Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

- Poing-Éclair !

Au désespoir et mû uniquement par la rage de vaincre, Dracaufeu se porte sans hésiter au secours de son allié Pokémon, en tentant une fois encore d’éprouver l’indestructible squame.

Le poing du dragon s’abime contre la solide écaillure du Léviathan, dont l’assourdissant grognement de douleur emplit la halle tout entière.

Aussitôt balayé par un coup de queue retors, le Pokémon feu paie le prix de sa chevaleresque action et part déformer de sa masse imposante, le malléable métal de la passerelle.

Libégon, successeur d’un Golemastoc défait quelques minutes auparavant, cherche à profiter du temps précieux gagné par son frère d’armes et force sur ses membres engourdis pour s’arracher à la trajectoire fatale, malgré le contrecoup que fait subir à son corps l’utilisation précédente d’une Capacité Z.

À l’instar de son partenaire Pokémon, Paulie s’efforce elle aussi à reprendre son souffle. Mise à rude épreuve par l’intensité d’une lutte inégale, la dresseuse se tient courbée en avant, haletante, les mains sur les genoux. Quelques mèches désordonnées brisent désormais l’harmonie de sa coiffure et retombent sur son front brillant de sueur. Malgré tout, le regard de la jeune fille brille encore d’un éclat combatif, à l’image de la lueur qui anime toujours faiblement le cristal à son poignet.

- ‘llez ! Libégon ! On r’commence ! s’écrie-t-elle en essuyant sa tempe ruisselante d’un geste énergique. Lance Dracocharge !

Le Pokémon dragon feint de charger le flan de Léviator et monte en flèche au dernier moment pour viser la base de son imposante crête.

- Peuh ! souffle Lysandre en secouant la tête d’un air dédaigneux. Je ne puis supporter plus longtemps le spectacle d’insectes insignifiants en débâcle, grouillant vainement pour sauver leur misérable existence. Léviator ! débarrasse-nous de ces parasites !

Le Pokémon eau/ténèbres, à la rancune exacerbée par les coups qu’il vient de recevoir, n’hésite pas un seul instant et balaye la zone de combat d’un faisceau de lumière, provoquant une série d’explosions en chaîne qui fait trembler la terre.

- Non ! crie Paulie en luttant pour garder l’équilibre. Libégon ! Utilise… ! Ouaaaah !

Propulsée en arrière par le souffle de la déflagration, la Doyenne manque de percuter la colonne électrique endommagée, parcourue d’éclairs et synonyme de mort certaine par électrocution.

Sans réfléchir, Alain se précipite pour l’aider et tire la jeune fille par le bras juste à temps pour lui éviter un foudroiement mortel.

Entraînés par leur élan, les deux dresseurs roulent en arrière et terminent lamentablement étendus, face contre terre.

- Teuh ! Teuh… ! crache Paulie, le souffle coupé. Haa… L’… l’ est balèze… souffle-t-elle entre deux halètements et en prenant appui sur ses coudes pour se redresser.

Dans un état non plus glorieux, le dresseur serre les poings et force sur ses membres endoloris pour se relever.

Hors de question de céder maintenant ! Jamais il n’acceptera de voir le monde livré une fois de plus à la folie d’un tyran mégalomane !

- Libégon ! s’écrie Paulie horrifiée.

Le regard du jeune homme se porte immédiatement sur la silhouette verte recroquevillée sur le sol quelques mètres plus loin. Vision qui ne fait qu’attiser sa haine envers Lysandre et sa rage de triompher par n’importe quel moyen.

Tandis que la jeune fille rappelle son Pokémon, l’attention d’Alain se porte immédiatement sur Dracaufeu qui tente désespérément de détourner l’attention du Léviathan en évitant les assauts répétés avec force acrobaties.

- On n’y arrivera jamais comme ça… grogne Paulie en se faisant l’écho de ses propres pensées. Y nous faut un plan, et vite !

Le dresseur parcourt le champ de bataille de part en part et s’arrête sur la tourelle défectueuse au ventre ouvert, qui ne parvient qu’à lui évoquer un malheureux épisode à ses débuts d’assistant chez Platane…

En effet, ce dernier avait par mégarde déclenché l’alarme incendie en tentant de mettre au point son fameux dispositif permettant d’identifier la nature d’une Méga-Gemme… Inutile de dire qu’une fois branché, l’appareil avait tout simplement explosé en raison d’une surcharge électrique, ni de mentionner que les pompiers dépêchés sur place pour la troisième fois en deux semaines leur avaient proposé une carte de fidélité d’un air pince sans rire….

Suivant son regard, Paulie lui tapote l’épaule et déclare convaincue, une nouvelle Poké Ball à la main :

- J’crois ben qu’ j’ai quelque chose qui pourrait marcher.

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- Tritosor, Ocroupi !

- Dracaufeu, utilise Lance-Flammes !

Les deux Pokémon attaquent conjointement et leurs deux capacités se mêlent pour ne former plus qu’un voile de brume inoffensif. 

D’abord déconcerté, Lysandre ne tarde pas à les railler et à mépriser leur faiblesse :

- Êtes-vous dépassés au point de ne plus savoir vous coordonner ou dois-je y voir une tentative de prendre la fuite ? Si c’est de cela dont il s’agit, sachez que je ne le permettrai pas ; Léviator, lance… !

Sans lui laisser le temps de terminer, une silhouette surgit du brouillard et lacère la gorge dépourvue d’écailles du monstre marin qui rugit de douleur et tente d’infliger en retour une violente morsure à l’importun. Pourtant, la mâchoire cauchemardesque se referme sur du vide et le Pokémon eau/ténèbres bout de frustration face à un ennemi invisible, hors de portée de quelconques représailles.

D’un jet de flamme rageur, Léviator évapore toute trace d’humidité et laisse éclater sa colère contre celui qu’il considère comme la plus grande des nuisances : Dracaufeu.

Le dragon parvient à éviter le fulgurant rayon ardent in extremis et fonce sur son adversaire, électricité au poing, secondé par Tritosor qui cherche à détourner l’attention du monstre par une nouvelle vague d’eau trouble.

 Nullement indisposé par l’attaque eau, Léviator traverse le rideau aqueux avec une facilité déconcertante et contre le Pokémon d’Alain par un puissant « Dracoqueue » que le dragon s’efforce d’amortir.

Rivalisant pourtant de rapidité avec le Pokémon de Lysandre, Dracaufeu se voit cependant surmené par la puissance dévastatrice qui anime chacun des coups du Léviathan et se doit d’esquiver constamment pour espérer conserver la moindre chance de l’emporter.

Le combat gagne encore en brutalité.

Transformé en machine de guerre, le dragon n’entend plus que les ordres criés par son dresseur et frappe, griffe, esquive, sans discontinuer. Le sang battant aux tempes, Dracaufeu échappe aux anneaux musculeux de son adversaire, qui se referment sur lui comme autant de pièges mortels, assène des coups de poing furieux, lacère la moindre parcelle de peau exposée, hérissée d’écailles ou non, à s’en déchirer les paumes.

Et il faut dire que son opposant le lui rend bien.

Le monstre marin fait pleuvoir les coups comme autant de promesses de funestes défaites, crache des nuées ardentes et destructrices.

Bientôt, Tritosor est mis hors d’état de nuire et Dracaufeu, brièvement posé à terre, vacille.

Et alors que les forces de son Pokémon déclinent et que les chances de victoires s’amenuisent, Alain brûle de sentir dans ses veines la force du lien dont ils tiraient autrefois leur puissance incontestée, celle qui leur a permis de triompher de la ligue de Kalos et de bien d’autres épreuves encore !

C’est alors que la lueur rougeâtre à son poignet capte son regard. Un faible éclat évanescent anime le cristal millénaire et lui redonne espoir.

Si les choses ont effectivement changé, le lien puissant qui l’unit à son partenaire, lui, n’a fait que se renforcer au fil du temps et ne tend qu’à s’exprimer, peu importe la manière !

La poitrine de Dracaufeu se soulève par râles irréguliers, le cuir orangé de sa peau est teinté d’un mélange de poussière brunâtre, de sueur et de sang.

Leurs regard se croisent alors que leurs cœurs battent à l’unisson, habités par le même désir ardent de victoire.

Tandis que le reptile prend à nouveau son envol, Alain s’apprête à exécuter la suite de mouvements rituels lorsque…

- Léviator, Lame de roc !

- Qu’… !

Coupé dans son élan, le jeune homme s’interrompt, horrifié et contemple impuissant, l’implacable gueule rocheuse surgissant de terre, qui frappe le dragon en plein vol.

- Dracaufeu ! crie-t-il tandis que le reptile vient s’écraser au pied de la rambarde circulaire.

C’est fini.

Son partenaire a définitivement perdu conscience et ne se relèvera plus.

Il le rappelle aussitôt d’un geste rageur et s’empare déjà d’une nouvelle Poké Ball pour poursuivre une lutte désespérée qui sans l’aide de Dracaufeu apparaît perdue d’avance.

- Ce n’était donc pas par fierté que tu t’es refusé à employer la Méga-Évolution, constate Lysandre d’un ton méprisant. En vérité, tu en es tout simplement incapable.

Devant son expression amère, mélange de colère, d’impuissance et de rage, l’ancien leader de la Team Flare sourit.

- Pourquoi t’être débarrassé de la Méga-Gemme que je t’avais confiée ? Je croyais pourtant te l’avoir inlassablement répété Alain ; pour obtenir ce que tu veux, tu te dois de devenir plus fort, et ce, par n’ importe quel moyen.

L’homme marque un temps et s’avance encore. Habillé de reflets rutilants, Lysandre avance, en maître des enfers et termine avec condescendance :

- Vois où ta vanité mal placée t’as conduit…

Déterminé à combattre jusqu’au bout, Alain s’apprête à envoyer son Scalproie sur le terrain, en s’efforçant de museler la terreur sourde qui tend à s’emparer de lui.

La perspective de ce que leur échec engendrerait est une motivation plus que suffisante pour ne serait-ce qu’envisager de renoncer.

C’est alors qu’un important grésillement retentit dans son dos et que Paulie s’écrie :

- Maint’nant !

À nouveau, de violentes secousses ébranlent le champ de bataille, mais au bruit des détonations électriques, se joint celui d’un lourd galop.

Sans réfléchir, le Kalosien se hisse sur le Bourrinos passant à sa portée et agrippe fermement les épaules de sa coéquipière.

D’un bond magistral, leur monture se hisse sur la passerelle et Alain a tout juste le temps de croiser le regard effaré de l’ex-lieutenant de la Team Flare avant qu’un écran de boue sèche ne les recouvre entièrement.

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- Aaah ! Mais qu’est-ce que !

La jambe droite clouée au sol par une force invisible, le jeune Augustin Platane se débattait avec force, sous les yeux incrédules de Raphaël, le Keunotor.

Ce dernier accourut à la rescousse pour tenter de trancher le potentiel câble incriminé et ne tarda pas à reculer sous l’impulsion d’un coup inapparent.

- T…tor ! gémit le Pokémon à la bouille ronde en s’ébrouant.

- Raphi …!

Désorienté, l’adolescent s’apprêtait à frapper à l’aveugle l’étau qui lui enserrait le tibia, lorsqu’une silhouette pénétra dans son champ de vision.

- Qu…qui va là ? cria-t-il, fébrile.

Un son rauque et étouffé, semblable à un raclement de gorge retentit et le mystérieux inconnu entra dans la lumière.

L’homme qui leur faisait face n’avait rien de bien intimidant. Vêtu d’un uniforme Rocket qui semblait l’avaler tout entier, le pauvre sbire paraissait encore plus terrifié qu’eux.

L’apprenti chercheur crut reconnaître l’un des trois guignols de tout à l’heure. Gianno ? Gevanno ? Ou alors Jordi peut-être… ?

Mais avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, «Piero » s’exclama en pointant sur eux un doigt mi tremblant, mi accusateur :

- Euh… Eh ! Vous là ! Vous allez m’expliquer ce que vous fabriquez ici, ou sinon… je vais… Me fâcher ! Voilà !

Quel boulet…

- On prend le thé ? ironisa Platane en tentant de dégager sa jambe par à-coups.

Véritablement surpris, le sbire fronça les sourcils et demanda d’un air sceptique :

- Vraiment… ? Du thé ? Ici ? La bouilloire de la cafét’ était en panne ?

Désabusé, le jeune chercheur se contenta de répondre par un silence éloquent.

Toutefois, il ne put s’empêcher de noter par simple rigueur scientifique, qu’il tenait devant lui la personnification de la théorie d’Einstein sur la bêtise humaine…

Face à son mutisme prolongé, l’homme en uniforme parut finalement découvrir la définition du mot « sarcasme » et réagit au quart de tour :

- Ha ! Je… vous avez failli m’avoir, mais vos mensonges ne prennent pas avec moi, le grand Giorgio, futur administrateur de la team Rainbow Rocket ! Et puis, vous êtes mes prisonniers maintenant ! Mon Pokémon et moi-même vous empêcherons de faire quoi que ce soit et enfin, je pourrai être reconnu à ma juste valeur ! annonça-t-il le regard lointain en affichant un sourire presque béat.

- Un Pokémon ? releva le jeune Augustin en fixant son tibia immobilisé, sans prêter attention au monologue mélodramatique du sbire une seule seconde.

C’est alors qu’une déflagration provenant de l’étage supérieur retentit et qu’une puissante réplique les projeta au sol.

À terre, les membres engourdis, Platane se redressa en toussant. Désormais à genoux, le jeune homme réalisa qu’il était parvenu à mouvoir sa jambe droite sans aucun problème. Non loin de lui, l’apprenti chercheur ne tarda pas à apercevoir la silhouette étendue et verte d’un lézard étourdi.

Eh voilà, un mystère de résolu.

- Argh, non… ! Kecleon… grommela Giorgio en se relevant d’un air pataud.

Malgré l’insécurité évidente que le jeune homme lisait dans les yeux du sbire Rocket, ce dernier continuait à avancer dans leur direction.

- On ne vous laissera… pas… faire ! s’écria-t-il, le regard fou, en se munissant d’un opinel avant de fondre sur le futur expert Pokémon.

En alerte, Platane s’empara aussitôt d’un morceau de tôle froissée et coula un regard vers Raphaël, aux prises avec Kecleon, également remis sur pied.

Il devait absolument trouver le moyen d’atteindre la colonne à nouveau. Il était hors de question d’abandonner Alain et les autres maintenant !