Les Train Twins

Chapitre 19 : Une vie ordinaire

11349 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/10/2021 13:52

Chapitre 19

 

Une vie ordinaire

 

 [A dix-sept heures, les jumelles rentrèrent de l’école et elles déboulèrent dans le laboratoire comme un troupeau de jeunes tauros. Florine était très énervée.

« Les filles combien de fois je vais devoir vous dire que le laboratoire n’est pas un terrain de jeu ?!? Vous voulez être punies ? Je vous préviens que je n’aurai aucun scrupule à vous priver de dessert durant toute la semaine si vous ne vous calmez pas ! »

Les filles se figèrent net dans leur course, elles semblaient terrifiées. Elles m’ont fait de la peine, alors j’ai décidé de me pencher vers elles.

« Vous devez avoir envie de jouer, et si on allait dehors tous les trois ?

- Bonne idée ! Occupe-les le temps que je finisse mon travail, j’en ai encore pour une heure, au moins. »

Franchement, je mourrais d’envie de donner mon avis à Florine sur ce qui était le plus urgent entre ses filles et les analyses sanguines des wattouat qui par ailleurs semblaient en très bonne santé. Mais Jessy et Jenny se remirent à crier.

« Et si on jouait à la ligue pokémon ? Proposa Jessy.

- Oh oui oh oui ! Viens jouer avec nous Seb !

Jenny tirait sur ma manche de pull.                           

- Si vous voulez…

- Ouais !

- Super on a un adversaire ! S’enthousiasma Jessy. »

Elles m’ont trainé dans le jardin et le colonel Florine me donna ses instructions.

« Ne les laisse pas jouer avec les pokémon qui n’appartiennent pas à ma famille ! Elles n’ont pas le droit.

- Détend-toi un peu Florine. J’ai mes propres pokémon, ça va aller. Alors les filles, prêtes pour affronter les terribles dresseurs du plateau Indigo ?

- Oui ! » Me répondirent-elles à l’unisson. Elles sortirent leurs copain-balls respectives.

« Pit on y va !

- Chu ! »

Pour la première fois, j’ai pu observer de près les deux pichu des jumelles. Ils étaient quasiment identiques. La plupart des pokémon, même de la même espèce, présentent normalement des signes distinctifs, mais ces deux-là étaient comme le reflet l’un de l’autre. En fait, un seul détail les différencie…]

« L’œil droit de Pit est marron et le gauche vert, alors que Chu c’est l’inverse, expliqua Fry avec sourire.

- Exactement ! »

[Je compris qu’il s’agissait de jumeaux. Je n’avais jamais vu ça de mes propres yeux.

« Nos adversaires ! On veut nos adversaires !

- Ouais !

- Ah, euh oui… »

J’ai relevé mon pull et scruté ma ceinture de pokéballs. Je me suis alors rappelé que mes parents m’avaient rapporté les pokémon de Justine, j’avais mis leurs pokéballs dans ma poche de jean. Mes parents pensaient qu’ils seraient plus heureux en ma compagnie au Bourg Palette avec plein de nouveaux camarades de jeu. Pendant que je réfléchissais, Jessy s’impatientait déjà.

« Alors ?!? »

Je me rappelais l’expression d’infinie tristesse des pokémon de Justine lors de son enterrement. Jusqu’alors, j’étais obnubilé par ma propre dépression et je ne m’étais pas soucié de ce que pouvaient ressentir les pokémon de Justine. Je m’en voulais. Je me demandais s’il n’y avait pas quelque chose à faire pour les aider, une idée me vint à l’esprit. Je me suis dit : "Je dois au moins essayer." J’ai regardé les filles et je leur ai souri.

« Un peu de patience les filles, ça fait monter le suspens avant le match. »

J’ai sorti une loveball de ma poche et détaché une autre ball de ma ceinture.

« Jessy voici ton adversaire : Mangriff ! Et toi Jenny, tu devras affronter Mélodelfe ! »

Mon mangriff est sorti de sa pokéball et il se retrouva face à Jessy et à son minuscule pokémon. Mangriff réalisa immédiatement qu’il n’était pas en situation de combat et il se détendit. Il huma l’air et regarda le paysage, même des années après il avait reconnu le Bourg Palette. Il se tourna vers moi

« Man ?

- Aujourd’hui Mangriff, tu vas jouer avec nous.

Mais Jessy fronça les sourcils.

- Non ! On ne joue pas : on combat ! C’est la ligue ici !

- Ah oui Jessy, où avais je la tête ? » Lui répondis-je avec un air idiot...]

« Inutile de me dire que c’est facile pour moi d’avoir l’air idiot.

- Je n’ai rien dit ! Rigola Fry. Je respecte mes ainés M’sieur Lavandson. »

[Mangriff ne semblait pas tout comprendre. Il jeta un coup d’œil à la Mélodelfe de Justine. Mélo ne semblait pas au top de sa forme mais elle lançait quand même quelques regards aux alentours, histoire de savoir au moins où elle se trouvait. Du coup, j’ai murmuré à l’oreille de mon mangriff :

« Mangriff, tu vas te battre contre le petit pichu et tu le laisses gagner tu comprends ?

- Man ?

- Tu fais semblant, comme quand tu joues avec tes amis pokémon.

- Man. »

Cette fois mangriff avait compris. Il tourna les yeux vers le pichu qui mesurait à peine la même taille qu’une de ses pattes arrière. Pit poussa un cri de guerre absolument adorable. Mangriff semblait amusé.

« Pit-chu !

- Ouais ! Pit attaque éclair !

-Pichu-u !

Mangriff attendit sagement que l’attaque l’atteigne mais il fut désagréablement surpris. En voyant la taille et l’âge de son adversaire il pensait – tout comme moi – que l’attaque lui ferait l’effet d’une petite châtaigne mais en réalité l’attaque éclair lui avait vraiment fait mal. Même si elle n’était pas très puissante, l’attaque était une vraie attaque électrique ! Alors Mangriff grogna un peu.

« Attaque griffe ! Lui ordonnai-je.

Mon pokémon donna un vigoureux coup de patte à Pit, ça l’a projeté en arrière. J’ai dû le sermonner un peu.

« Mangriff !

Man… »

Il s’est retourné vers moi, il avait l’air à moitié gêné, à moitié agacé. Je comprenais son désarroi, mais je devais donner le change devant Jessy. Pour le coup, elle était vraiment déterminée à gagner et son pichu aussi. J’exagérais la chose :

« Euh… C’est très bien Mangriff, belle attaque.

- Tu vas voir ! Gronda Jessy. Vive attaque ! »

Le petit pokémon fonça à toute allure vers mon gros mangriff. Il n’était pas si gros que ça en réalité, mais à côté du minuscule pichu il avait l’air énorme. Pit heurta Mangriff de plein fouet mais au lieu de lui faire mal, il a rebondi sur son ventre et fut projeté en arrière une fois encore. J’avais envie de rigoler, j’aimais bien ce jeu.

« Ah ah ! Ton pokémon ne vaut rien face au mien ! Ah-Ah ! »]

« Au secours… Tu parlais vraiment comme ça ? Et elle y a cru ?

- Elle avait sept ans ! Au même âge je parie que tu croyais encore au Père Noël ! Enfin bon. Jessy avait déjà un sourire affreusement sadique pour une petite fille…

- Ça, ça ne m’étonne pas tiens ! » L’interrompit à nouveau Fry.

[Jessy me rappelait Florine quand elle avait élaboré une stratégie sans faille…

« Peuh ! N’importe quoi ! Cage-éclair ! »

En voyant mon pokémon entouré d’éclairs grésillant et en voyant sa grimace, j’ai compris que si le pichu de Jessy n’était encore qu’un bébé avec très peu de force, sa puissance électrique était déjà bien développée. Mangriff n’était pas totalement paralysé mais ses membres étaient engourdis. Les filles s’éclataient, mais mon vieux Mangriff lui il ne s’amusait pas du tout… Il tenta une attaque grimace pour intimider le pichu sans que je lui demande, je crois qu’il espérait ainsi mettre fin à ce jeu désagréable.

« Man… Man ! »                                                                

Mangriff montrait les dents avec un air menaçant. La technique eut l’effet escompté et le petit Pit semblait terrorisé. Jessy, elle, ne se démontait pas. Tu la connais, à sept ans c’était déjà une terreur.

« C’est rien qu’un gros sac à puces ! Te laisse pas impressionner ! Attaque bélier ! »

J’étais épaté par son tempérament. Le sang des Ketchum et des Waterflower coule dans ses veines, il n’y avait pas de doute là-dessus. Obligé par sa dresseuse, le jeune pichu a pris son élan et il a foncé à nouveau vers Mangriff. Cette fois, le choc fut rude et couplé avec la paralysie partielle de Mangriff, Pit réussit à le faire basculer en arrière. Le pichu tanguait un peu, le choc avait été dur pour lui aussi. Allongé sur le dos, mon mangriff bascula sa tête en arrière pour me regarder avec un air implorant. J’ai très vite compris qu’il en avait raz-le-bol.

« Euh, je crois qu’il est KO.

- Ouais !!! Ouais j’ai gagné ! J’ai gagné ! Super ! J’suis la meilleure ! »

Je fis signe à Mangriff qu’il pouvait s’éloigner discrètement pour aller se détendre dans le jardin. Il ne se fit pas prier et s’échappa très vite de cet enfer. Intérieurement, je commençais à me dire que mon idée d’impliquer un pokémon de Justine était une très mauvaise idée. Je croisais les doigts pour que Mélodelfe trouve ça plus amusant, elle n’avait pas besoin d’être plus contrariée qu’elle ne l’était déjà.

« A moi maintenant ! S’écria Jenny très excitée elle aussi. Jessy s’était un peu calmée et elle s’est mise à jouer les arbitres.

- Ah-hem. Le prochain match oppose Jenny Ketchum à Seb euh… Seb Bidule !

- Seb Lavandson.

- Ouais c’est ça, Seb Labidule… Et leurs pokémon : Pichu et Mélodelfe !

Jenny me fit une révérence trop mignonne.

- C’est un honneur de vous affronter Monsieur.

Je m’inclinai à mon tour.

- Tout l’honneur est pour moi, charmante demoiselle. »]

"J’y crois pas… Songea Fry. Déjà à cet âge là il fallait qu’elle séduise son monde…"

[Jenny aussi semblait beaucoup s’amuser et Chu était impatient de combattre. Moi j’étais inquiet pour Mélo mais la pokémon de Justine avait l’air d’avoir compris de quoi il retournait. C’était – elle l’est toujours d’ailleurs – une femelle très maternelle, elle a élevé des petits mélo et elle sait que les jeunes pokémon aiment jouer, les jeunes humains aussi. Malgré sa grande tristesse qui se voyait clairement, elle m’a semblé bien décidée à jouer avec les jumelles et leurs pichus. J’étais un peu rassuré.

« Mélo…

Pi ! Pichu ! Pichu ! »]

« Faut pas te sentir obligé d’imiter les cris des pokémon… Dit gentiment Fry en retenant une grimace.

- Bah c’est plus vivant comme ça non ? » S’amusa Seb.

[Je lançai mon premier ordre.

« Alors mélodelfe, hum… Attaque écras’face. »

Avec cette attaque, je me suis rendu compte que Mélodelfe avait bel et bien compris qu’il ne s’agissait que d’un jeu : l’écras’face était vraiment faiblarde. Pichu se prit une petite gifle de la part de Mélodelfe, cela ne lui causa presque aucun dégat mais ça le rendit encore plus déterminé à vaincre sa grande adversaire.

« Pi ! Pichu ! »

Comme son frère, Chu lança une attaque éclair étonnement efficace pour un si jeune pokémon. Mélodelfe grimaça sous la douleur et je me suis remis à cogiter, je devais à tous prix trouver un moyen de protéger Mélodelfe des chocs électriques sinon elle se lasserait très vite comme Mangriff avant elle.

« Ah ! Je sais ! Mélodelfe force cosmik ! »

Mélodelfe invoqua les étoiles pour booster sa défense et sa défense spéciale. Avec ça, elle ne sentait quasiment plus les attaques électriques de pichu.

« Chu attaque météores ! »

Le pichu produisait l’attaque météores de la même façon que les évoli : il se mit à bondir sur place en faisant des pirouettes de plus en plus vite, un jet d’étoiles électriques apparut et se dirigea sur Mélodelfe, elle encaissa l’attaque sans rien dire. Puis Jenny, très rapide, ordonna une nouvelle attaque.

« Attaque charge ! »

Comme je m’y attendais, il se passa la même chose qu’avec Mangriff : le petit pichu rebondit sur le ventre de la mélodelfe quatre fois plus grosse que lui. Et là, sans que j’aie à lui demander, Mélodelfe utilisa la technique lilliput. En temps normal, cette technique permet de réduire la taille du pokémon de façon à pouvoir esquiver plus facilement en se faufilant entre les mouvements de l’adversaire, mais là au contraire Mélodelfe se mettait à la même hauteur que pichu. J’en revenais pas, c’était brillant ! J’étais impressionné par la jugeote de Mélodelfe mais également par sa gentillesse. Elle faisait honneur à ma Justine et sa douceur. Elle faisait tout pour laisser gagner le petit Chu.

« Mélo attaque torgnoles. » Lui ordonnai-je, gentiment quand même.

Les gifles de Mélodelfe étaient modérées mais rapides, visiblement elle voulait que Pichu y croit et tente de se défendre. Elle chantonnait même pour le narguer.

« Mélo, mélo, mélo…

- Dis donc toi, tu te moques de nous ? Vas-y Chu, montre lui ce que tu sais faire : fatal foudre ! »

Et là j’ai bondi de stupeur.

« Quoi ?!? »

Les joues de Chu grésillèrent intensément, les muscles de son visage se crispèrent sous la concentration et puis le pokémon relâcha une énorme quantité d’électricité sur la mélodelfe de Justine. Heureusement pour elle, sa force cosmik l’aida à encaisser cette attaque sans trop souffrir mais elle semblait tout aussi sidérée par la force d’un si petit pokémon que moi. Lorsque la foudre s’abattit sur elle, elle poussa un cri strident de surprise mais aussi de douleur. Les membres tremblant légèrement, elle s’agenouilla sur le sol. Elle me regarda et, discrètement, je lui fis un signe de tête positif. Elle s’affala alors sur le sol en poussant un long cri d’agonie, très exagéré, trop pour tromper quelqu’un d’autre qu’une petite fille…

« Oh ! J’ai gagné ! T’as vu ça sœurette j’ai gagné ! » S’émerveillait Jenny. Jessy essayait d’imiter un commentateur sportif :

« Eh oui Jenny Ketchum a battu Seb LaBidule ! On applaudit le champion : Chu le pichu ! Bravo Chu ! Bravo Jenny !

- Oui oui ! Ih ih ih ! » Jenny sautillait de joie et je me suis approché d’elle après avoir caressé ma trop gentille Mélodelfe. Pichu était vidé, décharger autant d’électricité d’un coup l’avait épuisé.

« Bravo Jenny, ton pokémon est très impressionnant, quelle puissance pour un si jeune pokémon ! Je dirais même qu’il est meilleur que celui de ta sœur.

- Oh c’est vrai ? Tu crois Seb ? Me demanda Jenny avec des yeux pétillants.

- Mais oui tout à fait… »

Ok, j’ai un peu honte de moi aujourd’hui : je disais ça exprès pour taquiner Jessy et me venger de ses moqueries après l’avoir laissé gagner. Je n’avais vraiment pas aimé le "bidule". Jessy réagit au quart de tour, elle a ça en commun avec sa mère : il ne faut pas la chercher.

« Même pas vrai d’abord ! Pit est meilleur que Chu ! Je vais te le montrer maintenant puisque c’est la finale de la ligue : Jessy Ketchum contre Jenny Ketchum !

- Tu fais l’arbitre Seb ? Me demanda Jenny avec doux sourire.

- Si tu veux…

- Alors assis toi là et admire ! » M’ordonna Jessy avec fierté. Je me suis exécuté en allant m’asseoir sur le côté avec Mélodelfe. Franchement, les petites me faisaient bien rire et je crois que toute cette vie faisait du bien à Mélodelfe aussi. Je me demandais comment elles se comporteraient dans quelques années, quand elles auraient l’âge d’aller à la vraie ligue pokémon.]

« J’ai envie de te dire qu’elles n’ont pas changé. »

Seb rit silencieusement et continua son récit.

[Les jumelles se faisaient face, plutôt qu’un match de ligue j’avais l’impression d’être plongé dans un western.

« Enfin on se retrouve face à face… Lança Jessy.

- Oui petite sœur, toi et moi avec juste un pokémon… Je vais t’abattre.

- Non on dit te battre.

- M’en fous je t’abats quand même !

- Pit en avant !

- Chu en position défensive ! »

J’étais épaté. J’ai dit à Mélodelfe : « Eh ben, ça se voit qu’elles sont élevées dans une famille de dresseurs… » Et puis je la caressais une nouvelle fois en lui souriant.

« Tu es vraiment une bonne actrice, Jenny et Chu n’y ont vu que du feu. Merci ma belle.

- Mélo, me répondit-elle avec douceur

- Ta dresseuse aurait été très fière de toi. »

Mélodelfe pencha la tête pour s’appuyer sur mon bras. Je l’ai enlacé pour ne pas qu’on se fasse rattraper trop vite par la tristesse. Pendant ce temps, les filles se battaient très sérieusement l’une contre l’autre, mais leurs pichu étaient fatigués. Ils avaient pris leurs affrontements précédents très au sérieux. Je continuai de parler un peu avec Mélodelfe.

« On va sans doute habiter ici quelques temps, tu vas pouvoir te faire de nouveaux amis, qu’en dis-tu ?

- Mélo ? »

Je crois que Mangriff a entendu ce que je disais à Mélodelfe et il arriva derrière moi. Il avait l’air un peu inquiet.

« Vous serez sans doute plus heureux ici, au calme, avec plein d’autres pokémon comme compagnons.

- Man, man man man !

- Mélo… Mélodelfe, mélo mélodelfe.

- Man man ! »

Ils n’arrêtaient pas de jacter. Je ne sais pas ce qu’ils se racontaient mais ça avait l’air animé. Je suppose qu’ils parlaient des filles. Etrangement, Mélodelfe avait l’air plus heureuse que Mangriff de venir vivre au Bourg Palette. Florine finit par débarquer dans le jardin, elle a interrompu le match du siècle…

« Les filles vous avez assez joué dehors, on rentre maintenant. Filez vous laver, vous changer et après on mange. Et n’inondez pas la salle de bain !

- Oui maman ! Répondirent-elles à l’unisson. »

Florine prit alors Pit et Chu dans ses bras.

« Quant à eux, je vais m’en occuper, ils sont épuisés. Je vous les rend tout à l’heure. »

Ensuite, Florine s’est tourné vers moi et me lança de nouvelles directives.

« Il va falloir nourrir les pokémon, papa a déjà préparé la nourriture, tu n’as qu’à la distribuer.

- Ok, mais dis Florine : tu mènes toujours tes filles à la baguette comme ça ?

- Pourquoi tu me demandes ça ?

- Eh ben c’est… Ce sont des petites filles, pas des soldats.

- Toi qui viens de jouer une heure avec elles tu as dû te rendre compte qu’il fallait les contenir.

- Bah oui mais… Tu pourrais être plus douce quand même. Ce sont tes petites filles, ce n’est pas comme si c’était Greg, Sylvain ou moi.

- Mais qu’est-ce que tu racontes ?

- Je trouve que tu les traites comme tu nous traitais nous dans le temps. »

Il y eut un bref silence. Je n’avais pas d’enfant alors j’étais peut-être mal avisé pour lui donner des conseils sur la façon d’élever ses filles. Je crois aussi que je l’ai perturbé en sous-entendant qu’elle nous traitait comme ses enfants, les potes et moi.

« Les enfants ont besoin de rigueur, si tu avais eu cinq frères et sœurs comme moi, tu partagerais mon point de vue. Et arrête d’exagérer : je ne vous traitais pas comme ça quand on voyageait ensemble.

- Ah ben si quand même…

Elle s’agaçait.

- Bon tu vas aller les nourrir ces pokémon oui ou non ?

- D’accord d’accord ! J’y coure patron, ou maman, comme tu préfères, répliquai-je avec sourire.

- Seb…

- Mon général alors ?

- Seb ! » Elle m’aboya dessus tandis que je filais m’occuper de la nourriture des pokémon. N’empêche ça m’a bien fait marrer. Ça faisait si longtemps que je n’avais pas pu la taquiner comme ça, je réalisai à ce moment-là combien ça m’avait manqué, peut-être plus encore que tout le reste : sa présence, son visage, son parfum, le son de sa voix… Enfin ça peut-être pas. Quelques heures plus tard, alors que les filles étaient couchées et que je rangeais le matériel qui trainait dans le jardin, je l’entendis beugler et jurer comme un charretier dans son laboratoire. Je suis allé la voir en me disant qu’elle avait peut-être besoin d’aide, c’était le cas, mais je m’attendais à tout sauf à ça.

« Qu’est-ce qui se passe Flo ? Je t’entends hurler comme un groret depuis l’étang.

Elle jeta une volée de feuilles en l’air, elle était vraiment énervée.

- Rah ! J’avais oublié cette saloperie de colloque à la con !

- Bah dis-donc, heureusement que les filles sont couchées… »

Elle a pris sa tête entre ses mains, elle avait les yeux cernés, j’ai bien vu qu’elle était lessivée.

« Je dois parler au congrès de Pokémonologie à Doublonville ce vendredi, pour présenter les résultats de mes recherches avec papa. J’avais complètement oublié et papa ne peut ni me remplacer, ni m’accompagner, il a plusieurs rendez-vous qu’il ne peut pas décaler. »

Elle se retourna brusquement vers moi et me fixa du regard.

« Est-ce que tu veux venir avec moi ? »

J’étais très surpris par la demande. Je n’étais pas vraiment d’humeur à sortir du cocon du Bourg Palette et je ne voyais pas du tout en quoi je pourrais être utile à Florine et au professeur dans le cadre d’un congrès de scientifiques, mais le regard insistant de Florine me poussa à modérer ma réponse.

- Euh… Si je te dis non tu m’en voudras ?

- Un peu oui, m’avoua Florine.

- Si tu insistes… Mais tu ne veux pas plutôt que je reste ici pour m’occuper des filles et du labo ? C’est plus dans mes compétences.

- J’ai besoin d’un soutien moral et toi ça te changera les idées.

- Ok c’est bon, j’irai avec toi.

Florine affichait un sourire satisfait.

- Merci ! Demain je dois préparer le texte de ma présentation, tu devras te débrouiller seul avec papa ça ira ?

- Ouais, ouais, ça je peux le faire.

- Parfait. Et tâche d’être rasé et propre vendredi matin. On va jusqu’à Mauville à vol de pokémon oiseau et ensuite on prend le train pour Doublonville. Décollage à sept heures tapantes. Oh, et j’interviens en fin de journée, ensuite à vingt heures on a un diner de gala en compagnie des autres conférenciers, tenue sérieuse exigée : tu mets un costume.

- Mais Flo mes parents ne m’ont pas amené de costume. Et vingt heures c’est tard, ça veut dire qu’on dort là bas ? » Lui expliquai-je complètement dépassé par son débit de parole et le programme de la fin de semaine.

« Dans ce cas tu en loueras un sur place, ils ont l’habitude au centre de conférences de Doublonville, je vais leur envoyer un mail ce soir pour réserver, prends tes mensurations ! Et oui on dort à l’hôtel et on repart samedi matin. »

Et c’est comme ça que je me suis retrouvé deux jours plus tard dans la salle de bain d’une chambre d’hôtel installé en face du centre des congrès de Doublonville, fagoté comme un pingoléon. Devant le miroir je me suis mis à parler tout seul, enfin plus exactement je parlais à une Justine imaginaire.

« Et toi alors, qu’est-ce que tu dirais si tu me voyais comme ça ? »

Je soupirai, l’aventure ne faisait que commencer mais elle me semblait mal embarquée… Première surprise en arrivant : Florine, qui devait venir avec son père, n’avait réservé qu’une chambre, avec deux lits séparés évidemment mais je me suis retrouvé seul en tête à tête avec Florine, ce n’était pas arrivé depuis plus d’une décennie. Quand je suis sorti de la salle d’eau, elle était encore plongée dans ses notes. Je dis encore parce que le voyage avait été très ennuyeux, elle n’avait fait que répéter son speech durant tout le trajet en train et en vol à dos de pokémon on ne peut pas trop discuter. Elle ne s’était pas changée depuis le départ : elle avait mis un tailleur et enfilé par-dessus une blouse blanche propre. Quand elle me vit en costume, elle me sourit avec un air absent et on a quitté la chambre pour rejoindre le lieu du colloque. J’ai essayé de faire la conversation quand on est monté dans l’ascenseur.

« Quel est le thème de ce colloque ?

- L’influence de l’environnement sur le comportement des pokémon. Et la problématique du jour c’est le développement des pokémon en milieu hostile et l’adaptation aux environnements extrêmes.

- Euh… Ce qui veut dire ?

- En gros, si tu relâches un magmar dans les îles écumes plutôt que dans un volcan ou si tu obliges un stalgamin à vivre dans une jungle tropicale plutôt que dans une montagne enneigée que se passe-t-il ?

- Ah d’accord… C’est pas un peu stupide comme question ?

- En apparence seulement. Dans certains cas on peut observer des adaptations et ce sont ces cas-là qui nous intéressent essentiellement. Les trois exemples type sont évoli, morphéo et cheniti, mais ces dernières décennies on a remarqué que la plupart des pokémon pouvaient s’adapter plus ou moins bien à des environnements hostiles… Enfin tu verras bien de quoi il retourne en écoutant tous ces gros QI parler. »

Franchement, je me demandais pourquoi elle m’avait forcé à venir, je faisais clairement tâche dans le décor mais je voyais aussi qu’elle était contrariée, pourtant c’était son boulot.

« Tu n’as pas l’air très contente d’être ici.

- C’est assez pénible en fait : des tas de scientifiques se battent parce que leurs théories divergent ou simplement parce que la tête du collègue ne leur revient pas. D’autres sont totalement inintéressants… Et peu de gens me prennent au sérieux parce qu’ils trouvent que je suis trop jeune et que je profite de la notoriété de mon père. »

Elle avait vraiment l’air blessée, j’avais de la peine pour elle. Elle avait toujours été très sûre d’elle, je ne m’attendais pas à la voir douter comme ça.

« J’évite de venir toute seule, mon père m’accompagne souvent. Mais ça c’est parce que quand il n’est pas là, il y en a toujours au moins quatre ou cinq gros satyres qui viennent me draguer dans la journée et j’ai horreur de ça.

- Encore une chose qui n’a pas changé.

- Mais aujourd’hui tu es là, ils n’oseront pas m’approcher !

- Tu es sûre que ça suffira ?

- On ne s’amuse pas à draguer une femme qui marche à côté d’un gros balèze comme toi, m’avoua-t-elle sur un ton presque machiavélique. Et s’il y en a un qui prend le risque, j’espère que tu sauras lui faire comprendre qu’il ne faut pas recommencer, ça réussira à faire fuir les autres je pense. T’étais doué pour ça dans le temps. »

Et là j’ai compris. Je devais faire une sacrée grimace, je ne sais pas si j’étais amusé ou vexé.

« C’est pour ça que tu m’as emmené hein ? »

Elle se contenta de me sourire avec un air satisfait. Au fond j’étais un peu honteux : j’ai été à la place de ces gars-là quand j’étais ado. Quand j’ai rencontré Florine, je l’ai dragué comme un gros lourd. En fait j’ai passé cinq ans de ma vie à la draguer comme un gros lourd, mais passé les premières semaines, on était devenus amis, alors c’était devenu un jeu entre nous, une sorte de running gag. Je la draguais, elle me collait un vent et les autres se marraient… Elle était amoureuse de Sylvain mais elle se servait régulièrement de moi comme d’un repoussoir pour les autres mâles en rut. Elle n’était jamais seule, il y avait toujours Sylvain, Greg, Alex ou moi dans la zone – bon Alex ne faisait fuir personne – mais j’avais fini par piger que Flo avait besoin qu’on soit là pour ne pas qu’elle devienne une proie pour prédateurs sexuels. Quand je le dis aujourd’hui ça fait froid dans le dos : elle n’était qu’une fillette, on était tous un peu foufous dans la bande mais elle, elle était consciente que sa jeunesse et sa beauté étaient une malédiction autant qu’un don.]

Fry pensa aux jumelles… C’était vrai pour elles aussi. Sur scène, Jenny essayait toujours de jouer de ses charmes pour chauffer l’ambiance et Jessy avait horreur de ça. Lui il ne se prenait pas la tête avec tout ça, mais en écoutant Seb, il réalisa que les filles étaient un peu considérées comme des marchandises, des sacs de viande… C’est ce que Scott avait essayé de dénoncer lorsqu’il avait ouvert les réseaux sociaux des Train Twins. La séduction abusive de Jenny pour manipuler son monde et la dégaine de bonhomme de Jessy, couplée à son caractère de gradhyena, peut-être que tout cela les aidait à se protéger des pervers… Fry n’y avait jamais songé avant ce soir.

[Après un déjeuner sympathique mais frugal dans un petit resto situé dans le quartier, Flo et moi on a rejoint le colloque. J’ai compris assez vite ce que Florine voulait dire avec ses critiques. Durant certaines interventions, j’étais fasciné, tellement les orateurs étaient bons et convaincants, mais d’autres étaient si ennuyeux que plusieurs personnes s’endormirent dans la salle. Deux types en vinrent presque aux mains pendant une conférence sur l’effet de la pollution sur pigmentation de la peau des azumarill. Ah je m’en souviens encore ! Un homme assis au premier rang avait brandit le poing en affirmant haut et fort qu’un azumarill ne pouvait pas posséder plus de vingt-deux taches blanches sur le corps.]

« Vingt-deux ? Répéta Fry.

- Ouais vingt-deux. C’est précis la science… »

[Le conférencier a ricané et il a répondu en disant que l’homme ne savait pas compter au-delà ou qu’il confondait un azumarill avec un coxy. Les deux docteurs ont finalement quitté la salle pour aller régler leurs comptes dehors, avec un combat pokémon. La moitié de la salle s’est alors vidée, la plupart des gens étaient sortis pour assister au duel. C’était marrant mais en même temps c’était affligeant. Quand j’ai vu la tête de Florine, j’ai compris à quel point elle était blasée… Mais bon, je fais mon malin mais la plupart du temps je ne comprenais rien à ce qui se racontait, les termes étaient beaucoup trop techniques pour moi. Parfois, Florine ne pouvait pas s’empêcher de faire des remarques désobligeantes sur les intervenants, nos voisins semblaient outrés, moi ça me faisait rigoler parce que certaines réflexions étaient méritées. Et puis j’avais retrouvé ma Florine de toujours, cinglante et désagréable. Enfin, Flo est montée sur l’estrade pour présenter ses propres travaux. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle est mon amie ou si elle est vraiment plus brillante que les autres ou pt’être un peu des deux à la fois, mais je l’ai trouvé beaucoup plus crédible que les autres. Elle revint s’asseoir à côté de moi sous des applaudissements modérés mais sincères.

« J’étais comment ? Me demanda-t-elle avec un air inquiet. Je lui ai souri pour la rassurer.

- Très convaincante. Tu es brillante, tu ne devrais pas avoir peur des avis de tes collègues.

- Merci Seb, c’est gentil.

- Non je suis sincère. Mais j’ai du mal à comprendre, c’est quoi un acide animé ?

Flo étouffa un rire, j’étais content de moi.

- Acide Aminé, tu n’as rien compris avoue !

- Je n’ai pas tout compris mais je t’interdis de me faire passer pour un idiot, j’ai pigé l’essentiel. Dis-moi : pourquoi t’es aussi stressée tout le temps ? Tu n’étais pas comme ça avant.

- Je te l’ai dit… Soupira-t-elle. J’ai beaucoup de responsabilités maintenant. Tu sais on change en vieillissant…

- C’est faux. On croit qu’on change mais en réalité on ne fait que s’adapter, au fond de soi on reste toujours la même personne. »

C’est sorti tout seul et on s’est regardé un long moment sans rien dire. Je crois qu’il s’est passé un truc à ce moment-là… Quand la session fut terminée, tout le monde rentra à l’hôtel pour se reposer un peu avant d’enchainer avec le diner. Florine semblait soulagée que sa communication soit finie et que je sois à ses côtés. J’étais déjà en costume mais elle, elle voulait se changer. Quand elle est sortie de la salle de bain quelques minutes avant vingt heures, j’étais en train de mettre une cravate et de l’ajuster face au miroir dans l’entrée. Je suis resté sans voix en apercevant son reflet, j’ai cru l’espace d’un instant avoir remonté le temps et être de nouveau sur le pont du Marina, en route vers Hoenn. Florine me sourit avec amusement.

« Cette… Cette robe…

- Quand je l’ai vu dans le catalogue de location je n’en ai pas cru mes yeux. C’est un vieux modèle alors ils ne voulaient pas me le prêter mais j’ai insisté.

- Alors Greg avait raison…

- Sur quoi ?

- Ils font les mêmes pour adultes ! »

Je me suis retournée pour mieux la contempler, Florine portait la même robe que celle qu’elle portait lors de la fête sur le Marina, l’un des navires de luxe qui faisait la navette entre Kanto et Hoenn il y a trente ans.]

« Et qu’est-ce qu’elle avait de spécial cette robe ? » Demanda Fry, il avait du mal à réaliser qu’il était en train de parler chiffons avec un quadragénaire dans une pâture à onze heures du soir.

- C’était une robe rouge et jaune, découpée bizarrement pour rappeler les ailes d’un sulfura, assez transparente et le dos était très dénudé… Les souvenirs s’embrasaient dans ma mémoire...

- Wouah le jeu de mots…

- Ah mais je suis un grand poète. D’ailleurs je lui ai répété presque inconsciemment ce que j’avais dit à l’époque.

- Je m’attends au pire…

- Tiens-toi bien… » S’amusa Seb.

[Je lui ai dit :

« Si la beauté rendait aveugle j’aurais… » Et Flo termina ma phrase :

« Perdu la vue à l’instant même où j’ai posé les yeux sur toi. »

J’étais trop content qu’elle s’en souvienne. Elle s’est mise à rire.

« Eh oui je m’en souviens encore. C’était tellement lourdingue comme compliment ! Affreux.

- Ah ah, j’avoue… Pour ma défense je n’avais que treize ans. Il me semble que j’avais également dit que je n’avais jamais vu pareille merveille… Maintenant c’est fait. Je te vois toi, dans cette robe, encore une fois et encore plus belle qu’avant. »

Elle se contenta de me sourire et elle me fit signe de la suivre hors de la chambre, on allait être en retard au gala. On passait un super bon moment tous les deux, en vieux amis.

« Je te remercie de m’avoir accompagné Seb. J’ai horreur de venir seule et papa m’accompagne de moins en moins souvent. Il n’y a qu’une seule fois où je suis tombée par hasard sur Alex, à Safrania il y a quelques mois.

- Tiens Alex, je ne lui ai pas beaucoup parlé à l’enterrement de Justine… Il va bien ?

- Je crois oui. Sa fille Félicie se pose beaucoup de questions sur son identité, il s’inquiète pour elle.

- C’est marrant, je n’aurais jamais imaginé Alex en père de famille. Comme quoi…

- Comme quoi quoi ?

- Eh bien moi je voulais des enfants et je n’ai pas eu l’occasion d’en avoir, alors qu’Alex qui n’en voulait absolument pas s’est retrouvé à vingt ans avec un bébé qui sortait de nulle part devant sa porte. Je trouve ça… Ironique.

- Tu auras des enfants un jour Seb… J’en suis sûre. »

Mon regard devait la gêner car elle s’est mise à rougir et à toussoter avant de détourner la tête. J’ai eu un pincement au cœur, Justine mourante m’avait dit à peu près la même chose, c’était tristement ironique aussi : les femmes que j’aime et avec lesquelles je ne pourrai jamais avoir d’enfant essayaient de me consoler… On a finalement rejoint la réception. Tout le monde était très élégant mais évidemment Florine faisait tourner les têtes de ces messieurs, mariés ou non et de tous les âges, même ceux qui ressemblaient à des kabutops fossilisés. Comme j’étais là, seuls celles et ceux qui avaient des questions d’ordre professionnel et scientifique à lui poser osaient s’approcher d’elle, mais je commençais sérieusement à me sentir potiche. Je n’avais rien à dire à personne. Je me suis éloigné de Flo un instant pour aller siphonner un verre de champagne au buffet, et un deuxième dans la foulée. Un type est venu m’aborder avant que je ne descende le troisième.

« Excusez-moi monsieur ?

- Ah, euh oui pardon bonsoir.

- Je me présente : docteur Jack Hellis. Je viens d’Unys, j’ai vu que vous accompagnez le docteur Léon.

- Enchanté, je suis Sébastien Lavandson.

- Lavandson, ce nom ne me dit rien. Etes-vous le mari du docteur Léon ?

- Quoi ? Moi ? Non, non ! » J’étais surpris et gêné, je ne m’attendais pas à cette réflexion. En fait je ne m’attendais même pas à être accosté par un scientifique.

« Je suis un de ses vieux amis et son nouvel assistant.

- Ah ! Elle a enfin pris un assistant ! Eh bien, je pensais que ça n’arriverait jamais ! J’ai renoncé à lui envoyer mes étudiants depuis ce qui est arrivé au dernier d’entre eux.

- Toutes mes condoléances.

- Ah ah ! Vous avez de l’humour à ce que je vois. Vous travaillez sur quoi ?

- Sur rien du tout, je suis plutôt un homme à tout faire vous voyez ?

- Je… Hem, oui je vois. Je vous prie de m’excuser. »

Vu la tête du type, je me suis dit qu’il me prenait pour un gigolo.]

« A sa place j’aurais pensé pareil, s’amusa Fry.

- Je ne vois vraiment pas pourquoi ! »

[Alors que ce Jack Hellis s’éloignait un autre type est venu me parler, lui sans se présenter et il était beaucoup plus familier que le docteur Hellis, il ne me plaisait pas du tout.

« Il ne faut pas en vouloir au docteur Hellis, ça fait des années qu’il essaye de séduire mademoiselle Léon.

- Docteur Léon, ou Madame Ketchum, répliquai-je en le fusillant du regard.

- Ah, alors elle est vraiment mariée ? Ketchum, Ketchum… Vous devez parler de Sylvain Ketchum, l’explorateur.

- Vous l’avez déjà rencontré ?

- Non, mais il a cosigné quelques articles avec elle. Donc ce qu’on dit est vrai…

- C’est-à-dire ?

- Tout le monde dit qu’elle a gardé son nom de jeune fille à cause de son père : le professeur Jacky Léon, une pointure dans son domaine, le successeur du grand professeur Chen.

- Oui… C’est vrai… »

Je voulais vite terminer cette discussion désagréable sur la vie privée de Florine qui ne le regardait en rien. J’étais même persuadé qu’il posait toutes ces questions uniquement parce qu’il avait lui aussi des vues sur elle.

« Explorateur dites-vous, il ne doit pas rentrer bien souvent chez lui.

- Possible…

- Ils sont peut-être séparés, il y a beaucoup de rumeurs qui courent vous savez ?

- Ah vraiment…

- Si vous êtes son nouvel assistant, vous allez vite les entendre. Elle est tellement désagréable que certains prétendent qu’il l’aurait quitté à cause de cela. Moi je n’y crois pas, qui voudrait quitter une femme pareille ? La belle héritière du laboratoire le plus célèbre de Kanto. Il faudrait être sacrément inconscient pour passer à côté d’une telle opportunité. Ils ont tous essayé d’envoyer des assistants au Bourg Palette, pour se placer vous voyez. Que ça reste entre nous, vous avez bien de la chance de travailler avec elle, tout le monde va vous envier... »

J’étais tellement en colère que je serrais mon verre comme une brute et finalement il se brisa entre mes doigts. Des éclaboussures de champagne et des débris de verre atterrirent sur la veste de ce sale type curieux. Il regarda sa veste puis ma main, sans comprendre ce qui s’était passé. J’ai dû éclairer sa lanterne…

« Excusez-moi, par moment je ne contrôle absolument pas ma force, ni mes gestes.

- Ah, euh… Ce… Ce n’est pas grave. »

Le type s’est vite éloigné de moi et j’ai secoué ma main pour enlever les débris de verre qui y étaient encore accrochés. Florine vint me voir, je crois qu’elle s’était aperçue que la conversation me déplaisait.

« Seb, tu fais une drôle de tête, ça va ?

- Je commençe à te comprendre, il y a de sacrés connards ici...

- Je… Ta main ! Tu saignes !

- Pas grave.

- Ne fais pas l’idiot ! Viens ! »

Elle m’accompagna aux toilettes, de nombreuses personnes nous dévisageaient. Florine commença à jouer les infirmières avec du savon et des mouchoirs jetables. Elle farfouilla ensuite dans ma poche de veste et sortit une paire de gants noirs qu’elle m’enfila de force après avoir bandé ma main au mieux.

« Il faudra que j’examine ça ce soir à l’hôtel…

- Florine, quand tu touches ma main comme ça... »

Elle me regardait avec attention, avec son air un peu sévère et je me suis dégonflé.

« Non rien. »

Quand on retourna dans la salle, je me suis aperçu que quelques personnes dansaient dans une partie excentrée de la salle, surtout de jeunes chercheurs. L’ambiance était assez éloignée d’un bal de débutantes, au milieu de tous ces cerveaux aux cheveux grisonnant, mais les musiciens jouaient divinement bien, je n’ai pas pu résister. J’ai tendu ma main blessée à Florine.

« Florine, tu veux bien danser ? »

Je lui ai souri sincèrement et je sais à quel point je peux être charmeur dans ces moments-là. Flo hésita un instant, puis elle se décida à prendre délicatement ma main pour ne pas me faire mal. J’étais dans une sorte de transe, je venais de revenir quinze ans en arrière, j’avais l’impression d’être à nouveau un ado insouciant avec la vie devant lui. Quand j’étais plus jeune, je rêvais de danser un slow avec Florine, elle n’a accepté que deux fois de danser avec moi : la première fois lors d’un réveillon de Noël et la seconde lors de son mariage…

« La dernière fois que nous avons dansé c’était le jour de ton mariage.

- Oui, je m’en souviens. C’est à ce moment-là que je t’ai annoncé que j’étais enceinte.

- Oui. Tu sais… Je trouve que tes filles sont formidables. Audacieuses, brillantes et belles… Comme leur maman.

Florine esquissa un sourire

- Merci. Elles sont aussi trop entêtées…

- Oui, tout comme toi ! Rigolai-je.

- Et elles ne tiennent pas en place, comme leur père…

- Flo… Je sais que ce n’est pas le moment de te demander ça mais… Où est Sylvain ?

- En voyage, tu le sais non ?

- Oui mais où exactement ?

- Ça je ne sais pas.

Elle évitait soigneusement de me regarder dans les yeux alors j’ai décidé de mettre les pieds dans le plat.

- Flo, depuis combien de temps n’as-tu plus de nouvelle de Sylvain ?

- Ça, ça ne te regarde pas. »

On s’est arrêté de danser et elle s’est écartée de moi. Le ton commença à monter, les gens autour de nous nous regardaient plus ou moins discrètement.

« Ah vraiment ? Ça ne me regarde pas ?

- Ne te mêle pas de ça Seb, me répliqua sèchement Florine.

- Quand il a embarqué pour Unys avec toi, j’ai fait promettre à Sylvain qu’il s’occuperait toujours bien de toi et qu’il veillerait sur toi… C’est ce qu’il fait aujourd’hui d’après toi ? Je suis censé être en deuil et à la place je viens faire le ménage dans ton labo parce que ton mari est en train de batifoler au fin fond de la jungle.

- Arrête Seb… Tu m’agaces. » Siffla Florine d’un ton menaçant. Elle réagissait toujours de la même façon quand elle était acculée : avec violence, mais ça j’avais l’habitude. Elle s’éloignait de moi, en colère. Elle fila sur la terrasse qui était presque déserte, hormis quelques fumeurs éparpillés de ci de là. Je l’ai suivi rapidement, bien décidé à lui faire entendre ses quatre vérités. Elle avait les bras resserrés, je pense qu’elle avait froid en plus d’être énervée. Elle avait les sourcils froncés et le regard dans le vide. Je me suis approché d’elle et j’ai pris une profonde inspiration.

« Je suis désolé. Je ne voulais pas te mettre en colère... Mais tu sais, je m’inquiète pour toi.

- Je sais Seb, je sais... C’est Justine ou c’est Grégoire qui te l'a dit ?

- Me dire quoi ? »

Florine baissa les yeux, elle avait l’air dépitée.

« Son dernier appel date d'il y a six mois...

- Six mois ?!? M’écriai-je.

- Mais on n'a pas discuté longtemps... En fait je crois que la dernière fois qu'on s'est vraiment parlé, c'était il y a deux ans... »

Elle était au bord des larmes, alors elle me tourna ostensiblement le dos. Elle déteste qu’on la voie ainsi : vulnérable. Moi j’étais scié en deux.

« Mais alors depuis combien de temps il n’est pas revenu au Bourg Palette ?

- L'anniversaire des filles... Pour leurs trois ans…

- Mais... Elles en ont sept aujourd'hui.

Elle se retourna brusquement et me hurla dessus.

- Tu crois que je ne suis pas au courant ?!? Je les ai mises au monde figure toi ! »

Son énervement retomba aussitôt, elle ne pleurait pas franchement mais elle avait toujours les yeux humides.

« Ex... Excuse-moi. »

Je me suis approché d'elle et je l’ai prise dans mes bras avec tendresse, pour une fois elle se laissa faire, elle devait vraiment avoir besoin de beaucoup de réconfort. J’ai essayé de la consoler au mieux.

« Ce n'est pas ton genre de t'excuser, tu ramollis avec le temps.

- Je ne peux pas conserver mon caractère de gradhyena sans arrêt pas vrai ?

- C'est vrai que ça te va bien aussi d'être gentille. »

Florine eut un petit fou rire. Elle sécha ses larmes d’une main. Elle continua à me parler d’une voix douce et un peu mélancolique aussi.

« Tu sais, la raison pour laquelle je ne dansais jamais avec toi…

- Oui ?

- C’était parce que j’avais peur.

- Oui, ça j’avais remarqué, mais de quoi ?

- De tomber amoureuse de toi.

- C’était donc bien ça… Je m’en doutais un peu. Mais c’est ridicule, comment une simple danse aurait-elle pu changer quoi que ce soit ?

Elle se dégagea lentement de mon étreinte. Elle reprenait un peu du poil de la bête.

- Je suis têtue et bornée, tu le sais maintenant, l’un de mes points communs avec Sylvain d’ailleurs. Je ne voulais ni de toi, ni de personne d’autre que Sylvain. J’avais décidé, petite fille, le jour où je lui ai confié mon peigne porte-bonheur, qu’une fois adulte je me marierai avec lui. J’attendais qu’il fasse attention à moi, qu’il se rende compte qu'il était un garçon et moi une fille… Mais il a mis tellement de temps à comprendre… La veille de son départ pour Unys, j’étais au pied du mur, je devais faire un choix et j’ai fait le même choix que je faisais depuis toujours. Je me fichais de savoir si c’était le bon ou le mauvais, j’ai juste… Gardé le cap. Toujours garder le cap… »

Son haussement d’épaule à la fin était assez pathétique mais il m’a fait comprendre que si je devais poser la question à Florine, je devais le faire maintenant.

« Et aujourd’hui Florine… Aujourd’hui, qu’est-ce que tu veux ? C’est quoi ton choix ?

- Ce que je veux aujourd’hui ça n’a plus d’importance… J’ai peut-être commis une erreur mais je ne peux plus revenir en arrière. Maintenant ce que je dois faire c’est m’occuper de Jessy et de Jenny et attendre le retour de Sylvain. »

Elle poussa un petit soupir avant d'ajouter à demi-mot : « S'il revient un jour... »

Mon cœur était en train de s’emballer, je ne pensais absolument plus à Justine, à ses pokémon, à Lavanville, au Bourg Palette, à Jessy ou Jenny, je ne voyais que Florine. Chassez le naturel, il revient au galop avec son tsunami de sentiments et un nouvel espoir. Florine s’était retournée et elle commençait à s’éloigner de moi, je l’ai retenu par le poignet et j’ai balancé :

« Il n’y a pas un jour qui passe sans que je repense au baiser que tu m’as donné avant de monter sur ce foutu bateau. »

Elle me fixait avec une telle intensité, elle fronçait les sourcils mais elle ne me râlait pas dessus, elle ne criait pas, elle n’essayait même pas de libérer son bras. Je crois qu’elle attendait… J’étais sur le point de devenir fou.

« Aujourd’hui on recommence tout : retour à la case départ. Oublie juste une minute tes filles, tes problèmes, ton travail et juste, pour cette fois, laisse ton cœur décider.

- Décider de quoi ?

- De ton avenir. Je t’aime. »

J’ai lâché son poignet, j’ai pris son visage entre mes mains et je l’ai embrassé. Je suis resté collé à ses lèvres en attendant qu’elle me gifle ou qu’elle me repousse, mais au lieu de ça elle a pris le dessus sur moi. Elle m’a enlacé avec force en passant ses bras autour de mon cou. Elle m’a embrassé avec la même fougue que lorsqu’on s’est dit adieu. J’étais au septième ciel avec sa langue qui…]

« J’ai vraiment pas besoin de tous ces détails Sébastien…

- Pardon je me suis laissé emporter par l’émotion. »

[On n’arrivait pas à se détacher l’un de l’autre, trop passionnés… Mais mes pensées s’accélérèrent dans ma grosse caboche et au bout d’un moment, l’image de Justine me revint à l'esprit, et ensuite les visages des jumelles, puis encore pire : l’image de Sylvain. Je me suis éloigné brusquement de Florine qui est restée perplexe.

« Qu’est-ce qu’il y a ?

- Désolé, je n’aurais pas dû faire ça. » Je me suis frappé le front, je m’en voulais à mort. Florine était très agacée.

« Tu ne suis pas les règles…

- Non… Non justement. Je te demande de faire des trucs alors que je sais que ce n’est pas bien, c’est…

- Depuis des années tu me cours après comme un gros obsédé et le jour où je cède enfin à tes avances tu me repousses ? Tu ne sais pas ce que tu veux !

- Je viens de perdre ma femme !

- Justine est morte ! Cria Florine en agitant les bras. C’est horrible mais c’est définitif, elle ne reviendra pas. Pour le reste, tu n’as qu’à réfléchir dix ans de plus et reviens me prévenir quand tu auras de nouveau une conviction de cinq minutes. »

Elle tourna les talons et s’éloigna d’un pas raide. J’étais complètement paumé.

« Mais enfin c’est quand même mon meilleur ami !

- Eh bien tu lui passeras le bonjour quand tu le reverras !

- Ah ouais ? Ce n’est pas moi qui suis marié avec ! » Criai-je, énervé.

Elle ignora ma provocation et continua de s’éloigner de moi. Elle quitta la réception pour se rendre à l’hôtel. On était l’attraction de la soirée pour le reste de l’assemblée… J’étais vraiment mécontent d’être venu mais j’ai filé à l’hôtel moi aussi. Je suis resté planté devant la porte de notre chambre pendant un moment avant d’oser y rentrer.]

Fry sentait venir la scène de sexe du long métrage de Sébastien Lavandson, mais il fut très déçu.

[L'ambiance de la fin de soirée et du lendemain matin fut pour le moins glaciale entre Flo et moi. On s’est couché chacun dans notre lit sans un mot, on a pris notre petit-déjeuner séparément. Je n'arrêtais pas de cogiter, mon esprit jonglait entre les souvenirs de Justine récemment décédée et ceux de Florine et de Sylvain, à l'époque où j’espérais encore la conquérir et où Sylvain et moi étions les meilleurs amis du monde. Florine était d’une humeur effroyable. Alors que nous survolions Johto sur dracaufeu et guériaigle, j’ai estimé qu’il était temps de tenter une réconciliation avant d’atterrir au Bourg Palette.

« Puisqu'on était à Doublonville, on aurait dû en profiter pour voler jusqu'à Oliville, rendre visite à Grégoire et Janynce…

- Pas le temps. Je te rappelle que les jumelles m'attendent au Bourg Palette. Tu sais : les jumelles… Les deux filles que j'ai eu avec Sylvain, mon MARI. »

Elle appuya bien sur ce dernier mot pour me faire mal. Ça m’a découragé de dire quoi que ce soit d’autre jusqu’à ce qu’on soit arrivé. Depuis quelques jours, je me sentais si bien au milieu des vivants, cette crise m’avait fait l’effet d’une grosse douche froide, je me disais qu’il était temps de rentrer chez moi, enfin chez mes parents dans un premier temps avant de vendre la maison de Justine et de me trouver une piaule, seul. Lorsque Florine se posa dans la pâture devant le laboratoire, je vis ses filles accourir vers elle.

« Maman !

- Maman !!! »

Florine retrouva aussitôt le sourire, ça m’a fait bizarre. Les jumelles se jetèrent dans ses bras. Moi je rentrai discrètement dans le laboratoire. J’ai rejoint la mezzanine, je n’ai même pas remarqué la présence du professeur Léon dans le labo. J’ai commencé à rassembler mes affaires dans mon sac de voyage, j’ai d’abord ramassé la photo sous cadre de Justine que j’avais posé sur la table basse et je l’ai placé soigneusement entre deux paires de chaussettes propres. Le reste de mes affaires, je les ai balancées avec violence dans le sac. Le professeur Léon me surprit dans ma colère sourde.

« Tu vas quelque part Sébastien ?

- Oh c'est vous professeur. Oui, je rentre chez moi.

- Ah bon ? Je croyais que tu avais prévu de rester un moment.

- J'ai eu l'occasion de... De réfléchir hier et je pense que le mieux c'est que je rentre.

- Tu es sûr de ça ? »

Je ne répondis rien au professeur. Je l’aime vraiment bien, mais je n’avais pas envie de faire la causette. Il y avait eu assez de témoins de notre dispute la veille, j’en avais marre de jouer des tragédies grecques sur la scène publique. Le professeur poussa alors un profond soupir.

« Sébastien... Si Florine t'as dit quelque chose de vexant, comme seule ma snubull de fille est capable de le faire, reconsidère ta décision. Ne t'en va pas sur un coup de tête. Je pensais que toi tu étais habitué au comportement de Florine. Elle est vraiment très contente que tu sois avec nous, même si elle ne le montre pas toujours de la bonne façon.

- Le problème n'est pas là professeur.

- Vraiment ? » S’étonna le professeur.

Je me sentais comme un intrus, un parasite, un métamorph essayant en vain de trouver sa place dans une meute de pokémon sauvages. Je ne faisais pas partie de cette famille : Florine, Jessy, Jenny, Sylvain… Les Léon et les Ketchum, mais la gentillesse du professeur me faisais douter. J’étais utile au laboratoire, mes pokémon y étaient heureux. En dehors de mes vieux parents, personne d’autre ne m’attendait ailleurs.

« Professeur, répondez moi franchement, est-ce que j'ai ma place ici ? »

Le professeur fut surpris par ma question. Il me répondit avec un sourire chaleureux et paternel.

« Bien sûr. Et je ne dis pas ça parce qu’on a besoin d'un assistant et que je suis heureux que tu aies endossé ce rôle. La plupart de mes enfants te considèrent comme un ami, pas uniquement Florine : Félix, Aline et Izzy aussi. Al aussi t'aime beaucoup et moi j'ai de l'estime pour toi. Donc oui, tu as ta place ici, mais c'est à toi de décider si tu acceptes cette place ou pas. »

Il me tapota gentiment l’épaule avant d’ajouter : « Si tu veux bien m’excuser, j'ai deux mots à dire à Florine, c'est urgent. » Il descendit l’escalier rapidement. J’avais une drôle d’impression en le voyant s’éloigner, alors moi aussi je suis redescendu. Depuis la fenêtre du laboratoire, je le vis aller au pas de course à la rencontre de sa fille. La mère de Flo était là aussi. Elle éloigna les jumelles pour que le professeur puisse parler en tête à tête avec Flo. C’est la seule fois de ma vie où j’ai vu le professeur Jacky Léon en colère, même si c’était de loin. Je n’entendais que des brides de conversation, mais je crois qu’il la sermonnait à cause de moi. C’était une drôle de situation… Fatigué, j’ai décidé d’aller me rallonger sur le clic-clac de la mezzanine. Je me suis assoupi, quand j’ai rouvert les yeux, il y avait une silhouette féminine au-dessus de moi. J’ai cru que c’était Justine mais avant de faire une gaffe et de murmurer son nom, ma vue se stabilisa et j’ai reconnu Florine. Elle me regardait fixement. Je n’arrivais pas trop à savoir ce qu’elle ressentait.

« Papa m'a dit que tu préparais ton sac pour t'en aller. Je n'ai pas envie que tu partes. »

Je me suis redressé pour m’asseoir au bord du lit mais je ne répondais pas, j’attendais la suite.

« Je suis désolée. Pardonne-moi d'être aussi désagréable. Je m'emporte toujours et je dis des choses blessantes que je regrette ensuite. Je suis censée te remonter le moral et je fais tout le contraire. »

C’était toujours le même refrain avec elle. J’attendais autre chose, comme de vraies excuses pour une fois. Elle me connait bien, alors elle savait que si je me murais dans le silence, c’était que j’étais toujours fâché.

« Je ne sais pas comment te le dire, je... J’ai besoin de toi. » Finit-elle par m’avouer d’une voix sincère et humble pour une fois.

« Sylvain est en voyage, Justine est morte mais il n’y a pas que ça. Tu n’es plus là, Alex et Greg non plus, je suis toute seule. Je ne veux plus être toute seule. Je sais que tu es venu ici pour faire ton deuil, mais la vérité c’est que c’est moi qui ai besoin d’un soutien. Je ne veux pas te perdre à nouveau. »

Cette fois elle m’avait convaincu.

« Ne t'en fais pas, je vais rester. C'est moi qui me suis un peu emporté.

- Mais non Seb !

- Si Flo. Toi c'est normal que tu t'énerves, c'est dans ton caractère. Moi je suis quelqu'un de patient et de gentil d'habitude, mais depuis la mort de Justine je ne suis plus vraiment moi-même.

- Ne dis pas n'importe quoi… » Elle prit ma main blessée pour regarder si elle allait mieux et me sourit avec gratitude. La voir comme ça me redonna de l’énergie.

« Tu es patient et tu es gentil. Il faut juste qu'on se réhabitue à vivre ensemble, comme autrefois.

- Oui, tu as raison... »

A partir de cet instant, notre vie commune avec Florine, les jumelles et le professeur Léon commença réellement… Tout comme les vacances de la Toussaint. Je prenais très au sérieux mon nouveau poste, bénévole, d’assistant du professeur Léon, mais j’ai dû changer de casquette pour devenir la nounou des jumelles…]

« Oh là là… Commenta Fry.

- Eh bien ce ne fut pas aussi sportif que notre match mythique aurait pu le laisser présager. En réalité les filles étaient adorables.

- Même Jessy ? Demanda Fry en haussant un sourcil.

- Eh eh, oui même Jessy… »

 

A suivre…

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