Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 33 : Trahison (partie 3)

2415 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/08/2019 18:53

- Alors, on en est arrivés au moment des adieux, je suppose ? déclara le jeune Platane dans un sourire mélancolique, portant un Raphaël exténué dans les bras. 

Dans leur hâte, les trois dresseurs s'étaient pressés aux côtés du jeune scientifique tout en prenant garde à contourner la forme sombre reposant près du générateur. 

Ce qu'ils avaient découvert en se penchant par-dessus la barrière les avaient laissés quelque peu décontenancés :

Un Kecleon et un sbire d'une trentaine d'années gisaient inconscients sur le monticule de câbles au pied du générateur, sous la surveillance constante du jeune chercheur armé d'un morceau de tôle et du Déflaisan d'Alain dont le bec renfermait un opinel. 

Raphaël le Keunotor quant à lui s'efforçait de s'extirper de l'amas de fil noir, un morceau de métal entre les dents, probablement arraché au cylindre argenté devant lui.

Aidés par le Pokémon normal/vol, le petit groupe avait pu tirer le chercheur en herbe et son partenaire de l'espace en contrebas en un rien de temps. 

Lorsqu'il avait appris que Nikolaï était en mesure de le renvoyer dans sa dimension d'origine, le jeune Augustin avait presque sauté de joie avant de reporter son attention sur Alain. C'était d'ailleurs à ce moment-là que son expression s'était visiblement assombrie.

- C'est que je ne suis vraiment pasdoué pour les adieux, ça me rend immanquablement nerveux, reprit d'une traite, l'apprenti du professeur Sorbier. C'est littéralement la dernière image que les gens vont garder de toi et... d'autant plus qu'on n'a pas vraiment le temps là et...

- Contente toi de rester à distance de tout type louche en uniforme et tout devrait bien se passer, lança le dresseur du Dracaufeu pour détendre l'atmosphère. Enfin, si vraiment, tu pourras toujours recruter le « moi » de ton monde en tant que garde du corps. Tu sais... lorsque tu auras ton propre labo.

- Parfait ! Vous êtes engagé ! s'exclama le garçon hilare en lui tendant la main.

Les deux jeunes hommes échangèrent une dernière poignée de main amicale avant d'être ramenés à la réalité par Nikolaï : 

- Prépare-toi à être téléporté dans moins de cinq secondes. 

Le jeune sosie de Platane acquiesça et prononça un ultime « merci » à l'intention de son nouveau camarade avant de disparaître aussi soudainement qu'il était apparu. 

- Eh ben... soupira Paulie en levant vers Alain un regard éreinté. Vous vous connaissiez ?

- En quelque sorte... rétorqua le noiraud évasif. 

Un nouveau tremblement secoua la grande salle et acheva de mettre fin à une discussion qu'aucun d'eux ne semblait motivé à poursuivre.

- Préparez-vous à partir dans dix...neuf...

Le compte à rebours fut soudain interrompu par un rire sinistre. 

Les sens exacerbés par la fatigue nerveuse des événements précédents, les deux dresseurs se tournèrent immédiatement vers la source de l'inquiétante mélopée. 

Un sourire. 

Un rictus des plus malsain ornait la figure livide aux cernes pareils à de sombres sillons.

- Tu te rappelles sûrement de ce que je t'ai dit ce jour-là, de ces quelques mots : « Une telle puissance pourrait être employée pour faire le mal ». Aaah... comme j'aurais aimé être là au moment où tu prendras conscience de leur portée véritable...

Un mort vivant ensanglanté cloué au sol, à la fois cynique et pathétique, messager lugubre au sourire funeste. 

Voici la dernière image qu'Alain garda de l'homme qui hantait ses cauchemars avant de quitter pour de bon, les murs de la salle écarlate. 

- Au moment où tu réaliseras toi aussi qu'il ne te reste plus rien à sauver en ce monde... murmura Lysandre pour lui-même en se sentant sombrer dans l'obscurité petit à petit. 

Pourtant, un crissement de semelle, aussi léger soit-il le tint éveillé quelques instants encore. 

Un rire étouffé parvint à ses oreilles bourdonnantes. Un rire cynique reconnaissable entre tous, celui de...Giovanni.

- Eh bien, jamais je n'aurais cru entrevoir un jour la quintessence de Kalos soumise à une telle décrépitude.

- Vous... parvint-il à articuler. C'est vous qui avez permis à ce monstre de me... vous l'avez fait entrer...

- C'est exact. Une telle opportunité de tester notre dispositif en conditions réelles était inespérée. Les résultats obtenus ont dépassé toutes nos attentes. 

La voix se fit plus lointaine, peinant à percer la brume envahissant son esprit.

- Je dois dire que je suis plutôt impressionné. Une fois de plus vous n'avez pas dérogé à votre réputation. Supporter aussi longtemps un tel taux de particules, vous êtes bien plus résistant que le commun des mortels. Cela ne peut que me conforter dans l'idée, que vous engager était la bonne décision. 

L'indignation provoquée par de telles paroles fut bien faiblement ressentie, anéantie par l'engourdissement général qui gagnait l'homme à terre, de plus en plus profondément. 

- Enfin, n'y voyez rien de personnel, je suppose que vous savez que lorsque l'on dirige une organisation telle que la mienne, on ne peut s'embarrasser de considérations éthiques inutiles. De plus, vous, mieux que quiconque comprenez sûrement qu'au vue des moyens en notre possession, personne n'est irremplaçable. N'est-ce pas ?

Ces dernières paroles accompagnèrent l'abandon définitif de sa conscience aux ténèbres. 

------- 

Au terme de leur voyage inter dimensionnel, la première chose qui frappa Alain fut l'éclat aveuglant des néons accrochés au plafond, tranchant nettement avec lumière tamisée du hangar Rocket.

Une odeur notable d'antiseptique flottait dans l'air et le Kalosien ne tarda pas à reconnaître la pièce souterraine aux murs en béton répercutant les échos d'un brouhaha incessant.

Ils venaient d'atterrir dans l'hôpital de fortune aménagé au sous-sol du Centre Pokémon du Village Flottant. 

Ils étaient de retour dans leur monde, sains et saufs. 

Pourtant, cette constatation ne suffit pas à le tranquilliser complètement ; la situation comptait encore trop d'inconnues pour qu'il puisse se permettre de relâcher la pression.

La destruction du générateur d'Ultra-Particules avait-elle eu les effets escomptés ? Ou au contraire, des milliers d'Ultra-Chimères continuaient-elles à affluer sur le Canyon de Poni en ce moment même ? 

Quoi qu'il en soit, le jeune homme était bien trop épuisé pour envisager la deuxième option... 

Le Kalosien se tourna vers ses deux camarades, dont l'état physique et mental ne semblaient guère plus glorieux que les sien. 

Le visage vide de toute émotion, à l'exception de ses traits tirés, signes d'une fatigue intense, Paulie prétexta avoir aperçu une connaissance alitée, dont elle devait prendre des nouvelles et s'éclipsa sans autre forme de procès. 

Alain ne l'en blâma pas. Après tout ce qu'ils venaient d'endurer, être laissé seul à lui-même était tout ce qu'il désirait.

Malgré tout, le dresseur emboîta le pas à Nikolaï en direction de l'ascenseur. Tout en serpentant entre les paillasses, l'assistant du professeur Platane nota du coin de l'œil que certains patients semblaient avoir un peu récupéré.

« Tant mieux... » songea-t-il en tentant brièvement d'apercevoir Margie lorsqu'ils passèrent près de l'atelier improvisé de Molène, mais sans succès.

En sortant de l'ascenseur, les deux hommes débouchèrent sur la réception, quelques mètres à l'arrière du comptoir. 

Contrairement à leur première visite quelques heures auparavant, le hall d'entrée était bondé, tant et si bien qu'il était difficile de se frayer un passage à travers les volontaires, les Pokémon transportant des caisses pleines à craquer d'Ultra-Ball et le personnel chargé de déblayer les débris de la charpente encombrant le passage. 

Soudain, un visage connu apparut entre les silhouettes amassées au centre de la pièce. 

Captant le regard du jeune homme au Dracaufeu, un éclair de surprise traversa l'expression impassible de Danh qui d'un signe de tête leur indiqua l'extrémité de la pièce.

Lorsque les deux dresseurs parvinrent à s'extraire de la foule, le Doyen d'Ula Ula les rejoignit et les entraîna jusqu'au bar à café où étaient entreposées davantage de caisses. 

Avant toute chose, l'homme au Persian prit place sur l'un des tabourets surélevés et fit reposer son poignet gauche sur l'un des derniers espaces libres du comptoir encombré. 

Avec un soupir las, le Doyen leur fit part de la situation sur le front :

Apparemment, on venait de lui communiquer par radio que les Ultra-Chimères opéraient un net recul et qu'une panique certaine s'était propagée dans leurs rangs, lorsque la faille s'était mise à projeter une lumière inhabituelle, laissant supposer une altération du passage entre les deux dimensions. Une thèse corroborée tant par le comportement des créatures cherchant à regagner la faille rapidement, que par les données recueillies récemment, montrant une légère décroissance au niveau de la longueur de la fissure. 

Ce n'était donc plus qu'une question de temps avant que la situation ne soit ramenée sous contrôle. 

Soulagé, Alain se laissa tomber à son tour sur l'un des sièges en bois.

Dans peu de temps, il irait faire soigner ses Pokémon au sous-sol, dès que le passage se libérerait un peu. Mais en attendant, il ne se sentait plus la force de faire ne serait-ce qu'un pas en avant. La tête vide, le jeune homme se mit à contempler les jeux de lumière sur son Cristal Z tout en songeant distraitement qu'il lui faudrait remettre le bracelet à Kiawe dès que possible. Nikolaï, quant à lui, se chargeait de rapporter certains événements vécus à l'intérieur du repaire Rocket. 

Le scientifique se tourna par trois fois vers Alain pour obtenir quelques éclaircissements sur sa version des faits, mais il ne tarda pas à se laisser décourager par les réponses laconiques de ce dernier.

Le Kalosien n'avait plus qu'une envie : rentrer au Paradis Æther le plus vite possible pour s'enterrer sous ses draps et dormir jusqu'au moment d'entamer les préparatifs de leur retour le surlendemain. 

Pour la dixième fois au moins, le jeune homme laissa son regard dériver sur la salle d'accueil :

Le parquet en bois dont la poussière ne laissait plus entrevoir la couleur d'origine, au sol en verre plus en avant, à peine visible sous le cortège d'humains et de Pokémon, qui prenaient garde à éviter les parties fissurées, du bloc de béton près du comptoir qu'un Machoppeur s'efforçait de soulever, à la petite fille distribuant des baies et autres friandises aux bénévoles... 

Un spectacle répétitif qu'il observait à distance sans avoir l'impression d'en faire partie.

 Toutefois, un élément nouveau et singulier ne manqua pas d'attirer son attention. 

L'écran derrière la réception semblait afficher quelque chose de différent, quelque chose qui, de loin, semblait être un individu. 

En se décalant légèrement sur la droite pour libérer son champ de vision d'une gigantesque pile de carton, Alain put apercevoir la personne en question ainsi que son interlocuteur, appuyé à l'arrière du comptoir et muni d'une clé à molette. 

Aussitôt, le dresseur fronça les sourcils :

La personne à l'écran n'était autre que Vicky, conversant avec un Molène médusé. 

Chose étrange, cette dernière apparaissait livide, comme profondément affectée et semblait peiner à parler sous le coup de l'émotion.

Bien qu'il puisse les voir parfaitement, il était impossible à Alain de les entendre distinctement. Aussi, toute fatigue oubliée, le vainqueur de la ligue de Kalos se leva et s'apprêtait à partir les rejoindre lorsqu'un crépitement de radio retentit non loin de lui. 

- À...l'...ai...e ! V...us m'ente...ez ? À....à !

Immédiatement, Danh s'empara de son émetteur et régla la fréquence jusqu'à ce que la voix saturée de crépitement puisse être entendue distinctement :

- À l'aide ! Vous m'entendez ? Ici agent Beladonis. Je vous en supplie, répondez ! s'exclama l'agent de la Police Internationale d'un ton plein de détresse.

- Ici Danh, rétorqua aussitôt le Doyen. Que se passe-t-il ? Où êtes-vous ? 

- Je... ! Oh merci Arceus ! souffla l'homme d'une voix brisée. Je vous en prie, venez immédiatement. Je...! J'ai tout tenté pour la tenir éloignée mais j'ai échoué et maintenant je ne peux même plus marcher. Je suis tellement désolé... ! 

- Attends, respire et reprend depuis le début, l'interrompit calmement le dresseur au Persian. Qui a fait quoi ? où ? et comment ? 

- Excusez-moi, j'ai paniqué, se ressaisit l'agent du P.L.O.U.C. avant d'être pris d'une quinte de toux. 

Saisi d'un malaise grandissant, Alain ne put s'empêcher d'établir un lien quelconque entre cette transmission et celle se déroulant à l'écran, à quelques mètres de là. 

- Tout est de ma faute, reprit Beladonis d'un air contrit. Je me suis laissé avoir par la bête et Manon a... 

Au nom de sa camarade, le Kalosien se figea, incapable d'envisager ce qui allait suivre.

« Non. Non ! Tout mais pas ça ! »

Ces quelques mots empreints d'une colère irrépressible résonnaient crescendo dans son esprit en ébullition.

- Manon s'est interposée entre elle et moi et j'ai échoué à l'en dissuader, conclut le détective d'un affecté. Je vous en supplie, venez vite. 

Bam ! 

Le coup frappé contre la surface en bois prit Danh et Nikolaï par surprise. 

Tremblant de rage, Alain leva un regard noir en direction de la femme à l'écran. 

Lorsqu'elle le remarqua, Vicky eut un léger mouvement de recul et l'expression affligée qu'elle lui adressa ne laissa pas de place au doute. 

« Désolée », crut-il lire sur ses lèvres.

Le jeune homme coupa court à cet échange et s'empara de l'émetteur radio posé sur le bar. 

- Où êtes-vous ? demanda-t-il froidement en se faisant violence pour ne pas hurler.

C'était tout ce qui importait désormais.


Laisser un commentaire ?