Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 19 : Spectateurs

2742 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/03/2019 18:29

Pour Manon, la matinée s’annonçait vraiment bien. Les quelques heures passées avec Alain lui avaient presque permis d’oublier ses angoisses de la nuit dernière. Aujourd’hui, pour son plus grand bonheur, le jeune homme semblait disposé à jouer les touristes et ils passèrent le petit déjeuner à débattre de leur prochaine destination, autour d’un excellent jus de baies. Ils avaient même fini par se décider pour le « Parc Volcanique » !

Oui cette journée s’annonçait parfaite… 

Jusqu’à ce que ce maudit employé ne se pointe et ne vienne tout faire capoter en leur annonçant, ô miracle, une autre Réunion-débile-où-Alain-était-convié-mais-pas-elle. 

Sans rire, elle avait été à deux doigts de lui renverser la carafe à moitié pleine sur la tête (oui sa patience était peut-être plus éprouvée que ce qu’elle imaginait…) 

Les raisons pour lesquelles elle ne l’avait pas fait :

1. Ce n’était pas vraiment de sa faute, ce pauvre employé se contentait de retransmettre les ordres.

2. Ce jus de baie était décidément bien trop succulent pour être gâché d’une telle manière. 

3. Alain et Marisson commenceraient sérieusement à avoir des doutes sur sa santé mentale… (Surtout Alain. Elle l’imaginait déjà en train de parcourir un exemplaire de « Comment gérer le passage à l’adolescence » aux chapitres « Troubles du sommeil » et « Accès de colère », fichu côté scientifique !) 

Quoique, maintenant elle regrettait un peu. Elle aurait pu décharger ses nerfs de cette manière au lieu d’arpenter les couloirs d’un pas hargneux (oui, elle avait décidé que l’atmosphère de la réserve lui fichait le cafard, alors elle s’était mise en tête d’explorer les corridors aseptisés du bâtiment pour tromper l’ennui, ce qui au final était peut-être encore pire…). Des murs blancs, immaculés, sans le moindre petit graffiti. 

Tiens, une grille d’aération, une tache argentée au milieu d’une déprimante mer de blanc. C’était la première qu’elle croisait en vingt-quatre couloirs. Avec la satisfaction de quelqu’un qui vient de tomber sur un trésor, elle s’approcha et s’accroupit au niveau de la bouche d’aération… qui au final était juste une… banale bouche d’aération. Elle se releva et son sentiment de victoire céda rapidement la place à de l’amertume. Voilà à quoi elle en était réduite… à s’extasier devant une bête grille dans le mur… Véritablement agacée, Manon donna un coup de pied rageur dans le grillage. Exactement le genre de geste d’humeur que l’on regrette d’avoir commis après quelques secondes à peine… La grille se détacha de la paroi et tomba sur le sol dans un fracas métallique. 

- Oh non, non ! s’exclama la jeune fille catastrophée. 

- Rima ! fit Marisson en accourant vers elle. 

La dresseuse et son Pokémon tentèrent tant bien que mal de la remettre en place, tout en jetant de temps en temps des coups d’œil nerveux autour d’eux au cas où quelqu’un arriverait, mais sans succès. 

- Stupide machin ! s’écria Manon en tapant sur la grille pour l’enfoncer dans le cadre métallique dans un nouvel essai infructueux. 

- Maaa… soupira Marisson à côté d’elle. 

Soudain, le Pokémon plante se redressa, à l’affut. 

- Qu’est-ce qu’il y a ? Tu entends quelque chose ? lui demanda sa dresseuse à genoux, la grille à la main. 

- Ma, acquiesça le hérisson avant de s’engager dans le conduit d’aération. 

- Non, Marisson, attends ! s’alarma la jeune fille.

Mais il ne l’écouta pas et bientôt, il disparut. 

- Marisson ? l’appela-t-elle inquiète en passant la tête dans le tunnel.

Pas de réponse… 

Est-ce qu’elle devait aller le chercher ? Et s’il lui était arrivé quelque chose ? À l’idée de retourner dans un conduit étroit, elle déglutit et son cœur recommença à battre la chamade.

Heureusement, la voix de son partenaire Pokémon ne tarda pas à lui parvenir et il revint auprès d’elle pour l’inviter à le suivre. 

- Tu m’as fait peur… soupira Manon soulagée. 

Puis elle ajouta avec une moue réticente :

- Tu veux vraiment que je vienne ? 

Il acquiesça vigoureusement et, prenant sur elle, la dresseuse s’engagea à sa suite. 

Par chance, le conduit était plus large que ce qu’elle avait imaginé, si bien qu’elle pouvait y tenir à quatre pattes sans avoir le sentiment d’être écrasée. 

La jeune fille finit par remarquer des raies de lumière au plafond, provenant d’une autre grille au sol. Marisson l’enjamba et l’invita à regarder au travers. 

L’ouverture se trouvait juste au-dessus d’une gigantesque salle pourvue d’une estrade et d’un gigantesque écran. Des dizaines d’employés de la fondation Æther en uniforme ainsi que d’étranges scientifiques masqués en blouse blanche y étaient rassemblés. Elle n’eut aucun mal à repérer Alain et son t-shirt bleu-foncé parmi la foule (et ce pour des raisons plutôt évidentes). Il était assis à l’avant-dernier rang en compagnie de... tiens ? Tili… 

Manon ne put s’empêcher de se sentir quelque peu vexée.

Alors comme ça, Tili avait le droit d’être là et elle non. Ils avaient à peu près le même âge pourtant ! Une petite voix lui souffla que son nouvel ami avait beau être jeune, il était déjà un dresseur puissant et talentueux… contrairement à elle qui débutait tout juste… 

Rah ! 

Elle serra les poings.

Si c’était uniquement une question de force, elle leur montrerait à tous ! Bientôt, ce serait à son tour de Méga-évoluer ! 

- Ma, ma ! lui chuchota Marisson pour la rappeler à l’ordre. 

La jeune dresseuse reporta son attention sur ce qui se passait en-dessous, notamment sur l’estrade où se tenaient Vicky et Gladio. 

- Nous vivons une situation sans précédent, déclara la sous-directrice d’un air grave. Cette faille a atteint des proportions encore jamais enregistrées et nul ne sait ce qui va en sortir… Chacun de nous aura son rôle à jouer. Certains auront peut-être à combattre un fléau dont nous ignorons tout, venu d’un autre monde, d’autres s’occuperont d’évacuer la population près des zones à risques, mais tous ensemble nous y arriverons ! À nous tous, nous réglerons cette crise une fois pour toutes ! 

Une faille ? Combattre un fléau ? Qu’est-ce que tout ça signifiait ?

Perplexe, elle examina plus attentivement l’écran en espérant y trouver des réponses. Elle crut reconnaître l’île de Poni qu’elle avait déjà vue en parcourant le plan de la région à maintes reprises. Cependant, chose étrange, une zébrure d’un blanc lumineux coupait littéralement en deux, l’île vue du ciel. 

La fondation Æther avait les moyens de développer une technologie de pointe, mais pas de remplacer un écran défectueux ? Non quelque chose ne collait pas… 

Puis, l’horrible vérité la heurta de plein fouet :

Une faille aux proportions inégalées, une menace d’un autre monde… ! Cette brèche énorme pouvait certainement laisser passer des centaines d’Ultra-Chimères, peut-être encore plus puissantes que celle qu’ils avaient affrontée et Alain allait… ! 

Elle se décomposa et sous l’effet de la panique montante, son estomac se noua.

Non ! Elle devait aller le rejoindre immédiatement ! 

La jeune fille se détourna de la grille et se mit à ramper précipitamment vers la sortie. 

Mais soudain, alors que la rouquine et son Pokémon étaient à peu près arrivés à mi-parcours, des bruits sourds de pas réguliers résonnèrent dans le couloir. Ils échangèrent un regard alarmé et se hâtèrent de regagner l’entrée du tunnel. 

Manon et Marisson parvinrent à s’extirper du conduit juste avant que Beladonis n’apparaisse à l’intersection qui menait à leur corridor. 

La vision de la jeune fille et du Pokémon hérisson, par terre dans un couloir désert, à côté d’une grille d’aération arrachée, dut laisser l’agent de la Police Internationale quelque peu dubitatif, car il s’empressa de leur demander, l’air surpris :

- Oh… Qu’est-ce qui vous est arrivé ? 

- Euh… rien, trois fois rien, le rassura rapidement Manon avec un rire gêné. La grille est tombée et on n’arrive pas à la remettre… 

Par chance, l’homme ne leur posa pas de questions quant à la manière dont elle s’était décrochée et vint s’accroupir à leurs côtés. 

- Tu peux me la passer ? lui-demanda-t-il en tendant la main. 

La dresseuse lui donna la grille d’aération et l’agent du P.L.O.U.C la remit en place en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. 

La plaque métallique s’emboîta docilement dans le mur avec un « clac » bien net. Si elle avait su que c’était si facile… (quoique, la faire passer pour une idiote constituait peut-être la vengeance de la grille pour lui avoir tapé dessus ?) 

- Et voilà le travail, déclara Beladonis en se relevant et en frottant ses mains l’une contre l’autre. 

- Merci, fit la jeune fille en se remettant debout à son tour.

- De rien. Connaître ce genre d’astuces peut s’avérer très utile lors d’une infiltration, lui dit-il avec un clin d’œil. 

- Euh... Oui ! J’imagine ! Haha… 

« Et dans le rôle de la gentille fille qui n’a rien à se reprocher, voici l’incroyable Manon et son jeu d’acteur digne des plus grands films du Pokéwood… » 

- Et donc ? Comment vous avez atterri ici ? les interrogea-t-il.

- On se… baladait, répondit-t-elle, presque gênée de l’admettre.

- Vous vous baladiez ? Ici, vraiment ?

- Oui, on attend Alain, il est en réunion je crois… 

Elle soupira et secoua la tête.

- Je sais, c’est nul… 

- Non, je ne dirais pas ça, rétorqua Beladonis en se grattant le menton. C’est disons, un choix… surprenant

- Un autre mot pour dire nul… 

- Haha ! Peut-être… admit l’agent de police. Mais si ça peut te consoler, je pense qu’ils n’en n’ont plus pour longtemps ; j’ai moi-même rendez-vous avec Vicky dans quelques minutes.

- C’est vrai !? s’écria Manon, rattrapée par l’urgence de la situation. Alain ! Je dois absolument le voir ! 

- Alors viens avec moi. J’imagine qu’ils seront là tous les deux. 

- Oui, merci. Allons-y ! 

Tandis qu’ils traversaient le réseau de corridors côte-à-côte, leurs échanges se tarirent rapidement. Le silence se fit de plus en plus pesant et le malaise devint palpable. Pourtant, en règle générale, la rouquine maîtrisait l’art de faire la conversation comme personne (et certaines fois peut-être même un peu trop au goût d’Alain). Mais là, rien ne lui venait. Elle ne pouvait tout simplement pas agir normalement en présence de Beladonis… 

Pas après ce qu’elle avait vu…

Alors qu’ils dépassaient la « Salle des archives », l’agent du P.L.O.U.C se décida enfin à briser la glace. Il se racla la gorge et entama maladroitement la conversation :

- Et…euh… donc, tu vas mieux ? 

- Oui, je vais bien, rétorqua Manon trop rapidement et avec un peu trop d’entrain pour que cela paraisse naturel. Et vous ?

Par Arceus ! De toutes les réponses envisageables, elle avait choisi la plus nulle et la plus impersonnelle… Elle ne pouvait pas continuer comme ça. C’était elle qui rendait les choses inutilement bizarres… Ce n’était qu’un rêve bon sang ! 

Par chance, Beladonis ne sembla pas s’en formaliser et enchaîna aussitôt :

- Haha… Eh bien, en ce moment j’ai un peu l’impression de courir dans tous les sens, mais que veux-tu, c’est ça la vie d’agent. Et puis je suis certain que Cathy-chef et mes collègues sur le terrain sont encore bien plus occupés que moi. Comme l’agent Rubel, l’agent Oskar ou… 

- L’agent Sky, termina la jeune fille, sans ciller. 

Voilà, elle l’avait dit. Elle n’avait pas pu s’en empêcher. 

L’homme se stoppa brusquement, interdit, et écarquilla les yeux. 

- Pardon, se reprit-il en toussant. Tu peux répéter ce que tu viens de dire… ? 

La jeune fille ne s’attendait en tout cas pas à une telle réaction. Elle regretta presque instantanément d’avoir prononcé LE nom, mais il était trop tard. Beladonis la dévisageait en quête de réponse et elle se doutait qu’il ne lâcherait pas l’affaire avant qu’elle ait craché le morceau. 

- Euh… Oui… bredouilla-t-elle. Je n’ai pas eu l’occasion de la rencontrer souvent…mais Sky est une… amie…de mes parents. 

Sans dire un mot, l’agent de police fit un pas dans sa direction et plaqua ses mains sur ses épaules.

- Manon, fit l’homme d’un air grave. Sky… Laura… est morte bien avant ta naissance. 

La dresseuse débutante accusa le choc. Non… Ce n’était pas possible… Sky… elle avait… véritablement… 

Mais avant qu’elle n’ait eu le temps de reprendre ses esprits, des sirènes assourdissantes retentirent dans tout le bâtiment. 

- Que… Qu’est-ce que c’est !? s’écria la jeune fille.

Beladonis s’écarta d’elle et jura. 

Soudain, un petit groupe d’employés mêlés à d’autres personnes qu’elle n’avait jamais vues apparut au bout du couloir et l’un d’entre eux héla l’agent du P.L.O.U.C. 

Beladonis acquiesça et se tourna une dernière fois vers elle. 

- Si tu veux rejoindre la salle de conférence, descend au deuxième étage, d’accord ? 

Désorientée, la rouquine hocha vaguement la tête. Elle le regarda s’éloigner et rejoindre les inconnus d’un pas pressé. Il la salua d’un dernier signe de tête avant de disparaitre dans le couloir adjacent. 

Il allait partir et la laisser seule avec ses milliers d’interrogations ! 

Alors dans un élan désespéré, Manon courut à sa suite et cria : 

- Je vous ai vu ! Sky… ! Vous étiez là quand elle est morte !

L’homme s’arrêta net devant l’ascenseur. Il fit signe à ses coéquipiers de continuer sans lui et revint en arrière. 

- Manon, commença-t-il le regard fuyant. Je ne sais pas ce que tu as vu mais… je crois qu’il est impératif que nous ayons une vraie discussion. Je te recontacterai dès mon retour. Mais surtout, fit-il en plantant ses yeux dans les siens, ne tente rien de dangereux ou d’inhabituel avant ça. J’ai ta parole ? 

- Oui, murmura-t-elle, les yeux dans le vague. 

- Bien, je serai bientôt là. 

Beladonis repartit vers l’ascenseur et quitta définitivement l’étage. 

Manon resta plantée là, à fixer le vide, la bouche sèche, les mains tremblantes. 

Qu’est-ce que tout ça voulait dire ? Il n’avait rien démenti du tout… pas une seule seconde. 

- Maa ? l’interrogea Marisson, la mine inquiète en lui tapotant la jambe. 

- On y va… rétorqua la dresseuse d’une voix tremblante par-dessus l’alarme. On va chercher Alain. 


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