Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 36 : Coda

2840 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/11/2019 18:56

- Par ici, la pressa Beladonis, en virant brusquement sur la droite, pour emprunter un boyau dissimulé derrière un bloc de pierre orphelin.


Le souffle court, le cœur battant la chamade, Manon lui emboîta le pas et poursuivit sa course effrénée jusqu'à un croisement comptant quatre tunnels. L'agent de la Police internationale s'arrêta quelques mètres plus loin pour permettre à la jeune dresseuse et au Pokémon juché sur son épaule de le rejoindre.


- C'est... c'est bon ? haleta la rouquine, l'échine courbée en prenant appui sur ses cuisses.


- Pas pour longtemps, rétorqua le détective en considérant attentivement chacune des quatre galeries.


Lorsque l'impitoyable incendie consumant ses poumons se calma un peu, Manon s'avança à son tour au milieu de l'intersection et observa les allers-retours indécis de l'homme qui l'accompagnait.


- Non... certainement pas par là. À moins que... l'entendait-elle murmurer d'un ton incertain.


- Alors, c'est ça la suite du plan ? On va juste continuer à avancer au hasard ? s'exclama la jeune fille, poussée par un élan de sarcasme qui la surprit elle-même. Etant optimiste de nature, il était très rare que la jeune protégée de Platane se laisse aller à quelque élan de cynisme, et encore moins à l'encontre de quelqu'un d'autre.


Pourtant cette fois, elle en avait plus qu'assez. Assez de l'obscurité qui lui donnait un sentiment constant d'insécurité, assez de courir comme un Rattata d'égout au milieu d'un système de conduites sans fin, assez de cette satanée humidité qui s'infiltrait sous la peau comme pour la geler de l'intérieur, assez d'être laissée sans réponses, loin des siens et...


Avant qu'elle n'ait eu le temps de le réprimer, un sanglot incontrôlable perça le mur de silence amer qu'elle s'était imposé.


Son haut le cœur réveilla l'inquiétude de Marisson qui déposa gentiment sa patte sur le creux de sa joue en signe de réconfort.


Immédiatement, des bruits de pas feutrés résonnèrent auprès d'elle et Manon releva le menton pour apercevoir Beladonis accroupi à ses côtés. De ce que la pénombre lui permettait d'entrevoir, l'homme affichait une mine concernée.


Après avoir inspiré longuement, le détective souffla :


- Je suis sincèrement désolé Manon, désolé que tu aies été mêlée à tout ça. Maintenant que les éléments du puzzle se mettent en place, je commence à mesurer ma part de responsabilité dans cette affaire et...


- Vous le saviez, c'est ça ? Pour ce monstre et moi ? le coupa la jeune fille, d'une voix bien plus pathétique qu'irascible.


- Je... Oui, enfin non ! J'imagine que je ne pouvais que deviner... soupira l'homme d'un ton empreint de culpabilité.


- Alors pourquoi ! Vous auriez pu m'en parler avant ! Avant tout ça et peut-être que ...? s'étrangla-t-elle les larmes aux yeux.


Soudain, une étoffe agréable vint inopinément recouvrir ses épaules nues, mettant fin aux tremblements incontrôlables qui l'agitaient.


Deux pressions légères et réconfortantes enveloppèrent ses bras menus et la dresseuse entendit l'agent murmurer sincèrement :


- J'ai bien peur que toutes les excuses du monde ne suffisent pas à réparer mes fautes, mais je te promets de nous sortir d'ici et de tout t'expliquer dès que possible, tu as ma parole.


Manon prit une grande inspiration et acquiesça silencieusement, gagnée peu à peu par la culpabilité.


Quoi qu'elle ait pu laisser entendre, Beladonis n'était pas responsable de leur situation. De plus, sans lui, elle ne serait probablement déjà plus en état de se plaindre depuis longtemps.


- Pardon... après ce que vous avez fait pour nous...c'était stupide, répliqua la rouquine d'un ton catégorique en séchant maladroitement ses larmes.


- Quoi ? Non ! rétorqua Beladonis avec surprise. Ne t'excuse pas, tu as toutes les raisons de m'en vouloir. Et puis, toute fausse modestie écartée, si Marisson n'était pas parvenu à ronger mes liens à temps tout à l'heure, je ne serais certainement déjà plus de ce monde.


Le Pokémon plante répondit à la brève caresse du détective par un petit cri de contentement et secoua la tête, comme pour signifier qu'il n'avait pas à le remercier.


Malheureusement, une secousse de forte intensité vint mettre un terme à cette accalmie inespérée et les trois compagnons sautèrent aussitôt sur leurs jambes, prêts à fuir sur le champ.


Sans réfléchir davantage, Beladonis saisit la jeune fille par le bras et l'entraîna dans le tunnel de droite.


La main crispée sur le col de son nouveau manteau, Manon courut aussi vite que ses jambes fourbues le lui permettaient. Des murs de roches identiques défilaient devant leurs yeux en permanence, toutefois ces derniers ne semblaient pas avoir de secrets pour l'Agent du P.L.O.U.C, qui paraissait avoir recouvré une parfaite connaissance des lieux.


Mais après avoir bifurqué une énième fois pour arriver au terme d'une nouvelle cavité, un obstacle inattendu leur barra la route :


Un éboulement gigantesque obstruait le passage de haut en bas, ne laissant comme accès qu'une mince ouverture, située au niveau d'une corniche se trouvant à deux mètres du sol.


Beladonis jura et fit rapidement le tour de l'amas de gravats en désespoir de cause, mais sans succès.


Agitée, Manon shootait un par un les petits cailloux à ses pieds, lorsqu'une interrogation s'insinua dans son esprit.


- Vous n'auriez pas un Pokémon qui pourrait nous aider ? s'empressa-t-elle de demander, pleine d'espoir.


- Non... malheureusement, soupira le détective en secouant la tête. Ce satané Nikolaï s'en est assuré avant de me faire prisonnier.


- Oh...


Une nouvelle secousse les prit par surprise et l'agent de police se hâta de conduire la jeune dresseuse au pied du promontoire rocheux.


- Grimpe, lui ordonna-t-il en se baissant pour lui faire la courte échelle.


La Kalosienne obéit et s'apprêtait à faire monter son nouveau coéquipier grâce aux lianes de Marisson, une fois perchée sur la corniche, mais contre toute attente, ce dernier recula d'un pas.


- Pars devant, et quoi qu'il arrive, ne t'arrête pas !


- Quoi ? Mais comment vous allez monter... ! protesta Manon, le cœur serré.


- C'est inutile, l'interrompit Beladonis en secouant la tête, je ne passerai pas, l'ouverture est trop étroite. Ne t'en fais pas, je trouverai un autre moyen.


- Vous n'avez pas senti la secousse ? Et si... !


- Allez-y, continuez, leur commanda l'homme en s'éloignant. En avançant en ligne droite, vous devriez parvenir à rejoindre la riviè... !


Tout à coup, la paroi opposée vola en éclat, comme broyée sous les assauts d'un gigantesque rouleau compresseur, dans un fracas comparable à une éruption volcanique.


Un nuage de poussière opaque emplit la caverne et Manon rampa à l'aveugle jusqu'au premier relief à même de les dissimuler. Adossée contre la pierre froide, la gorge irritée et les yeux rouges, la jeune fille risqua un coup d'œil en contrebas, une fois que la poussière se fut dissipée.


D'abord floue, la lumière froide permit à la rouquine de distinguer l'énorme silhouette dans toute son horreur. Avec un frisson d'effroi, Manon s'empressa de scanner les décombres à la recherche de Beladonis et manqua de crier lorsqu'une voix attira son attention.


- Cours !


Il était là. Le détective était étendu au milieu des gravats qui semblaient l'avoir miraculeusement épargné. Alors pourquoi ne se relevait-il pas ? S'il ne décampait pas de là en vitesse, alors...


En proie à une frénésie soudaine, l'Ultra-Chimère semblait sonder la cavité entière à la recherche d'un quelconque objectif.


À sa recherche, pensa la Kalosienne terrifiée.


Lassée, la bête finit par reporter sa frustration sur l'autre responsable de son déplaisir : Beladonis.


Ce dernier se traîna tant bien que mal jusqu'à la paroi pour tenter de se relever, mais retomba aussitôt avec un gémissement de douleur.


Il était blessé, bien qu'elle ne parvienne pas à identifier la nature exacte du problème d'aussi loin.


La créature semblait déterminée à en finir rapidement ; aussi se mit-elle à charger une sphère d'énergie indigo.


Hantée par la vision de l'Agent Sky à l'agonie, Manon se mit à réfléchir à cent à l'heure. Elle ne pouvait pas laisser un tel massacre se reproduire sous ses yeux !


C'est alors que la jeune dresseuse fut frappée par l'évidence :


Contrairement à Beladonis, Nikolaï la voulait vivante.


Alors, sans réfléchir, la Kalosienne se releva, rappela Marisson dans sa Poké Ball malgré les protestations de ce dernier, et quitta son abri, une pierre à la main.


- Aaaaaaaah !!! s'écria-t-elle en jetant le caillou de toutes ses forces.


La pierre ricocha sur la peau de l'Ultra-Chimère, avant de retomber au sol dans un silence de mort.


Aussitôt, la bête tourna sa minuscule tête dans sa direction et braqua sur elle un regard vide et luisant.


Si le contrôle relatif qu'exerçait Nikolaï sur l'esprit de la créature l'empêchait d'assaillir le sien, la jubilation et la soif de sang de cette dernière lui semblaient pourtant bien palpables et ne tardèrent pas à lui faire regretter son acte d'héroïsme.


- Non !!! se récria Beladonis épouvanté en essayant désespérément de se redresser et de capter à nouveau l'attention de l'UC, mais sans succès. – Va-t'en ! Cours ! s'exclama-t-il affolé.


La jeune fille ne se le fit pas dire deux fois et traversa la brèche à toute allure.


Bientôt, le pas lourd de l'UC retentit dans son dos et l'éboulement qui leur avait tant posé problème s'écroula comme un château de carte. Le cœur battant à tout rompre, Manon courut le long de la bordure en s'efforçant d'éviter les assauts répétés des pinces provenant d'en bas.


Lorsque le chemin devint définitivement trop étroit, la rouquine se laissa glisser le long de la pente en terre et atterrit à quelques mètres de la créature furieuse. Cette dernière cracha un ruban de flammes bleues et la jeune fille eut tout juste le temps de plonger derrière la colonne la plus proche, les yeux désespérément clos dans une expression de terreur pure, parvenant ainsi à se soustraire à la morsure brulante, dont les émanations de chaleur vinrent lécher sa peau.


Aussitôt la vague passée, Manon se remit à courir telle une dératée parmi les monticules de calcaire, que l'UC écrasait comme des feuilles mortes sur son passage. Se sentant faiblir, la jeune fille désespérait. Toujours aucune issue et malgré les obstacles, la bête gagnait du terrain.


Un déferlement de panique glacial monta dans sa poitrine, menaçant de lui faire perdre tout contrôle.


À ce rythme-là, elle allait... !


Soudain, comble de malchance, le pied de la jeune dresseuse butta contre un tas de terre proéminent et elle bascula en avant, dévalant le faible dénivelé la tête la première. La réception fut douloureuse, mais elle ne se laissa pas abattre et se releva immédiatement, sans toutefois réussir à chasser l'écho sourd et entêtant résonnant à l'intérieur de son crâne. Pourtant, au fur et à mesure de son avancée, ce dernier gagnait en volume et Manon parvint enfin à en identifier la nature. Loin d'être une hallucination due au choc, le son continu n'était ni plus ni moins que le chant d'une rivière.


Voyant enfin la lumière au bout du tunnel, la Kalosienne mobilisa toutes ses forces restantes dans un dernier sprint et finit par déboucher sur un plateau en pierre. Accueillie par une luminosité accrue, provenant d'une ouverture à plusieurs dizaines de mètres de là, la protégée de Platane étouffa un cri de joie de ses deux mains et courut au bord de l'éperon rocheux... avant de rapidement déchanter et de tomber à genoux.


Si un torrent s'écoulait bel et bien sous ses yeux, ce dernier se situait à plus d'une quinzaine de mètres en contrebas. Un saut d'une telle hauteur risquait fortement de lui être fatal et pour ne rien arranger, un second plateau à peine plus étendu culminait à près de trois mètres en-dessous du sien, rendant l'entreprise d'autant plus irréalisable.


À bout, la jeune fille frappa la pierre dans un cri pitoyable et manqua d'éclater en sanglots. C'était la fin... à moins que...


À la vue du second éperon, la jeune dresseuse déglutit.


Une chute de quelques mètres avait peu de chance d'être mortelle, et en s'y prenant immédiatement, Marisson aurait peut-être même le temps de lui faciliter la descente.


Résolue, Manon se releva.


Mieux valait courir le risque se casser une jambe que de finir entre les mains d'un savant fou.


Saisissant la Poké Ball de son partenaire de combat, la rouquine s'apprêtait à le libérer, lorsqu'un cri sinistre retentit dans son dos.


Une première pince apparut pour écarter le pan de mur, qui s'écroula en un instant, pour dévoiler le chasseur impitoyable.


Trop... tard.


Les mots implacables s'imposèrent à elle.


Alors, poussée par l'adrénaline, Manon lança sa Poké Ball sur le côté, libérant un Marisson déboussolé et sauta dans le vide.


Déséquilibrée par sa rencontre foudroyante avec le sol rigide, la jeune fille bascula en avant et atterrit à plat-ventre, le souffle coupé. Anesthésiée par la panique, elle se releva aussitôt pour se retirer au centre de la plateforme. Juste à temps pour éviter la montagne sombre qui s'abattit à l'endroit même où elle se tenait encore quelques secondes auparavant. La secousse provoquée par l'impact fut si violente que la dresseuse se vit à nouveau projetée à terre. Des craquements indignés retentirent, échos des protestations de la pierre elle-même. Pourtant, le sol tint bon et l'UC avançait inexorablement dans sa direction.


Du plus profond de son âme, Manon avait espéré que la couche de roche soit trop mince pour supporter le poids de la créature... Hélas, le sort s'était chargé d'apporter une bien triste conclusion à son dernier coup de poker.


À la recherche d'une ultime échappatoire, la Kalosienne se redressa tout en s'efforçant d'ignorer les appels affolés de Marisson. Se faisant l'image du sentiment de triomphe de Nikolaï, l'Ultra-Chimère semblait afficher un sourire malsain. La bête déploya ses sombres tenailles avec précaution, de sorte à prévenir tout nouvel élan de panique provenant de sa proie acculée, effleura son abdomen, écarta lentement la mâchoire en forme de bec et alors...


...le sol céda.


Un bruit fracassant couvrit le grondement du torrent, dans lequel les blocs morcelés plongèrent, entraînant le monstre inter-dimensionnel dans leur chute.


Cernée de toutes parts, Manon cria et courut pour échapper à la fulgurante dislocation du sol sous ses pieds et fut bientôt happée par le vide. Dans son agitation désespérée, la jeune fille parvint miraculeusement à saisir une roche saillante et se retrouva suspendue à plus d'une dizaine de mètres du cours d'eau déchaîné.


Malgré la douleur lancinante dans son bras droit, la rouquine parvint à se stabiliser suffisamment pour répondre aux appels de détresse de Marisson :


- Je suis là ! Je vais bien ! Je ....! s'écria-t-elle d'une voix étranglée par l'effort.


En était-elle si sûre ?


La pierre humide sous sa main droite se faisait de plus en plus glissante et elle se trouvait désormais hors de portée de son partenaire. Avec acharnement, la Kalosienne s'efforça plus d'une fois de corriger sa prise, jusqu'à ce qu'un geste inconsidéré ne finisse par rompre son fragile équilibre. Paniquée, elle tâtonna frénétiquement à la recherche d'un nouveau relief avant de tomber en arrière pour de bon.


- Aaaaaah ! Euh ?


De la stabilité, la chute s'était brusquement arrêtée, on la retenait.


Le cœur battant à cent à l'heure, Manon quitta des yeux le bouillon infernal en contrebas pour remercier Beladonis, et manqua de basculer à nouveau sous le coup de la surprise.


Incrédule, la jeune dresseuse remonta le long de la main assurée, gantée d'une mitaine, fermement enroulée autour de son poignet, scruta le visage ami dans ses moindres détails pour l'imprimer dans sa rétine et interdire à l'illusion de se dissiper. Elle y rencontra deux yeux bleu perçant emplis de détermination, d'agitation, d'urgence, mangés par des mèches de jais désordonnées encadrant un front luisant.


Une voix rauque la surprit dans sa contemplation, enveloppant son cœur fébrile d'un écrin de soulagement et de sécurité.


- Accroche-toi.




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