Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 32 : Trahison (Partie 1)

2080 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/07/2019 19:28

Du tissu beige...


Alors qu'Alain réalise peu à peu que ce sont ses propres mains qui froissent l'étoffe formant des plis entre ses doigts crispés, une odeur de brûlé et un acouphène persistant viennent lentement percer le voile posé sur ses sens anesthésiés.


Le jeune homme cligne des yeux et ne tarde pas à reconnaître la silhouette devant lui, courbée en avant contre l'encolure de Bourrinos.


Paulie.


Aussitôt, le dresseur relâche sa prise autour des frêles épaules de la jeune fille et s'empresse de mettre pied à terre pour s'approcher de la paroi du cocon de boue sèche qui les entoure.


Mais avant qu'il n'ait pu y porter la main, l'étrange chrysalide se fissure et s'écroule pour révéler une scène chaotique en contrebas :


Le champ de bataille se trouve désormais bordé de tourelles électriques calcinées sur trois rangées et le fier Léviator carmin de Lysandre n'est plus qu'un lamentable Aspicot défraîchi, reposant au milieu d'une mare d'eau trouble parcourue d'arcs électriques.


Incrédule, Alain souffle :


- Ça a marché...


- J'crois ben que oui... rétorque Paulie tout aussi médusée en se redressant.


Impatient, Bourrinos piaffe comme pour enjoindre le jeune homme à se remettre en selle avant de quitter la passerelle d'un bond et d'atterrir un étage plus bas, sur le dallage détrempé.


- Ha ha ha...


Immédiatement, le regard des deux dresseurs se tourne vers la source du rire sans joie.


À genoux, l'échine courbée, le corps secoué de ricanements incontrôlables, Lysandre tend péniblement le bras pour récupérer la Poké Ball devant lui et rappelle le Goliath rouge défait.


Au même moment, trois silhouettes surmontées d'épis dorés refont surface au pied du cheval de type sol.


- Pi...keur... gémit l'une d'entre elles avant de retomber mollement sur le sol.


- Triopikeur ! s'exclame Paulie préoccupée quant à l'état de son Pokémon étourdi.


- Je vois... souffle l'ancien leader de la Team Flare dans un rictus désabusé. Tromper ma vigilance pour permettre à cet insignifiant Pokémon de creuser et de provoquer un important court-circuit... Ha ha ha... J'ai pêché par excès de confiance et voilà ce qu'il m'en coute.


L'homme se relève en titubant tout en tentant de conserver un air digne malgré tout.


- Peu importe, l'interrompt sèchement Alain. Vous n'êtes plus en état de vous battre et encore moins de contester nos ordres. Vous allez désactiver ce maudit générateur une fois pour toute. Ensuite vous trouverez le moyen de nous faire sortir d'ici au complet.


Lysandre acquiesce d'un air résolu avant de venir à leur rencontre d'un pas ponctué de quelques grincements de semelles sur le sol humide.


- N'ayez crainte, déclare-t-il en s'arrêtant à deux mètres d'eux. Je reconnais ma défaite, mais crois le ou non Alain, je t'apprécie sincèrement.


À ces mots, le noiraud ne peut réprimer un frisson de dégout.


- C'est pourquoi, je vais te faire une petite confidence.


Le dresseur se contente d'un silence éloquent, de ceux qui expriment le doute mais ne coupent pas court à la conversation pour autant.


Tout en soutenant le regard de son ancien patron, les yeux d'Alain finissent par dévier, s'attardant un court instant sur un détail qu'il n'a pu apercevoir auparavant, mais qui ne manque pas d'attirer son attention à une distance moindre :


Un prisme d'un bleu éclatant orne à présent l'élégant foulard au cou du malfrat.


- Tout ceci n'est rien de plus qu'une vaste simulation.


- Pardon... !


- Heee ?


Rah ! Encore cet air suffisant ! Comme si cet homme se vantait de posséder constamment trois coups d'avance sur le commun des mortels !


- Si vous n'avez rien de plus pertinent à dire... ! gronde le jeune homme à bout de patience.


- Je n'ai pas terminé, déclare posément Lysandre en secouant la tête. Enfin, admettons que je sois capable d'effectuer la tâche que vous me demandez, cela ne vous mènera pas à grand-chose. Car voyez-vous, l' « invasion » ne constitue qu'une petite partie des tests que nous menons dans cette dimension. Le véritable enjeu de cette opération se joue... ailleurs.


- T'...t'tendez ! Quoi ? Des... tests ? bégaie Paulie perdue.


- Qu'est-ce que ça veut dire ? demande Alain, amer.


- Prenez mes mots au pied de la lettre.


- Alors vous ! Z'êtes en train de dire qu'vous avez mis toute la population... ! Mon île ! Ma famille et... ! et... ! En danger et t'ça pour.... des tests ! s'écrie la Doyenne tremblante de rage.


- Précisément, répond l'homme impassible. Je conçois qu'il est malheureux que parmi toutes les dimensions existantes, notre choix se soit porté sur la vôtre. Mais vous devez comprendre qu'elle présentait certaines conditions idéales à la réalisation d'expériences d'une importance capitale.


L'ex-leader de la Team Flare s'interrompt un moment avant de reprendre, le regard fixé sur son ancien subordonné :


- Ainsi que certaines personnes indispensables à...


- Assez ! tonne Alain. Si vous avez l'intention de nous dire quoi que ce soit, exprimez- vous clairement. Si ce n'est pas le cas, j'en ai plus qu'assez de perdre du temps inutilement alors que d'autres risquent leur vie en ce moment même ! Alors... !


- Bien.


Les yeux de Lysandre se font plus froid et ses lèvres se fendent d'un sourire ironique.


- Dans ce cas, je te souhaite de te dépêcher, car il est fort possible qu'ils l'aient déjà...a... gouargh... !


Sans prévenir, l'administrateur Rocket porte les mains à son cou et s'effondre à genoux dans un cri entrecoupé de gargouillements rauques.


- Euh... Eh ! s'exclame Paulie confuse en quittant le dos de sa monture.


N'éprouvant pas une once de sympathie pour celui qui l'a manipulé autrefois, Alain se presse néanmoins auprès l'homme en détresse et le secoue rudement par l'épaule.


- Eh ! Eh ! Qu'est-ce qui se passe ?


- Guh... ! Traître... croasse Lysandre, le regard voilé.


Haletant, les traits tirés par la douleur, le poing désespérément crispé autour de son foulard taché de rouge plus sombre par endroits, l'ancien chef de la Team Flare apparaît plus pathétique que jamais. Pourtant, loin d'en tirer la moindre satisfaction, le noiraud se relève et se tourne vers sa coéquipière.


- Des traîtres ? Nous ? s'étonne Paulie en haussant les épaules. On l'a ben battu, ok, mais là, on n'y est pour rien !


- J'en sais rien, rétorque le dresseur déconcerté en secouant la tête. Mais on ne peut pas se permettre d'attendre plus longtemps. Même si...


Le jeune homme ne peut s'empêcher de couler un regard vers son ex-patron souffrant le martyre. À première vue, l'éventualité de l'abandonner à lui-même lui semble justifiée. Après tout, cela ne serait qu'un juste retour des choses pour un criminel de son espèce. Cependant, quelque part, au fond de lui, il sait qu'il en est incapable. Malfrat ou non, pour le moment Lysandre n'en demeure pas moins un être humain en détresse.


Et utile qui plus est.


- Gh ! grogne-t-il en serrant les dents.


- T'occupe, lui assure la Doyenne de Poni en se baissant pour porter secours au tyran blessé en tentant de desserrer le foulard noué. J'me charge de veiller sur ce zigoto. Toi, va faire sauter c'générateur pour de bon.


- Ouais.... acquiesce Alain reconnaissant. Merci. Surtout reste sur tes gardes.


- Ouaip, tu peux compter sur moi, déclare Paulie affairée. Avec moi c'gus filera du bon coton.


D'après sa couleur bleue persistante, la tour principale semble encore en état de marche.


Il est plus que temps d'aller prêter main forte à Platane.


Le dresseur s'apprête à prendre le chemin du générateur, lorsqu'un râle plus fort que les précédents retentit :


- Argh... ! Toi... ! graille Lysandre, la nuque arquée, le bras pointé en avant.


D'abord confus, Alain ne tarde pas à comprendre que l'homme à la chevelure ardente ne s'adresse pas à lui. Non. Ce regard d'un bleu trop persistant pour être naturel est dirigé ailleurs. Derrière eux à priori... !


- GZIIIIIIIH !


 Un cri unique et reconnaissable, aux accents plasmatiques, résonne dans le hangar et ne manque pas de leur glacer le sang.


Immédiatement, les deux dresseurs font volte face pour se trouver face à une inquiétante créature à tête lumineuse, au corps élancé et aux membres lâches et allongés, flottant parmi les arcs électriques générés par les tourelles gravement endommagées.


- Mazette ! J'y crois pas ! V'là un Cablifère qui rapplique ! s'alarme Paulie, en regagnant sa place auprès de Bourrinos.


Sans réfléchir, Alain s'empare d'une de ses Poké Ball restantes et l'envoie sur le terrain.


- Tyrannocif, je compte sur toi !


Le Pokémon saurien se dresse de toute sa hauteur et rugit à travers le voile de sable invoqué sur le champ de bataille.


Malgré la fatigue affleurant due au combat précédent, le jeune homme demeure confiant quant à l'immunité électrique de son Pokémon et compte bien venir rapidement à bout de ce nouveau contretemps.


- Lance Lame de Roc ! crie-t-il à son partenaire.


Ce dernier s'exécute et le Cablifère amorphe pousse un sifflement de douleur lorsque des pointes rocailleuses l'empalent brusquement.


Furieuse, l'Ultra-Chimère parvient à s'extraire de la prison rocheuse et riposte par une attaque Ultralaser que le colosse vert encaisse sans broncher.


- Bourrinos, fais lui gouter à ton Tacle Lourd ! ordonne Paulie, un bras protecteur devant le visage.


Le canasson s'apprête à ruer et à frapper l'UC d'un puissant coup de sabot, mais celle-ci esquive et en profite pour se glisser à l'arrière.


Anticipant une contre-attaque à revers, la jeune Doyenne s'écrie :


- Vas-y mon coco ! T'laisses pas faire ! Lance Représailles !


Cependant, il n'en est rien.


Au lieu de fondre sur son adversaire, le Cablifère poursuit sa course aérienne jusqu'à la silhouette recroquevillée, à genoux, baignant dans l'ombre de la passerelle.


- A... ! T'tention ! s'exclame Paulie en courant au plus près du monstre, tout en maintenant une certaine distance de sécurité.


- Vibrob... ! ordonne Alain en se précipitant à son tour, avant de se raviser.


Non. En faisant cela, la créature ne sera pas la seule à être touchée et il ne veut pas risquer de dégrader davantage l'état de Lysandre. Il ne leur reste plus qu'à attendre que l'UC passe à l'attaque pour espérer une ouverture.


L'Ultra-Chimère semble pourtant avoir perdu tout instinct belliqueux pour le moment et se contente de toiser fixement l'homme à ses pieds.


- Non ! Non ! rugit le leader déchu, le regard fou, en se trainant lamentablement en arrière. Ne t'approches pas vile créature scélérate !


Sourd à ses injonctions, le Cablifère demeure immobile.


- Je... ! Je t'ordonne de t'en aller ! répète-t-il en resserrant sa prise autour de son cou à faire pâlir les jointures de son poing serré.


En réponse, l'UC tend lentement l'une de ses mains câblées en direction de son thorax, semblant mettre le temps en suspens.


C'est alors qu'un cri perçant vient mettre un terme à cette quiétude surréaliste et que la bête s'écarte brutalement de l'objet de son intérêt, comme frappée d'une vive douleur.


La créature agitée de multiples spasmes semble se replier sur elle-même à mesure que de nouvelles excroissances lumineuses se détachent de ses bras et que sa queue s'entrecoupe de compartiments fluorescents.


La voie désormais libre, les deux dresseurs se pressent aux côtés d'un Lysandre de plus en plus mal en point.


- Eh ! Eh ! l'interpelle Alain en le secouant par le bras. Qu'est-ce que c'est que ça ? Répondez !


- Il...il est déjà... trop tard... souffle l'homme pour seule réponse, le regard vide, avant de laisser retomber mollement la main agrippée à son cou, révélant un prisme bleu étincelant, cerclé de métal et dont les attaches semblent s'enfoncer dans ses chairs.


- C'est... pas possible... murmure Paulie, estomaquée, alors que se dresse devant eux un monstre de câbles difforme et bicéphale, à l'allure pourtant si familière.



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