc. Le plus déroutant est que, il n’y a pas que les nobles qui arpentent ces allées marchandes, mais aussi des gens à l’allure moins aisée, totalement banale. La vie a l’air réellement pérenne et attractive dans cette ville. En témoigne aussi le fameux chantier, qui couvre l’ensemble des bâtiments entourant les quais. De loin, on pouvait remarquer son envergure, mais de près, on peut remarquer que c’est une gigantesque fourmilière. Environ trois, ou quatre cents hommes sont à la tâche, et travaillent corps et âme à l’avancée des travaux. Ce nombre d’employés, et l’entrain de ceux-ci, témoigne d’une capacité à rémunérer le travail à hauteur de l’effort, comme nulle part ailleurs dans les Caraïbes. En tout cas, comme un grain de sable dans une grande plage, personne n’a l’air d’être interpellé par la vue de deux adolescents au commande d’une frégate, malmenant un esclave d’environ quatre fois leur âge. C’est un premier bon point, ils n’auront à duper que deux soldats qui effectuent un contrôle de routine.

-       Eh, vous ! Vous venez d’amarrer sur Saint-Domingue, colonie du royaume de France, déclarez-vous, ordonne l’un des deux soldats.

-       Je me présente, Carlos Muniain, et voici mon acolyte, Billy Gilmour. L’animal qu’on transporte est recherché par Suleyman Umar, c’est un fuyard. On vient justement le livrer pour le compte de monsieur Umar, en espérant en tirer un bon prix, dit Jack avec aisance.

-       Vous avez l’air bien jeune pour des chasseurs de primes, vous dites être à la solde du nègre blanc en personne ?

-       Je comprends vos doutes monsieur, c’est vrai que nous sommes un peu jeune mais…

-       Argh, j’en ai marre d’entendre ça ! Avec tout le respect que je vous dois, messieurs, y’a-t-il un âge requis pour chasser la vermine ?

    Jack coupe Bellamy, qui commençait à se mettre en position de faiblesse vis-à-vis des deux soldats, comme ils avaient convenu de faire en cas d’interrogatoire. Dans un excès de confiance, le moineau s’est avancé vers les soldats, ce qui leur déplaît.

-       Reculez ! Ce n’est pas à vous de poser les questions ici. Répondez, attestez-vous sur l’honneur être à la solde de Suleyman Umar, dit le nègre blanc ? s’énerve le soldat.

    Celui-ci fait signe à Jack de garder ses distances.

-       Oui, monsieur, nous attestons être au service direct de monsieur Umar. Ce nègre que l’on détient, porte le numéro cent trente et un, vous pouvez vérifier qu’il est bel et bien fugitif, arrivé sur ce même port il y a de ça deux ans, sur le navire de monsieur Umar, en provenance de Bretagne, précise Bellamy avec calme, maître de ses esprits.

-       Montrez-moi son matricule, sur le champ.

    Jack s’exécute. Il attrape Charlemagne par l’épaule, et le fait se tourner. En soulevant son tricot, on peut lire le numéro cent trente et un marqué au fer rouge, au bas de son dos. Les deux soldats s’échangent un regard, et demandent à Jack de recouvrir l’esclave.

-       Vous dites être employés par Suleyman Umar en personne, c’est bien ça ? Depuis quand monsieur Umar emploie ses propres chasseurs de primes ?

-       Notre employeur ne fait confiance à personne, si ce n’est à nous. Nous sommes Carlos Muniain et Billy Gilmour, les étoiles montantes de la chasse à l’homme ! Ne vous fiez pas à notre âge, on a chopé ce boy avant tout le monde, si Umar nous a engagé, c’est parce que nous sommes les meilleurs, tout simplement ! Pas vrai, Bel… heu, Billy !

-       Je confirme, on a toujours un coup d’avance, répond Bellamy.

    Le blond peine à camoufler son envie d’égorger son capitaine.

-       Hm, c’est bizarre cette histoire… je vois mal le nègre blanc faire confiance à deux chasseurs aussi jeunes.

-       Désolé, mais connaissez-vous réellement Suleyman Umar ?! Je vous jure, que s’il apprend que nous sommes en retard parce que deux soldats nous ont retenus si longtemps pour un jugement de faciès, sa fureur sera à la hauteur de votre punition ! Vous savez quoi ? Vous avez qu’à nous accompagner, je préfère que vous soyez avec nous quand il apprendra pourquoi son esclave a mis tant de temps à arriver !

    Jack espère faire peur aux deux hommes, il joue la carte du bluff au maximum. Bellamy est paniqué par cette initiative, tout comme Charlemagne. Le plan était de justement, mentionner le fait que Suleyman Umar, inquiet par ces disparitions d’esclaves, et au courant pour des supposés infiltrés déguisés en soldats, aurait ordonné que son esclave lui soit livré sans la moindre escorte.

-       Eh bien, si vous dites vrai… ça pourrait peut-être nous retomber dessus, alors… je pense que… hésite l’un des deux soldats.

-       Entendu, on est jamais trop prudent. Monsieur Umar est un homme terrifiant, mais aux dernières nouvelles, tant qu’il se trouve sur cet île, il est sous la juridiction de cet écusson, dit l’autre soldat, en montrant du doigt l’insigne dorée qu’il porte sur la poitrine, représentant une belle fleur de lys. Il doit se trouver à la tour d’argent actuellement, nous allons donc vous y accompagner, c’est bien là-bas que vous vous rendez, n’est-ce pas ?

    Bellamy foudroie Jack du regard, qui lui, affiche un sourire idiot.

-       Grandiose ! La marine Française peut être fière de compter des hommes comme vous dans ses rangs. En route ! dit le moineau, avec entrain.

    Les deux soldats escortent Jack, Bellamy, et Charlemagne à travers Saint-Domingue. Toute la ville est en cours de rénovation. Les habits sont étendus à des fils cordés reliés entre les bâtiments, tous les appartements semblent habités et vivants, en témoignent les odeurs de nourriture diverses et variées qui embaument les chemins. Les drapeaux Français sont omniprésents, et les passants sont particulièrement propres sur eux, sans pour autant avoir l’air nobles. Beaucoup de femmes se promènent sans qu’aucun homme ne vienne leur chercher des noises. L’essor de l’île se ressent à chaque coin de celle-ci. Les nobles, eux, se promènent dans de sublimes calèches, tractées par de valeureux percherons. Tous les commerces sont ouverts, il n’y a pas une rue sans patrouille, et tout le monde salue avec entrain les soldats de la marine. Chaque pavé de pierre posé au sol est aussi lisse qu’une peau de bébé, les façades débarrassées d’échafaudages sont d’une propreté sans nom, et des moulures vêtissent les coins de chaque fenêtre. Malheureusement, les deux jeunes pirates, et Charlemagne, n’ont pas le luxe de pouvoir profiter de l’atmosphère agréable de la ville.

-       Jack, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? chuchote Bellamy à son capitaine.

-       J’en sais rien, aucune idée.

-       Pourquoi diable a-t-il fallu que tu ouvres encore ta grande gueule ?!

-       Je pensais que ça allait marcher, c’est lui qui nous a dit que ce nègre blanc faisait peur à tout le monde, dis Jack en rejetant la faute sur Charlemagne.

-       Chut, parlez moins fort les gamins, faut réfléchir en silence là, murmure celui-ci.

-       Qu’est-ce que vous avez de beau à vous raconter ? demande l’un des soldats, qui a fini par entendre les messes basses.

-       Euh, pas grand-chose, monsieur, on s’extasie tout simplement de la réussite clinquante qu’est cette colonie, répond Jack.

-       C’est beau, n’est-ce pas ? Normal, c’est français ! Suivez-nous, la tour d’argent est à deux pas, on va emprunter les petites ruelles, ce sera plus rapide, répond l’autre soldat.

    Le groupe traverse une petite rue marchande, avant de tourner dans une ruelle étroite et peu fréquentée, servant juste à relier deux artères commerciales de la ville.

-       C’est le moment, Jack, on doit agir maintenant, on doit les maîtriser, dit Bellamy, sans conviction.

-       Tu penses sincèrement qu’on en est capable ? Tu préfères pas fuir ? suggère Jack.

-       Pour aller où ? T’as toujours le monocle sur toi ? Si ça a marché avec Harvey, tu peux tenter quelque chose avec eux, non ?

-       Je t’ai déjà dit que je ne me rappelle de rien, je ne sais pas du tout quel effet ça a eu la dernière fois, ni si ça peut encore marcher.

-       On s’en fou, ça a marché une fois, c’est le plus important, non ? Ça vaut le coup de réessayer.

-       Qu’est-ce que vous pouvez bien avoir à vous raconter encore ? Vous vous extasiez peut-être de la beauté des ruelles fantômes de Saint-Domingue cette fois-ci ? dis l’un des soldats, la voix chargée de doutes.

-       Absolument pas, monsieur, on se demandait juste si notre employeur ne sera pas trop contrarié pas notre retard, tempère Bellamy

-       Ah bon ? Rassurez-vous, ce n’est plus votre problème.

    Jack et son second s’échangent un regard perplexe.

-       Pardon ? dit le moineau.

-       Rappelez-moi vos petits noms, s’il vous plaît.

-       Euh, oui, bien sûr. Moi c’est Carlos Muniain et lui, Billy Gilmour. 

-       Carlos Muniain, et Billy Gilmour… tu t’en rappelleras, Franck ? demande l’un des soldats à son collègue.

-       C’est noté, Pierre, lui répond-il.

    Le dénommé Franck fait glisser la sangle de son fusil pour s’en saisir.

-       Très bien, allez, bonne nuit les enfants !

    Franck envoie un coup sec avec la crosse de son fusil en plein dans la tempe de Jack, qui s’écroule net sur le sol, inconscient. Bellamy et Charlemagne ont à peine le temps de réagir, que Pierre fait de même avec le sien, il assomme le blond avec brutalité. Au sol, Bellamy voit flou, mais il arrive quand même à distinguer les pieds des soldats, et ceux de Charlemagne. Il essaye de lutter, mais la douleur est très aiguë, et ses membres ne lui répondent plus. Les secondes passent, mais il voit toujours les pieds de Charlemagne. Il tente de lui dire de fuir, mais les mots ne sortent pas. Il ne comprend pas pourquoi Charlemagne se tient toujours debout. Mais avant d’avoir pu réfléchir, il distingue la crosse d’un fusil au-dessus de sa tête.

-       Tes tenace, le gras double, j’ai dit bonne nuit ! dit Franck avec le sourire, en assommant Bellamy pour de bon.

 

***

Des bruits de pas affolés résonnent dans une large cage d’escalier. Un homme, petit de taille et potelé, court comme si sa vie en dépendait, sur un magnifique tapis rouge vermeille qui orne les marches de l’escalier.

-       Maître ! Maître ! crie-il de vive voix.

     Il arrive sur un palier, pousse enfin la porte qu’il voulait atteindre, et manque de s’écrouler par terre tant il ralentit sèchement. Il pénètre dans une pièce originale, de forme ronde, et entourée par d’immenses baies vitrées. Ici, luxe rime avec démesure. Le sol est en carrelage italien, beige, lisse et brillant. Au plafond, des fleurs de lys sont moulées, et forment un ensemble qui en fait le tour complet, elles sont damasquinées avec des fils d’or et d’argent. Les murs sont revêtus de plaques de marbre rosé, et décorés de magnifique tableaux de peintres autrichiens de la Renaissance. Au fond de la pièce, il y a un bureau entièrement construit en acajou. Ses quatre pieds sont des statuettes de gazelles en or. Ce bureau est posé sur un tapis de style orientale, aux motifs fleuris, bordeaux et brun auburn. Sur une chaise à la structure faite également d’acajou, avec une assise et un dossier en peau de zèbre, un homme à la peau noire semble faire la sieste, une serviette en soie de mûrier lui protégeant le visage de la lumière du jour.

-       Maître… enfin, j’ai du nouveau… vous m’entendez, maître ?

L’homme est à bout de souffle, et transpire toute l’eau de son corps.

-       Hm ?

    L’homme assis sur la chaise se redresse, et retire la serviette de son visage. Il se saisit d’un carafon en cristal de bohème rempli d’eau, et boit une grande gorgée. Son regard vient agresser l’homme qui se présente à lui, il n’a pas l’air bien content d’avoir été réveillé…

-       Je sors d’un rêve, c’était un beau rêve. Ta voix, elle, est irritante, elle n’est pas belle, Joao, dit-il avec nonchalance.

-       Pardon, maître, je tacherai de travailler mon timbre vocal à l’avenir, c’est promis, lui répond-il, encore essoufflé.

-       Qu’est-ce que tu veux ? C’est important, j’espère.

-       C’est monsieur Schultz, il est fou de rage ! Il a fait parvenir un messager, directement de Floride jusqu’ici, vous étiez censé lui livrer les meilleurs éléments du nouveau cru d’esclaves, ainsi que sa part du gâteau il y a deux jours ! Pourquoi avez-vous mis autant de temps à arriver sur Saint-Domingue ? s’affole le dénommé Joao.

-       J’ai fait une escale sur Nassau… tu connais Nassau, Joao ?

-       Euh, eh bien, j’en ai déjà entendu parler, ce n’est pas une île réputée pour sa fréquentabilité, de ce que j’en sais, même si son commerce, bien que douteux, est plutôt fructueux. Pourquoi diable vous êtes-vous arrêté là-bas, maître ?

-       J’ai été convié à une vente aux enchères, clandestine, organisée par un célèbre antiquaire du nom de Pedro Noriega.

-       Pedro Noriega ? Il fait dans la clandestinité ? Il a pourtant une bonne réputation dans les Caraïbes, et même jusque sur le continent. Il parait même qu’il fait affaire avec de grandes figures de la noblesse, et qu’il a les hautes instances de Port-Réal à la bonne.

-       Et tu trouves que le dernier point que tu viens de soulever, n’est pas en raccord avec une notion de malhonnêteté ? Après tant de temps à mes côtés, tu es toujours aussi naïf, Joao… heureusement que tu es lettré, tu as au moins ça pour toi…

    Joao ne répond pas à cette remarque, il se contente de baisser la tête.

-       … je t’ai mené à la rencontre de beaucoup de nobles pourtant, et même si ils nous haïssent, ils se doivent de serrer les dents en ma présence, et de faire bonne figure, alors tu as pu les observer, n’est-ce pas ?

-       Oui, maître, bien sûr, mais je ne vois pas où vous voulez en venir…

-       Tu es comme beaucoup d’hommes, Joao, tu es quelqu’un de normal, de classique, d’habituel… tu es quelqu’un de tiède.

-       Est-ce bien, maître ?

-       Oui, j’imagine, ça a l’air « bien ». Tu regardes sans voir, tu écoutes sans entendre, et tu parles sans dire. Tu ne comprends rien au monde qui t’entoure, et je pense sincèrement que c’est une chance… les gens comme toi, qui représentent la majorité des humains, gobent la réalité du monde tel qu’on la leur présente. Vous croyez aux histoires que l’on vous raconte, à condition qu'elles vous soient racontées par quelqu’un que vous pensez supérieur à vous. Le peu de personnes que vous surpassez, eux, croient à vos histoires. C’est une échelle, ou plutôt une pyramide, car une échelle serait plus simple à gravir pour ceux qui se situent en bas…

-       Je comprends, maître, je sais que je ne suis qu’un secrétaire… et pour vous, un simple serviteur, et je sais que je suis à…

-       Tu es mon second, pas mon serviteur. J’aime que tu m’appelles maître, car j’aime voir un homme blanc prononcer ce mot à mon égard, c’est une satisfaction personnelle. Tu sais, en amassant ma fortune, qui n’a pas grand-chose à envier à celle d’un aristocrate-né, je suis devenu aussi cruel et affreux qu’eux. C’est comme ça, c’est la force des choses. L’or, ou plutôt la monnaie, emprisonne le cœur des hommes, Joao. Les gens normaux, comme toi, vous n’êtes pas plus signifiant qu’un porc, ou qu’une carpe, mais votre cœur, lui au moins, bat chaudement. Et puis, en plus de cela, tu es chrétien, non ?

-       Oui, maître.

-       Encore mieux ! Tu es persuadé d’être guidé par une entité cosmique, qui t’accueillera dans ses bras le jour ou ton âme quittera ton corps, si tu es lavé de tes nombreux péchés, bien entendu. Croire en ça, c’est une romantique façon d’essayer de donner un sens à son existence. C’est fascinant, j’aurais vivement désiré rencontrer les hommes qui ont inventé cette histoire de Jésus-Christ, l’ordre qu’ils ont instauré aux civilisations c’est… fascinant, vraiment fascinant…

-       Pardon, maître, mais avec tout le respect que je vous dois, je demande sincèrement, et en votre présence, à notre seigneur miséricordieux, de vous pardonner pour ce blasphème. J’espère qu’il en fera ainsi, je prierai en ce sens dès ce soir.

-       Hm, demande-lui aussi ce que j’ai fait de mal pour mériter d’être dérangé au beau milieu d’un rêve, tu me transmettras sa réponse demain matin, rajoute cela à ta liste de tâches, j’y tiens.

-       Désolé, maître, mais monsieur Schultz est vraiment contrarié…

-       Calme-toi, il aura son bétail, et son or, je me fiche bien d’être mis au courant de ses états d’âme. Comme je te disais, le très honnête Pedro Noriega, a rassemblé pleins de nobles très honnêtes, des officiers de marine très honnêtes, quelques méchants pirates très malhonnêtes, et moi, le très malhonnête nègre blanc, pour une honnête vente aux enchères clandestine, voici la malhonnête cause de mon retard.

-       Vous n’êtes pas obligé d’appuyer de la sorte, maître, j’ai compris…

-       Alors pourquoi es-tu encore dans tout tes états, Joao ? Je suis là, maintenant. Je vais aller à la rencontre du messager envoyé par Henrik, m’excuser, inventer une histoire, et nous partirons pour la Floride dès demain sur les coups de midi, je dois d’abord faire acte de présence lors du marché aux esclaves de demain tout va bien, mon valeureux second.

-       Il y autre chose, maître. C’est moins urgent, et je n’ai aucune certitude pour l’instant, mais je dois vous dire que les deux soldats que vous m’avez demandé de surveiller pour vous, Franck Descours et Pierre Girardon, ils ont disparu.

-       Pardon ?

-       Vous m’aviez demandé d’espionner deux soldats chargés de contrôler les arrivées sur le port et…

    Suleyman Umar se lève, contourne son bureau, et s’approche de Joao. La différence de prestance entre les deux est impressionnante. Le nègre blanc est comme un titan à côté de son second. Joao ne dépasse pas le mètre soixante-dix, est enrobé, a la peau grasse, et ses cheveux sont rongés par une calvitie due à un stress perpétuel. Suleyman s’approche encore un peu plus de Joao, et lui caresse la tête, comme on caresse celle d’un enfant. 

-       Joao, je sais ce que je t’ai demandé. Je pense même me rappeler de chaque ordre que je t’ai donné durant les dix années que nous avons passées ensemble, veux-tu abréger, s’il te plaît ? J’aimerais tenter de replonger dans mon rêve, précisément ou il s’est arrêté.

-       Euh oui, maître, pardon. Ils ont disparu, j’ai demandé des nouvelles à d’autre gardes, et ils m’ont dit qu’ils les avaient vu pour la dernière fois en train de contrôler un petit navire à un mât qui venait d’arriver sur le port, ce matin-même.

-       Et ils ont disparu après avoir contrôlé l’équipage de ce navire ?

-       Affirmatif, cela fait déjà quelques heures, et ils n’ont jamais repris leur poste.

-       Quel genre d’équipage était-ce, sur ce rafiot ?

-       Ce n’était pas vraiment un équipage, maître. Ça parait louche, mais selon les descriptions que j’ai recueilli, il n’y avait à bord qu’un homme noir, qui avait l’air d’être l’esclave de deux adolescents. L’un est décrit comme svelte, aux longs cheveux bruns et sales, surplombés par un bandana rouge délavé. L’autre est décrit comme enrobé, aux cheveux blonds et bouclés. Je sais que ça n’a aucun sens maître, mais…

-       Deux adolescents tu dis, avec un esclave à bord ?

-       Oui, maître, désolé si ces informations paraissent fantaisistes, mais tous l’affirment.

    Joao est terrifié de devoir donner des informations aussi farfelues à son maître. Il sent sa main qui continue de lui caresser les cheveux, et cette sensation l’angoisse à outrance.

-       C’est bien, Joao, c’est très bien. Allez, va voir le messager d’Henrik à ma place, et rassure-le, je te rejoins au plus vite, dit Suleyman, calmement.

Il retire sa main des cheveux de Joao pour lui accorder une petite claque amicale sur la joue. Le second du nègre blanc quitte alors son bureau, blanc comme un flocon de neige. Il repart au trot pressé de s’éloigner au plus vite de son capitaine. Suleyman, lui, retourne s'asseoir. Son office se trouve au dernier étage d’un simple immeuble, identique à tous les autres de la ville, qu’il a acheté pour en faire son fief lorsqu’il séjourne sur l’île. La seule particularité du bâtiment est qu’il est doté d’une poivrière, qui est un toit de forme conique. Ce toit a été construit comme une extension, faisant que cette « tour », dépasse de quelques mesures les autres immeubles qui l’entourent. Suleyman était désireux d’avoir une pièce avec une vue à trois cent soixante degrés pour en faire son office. Il a choisi de revêtir son toit en poivrière de plaques d’acier, si bien polies qu’au contact du soleil, elles brillent comme de l’argent. C’est cette particularité qui a donné au bâtiment son nom de « tour d’argent ». De cet observatoire novateur, son propriétaire peut donc se délecter d’une vue imprenable sur l’océan, la jungle, ainsi que sur une bonne partie de la ville. En baillant à s’en déboiter la mâchoire, le nègre blanc s’affale à nouveau sur sa somptueuse chaise, et remet sa serviette sur son visage, avant d’essayer de replonger dans les bras de Morphée…


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