Abi dans le Pokéworld

Chapitre 36 : Rébellion

3281 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/08/2020 08:04

1. Rébellion

 

Le lendemain matin, je m’échappe discrètement de la roulotte dès les premières lueurs du jour. Je vais directement me poster devant celle que partage Cédric et Phil. N’osant pas les réveiller, j’attends en jouant avec Echo. Je lui lance un bâton et il le récupère avec Morsure. Alors que je lui reprends le jouet, son regard se ferme, j’aperçois comme une lueur briller dans ses yeux, il lâche le bâton et dirige ses crocs vers ma main. Je lâche prestement le bâton et ses mâchoires claquent à quelques centimètres de moi.

-      « Hey ! Qu’est-ce qui te prend ?! » je m’exclame surprise.

Echo gronde puis sursaute. Il prend un air apeuré, il semble aussi surpris que moi de son mouvement d’humeur. Voyant ses yeux si larmoyants, je me détends.

-      « Echo… Vient là. Ce n’est rien. »

Je le prends dans mes bras et le câline.


Un bon quart d’heure plus tard, Phil sort de la roulotte.

-      « Salut Abi ! Que fais-tu là si tôt ? Je serai venu te chercher, tu sais ? » me sourit-il, en venant me déposer un baiser.

-      « Coucou. En fait, je… je venais parler à Cédric. » Le regard de Phil se durcit. « Nous nous sommes disputés hier soir, et mes paroles ont dépassées ma pensée, je voulais m’excuser. »

-      « D’accord. Je te retrouve au petit déjeuner dans ce cas. » il se radoucit légèrement.


Je lui dis à tout à l’heure et reprend mon attente. Cédric émerge quelques minutes plus tard. Il ouvre la porte de la roulotte en baillant et en s’étirant. Puis il ouvre les yeux et pose son regard sur moi. Je lis de la surprise dans son regard, il semble incertain quant à la conduite à tenir face à moi. Je prends une grande inspiration et m’avance vers lui.

-      « Cédric, je suis désolée pour hier, j’ai réagi comme une cruche… »

-      « Je n’avais pas à m’en mêler non plus. » admet-il en se passant, comme à l’accoutumer, la main sur son crâne rasé.

-      « Lyne m’a dit que tu t’inquiétais pour moi. Je n’ai pas l’habitude de ça. Je ne sais pas comment y réagir. »

-      « C’est juste qu’il y a des choses que tu ne connais pas de la troupe et je ne voudrais pas que tu sois déçue. Je te défendrai toujours Abi. » me dit-il avec un sérieux que je ne lui connaissais pas.

-      « Pourquoi… » je murmure, incrédule.

-      « Parce que tu es comme ma petite sœur, pardi ! » s’exclame-t-il en me souriant de toutes ses dents.

Ses mots résonnent dans ma tête, « petite sœur » … Je compte à ce point pour lui ? Ces mots sont puissants. Ça me touche tellement, et je sais que je ressens la même chose. Je sens les larmes me monter aux yeux et commencer à couler le long de mes joues. Les yeux de Cédric s’arrondissent de surprise puis il me sourit, indulgemment.

-      « Vient là, crevette. » dit-il en m’attirant dans ses bras.

Je ne m’étais jamais rendue compte qu’il était si grand. Il me serre contre lui et attend que j’arrête de pleurer en me tapotant le dos de sa main. Je finis par me calmer.

-      « Bon, ça va ? tu as fini de chouiner ? » me taquine-t-il. Il a retrouvé son sourire et son insouciante qui le fait paraitre comme un gamin.

-      « Oui… » je réponds en reniflant.

-      « Je ne te parlerai plus de Phil mais sache que s’il te fait le moindre mal, je le dégomme, Reptincel ou pas ! »

-      « Merci. Je saurai m’en souvenir. » je lui souris.


Nous rejoignons les autres au petit déjeuner. Phil me regarde d’un air un peu suspicieux mais ne fait aucun commentaire. Il ramène une de mes mèches de cheveux noirs derrière mon oreille et se penche vers moi.

-      « Je te laisse cinq minutes avec boule à zéro et il te fait pleurer. Est-ce que ça mérite que j’aie une discussion avec lui ? » me demande-t-il en plantant son regard dans le mien.

-      « Non, on a juste mis les choses au point. » je souris.

Phil répond à mon sourire.


Ainsi, ma relation avec Phil s’inscrit petit à petit dans mon univers. Les jours suivants, une routine s’installe : répétitions le matin avec Lyne puis avec Phil, je passe ensuite la fin de matinée avec Victor, Furie et les œufs, l’après-midi, nous faisons notre numéro de jonglage avec Phil puis je m’occupe des stands avec Cédric ou je vais aider Céline et Mathilda à repriser des costumes, le spectacle du soir apporte toujours son lot de surprises et de magie. Aucun jour ne ressemble au précédent. Tout est toujours un renouveau, les imprévus sont nombreux et la routine n’est qu’apparence ce qui me convient tout à fait. Cédric n’aborde plus le sujet de Phil et notre relation a repris son ton taquin et enjoué habituel. Je m’inquiète un peu pour Aude, elle a l’air d’avoir perdu toute joie de vivre, elle ne fait que des apparitions fugaces aux repas et s’enferme dans le travail. Elle s’entraine des heures avec ses Otaquins et son Ortarlette, leur numéro est à couper le souffle, toujours plus perfectionné et parfaitement exécuté. Cet acharnement semble particulièrement profitable pour Otarlette qui évolue en une somptueuse Oratoria pendant l’un des spectacles du soir alors que nous sommes à Tserc, une ville nichée entre deux collines arborées. Lyne m’assure de ne pas m’en faire pour Aude qui, si elle est très fière de son Oratoria, n’adresse pas la parole à Phil et s’isole du groupe que nous formons dans la troupe. Phil se révèle d’un calme qui me rassure et m’apaise, il est aussi drôle et prend garde à ce que je me sens bien.


Finalement, la seule ombre au tableau, c’est le comportement d’Echo. Ces derniers temps, il me semble plus distant et parfois je l’entends grogner dans son coin. J’ai aussi remarqué qu’il lui arrive de déborder d’énergie qu’il n’arrive pas à canaliser. Avec Cédric, nous faisons donc régulièrement des combats Pokémons qui permettent à Echo de décharger son énergie. Racaillou a d’ailleurs évolué en Gravalanch. Il est maintenant suffisamment résistant pour supporter les fois où Echo perd le contrôle et attaque férocement. La nouvelle forme de son Pokémon ravie Cédric qui a cependant dû adapter tout son numéro en quatrième vitesse ! Le Passerouge solitaire de Lyne profite de l’énergie d’Echo. Plus d’une fois, je les surprends à combattre tous les deux. Alors que je m’interroge sur ce comportement et que je m’interpose, Lyne m’interrompt :

-      « En réalité, je pense que ce Passerouge souhaite combattre depuis le début, c’est pour ça qu’il s’est rapproché de toi à ton arrivée. Il devait sentir que tu étais une dresseuse. »

-      « Que fait-on alors ? »

-      « Offrons-lui ce qu’il veut. » me sourit Lyne avec son air malicieux.

Par la suite, nous opposons le Passerouge à Echo en combat quand l’occasion se présente. Lyne, bien qu’elle n’ait que rarement fait des combats Pokémons, se montre réactive et guide bien son Pokémon. Passerouge finit par évoluer en un magnifique Braisillon. Son évolution obtenue, le Braisillon se désintéresse des combats et retourne vers la troupe de Passerouges. Il a acquis un nouveau type Feu et il agrémente maintenant le spectacle de belles flammèches qui font pousser des cris de ravissement et de surprises aux spectateurs chaque soir.

 

°°°

-      « Echo, Tomberoche ! »


Nous sommes un beau jour d’octobre. Les arbres se sont parés de leur couleur jaune ou orangé, parfois une feuille se décroche de sa branche annonçant l’avancée de l’automne. Le vent souffle plus puissamment ces derniers jours et les nuages traversent rapidement le ciel qui nous surplombe. Nous sommes arrivés à Dradogue hier soir. Ce matin, pour fêter notre arrivée et parce qu’Echo est intenable, Phil et moi avons organisé un match amical entre Echo et le Reptincel de mon compagnon.


Echo se concentre et lance une belle attaque Tomberoche.

-      « Protège-toi avec tranche ! » crie Phil.

Son Reptincel arme ses pattes, ses griffes s’allongent et il assène un puissant coup aux roches lancés par mon Pokémon. Ces dernières se brisent sous le coup et des éclats sont envoyés en toute direction. Echo reçoit un coup à la tête et se secoue en tous sens, grondant puissamment.

-      « Garde ton calme, Echo ! » dis-je alors que je vois ses tendons se raidir et commencer à trembler.

Reptincel se jette sur Echo avec Croc-feu. Echo hurle et riposte en refermant ses mâchoires sur le bras du Pokémon lézard. Reptincel lance une Draco-rage à bout portant pour se dégager. Il envoie ainsi bouler Echo. Mon Pokémon se relève, fulminant.

-      « Oh, non… Il a perdu le contrôle… » je murmure.

Les yeux d’Echo sont noirs comme des abysses, il grogne du plus profond de sa gorge, ses membres tremblent.

-      « Attent… ! »

Je n’ai pas le temps de finir qu’Echo s’est jeté sur Reptincel et enchaine les attaques Morsures sans aucune retenue. Reptincel est piégé face à un tel déferlement de violence. Je me jette sur Echo, le saisit à bras le corps et tente de toutes mes forces de l’éloigner du Pokémon feu qui ne peut plus se défendre. Phil accourt pour me rejoindre. Les pattes et les crocs d’Echo l’empêche de s’approcher de moi, il s’agite en tous sens, ne pouvant m’atteindre puisque je suis dans son dos.

-      « Echo, Echo ? Ecoute-moi ! Je suis là, calmes-toi ! Tout va bien ! »

Je me sens s’immobiliser brusquement puis se détendre et gémir doucement.

-      « Ça va, tu es revenu, c’est fini. » Je murmure en reprenant mon souffle.

Je dépose Echo au sol. Celui-ci regarde Reptincel. Le beau Pokémon à la peau rouge est immobile, épuisé, et écorché par les coups d’Echo.

-      « Phil, comment va-t-il ? »

-      « Il va s’en remettre, je vais l’emmener au Centre Pokémon de Dradogue, il a besoin de soins. » me dit-il d’un ton qui se veut apaisant.

Soudain, je sens Echo me bousculer. Lorsque je me retourne, je ne vois que son arrière-train qui disparait derrière les arbres de la forêt qui borde le campement.

-      « Echo ! Echo ! » Je manque de m’élancer vers lui mais Phil me retient.

-      « Il a peut-être besoin de temps. Laisse-le se calmer. » me conseille-t-il.


Après un instant d’hésitation, je décide de l’écouter. J’accompagne donc Phil au Centre Pokémon. Les infirmiers prodiguent les soins à Reptincel et décident de le garder en observation pour la journée. Ils nous rassurent, cependant, les blessures sont peu profondes et Reptincel a déjà commencé à cicatriser. Je guette toute la journée le retour d’Echo. Mais mon attente est veine. N’y tenant plus, je m’excuse auprès de Mathilda et sèche le spectacle du soir pour aller explorer l’orée de la forêt avec Yucca et Akui. Malheureusement, nous ne trouvons pas trace de Rocabot. Le lendemain et les jours suivants, je ne reçois aucun signe d’Echo. Phil, Cédric, et Lyne m’accompagnent dans mes recherches mais nos efforts conjoints n’apportent aucun résultat. Même Victor, monté sur Ponyta et couvrant une plus grande distance, ne le retrouve pas. Cédric et Phil me surprennent plus d’une fois à pleurer à chaudes larmes. Je me sens tellement seule et abandonnée. Echo est mon premier Pokémon, mon premier ami. Il est mon repère dans ce monde. Lorsque je ne suis pas dans la forêt à rechercher Echo, je suis blottie contre le flan de Furie et je couvre les œufs de câlins. Mathilda m’a dit qu’elle comprenait ma tristesse et qu’elle me laisserait le temps dont j’ai besoin. De toute façon, je suis incapable de jouer du violon, j’ai l’impression d’être l’ombre de moi-même.


Au bout d’une semaine, je repars en expédition. Aujourd’hui, personne ne peut m’accompagner parce qu’un rivet s’est brisé dans la grande tente et a entrainé des décrochages en série qui menace l’édifice. Phil m’a dit d’y aller tout de même.

-      « Tu n’arriveras pas à te concentrer, je ne voudrai pas que tu te blesses par inattention. Fais attention à toi dans la forêt. »

Je l’embrasse et fais signe aux autres. Je me dirige ensuite vers la forêt. J’ai laissé Yucca avec Lyne, elle leur sera d’une grande aide grâce à son attaque Fouet Liane et sa force. Quant à Akui, je l’ai laissé avec les Passerouges. J’ai envie d’être seule. Bien entendu, Phil ne s’est pas rendu compte que je partais sans Pokémon, je pense qu’il ne l’aurait jamais permis.


Je m’enfonce donc dans la forêt. Je ne prends même plus la peine d’appeler mon Rocabot, j’erre juste d’arbre en arbre, écoutant les bruits de la forêt. Je m’élève sur une colline abrupte, la montée brule mes cuisses mais j’apprécie cette sensation. Ressentir la douleur dans mon corps semble étonnamment apaiser celle que je ressens dans mon cœur, lui donner une existence concrète tout du moins. Soudain, un vagissement puissant me fait sursauter. Je me retrouve face à un Aflamanoir en rage ! L’adrénaline se répand dans mon organisme, la panique me gagne. Je n’ai aucun moyen de me défendre. Comme je le souhaitais, je suis seule.


Le Pokémon feu se fait menaçant, il va attaquer. Je lève les bras devant mon visage dans un geste de protection bien illusoire. Soudain, une imposante forme grise charge l’Aflamanoir. Un jet de flamme s’élève vers le ciel mais ne me touche pas, dévié par le choc. Je baisse les bras et découvre un Pokémon ressemblant à s’y méprendre à un loup. Le Pokémon loup grogne et agite les pics de roche qui dépasse de la crinière à son cou. L’Aflamanoir lance une boule de feu d’une chaleur étouffante. Le loup bondit sur le côté, esquivant l’attaque et lance une belle attaque Tomberoche. L’Aflamanoir est bien assommé par le coup, il est faible aux attaques roches. Il tente de riposter en s’élançant pour étreindre Lougaroc. Vif, le loup esquive sur le côté et assène une attaque Jet de Pierre à bout portant. L’Aflamanoir s’avoue vaincu et s’enfuit dans la forêt.


Le Lougaroc se retourne vers moi et plonge son regard dans le mien. Il s’assoie sur son séant et penche légèrement la tête sur le côté.

-      « Echo ? » je demande, incrédule.

-      « Roc. » acquiesce-t-il.

-      « Mais tu… tu as évolué ! » je m’exclame.

-      « Looooooouuuuuuuu » Répond-il en hurlant, la tête basculée vers l’arrière.

-      « Tu est magnifique, et tu as été incroyable ! Merci de m’avoir sauvée. » je dis.

-      « Rooooc. » répond-il en s’approchant de moi et en venant frotter son museau contre ma main.

-      « Tu… tu m’as tellement manqué ! J’ai eu peur pour toi ! »

Je tombe à genoux et enlace son cou de mes bras. Je sens la tête de Lougaroc se poser sur mon épaule et j’entend un profond ronflement venir de ses entrailles. On dirait qu’il ronronne. Après quelques instants, je me recule.

-      « Si tu souhaites rester dans la forêt, je le comprendrai. Tu vas me manquer mais je suis rassurée que tu ailles bien. »

Je retiens les larmes qui ne sont pas loin et me détourne. Il est temps que je rentre au cirque. Cependant, j’ai à peine fait quelques pas qu’à nouveau je sens la truffe d’Echo contre ma main.

-      « Tu… restes avec moi ? » je demande.

-      « Roc ! Roc ! » jappe-t-il avec enthousiasme.

-      « Contente de te retrouver le Caïd. » je souris et je ressens une boule de chaleur s’ouvrir dans ma poitrine. J’ai retrouvé ma moitié.


Ensemble, nous retournons au campement. Je ne peux m’empêcher d’observer Echo. Sa démarche, sa fourrure, son attitude… J’ai hâte de le découvrir sous sa nouvelle forme.


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