Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 37 : Coda (partie 2)

2773 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/01/2020 17:00

« Par là. »


Les colonnes calcinées et les éclats de roches brisées laissés dans le sillage d'une longue trainée creusée dans le sol formaient autant d'indicateurs du passage de l'UC.


« Du passage de la bête, mais pas seulement... » songea Alain en pressant encore l'allure.


Comment avait-elle pu faire quelque chose d'aussi stupide ! Autant louables qu'eussent été les intentions de la jeune dresseuse, une telle action tenait davantage de la témérité que du courage... Bon sang ! Le rapport de force revenait à opposer un tricycle à un trente tonnes !


Le pas pressé de l'homme qui venait de le rattraper vint mettre un terme à ses ruminations chaotiques :


- Hé ! Prends à droite, d'accord ? l'interpela Danh en désignant deux passages faiblement éclairés au loin.


- Ouais !


Sans hésiter, le Kalosien sauta au bas du décrochement de terrain, dévala le léger dénivelé menant à l'ouverture dans la paroi et se faufila à travers la faille étroite pour déboucher sur une plateforme exiguë, surplombant un torrent déchaîné.


« Un cul-de-sac ».


Le jeune homme s'apprêtait à faire demi-tour, lorsqu'une voix familière couvrit le grondement des eaux vives.


En alerte, l'assistant du professeur Platane en chercha immédiatement la provenance et finit par apercevoir un éclat rouge suspendu au bord d'un promontoire voisin. Le vide qui les séparait était significatif mais pas insurmontable.


C'était jouable.


Alors, Alain prit autant d'élan que possible et s'élança jusqu'à la plateforme adjacente pour y atterrir sans trop de peine. Sans prendre le temps de réaliser son succès, le dresseur de Dracaufeu se précipita vers le vide et parvint à saisir in extremis, le frêle poignet de son intrépide compagne de voyage.


- Accroche-toi, réussit-il à articuler entre deux halètements.


Muette de stupeur, Manon hocha vaguement la tête.


Il la tenait, elle était enfin là, à nouveau près de lui.


À cette pensée, une vague de soulagement parcourut son corps tout entier.


Le regard que la jeune dresseuse lui rendait semblait indiquer qu'il en allait de même pour elle.


- A...Ala... ! commença-t-elle avant d'être brusquement interrompue par un abominable craquement assourdissant.


Alarmé, le noiraud tenta de hisser la jeune fille sur le promontoire le plus rapidement possible, avant de constater les fissures qui le cernaient et de se sentir tomber à son tour.


Entrainés en avant, les deux dresseurs chutèrent lourdement en direction de la rivière et Alain eut à peine le temps d'attirer sa camarade contre lui avant de transpercer la barrière des flots.


Plongé brutalement au cœur de l'enveloppe glaciale, Alain vit ses poumons se vider instantanément de leur air, pour ne porter plus que deux outres vides et douloureuses à l'intérieur de sa cage thoracique. Le jeune homme lutta de toute ses forces contre le courant pour remonter à la surface, mais fut pris en traître par un nouveau flux sous-marin et propulsé contre un rocher.


Sous le coup de la douleur, la vision du dresseur se réduisit à un point lumineux lointain et un acouphène lui vrilla le crâne. Une brûlure intolérable provenait de son bras droit, comme percé de part en part par des lames chauffées à blanc. Par réflexe, le Kalosien agrippa son membre meurtri, dont les lancements insoutenables se noyaient peu à peu dans l'étreinte tentatrice des ténèbres. Traversé par un dernier éclair de lucidité, Alain rouvrit soudainement les paupières et réalisa que si ses deux membres étaient occupés, alors...


« Manon ! »


Le jeune homme se fit violence pour ignorer les fourmillements dans son bras droit et donna un coup de pied au sol pour se propulser à la surface. Toussotant et crachotant, le noiraud aspira l'air à grandes goulées et cria le nom la jeune fille. Une faible réponse lui parvint par-dessus le vacarme du torrent et Alain tourna la tête pour apercevoir sa jeune compagne de voyage désespérément cramponnée à un rocher, à quelques mètres de là.


- Alain !


Le dresseur pouvait lire la panique sur le visage de la rouquine et en déduisit qu'elle n'allait plus tenir très longtemps.


- J'arrive ! Tiens le coup ! Viens, Dracaufeu !


De sa main valide, Alain saisit la Poké Ball immergée et la lança dans les airs, aussi haut que possible. Immédiatement, le reptile apparut et se précipita auprès de son dresseur, jusqu'à effleurer la rivière. S'accrochant comme il le pouvait au cou du dragon, Alain se hissa lourdement sur le dos de ce dernier et fonça en direction de sa partenaire malmenée par le courant. Arrivé au niveau de la jeune fille, le dresseur se pencha sur le côté pour tenter de l'attraper par la main. Luttant contre les rapides qui cherchaient à l'arracher à son unique point d'accroche, Manon se propulsa en avant en prenant appui sur le rocher et réussit à saisir au vol le bras tendu. Cependant, le corps fluet de la jeune dresseuse ne tarda pas à être entraîné à nouveau par les flots. Alain dut alors compenser le mouvement en se raccrochant à l'encolure de son Pokémon pour éviter de perdre l'équilibre, réveillant ce faisant, l'atroce brûlure dans son bras droit. Avec un rictus de souffrance, le jeune homme effectua un dernier effort conséquent pour hisser la rouquine en hâte et ne relâcha sa prise qu'une fois cette dernière assise dans son dos.


- Accroche-toi, souffla-t-il entre ses dents, tandis que Manon s'agrippait fermement à sa taille.


Puis, Dracaufeu mit le cap sur l'ouverture au loin en rasant la rivière. Le dragon finit par traverser la voûte lumineuse et les deux dresseurs ne tardèrent pas à se trouver aveuglés par la clarté du dehors. Le Pokémon feu les déposa en lieu sûr, en plein cœur d'une oasis de verdure, à l'ombre d'un gigantesque arbre couvert de fleurs tombant en grappes embaumantes et colorées.


À l'instar de sa coéquipière, Alain se laissa glisser à terre et n'eut pas le temps de faire un pas que deux bras vinrent s'enrouler autour de son torse. Tiré de sa courte hébétude, le jeune homme inclina la tête pour rencontrer deux yeux implorants levés dans sa direction.


- C'est fini, hein ?


La voix ténue ou peut-être tout simplement la vue de la jeune fille couverte de terre, rendue encore un peu plus pitoyable par ses guenilles détrempées, à la fois si frêle et tremblante contre lui achevèrent de briser ses dernières barrières.


Avant d'avoir eu le temps d'en prendre conscience, Alain se retrouva à genoux, le visage enfoui contre l'épaule de la fillette, qui le serra un peu plus en retour.


- Désolé... désolé... murmura-t-il à plusieurs reprises, la main fermement pressée contre l'omoplate de la rouquine, par peur qu'elle ne lui échappe à nouveau.


Au bout d'un temps indéterminé, les tremblements de Manon se calmèrent un peu et la jeune fille se dégagea doucement de l'étreinte de son coéquipier pour porter une main timide à son visage et le forcer à la regarder dans les yeux.


Tant de questions lui brûlaient les lèvres ! Un tourbillon de pensées et d'interrogations entremêlées menaçaient de faire exploser sa boîte crânienne comme une cocotte-minute ! Pourtant face au regard morne et absent de son coéquipier, les seuls mots qui quittèrent la bouche de la jeune dresseuse furent :


- Qu'est-ce qui t'est arrivé ?


En prononçant ces mots, Manon abaissa le bras pour poser délicatement sa main sur celle du jeune homme en signe de réconfort.


Immédiatement, Alain se raidit, envahi par un flot d'images parasites : les tiges métalliques grouillant sous la chair, le regard éteint de Lysandre, son agonie, la mutation du Câblifère...


Avec un haut le cœur, le dresseur chassa les terribles souvenirs et se contenta de répondre :


- Une invasion d'Ultra-Chimère, à l'Autel du Soleil.


Perplexe, Manon arqua un sourcil.


Pas que cette information ait quoi que ce soit de nouveau pour elle... A dire vrai, elle était bien plus préoccupée par l'état général de son partenaire ; en une année de voyage commun, la jeune fille l'avait rarement vu aussi abattu. De plus, Alain était un dresseur puissant capable d'enchaîner plusieurs combats à la suite ! Il n'était pas du genre à se laisser impressionner pour si peu. Non, il devait y avoir autre chose...


- Combien d'Ultra-Chimères ? l'interrogea-t-elle en inclinant la tête d'un air suspicieux.


Exténué et légèrement agacé par ce qui s'annonçait être un début d'interrogatoire, le noiraud lui lança un regard désabusé et éluda rapidement la question.


- Beaucoup.


- Beaucoup combien ? insista Manon en continuant à le fixer droit dans les yeux.


Alain soupira et se releva pour inspecter son Holokit, qui semblait avoir échappé à la noyade par miracle. L'écran de l'appareil s'illumina, accompagné de quelques notes et le Kalosien s'efforça de noyer les images effroyables qui le hantaient sous un flot de données purement objectives provenant de la carte préenregistrée, dans le but d'établir leur localisation. Tout en consultant leurs coordonnées, le jeune homme finit par rétorquer :


- Tout ce qui compte dans l'immédiat, c'est qu'il n'en reste plus aucune. Maintenant, déclara-t-il en tentant de conserver un semblant de calme apparent, j'aurais vraiment besoin de comprendre ce que Beladonis et toi fabriquiez au fond de la Caverne Coda avec une Ultra-Chimère à vos trousses en plein milieux d'une invasion... Alors si tu voulais bien m'expliquer ?


Aussitôt, la voix de Nikolaï résonna aux oreilles de la rouquine :


« Imaginez qu'une autre conscience pénètre dans l'interstice au même moment et que ces deux esprits, qui n'auraient jamais dû entrer en contact, se retrouvent liés au travers d'une dimension onirique ébranlée .»


À l'ombre du grand arbre agité par la brise, la jeune fille prit à nouveau conscience des vêtements trempés qui lui collaient à la peau. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine.


« C'est pourquoi tu es unique. »


Les ongles plantés dans la chair de sa paume, Manon détourna les yeux et s'efforça de supprimer un sanglot.


Interpelé par le silence prolongé, Alain quitta son écran des yeux et se trouva désemparé face à la détresse de la jeune fille.


- Manon...


- Non, c'est rien ! balbutia la rouquine en secouant la tête pour se reprendre, c'est juste que...


Avant qu'elle n'ait eu le temps de poursuivre, les deux dresseurs furent enveloppés par un agréable manteau d'air chaud qui sécha leurs vêtements en un temps record. Puis, Manon sentit une légère pression sur le haut se son crâne, et un doux ronron résonna dans son dos.


- Roar !


La jeune fille leva les yeux pour caresser la tête orange du reptile et sourit face à sa tentative de réconfort.


- Merci !


Tandis que Dracaufeu se retirait doucement, la dresseuse débutante se mit à ressentir une sensation de vide de plus en plus importante. Elle avait le sentiment d'oublier quelque chose vital ! Quelque chose ou quelqu'...


- Marisson ! s'écria-t-elle horrifiée.


La même stupeur gagna le visage de ses deux coéquipiers.


- Quand avez-vous été ensemble pour la dernière fois ? l'interrogea Alain, inquiet. Tu es sûre qu'il n'est pas tombé au moins ?


- Quoi ! Non, non il n'est pas tombé, j'en suis certaine !


Marisson ne se trouvait pas avec elle au moment où le monstre avait fait céder le plateau rocheux, toutefois, elle se souvenait de l'avoir entendu l'appeler au loin, lorsqu'elle était suspendue au-dessus du torrent. Oui ! C'était ça, elle l'avait libéré juste avant de sauter pour rejoindre la...


- La plateforme ! Il y a une grande plateforme en pierre juste au-dessus de là où tu m'as trouvée. Il est là-bas, j'en suis sûre ! Il faut qu'on y retourne !


- Attends, la stoppa son compagnon de voyage. Rien ne nous dit qu'il s'y trouve encore. Il est même probable qu'il ait pu retrouver Danh et les autres.


- Attends...Danh comme Danh le Doyen ? l'interrogea Manon surprise.


- Ouais, acquiesça le jeune homme. On ferait mieux d'essayer de les joindre avant de tenter quoi que ce soit.


Tout en récupérant son Holokit dans sa poche, le noiraud s'avança pour rejoindre Dracaufeu.


- Attends ! s'exclama Manon en le retenant par le bras.


Sous la dérisoire pression, Alain vit trente-six chandelles et jura entre ses dents.


- Alain ? s'alarma la jeune dresseuse, la mine profondément concernée en le relâchant aussitôt.


- C'est bon, rétorqua-t-il précipitamment, tout va bien.


- Comment ça « tout va bien » ? insista la jeune fille indignée. Tu es ble... !


La sonnerie de l'Holokit retentit et le dresseur de Dracaufeu s'empressa de décrocher :


- Allô ?


- Ici Danh, tu m'entends ?


- Oui.


- La gamine est avec toi ?


Le jeune homme répondit par l'affirmative


- Manon est avec moi. Par contre...


Le Kalosien fut interrompu par un cri pressé provenant de l'appel vocal.


- Rima ri !


- Marisson ! s'écria Manon en se penchant vers l'Holokit. Tu vas bien ?


- Rima rima ! répondit vigoureusement le Pokémon plante.


- Où êtes-vous ? reprit Danh d'un ton préoccupé.


- Au bord de la rivière, à l'extérieur.


- Celle qui coule un peu après l'endroit où nous nous sommes séparés ?


- Oui, celle-là, confirma Alain. Est-ce que vous êtes encore dans les... ?


Le jeune homme se trouva encore une fois coupé par une nouvelle voix :


- Attendez ! Qu'en est-il de l'Ultra-Chimère ? s'enquit le nouvel intervenant d'un ton alarmé.


- Monsieur Beladonis ! s'exclama Manon soulagée. Vous allez bien ?


Le détective la rassura brièvement et réitéra sa question.


- Aucune idée, rétorqua l'assistant du professeur Platane en balayant rapidement les alentours du regard. Quand je suis arrivé, elle n'était pas...


- Elle est tombée dans la rivière ! intervint brusquement sa jeune coéquipière.


- Quoi ?


Après un court moment de silence, Manon poursuivit :


- Oui, la plateforme a cédé sous son poids et elle est tombée !


Un soupir retentit à travers l'Holokit.


- Cela voudrait dire, qu'elle aurait quitté la grotte... fit Beladonis, d'une voix légèrement défaitiste,


- ...Et probablement la zone d'influence du dispositif qui la contrôle, conclut un nouvel individu.


Au son de la voix terriblement reconnaissable, Manon tressaillit et lança un regard alarmé à Alain, qui demeura parfaitement serein.


- Vous avez certainement raison, Nikolaï, affirma le Doyen d'Ula-Ula. Mais maintenant, nous allons avoir droit à une véritable course contre la montre... Si nous ne parvenons pas à la retrouver avant ces criminels ou à empêcher une UC aussi puissante d'atteindre les habitations les plus proches, nous courrons à la catastrophe.


Les conversations laissèrent place à un silence éloquent.


- Nikolaï, reprit Alain d'un air grave, est-ce que vous avez un moyen de la localiser ?


- Malheureusement non, rétorqua ce dernier. Il m'est impossible de distinguer une aussi petite signature d'Ultra-Particule avec mon équipement actuel. Vous comprendrez que la signature d'une seule Ultra-Chimère est négligeable comparée à celle d'une Ultra-Brèche...


- Nous pouvons toujours tenter de la repérer depuis les airs, fit remarquer Alain en lançant un regard entendu à son fidèle partenaire de combat.


- Et après... ? demanda Beladonis d'un ton désabusé.


- Où est-ce que vous voulez en venir ? l'interrogea le Kalosien en fronçant les sourcils.


- Vous comptez la capturer ? La vaincre ?


- Vous avez une autre idée ? répliqua abruptement le jeune homme.


Ils n'avaient pas le temps de jouer les Absol de malheur.


- Vous savez très bien que ce n'est pas aussi simple, n'est-ce pas ?


Alain en déduisit rapidement que ces derniers mots ne lui étaient pas adressés.


- Cette Ultra-Chimère est certainement trop puissante pour être attaquée de front, intervint finalement Danh. Autant essayer de s'en prendre à un légendaire...


- Dans ce cas, qu'est-ce que vous proposez ?


- J'ai peut-être une idée, s'avança Nikolaï, toutefois, je me dois de vous prévenir qu'il s'agit d'un plan fort risqué ; nous n'aurons pas le droit à une seconde chance.




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