Les Train Twins

Chapitre 31 : Ode to my family

12794 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/01/2022 23:28

Chapitre 31

 

Ode to my family

 

Jenny ignorait ce qui s'était passé entre Fry et Jessy, ni quand cela s'était passé exactement, mais le changement de comportement chez l'un comme chez l'autre était flagrant. Malgré leur rencontre un peu tendue sur l'île Gélatine, on ne pouvait pas dire que les deux adolescents ne s'entendaient pas, c'était même tout le contraire. Toutefois, en dehors de quelques rares moments où ils jouaient de la musique en duo, ils n'avaient jamais été particulièrement complices jusqu'à présent. Désormais, Jessy restait en permanence ou presque en compagnie de Fry, même lorsque Robin venait s'incruster. D’ailleurs, Jessy était devenue assez tolérante avec son demi-frère. Il y avait encore quelques éclats de voix, mais ce n'était jamais agressif, c'était simplement leur façon naturelle de s'exprimer.

Certains jours, Jessy semblait encore un peu fatiguée, l'agression de sa mère par Jérôme Vecken l'avait sans doute plus ébranlée qu'elle ne l'admettait, cependant sa mauvaise humeur s'était totalement évanouie. Dès qu’elle avait un coup de mou, Fry prenait son cajon et accompagnait Jessy avec sa guitare.

Fry était d’un naturel avenant, mais Jenny le sentait encore plus détendu qu'avant en compagnie de Jessy et il ne marchait plus sur des œufs quand il s'en approchait. Le jeune champion arrivait même à la taquiner sans qu'elle ne s'énerve. Parfois, Jenny les voyait discuter pendant des heures adossés contre la clôture, ou partir sans prévenir personne à dos de dracaufeu pour aller combattre on ne sait qui, on ne sait où.


C'était étrange, Jessy se comportait avec Fry comme elle se comportait avec sa sœur. Jenny n'avait jamais vu ça. Personne au monde n'avait eu le "privilège", si on pouvait appeler cela comme ça, d'être traité par Jessy comme elle-même était traitée. Jane aurait pu être jalouse de Jessica pour cette relation assez intime avec Fry, mais paradoxalement, elle réalisa que c’était Fry qu’elle jalousait… Ça aussi, c’était étrange.

Certains jours, Jenny avait l’impression qu’il était en train de lui chiper sa sœur, sa précieuse jumelle. Elle se demandait si elle n’était pas en partie responsable de cette situation. Pendant quasiment deux mois, elle s’était consacrée exclusivement à la science et à ses études, enfermée dans le laboratoire avec sa mère et son grand-père. Elle aussi commençait à regretter le temps des voyages et de la musique, quand elle badinait avec Fry et riait avec sa sœur. Même Scott lui manquait, un peu.

Le laboratoire avait été nettoyé par la famille, mais les réparations n’avaient pas encore commencé. Pour aider sa sœur, Aline avait accepté d’accueillir chez elle une partie des pokémon normalement hébergés au laboratoire, avec la bénédiction de son mari, loin d’être aussi froid que son attitude ne le laissait paraître. Ondine aussi avait récupéré une grande partie des pokémon aquatiques en pension au labo. Elle devait bien cela à Jacky et Florine, vu que c’était à cause d’elle que les jumelles s’absentaient plus de la moitié de la semaine pour préparer le spectacle de fin d’année à l’arène d’Azuria, alors que le Bourg Palette avait plus que jamais besoin d’aide et de bras.

 


Ce matin-là, Jessy attendait Fry et Jenny dans la pâture en compagnie de sa dracaufeu et des frères raichu. Les Train Twins devaient justement se rendre à l’arène d’Azuria et y répéter le spectacle avec les sœurs Seko.

« T’es encore en train de manger ? » S’exclama Jessy en voyant Fry avec une brioche fourrée dans la main. Il en mastiquait un morceau. Lorsqu’il eut avalé, il répondit :

« Pourquoi encore ? C’est mon p’tit dej.

- J’arrive pas à comprendre comment tu peux être aussi baraqué en te levant aussi tard et en mangeant autant.

- Quand je m’entrainais pour la ligue avec mon père, on commençait chaque journée par une série de cinquante pompes et de cinquante abdos, et le soir c’était souvent natation ou course à dos de pokémon.

- J’ai du mal à te croire.

- Tu veux une démonstration ? Susurra Fry avec un air coquin.

- Bah ouais tiens, vas-y.

- Okay… » Répondit Fry en riant à moitié.

Il s’installa par terre dans la pelouse et commença direct avec ses pompes. Il avait un rythme régulier et ne semblait pas se fatiguer le moins du monde. Il s’arrêta à dix et se redressa.

« Eh, t’en as pas fait cinquante là !

- Nan mais c’est bon je suis en repos !

- Je suis sûre que je peux aller plus vite que toi… Le provoqua Jessy.

- Vas-y te gêne pas, je te regarde, répondit Fry amusé.

- Le premier qui arrive à cinquante pompes ? Lança Jessy en se jetant par terre.

- Tu plaisantes j’espère ? T’es pas en train de me lancer un défi aussi con ?

- Pourquoi ? T’as peur de perdre ? » Répliqua Jessy avec son grand sourire arrogant et des yeux étincelant.

Fry passa sa langue sur ses dents, il était flemmard, mais une occasion pareille de rabattre le caquet de Jessy il n’allait pas faire l’impasse dessus.

« D’accord… Mais je te signale que j’en ai déjà fait dix de plus que toi.

- Des excuses de feignasse tout ça.

- Non, je te le dis pour que ton humiliation soit plus grande lorsque je t’aurais battu. » Répondit Fry avec un sourire goguenard. Jessy n’en fut que plus motivée.

A l’autre bout du terrain, les deux professeurs étaient en train d’examiner des pokémon avec l’aide de Seb et Al. Distraite, la maitresse pokémon regarda dans la direction des deux ados et se figea. Comme son mari l’appelait et qu’elle ne répondait pas, il finit par suivre son regard. Il sourit dans une grimace.

« Papa ! J’ai besoin de ton aide là ! Pesta Florine.

- Euh… Il y a Fry et Jessy qui font des pompes au milieu du jardin. »

Seb et Florine regardèrent dans la même direction que le vieux couple. Autour de Fry et Jessy, des pokémon s’étaient rassemblés pour les regarder avec curiosité, dont les deux raichu des jumelles. Chu se marrait allègrement et lança à son frère :

« Rai rai raichu raichu ! »

Ce qui signifiait : "C’est quand même mieux quand ce sont les humains qui s’entrainent eux-mêmes !"

« Et cinquante ! » S’écria Fry triomphalement avant de se redresser, frais comme un moustillon et d’ajouter :

« Ou plutôt soixante... »

Jessy retomba sur le sol, la tête dans la pelouse, épuisée. Elle avait très mal aux bras.

« Alors, vous vous amusez bien ? » Chantonna la voix de Jenny derrière eux.

Jessy grimaça en essayant de se retourner.

« Comment tu fais pour être aussi endurant ? Demanda-t-elle à Fry avec un fond d’admiration qu’elle dissimulait assez bien malgré tout.

- L’entrainement. » Répondit simplement Fry en souriant.

Il lui tendit la main pour l’aider à se relever. De mauvaise grâce, elle s’en saisit et il l’a souleva avec une facilité déconcertante, comment faisait-il pour avoir encore de la force dans les bras après ça ?

« C’est bon à savoir, dit doucement Jenny.

- De quoi ? Qu’il est endurant ? Fit Jessy en massant ses bras douloureux.

- Oui, pour le sport de chambre. »

Jane adressa un clin d’œil grivois à Fry. Le jeune homme aurait voulu jouer les indifférents, mais cette flatterie-là lui plaisait autant qu’elle l’amusait.

« T’es vraiment une obsédée Jane… » Souffla Jessy, elle peinait à cacher son épuisement à ses deux compagnons.

Pit et Chu se moquaient d’elle, elle leur râla après.

« Blague à part les sportifs, reprit Jenny, j’ai réfléchi à un moyen de rejoindre Hoenn à moindre frais.

- On t’écoute… Dit lentement Jessy, intriguée par la proposition de sa sœur.

- Les croisières. Des bateaux partent sans arrêt de tous les ports de plaisance du pays. Depuis Carmin-sur-mer on n’aura aucun mal à en trouver un en partance pour Nénucrique ou Poivressel.

- Tu disais qu’on voyagerait à l’œil, tu as une idée du prix que ça coûte une croisière ? Demanda Fry en haussant un sourcil.

- Je n’ai pas dit qu’on allait faire la croisière, je pensais qu’on pourrait se faire embaucher à bord d’un navire, dans l’équipage.

- Tu veux qu’on devienne matelots ? Grimaça Jessy.

- Réfléchissez une seconde ! Pourquoi les gens partent en croisières plutôt que de prendre l’avion alors que c’est beaucoup plus rapide ? S’agaça Jenny.

- J’sais pas, ils aiment gaspiller leur argent.

- Ils participent à des activités ! Ils jouent, ils vont à des dîners, à des concerts…

- Tu veux que les Train Twins fassent partie des festivités ? Rayonna Fry, il commençait à trouver l’idée séduisante.

- Ok ok, ton idée n’est pas mauvaise, mais tu crois que ce sera aussi facile que ça de se faire embaucher ? Je veux dire on est mineurs et des musiciens il y en a des tas sur le marché.

- Sauf que nous, on a un atout que les autres n’ont pas ! Dit Jenny avec son large sourire coquin.

- Ah ouais ? Quoi ?

- On est tous les trois super canons.

- J’vois pas en quoi notre physique joue un rôle là-dedans…

- Jess, tu as déjà vu une hôtesse de l’air moche ? Les touristes plus que tous les autres aiment les jolies choses : les paysages, les hôtels, les filles, les grands champions bronzés… »

Elle fit un clin d’œil à Fry.

« Des jolies choses… Marmonna Jessy avec mauvaise humeur.

- Tu oublies un détail Jane, on n’a plus d’instruments.

- Je n’ai pas dit qu’on allait partir tout de suite… Je vais me renseigner pour voir si on ne peut pas nous prêter des instruments pour la traversée. Et au pire on a quand même deux guitares, un cajon et un ramboum. »

Elle leur adressa à tour de rôle un sourire malicieux.

« Alors vous êtes partants ?

- Plutôt deux fois qu’une ! Lança Fry.

­- Mouais, allons-y pour ça. »

Le trio décolla ensuite sur dracaufeu et altaria pour rejoindre Azuria.

 


L’épisode avec Célébi avait permis aux jumelles Seko et Ketchum d’enterrer la hache (ou la pokéball) de guerre. Les sœurs d’Hoenn avaient désormais une dette envers les Train Twins. Jenny ne ressentait plus de jalousie envers elles, elle pouvait donc se montrer aussi courtoise et charmante que possible.

Jouer de la musique apaisait Jessy. De temps en temps, elle s’entrainait avec Yasmine et cela leur faisait du bien à toutes les deux. Fry en profitait pour observer attentivement les combattantes. Jour après jour, ses habitudes de champion de ligue revenaient progressivement.

Quatre représentations du spectacle des sœurs sensationnelles version 2.2 étaient prévues, les samedi et dimanche des deux week-ends avant Noël. Seb avait insisté lourdement auprès de Florine pour qu’elle vienne assister au moins à une représentation. Elle avait râlé, car Florine râlait toujours. Il s’était acharné, elle avait cédé, parce qu’elle cédait toujours quand Seb y mettait les moyens...

Le samedi quinze décembre, en fin d’après-midi, Florine était en train de se changer pour sortir. Seb la dévorait des yeux assis sur le lit conjugal, mais son sourire amoureux vacillait en suivant des yeux les marques rouges laissées par les attaques de Ténéfix sur son dos et ses bras dénudés. Il avait mal pour sa femme, il était en colère et il culpabilisait aussi de ne pas avoir été là pour la défendre.

« Tu crois que les griffures de Ténéfix vont te laisser des cicatrices ? S’inquiéta Seb.

- J’espère que non ! » S’exclama Florine, horrifiée en se retournant vers le miroir pour regarder ses flancs meurtris.

Seb se leva et s’approcha d’elle pour lui caresser les épaules d’un geste délicat.

« Pour moi tu resteras toujours la plus belle femme du monde…

- Il faut toujours que tu exagères.

- Je suis sûr que tu le penses aussi ! » Répliqua Seb avec un sourire moqueur, il réussit ainsi à extirper un sourire à Florine.

« Seb ?

- Oui ?

- Je t’aime. »

Et la professeure Léon vola un baiser à son époux.


Entouré de ses trois pokémon, Robin pestait dans le salon, assis à l’envers les pieds en l’air dans le canapé. Il devait accompagner ses parents au spectacle des Train Twins, lui il était prêt depuis une heure au moins, mais il fallait toujours que sa mère fasse du rab au travail… En plus, Florine et Seb ne purent résister à leur envie de "câlin magique" avant que Florine ne termine de s’habiller. L’attaque de Jérôme Vecken avait eu un effet inattendu sur la professeure, ça lui avait rappelé à quel point elle aimait Seb, à quel point elle avait besoin de lui et réciproquement.

Enfin, la petite famille fut parée à partir. Ils s’envolèrent sur guériaigle et Spyke, le dracaufeu. Le trio des Train Twins était parti à l’aube pour répéter toute la journée avec les sœurs Seko. Les gradins de l’arène étaient bondés lorsque les Lavandson débarquèrent à Azuria. Fort heureusement, Ondine leur avait réservé trois places. Malgré son divorce d’avec Sylvain, Florine et Ondine s’entendaient toujours. Ondine avait vu la fille de ses amis naître et grandir, de plus elle ne pouvait que comprendre la frustration de Flo. Son fils lui manquait énormément à elle aussi et elle ne vivait avec Sacha que deux ou trois mois dans l’année, grand maximum. Et puis la championne aimait bien Sébastien, il lui rappelait parfois Pierre, parfois Jacky, mais Seb restait surtout lui-même... Charmant et serviable.

Tous les autres élèves d’Ondine avaient été réquisitionnés pour le spectacle, eux aussi devaient faire leurs preuves, il n’y avait pas que les sœurs Seko à évaluer. Répartis en petits groupes, ils avaient des scénettes à interpréter, faisaient des jeux de cirque ou simplement des prouesses de nage synchronisée.

Le quintet musical était le clou du spectacle et devait terminer la soirée en apothéose. C’était une énorme pression pour Kelly et Yasmine, pour Jessy aussi, même si elle se mettait la pression toute seule, contrairement aux deux blondes dont l’avenir au sein de l’arène était en jeu. Célébi était posé sur la verrière. A travers les carreaux, il observait le spectacle en attendant la participation de sa chère Kelly.

Jessy voulait recycler ses deux chansons prévues pour le concours de la voix des forêts. Elle n’avait eu l’occasion de jouer "Les maîtres de demain" que lors d’un seul et unique concert, et "Problème de statut" avait été interrompu par l’attaque de Lucario. Elle devait toujours vérifier que ses chansons pouvaient plaire au public. Après de longues discussions entre Kelly et Jessy principalement, la coordinatrice et la musicienne avaient élaboré un ballet semi-aquatique en trois actes, pour la bonne et simple raison que les Train Twins n’avaient que trois chansons originales à leur répertoire. Le temps leur manquait de toute façon.

Avant de quitter Verchamps, Jessy avait débuté l’écriture d’une nouvelle chanson. Elle avait profité de son séjour au Bourg Palette pour la terminer avec l’aide de Fry et finalement la modifier un peu pour mettre les jumelles Seko à contribution. Kelly et Yasmine avaient beaucoup hésité, mais poussées par Jenny et Fry, elles avaient finalement accepté de participer. Comme cette nouvelle mélodie avait un rythme un peu plus langoureux et crescendo que les deux autres, très rock, elles l’avaient placée en introduction.

La musique était riche en percussions. Le talent de Fry en tant que dresseur-musicien était assez bluffant quand il s’agissait de gérer les percus, il avait réussi à impressionner les quatre jumelles en même temps pendant les répétitions. Ce fan-club hautement affriolant n’était pas pour lui déplaire. Sous sa désinvolture de façade, il appréciait beaucoup d’être le seul mec de la bande. Ce nouveau morceau lui devait beaucoup, Jessy devait l’admettre. Coincé entre le Bourg Palette et Azuria, avec quasiment tous ses badges de la Ligue Indigo en poche, Fry avait eu le temps de faire quelques expériences musicales avec les pokémon.

Dans cette chanson, au titre encore indécis (Jessy hésitait entre "Stop !" et "Non-non-non !"), Fry jouait de la batterie et son ramboum l’accompagnait sur l’une des plateformes en arrière-plan. A la demande de Fry, Jenny lui avait prêté son ronflex, surnommé plus ou moins affectueusement "Feignasse", et le jeune homme l’avait entrainé pour qu’il utilise sa technique cognobidon comme une percussion supplémentaire, isolé sur une plateforme à l’écart. Fry avait réussi à faire claquer les pinces et les coquilles de kokiyas et de krabby locataires de l’arène d’Azuria, ce son particulier rappelait un peu des maracas.

On entendait assez peu les guitares de Jessy et Jenny sous cette avalanche de pulsations. Les rouquines étaient installées chacune sur une plateforme différente, en vis-à-vis. Les deux Seko étaient sur la même plateforme au milieu, parallèle à celle de Fry. Elles étaient en compagnie de deux stari chargés des jeux de lumière.

Le début du spectacle commençait dans l’obscurité. Les pokémon électriques plus ou moins dissimulés utilisaient leurs flashs pour éclairer une partie du bassin, les stari géraient la redistribution de la lumière pour créer une ambiance tamisée.

Jessy prit le premier tour de chant :

« Quand j'ai voulu partir,

Tu m'as dit ce sera sans moi.

Les captures, l'aventure, très peu pour toi.

Depuis Kalos je t'ai demandé,

De me rejoindre et de m'aimer.

Tu m'as larguée encore une fois,

Tu es resté dans ton village douillet,

Loin des villes et loin de moi. »

Les quatre jumelles chantaient ensemble le refrain alors que la lumière s’amplifiait :

« Stop ! Mec,

Ecoute ton cœur, viens avec moi,

Et arrête avec tes non, non, non-non-non, non !

Stop, un jour mon cœur s’arrêtera,

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Stop !

Arrête avec tes non, non, non-non-non, non !

Ici on se sent bien mieux,

Viens avec moi, viens avec moi.

Toi et moi on pourrait vivre heureux ! »

Jenny se chargea du couplet suivant :

« Je suis revenue une fois,

Tu t’es jeté dans mes bras,

Il ne s’était rien passé là-bas...

Mais quand j’ai voulu repartir,

T’as encore refusé de venir,

Le poussifeu ne quitte pas le nid,

Alors encore seule je suis partie… »

Le refrain arriva de nouveau et les quatre naïades reprirent en chœur, l’effet double paires de jumelles sur le public valait une armée de lovdiscs amoureux.

« Stop ! Mec,

Ecoute ton cœur, viens avec moi,

Et arrête avec tes non, non, non-non-non, non !

Stop, un jour mon cœur s’arrêtera,

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Stop !

Arrête avec tes non, non, non-non-non, non !

Ici on se sent bien mieux,

Viens avec moi, viens avec moi.

Toi et moi on pourrait vivre heureux ! »

Jessy chanta a capella le dernier couplet, sa voix résonnait en écho dans la vaste piscine, tout était de nouveau sombre, seule elle était éclairée au milieu des eaux :

« Tu pleurniches pour que je revienne…

Tu m'appelle ton ange, ta poissirène…

Mais au final tu râles toujours,

T'as trop peur de sortir à ton tour. »

La lumière jaillit et illumina intégralement le bassin, les stari lancèrent des météores vers le plafond ou dans l’eau et toutes les percussions ainsi que les voix féminines s’élevèrent à nouveau pour le refrain final :

« Stop ! Mec,

Ouvre les yeux : t'es malheureux,

Tu crois que c'est à cause de moi,

Mais non, non, non-non-non, non !

C'est toi, tu t'enfermes seul,

Dans un village linceul.

Stop ! Mec,

Ecoute ton cœur, viens avec moi,

Et arrêtes avec tes non, non, non-non-non, non !

Stop, un jour ton cœur s’arrêtera,

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Rien !

Stop ! Mec,

Ecoute ton cœur, viens avec moi,

Et arrête avec tes non, non, non-non-non, non !

Stop, un jour mon cœur s’arrêtera,

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Et là qu’est-ce que tu feras ?

Tu pleureras ! Oui, tu pleureras !

Stop ! Mec,

Arrête avec tes non, non, non-non-non, non !

Ici on se sent bien mieux,

Viens avec moi, viens avec moi.

Toi et moi on pourrait vivre heureux ! »

Les quatre jeunes filles et leur accompagnateur masculin saluèrent le public, les pokémon aussi, avec beaucoup d’enthousiasme. Debout, Seb et son fils applaudissaient à s’en rompre les mains.

« Ouais !!! Criait Robin.

- Elles sont géniales ! Pas vrai Flo ? » Fit Seb en se tournant vers sa femme.

Florine applaudissait posément, sans quitter le bassin des yeux. Un fin sourire s’étira sur son visage et à demi-mot elle répondit un :

« Oui… ».

Les Train Twins enchainèrent le spectacle avec "Problème de statut" qui eut un énorme succès de par son rythme et sa puissance faisant trembler les murs et l’onde bleue azur de l’aquarium.

Kelly s’était lâchée sur la mise en scène, son talent de coordinatrice s’exprimait pleinement dans ce contexte. Chuchu, Pit et Chu avaient été mis à contribution pour mimer les cage-éclairs. Le feunard de Kelly jouait avec sa danse-flamme et ses flammèches pour évoquer les brûlures. Comme les jumelles Ketchum avaient prêté Aquali, Lamantine et Givrali à Kelly, la jeune artiste avait chargé Ice et Myria des effets de glace.

Pendant que les pokémon terrestres géraient les effets spéciaux sur les plateformes, le ballet aquatique des deux aquali, rosabyss, serpang et leurs congénères de type eau continuait, leur chorégraphie éclairée par les stari. La scénographie globale était digne d’une artiste pokémon internationale. Evidemment, il y avait de gros défauts, toute la troupe manquait encore d’expérience et synchronisation, mais les quatre jumelles et leur ami batteur s’étaient montrés très ambitieux et n’avaient pas lésinés sur les moyens.

Les musiciens terminèrent le spectacle par "Les maîtres de demain". Cette troisième chanson était un vrai bouquet final. Les plateformes furent déplacées rapidement. Fry, John, Jessy et Jenny se contentaient de jouer sur leurs plateformes au bout du bassin, tout le reste de la piscine était consacrée aux pokémon eau et aux jumelles Séko. Kelly avait convaincu sa jumelle d’apprendre une chorégraphie. Yasmine n’était pas vraiment une amatrice de danse, mais grâce à son excellent niveau en arts martiaux elle possédait une grâce et une agilité égalant celles de sa sœur. Les deux blondes dansaient avec le Gallame et le Pandarbare de Yasmine, car c’étaient les seuls pokémon plus ou moins humanoïdes qu’elles possédaient. En les voyant à l’œuvre, Jessy et Jenny se disaient qu’il y avait peut-être moyen de faire la même chose avec braségali et lockpin, mais Jane ne savait pas si ses pokémon accepteraient de se prêter au jeu.

Le togekiss de Kelly, la békipan de Fry, l’altaria de Jenny et la dracaufeu de Jessy étaient de sortis pour ce dernier morceau, ils faisaient des figures aériennes sous les yeux émerveillés du public qui n’avait pas encore l’habitude de voir autre-chose que des pokémon aquatiques à l’arène d’Azuria. Au moment du dernier couplet, les jumelles blondes firent tomber leurs tuniques pour se retrouver en maillot de bain, c’était une idée de Jenny... Mais il était bien évidemment hors de question pour les Séko de s’exhiber en bikini, elles portaient deux maillots de bain bleus identiques et sobres. Elles plongèrent dans l’eau dans un saut acrobatique pour compléter le ballet aquatique des pokémon eau durant le dernier refrain.

Le spectacle était très réussi, grandiose, l’arène d’Azuria n’avait pas connu cela depuis des années. Ondine était fière de ses élèves et de ses petites filles. Seb regardait le quintet humain et tous leurs pokémon saluer une dernière fois la foule, épuisés mais ravis. Le quadragénaire souriait d’un air absent dans sa barbe blonde, il était hypnotisé par le sourire radieux des deux rouquines, un sourire franc et sincère, il n’avait pas l’occasion de le voir souvent...

Les jumelles Ketchum se tenaient par la main, leurs raichus dressés sur leurs épaules les bras levés. Jenny finit par prendre la main de Fry pour la dresser à son tour et Jessy fit la même chose avec la main de Kelly. Un peu surprise, la jeune fille attrapa la main de sa jumelle et les imita. Chuchu était montée sur la tête de John. Etonnamment, la pikachu et le ramboum s’entendaient vraiment très bien, les deux raichus des Ketchum en étaient presque envieux, mais les applaudissements fous des spectateurs leur faisaient oublier leur petite jalousie. Tous les pokémon piaillaient de joie, c’était comme une immense troupe de théâtre, une cour des miracles version pokémon.

 

Après deux représentations d’affilée le week-end, les filles étaient très fatiguées en se réveillant le lundi matin, mais ce n’était rien à côté de Fry étalé comme un limonde sur son matelas gonflable dans la bibliothèque. Robin l’enjamba en rigolant quand il se leva pour aller à l’école. C’était sa dernière semaine avant les vacances. Lorsque Seb revint à dos d’arcanin après avoir accompagné son fils jusqu’à Jadielle, Fry dormait encore, mais il avait changé de position, il était désormais davantage par terre que sur le matelas. Il était presque onze heures quand il se traina péniblement jusqu’à la salle de bain.

« Fry ?

- Hum ? »

Le jeune batteur encore somnolant se retourna en entendant appeler son nom, il vit Seb sortir sa tête par la porte de la cuisine.

« Le dernier badge qui te manque, c’est bien celui de Céladopole ?

- Moui c’est c’lui là, pourquoi ?

- J’ai une course à faire là-bas demain et j’aurais bien besoin de ton aide, t’en profiteras pour passer à l’arène.

- Ah, ok, ouais, pas de soucis.

- Cool. Merci à toi ! »

Fry se gratta la tête en regardant Seb retourner à ses occupations d’homme à tout faire. Il se demandait ce qu’il pouvait bien avoir à lui demander.

Malgré le rythme soutenu, Jessy et Jenny ne s’arrêtaient jamais. Quand elles ne répétaient pas à l’arène d’Azuria, Jenny continuait d’aider sa mère et son grand-père dans leur laboratoire ravagé, tandis que Jessy essayait de composer une nouvelle chanson. Lucario venait l’observer pendant des heures, il continuait de s’entrainer avec la guitare, même si elle n’était pas du tout adapter à ses pattes. Jessy commençait à éprouver une réelle empathie pour lui, elle se surprenait à vouloir l’aider. Elle voulait vraiment qu’il apprenne à jouer, pour son plaisir autant que dans l’intérêt du groupe. Elle fantasmait à l’idée de faire mieux que Fry avec son ramboum…

 

Le week-end suivant, les Train Twins et les jumelles Séko enchainèrent à nouveau deux spectacles de suite. Ils finirent comblés, mais sur les rotules. A la sortie des vestiaires de l’arène d’Azuria, les quatre jumelles discutaient, elles n’allaient probablement pas se revoir de sitôt. Fry les attendaient adossé contre le mur, les bras croisés avec nonchalance, il leur adressa à toutes les quatre un petit sourire charmant dont il avait le secret.

« Ça y est, c’était la dernière… Soupira Kelly avec un certain soulagement. C’était intense et… Je dois reconnaître que vous êtes douées. Toi aussi Fry.

- Merci, c’est gentil, fit Jenny avec un sourire aimable.

- T’es pas mal non plus faut le reconnaître, dit Jessy. J’ai jamais été fan des concours pokémon, mais t’as grave assuré pour les concerts. Je comprends mieux maintenant ce qui te plaît tant dans la coordination.

- On voit que c’est bientôt Noël, tu te mets à faire des compliments aux gens ! Se moqua Fry avant de se prendre une petite claque dans les abdominaux.

- Merci Jessy. Alors, vous allez rester dans les parages ?

- J’espère pas, grimaça la rouquine.

- C’est dommage, je pense qu’on aurait pu faire des trucs tous les quatre, répondit Kelly, sincèrement déçue.

- Pourquoi tous les quatre ? Releva Jessy avec un haussement de sourcil, elle se demandait qui elle excluait du décompte.

- Je vais partir pour quelques mois, annonça Yasmine. Je reviendrai pour la sélection du futur champion d’Azuria.

- Qu’est-ce que tu comptes faire ? Demanda Jenny, un peu étonnée de voir Yasmine s’en aller sans sa jumelle.

- Rentrer à Hoenn d’abord, pour transmettre le message de Théo à ses parents… Ensuite, j’irai à Sinnoh, je voudrais rencontrer ses arrière-arrières petits-enfants. »

La jeune femme sourit tristement avant de se ressaisir, elle avait retrouvé son aplomb de maîtresse pokémon ceinture noire de karaté.

« Et sur le chemin je verrai bien si je trouve quelques pokémon eau intéressants. Je kifferais bien d’avoir un tartard et un amphinobi.

- Vous êtes toujours décidées à prendre la succession de mamie ? Demanda Jessy.

- Oui. Ensemble, nous serons les nouvelles sœurs sensationnelles ! Répondit Kelly pleine de détermination.

- Ça te pose un problème le léviator ? Lâcha Yasmine d’une voix faussement provocatrice.

- Quitte à prendre une grosse naze comme championne, autant prendre la moins nulle du lot, répliqua Jessy avec un sourire carnassier.

- Vous étiez incroyables les filles ! » S’écria une voix enjouée dans leur dos, aussitôt couplée d’un :

« Pika pika ! » un peu chevrotant mais très enthousiaste.

Les jumelles Ketchum frissonnèrent, cette voix… Elles se retournèrent dans un mouvement symétrique, leurs visages rayonnaient.

« Papi !!!

- Ah ah ah ! »

Elles se bousculèrent pour se jeter dans les bras de Sacha, il les accueillit avec son éternel rire léger et enfantin. Dans la précipitation des embrassades, sa casquette rouge et blanche tomba au sol. Son vieux pikachu au poil rêche sauta de ses épaules pour atterrir sur le dos de Jessy. Il avait encore de bons réflexes malgré son âge avancé.

Les cheveux longs et gris, le visage buriné au teint hâlé, le petit bedon arrondi par le poids des âges, Sacha Ketchum gardait son âme d’enfant et sa voix pleine d’allégresse semblait traverser les âges comme le chant d’un célébi.

« Quand es-tu rentré ? Demanda vivement Jenny.

- Il y a quatre jours ! Je n’ai pas pu venir vous voir hier car j’étais chez Pierre, à Argenta. Mais quand Ondine m’a dit que vous faisiez un spectacle je ne voulais pas rater ça ! Ah ah !

- Sacha… Ketchum… » Souffla Fry, hébété, la bouche grande ouverte.

Yasmine avait à peu près la même expression que lui. Sacha était une de ses idoles, en partie à cause de sa grand-mère Serena qui n’avait toujours que son prénom à la bouche, même après toutes ces années passées loin de lui.

« Kelly ! Yasmine ! Je suis super content de vous voir ! La dernière fois que je vous ai vu vous n’étiez pas plus grandes que ça ! S’écria joyeusement Sacha en dressant la main devant lui à un mètre du sol. J’espère que votre grand-mère va bien ! Ça fait plus d’un an que je ne l’ai pas vu… Elle va m’en vouloir.

- Elle… Elle va très bien… Réussit à articuler péniblement Yasmine, impressionnée.

- C’est un immense honneur pour nous Sacha ! Déclara Kelly avec un sourire ému.

- Ah ah ! Un honneur carrément ! » Répondit Sacha en se frottant l’arrière du crâne.

En rouvrant ses yeux, le célèbre dresseur posa son regard pétillant sur Fry.

« Nous par contre, je crois qu’on ne s’est jamais rencontré avant. C’est génial ce que tu fais avec ton ramboum ! Je voyage depuis plus de cinquante ans et je n’avais jamais vu ça !

- Papi… Fit doucement Jenny. Je te présente Fry Morgan, le champion de la Ligue Orange. »

Sacha tendit la main vers Fry et le jeune batteur, ému, s’en saisit. Jessy regardait la scène du coin de l’œil avec un petit rictus. Il était loin le jeune homme désabusé qui se fichait des combats pokémon et des compétitions. Même s’il essayait de le dissimuler, elle voyait très nettement l’émoi de Fry face à Sacha Ketchum, la légende…

« C’est… Un honneur… » Dit péniblement Fry avec un sourire ébahi, le champion des îles Orange faisait déjà un peu plus jeune que son âge, mais là il avait carrément l’air d’un enfant.

« La Ligue Orange ? C’est la première ligue que j’ai gagné ! Ah là-là ça ne me rajeunit pas tout ça ! Il faudra qu’on se fasse un petit combat à l’occasion !

- A… Avec plaisir ! » Cria Fry avec une voix aiguë, les jumelles avaient du mal à ne pas rigoler dans son dos.

 

La dernière représentation tombait la veille du réveillon de Noël. Jessy et Jenny avaient expliqué à Fry qu’il y aurait un diner de famille à l’arène du Bourg Palette, le seul bâtiment suffisamment vaste pour accueillir les trois générations de la grande famille Léon, et qu’il faudrait aider leurs grands-parents à préparer la fête. Le vingt-quatre au matin, il ne fallait donc pas espérer faire de grasse matinée. Comme Jacky était en congé, Jenny devait passer la journée au laboratoire pour épauler sa mère, Robin en renfort. Jessy avait promis de les aider une heure ou deux avant de rejoindre Violine à l’arène. Seb, lui, gérait les commandes de nourriture avec Al.

« Va voir si papi et mamie ont besoin d’aide, je te rejoins dès que j’ai fini. » Dit Jessy à Fry en le croisant dans la cuisine.

Fry baillait à s’en décrocher la mâchoire en traversant la pâture séparant le laboratoire de la maison d’Al et Jacky. Il frissonna malgré son pull, ses tropiques lui manquaient presque. Presque… Dès que cette idée lui venait à l’esprit, il se reprenait en disant que le froid était délicieusement enivrant, il n’avait simplement pas l’habitude.

Heureux d’être frigorifié, la goutte au nez rougi par le froid, il entra chez le professeur Léon sénior comme s’il était chez lui en s’annonçant avec bonne humeur.

« Bonjour ! C’est Fry ! Jessy m’envoie vous aid… »

Le jeune homme se figea comme une statue en entrant dans le salon. Il avait bien aperçu deux silhouettes dans la pièce, mais il s’attendait à trouver Al et Jacky, pas… EUX.

Un homme aux cheveux noirs vêtu d’un jinbei molletonné indigo et un autre plus grand aux cheveux bruns dans une tenue rouge vif se tournèrent vers Fry dans un mouvement synchronisé. Le jeune champion écarquilla les yeux, il ne rêvait pas, il avait devant lui les deux plus grands maîtres Pokémon du pays. Il bégayait à moitié.

« M… Maître Izzy ? Maître Antony ?

- Tiens, ce ne serait-ce pas Fry Morgan, notre petit champion de l’Archipel Orange ? » Lança le plus musclé et le plus mal coiffé des deux hommes.

Izzy sortit ses mains de ses poches pour serrer celle de Fry. Le jeune homme était intimidé, il n’avait pas vu les maîtres depuis plus de trois ans. Vu de près, il reconnut les iris verts similaires à ceux d’Al, Florine et Violine. En fait, il réalisa qu’Izzy avait presque le même regard malicieux que Robin, de plus il ressemblait beaucoup à sa mère, c’était déstabilisant. Maintenant que Fry connaissait toute la famille ou presque, il avait du mal à assimiler ce dernier lien de parenté.

« Qu’est-ce que tu fais là champion ? Reprit Izzy.

- Ce sont les jumelles qui nous l’ont amené. » Lui expliqua Al en pénétrant dans le salon, elle avait entendu Fry entrer en fanfare dans sa demeure.

Le maître pokémon se mit à rire comme un adolescent moqueur.

« Ah ah ! Alors c’est vrai cette rumeur qui dit que t’as lâché ton titre pour te barrer avec deux nanas ?

- Izzy ! » Râla Al sans pouvoir s’empêcher de sourire jusqu’aux oreilles.

Heureusement, Fry lui tournait le dos et ne pouvait pas la voir rigoler à moitié, il était suffisamment gêné comme ça.

« Oh non… Il y a vraiment une rumeur qui raconte ça ?

- Il te charrie… » Intervint Antony avec sa voix posée un peu monocorde, ses yeux marron presque noirs posés sur Fry. Aux yeux du jeune champion, il était plus intimidant que son frère.

« Ton père a annoncé officiellement au conseil que tu prenais un congé sabbatique pour obtenir ton titre de maître pokémon.

- Ouais mais ça c’est la version officielle de Reese ! Je ne l’ai pas inventé cette rumeur !

- Je crois que tu le mets mal à l’aise petit frère. »

Fry était persuadé de voir poindre un rictus au coin de la bouche d’Antony et que le grand maître de la Ligue Indigo était en train de se foutre de sa gueule derrière son air sérieux.

« Tu sors vraiment avec les deux jumelles en même temps ? » Insista le Maître Izzy avec un regard avide.

"Au secours ! Que quelqu’un me sorte de cette conversation humiliante…"

Le messie débarqua sous les traits du professeur Jacky Léon.

« Vous venez m’aider les garçons ?

- Ouais ouais, on venu là pour ça. Eh Fry ! Je compte sur toi pour les détails croustillants ce soir au diner !

- Je trouve ça un poil dégueulasse que tu t’intéresses à la vie amoureuse de tes nièces Izzy. » Intervint Al en pensant aider Fry, ça ne fit que le mettre encore plus dans l’embarras.

Il avait envie de se claquer la tête contre le mur, Al lui sourit avec compassion.

« Tu peux aller chercher Robin s’il te plaît ? Il ne sait pas encore que Victoria est là.

- Victoria ? » Releva Fry.

Pour lui, Victoria c’était l’évoli femelle de Robin, alias Vivi.

« C’est la fille d’Izzy. Tu n’as qu’à lui faire la surprise, il sera content. »

Fry obéit à Maître Al, en essayant de ne pas trop se sentir ridicule après s’être fait vanner par deux membres du Conseil des Quatre sur sa vie sentimentale.

Fry raconta à Robin que sa grand-mère avait besoin de lui et le blondinet le suivit de bon cœur, il était excité comme la plupart des gosses de son âge avant Noël. Alors que les deux garçons arrivaient en vue de la véranda des époux Léon, une mignonne petite fille aux longs cheveux roux apparut sur la terrasse dans une robe à rayures noire et blanche.

« Vivi !!! » Hurla Robin à en crever les tympans de Fry.

Le champion sursauta et se frotta l’oreille en suivant des yeux le gamin, il galopa comme un zébibron fou vers la rouquine. Il l’enlaça avec une affection débordante. La fillette n’avait pas l’exubérance de Robin, elle était même tout au contraire calme et posée, cependant on voyait à son visage rayonnant qu’elle était vraiment heureuse de voir son cousin.

"Encore une rousse…" Songea Fry.

Les Lavandson avaient clairement un faible pour les blondes vénitiennes.

 

La mère de Victoria aussi était maîtresse pokémon. Entouré de tous ces grands maîtres pokémon, Fry ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu minable, lui qui n’avait jamais quitté l’Archipel Orange auparavant et qui n’avait toujours pas le titre de maître Pokémon. Sa petite couronne de champion de la ligue, obtenu à cause de la fatigue de son père, semblait ridicule. Il avait d’autant plus honte qu’il avait lâchement quitté son poste pour aller jouer de la musique avec deux inconnues, Izzy ne s’était pas gêné pour le lui rappeler d’ailleurs.

Son sentiment d’imposture ne fit que s’accroître quand tous les invités arrivèrent à l’arène du Bourg Palette dans la soirée. Régis Chen, le champion de Jadielle, était là, avec sa femme pour passer la soirée en compagnie de leur fils ainé, Kyle, et d’une partie de leurs petits-enfants. Puis Ondine et Sacha débarquèrent à leur tour, sur le dos du vieux dracaufeu de Sacha. Al abandonna sa progéniture pour les accueillir. Régis avait troqué sa tenue d’archéologue pour un pantalon blanc et une chemise verte, Al avait enfilé une robe bleue et Sacha un pull rouge vif à col roulé, sans motif, mais bien dans l’ambiance de Noël.

"Les trois plus célèbres dresseurs du Bourg Palette enfin réunis…" Pensait Fry, son cœur tambourinait dans sa poitrine.

Les voir discuter ensemble devant l’arène du Bourg Palette avait quelque chose de mythique, autant si ce n’est plus que de croiser maîtres Izzy et Antony dans le même décor.

Fry se rappela de la petite remarque de Régis :

"Al et moi c’est une vieille histoire. On a grandi ensemble."

Effectivement, le trio dégageait une certaine osmose. Fry se surprit à se demander si, quand ils auraient leur âge, Jessy, Jenny et lui seraient semblables. Probablement que non, leurs chemins étaient trop différents.

« Puisque tu es dans les parages, ça te tente un petit duel ? Lança Régis de sa voix nasillarde à l’intention de Sacha.

- Et comment ! Tu sais que je ne refuse jamais un combat ! » S’exclama son rival éternel avec enthousiasme.

Jessy se dépêcha de les suivre sur la place devant l’arène, voir son grand-père combattre était toujours un immense plaisir pour elle. Fry s’en rendit compte lorsqu’il aperçut son sourire illuminé, rempli de fierté et d’admiration. Il ne l’avait jamais vu avec une telle expression, elle semblait beaucoup plus jeune brusquement, plus sympathique aussi. Fry vint assister au match, debout à côté de son amie dans le froid hivernal, lui aussi avait des étoiles plein les yeux.

Régis envoya son noctali au combat, le fidèle pikachu de Sacha sauta de ses épaules. Le poil de Pikachu avait pâli, il était presque blanc, mais la souris électrique aimait toujours autant combattre aux côtés de son meilleur ami.

« Pika pi !

- Nocta !

- Attaque feinte !

- Pikachu attaque éclair ! »

Les attaques s’enchainaient. Le combat était rapide, très rapide même, on sentait que les deux sexagénaires avaient fait ça toute leur vie, mais il n’était pas du tout de la même intensité que le match d’arène de Fry contre Régis. Il était évident que Régis et Sacha s’amusaient comme des gosses, leur bagarre ressemblait plus à une danse qu’à un combat.

« Retour !

- Tonnerre !

- PikaCHUUUU ! »

La dernière décharge fut plus violente que les autres, noctali n’était pas K.O, mais il s’inclina en gémissant. Il reconnaissait sa défaite. Régis eut un rictus résigné, il n’était certainement pas content d’avoir perdu, mais l’issue du combat ne le frustrait pas le moins du monde. Fry se demandait vraiment s’il avait sous les yeux le même champion que celui qu’il avait affronté quelques semaines plus tôt à l’arène de Jadielle.

« Je crois qu’on commence à se faire vieux tous les quatre, finit par dire Régis.

- Ah ah ! Moi j’ai pas l’impression ! »

Sacha paraissait euphorique. Malgré ses soixante-cinq ans révolus, il se comportait encore comme un gamin. Il se tourna vivement vers Maître Al.

« Al ! Viens combattre avec moi !

- Sacha je suis rouillée... Répondit Al avec un sourire confus.

- Aller ! » Insista le vieux maître pokémon.

Avec un léger soupir résigné mais heureux, Al s’avança à son tour en sortant une pokéball de sa petite sacoche noire en bandoulière.

« Un peu de travail pour toi Jack !

- Ah ah ! Pikachu, tu te sens encore d’attaque ?

- Pika pi ! »

Un gradhyena jaillit de la pokéball d’Al. Son pelage noir était parsemé de taches blanches autour du cou, sous sa gueule, il semblait un peu plus jeune que le noctali de Régis et le pikachu de Sacha, mais il n’était plus de sa première jeunesse non plus. Alors que le combat opposant Al et Sacha allait commencer, Régis se retourna brusquement vers Jessy avec un regard luisant, malgré sa défaite contre Sacha, il semblait exalter. Fry se demandait s’il n’allait pas combattre toute la nuit à ce rythme-là.

« Eh le léviator rouge ! Tu me dois toujours une revanche !

- C’est un défi ? » Demanda Jessy en dégoupillant la copainball de Médie.

Sur la grande place, Sacha et Al s’affrontaient en parallèle de Régis et Jessy. Fry ne savait plus où donner de la tête, les éclairs fusaient, comme les pistolets à ô et les jets de pierres. Près de la porte de l’arène, accoudés au mur, Antony et Izzy regardaient leur mère combattre avec un air absent. Victoria et Robin collés à leurs jambes.

« Coup bas !

- Graaww ! »

Cette attaque ténèbres furtive et rapide eut raison de pikachu qui fit un vol plané et atterri à plat ventre. Cette fois le rongeur semblait épuisé. Le gradhyena revint sagement auprès de sa maîtresse pour récupérer quelques caresses.

« Pi… Ka…

- Bravo pikachu ! Tu t’es bien battu !

- Ouais !!! Bravo mamie ! » Hurla Robin dans le dos des deux maîtres du Conseil.

Alors que Régis et Jessy poursuivaient leur combat sous les encouragements enflammés de Sacha, Fry s’approcha de maître Al. Ils discutaient ensemble sans quitter les combattants des yeux.

« Je pensais que vous utiliseriez une évolition pour affronter Sacha, dit Fry en regardant le gradhyena allongé en train de mordiller son pelage.

- J’ai soixante-huit ans Fry, beaucoup de mes pokémon sont morts malheureusement, à commencer par mon évoli. »

Il y eut une sorte de malaise dans la conversation, d’abord parce que Fry n’avait pas réfléchi à cet aspect de la chose, surtout que Sacha avait toujours son pikachu. Tous ses grands-parents étaient décédés et la plupart de leurs pokémon avaient été envoyés dans un refuge pour finir leurs jours, les parents de Fry étant trop pauvres pour tous les gérer, Fry ne savait pas s’ils étaient encore de ce monde. Ensuite, le jeune champion revoyait le jardin d’Al rempli de petits évoli, alors il mit un certain temps à comprendre de quel évoli elle parlait. Al éclaira sa lanterne avec un petit sourire triste.

« Evoli est le premier pokémon que j’ai capturé, il était perdu sur la route de Jadielle, je n’ai jamais su d’où il venait. Il est resté mon plus fidèle partenaire pendant cinquante-cinq ans.... Les évoli ont une espérance de vie beaucoup plus courte que leurs évolutions, mais il a toujours refusé d’évoluer. C’était son choix, pas le mien. »

Le regard de la vieille dresseuse se perdit dans le vague, elle souriait toujours mais Fry était convaincu qu’elle luttait pour ne pas pleurer devant lui.

« Mon voltali aussi est décédé, c’était un cadeau de Léo, le collectionneur. Mon aquali et mon pyroli sont trop âgés pour combattre, il ne me reste que Monday et Sunday. Je n’ai pas eu l’occasion d’en dresser d’autres malgré mon élevage d’évoli. »

Fry cligna des yeux en réfléchissant, elle devait parler du noctali et du mentali qu’il avait croisé à plusieurs reprises dans la pâture et qu’il avait aperçu près du coin des enfants dans l’arène transformée en salle de banquet.

« Je suis désolé... Finit par dire Fry.

- Ce n’est rien, ça fait partie du cycle de la vie. Je crois que si on est capable de s’aimer les uns les autres, c’est parce qu’on sait qu’un jour tout cela prendra fin. »

Elle posa un regard affectueux sur Sacha et Régis, étonnamment il n’y avait pas grande différence avec celui qu’elle portait à Jacky. Elle finit par détourner les yeux pour regarder Jessy avec la même tendresse.

« Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j’espère en avoir assez pour connaître la voie de Jessy.

- Euh, de quelle voie vous parlez ?

- Tu dois être au courant que Jenny veut devenir professeure pokémon, mais Jessy n’a pas de projet particulier... »

Le ventre de Fry se mit à gargouiller bruyamment. Comme il venait de ruiner la séquence émotion, il offrit un sourire confus à Al. Elle éclata de rire.

« Ah ah ah ! On devrait aller manger je crois… Moi aussi je crève de faim. »

Fry jeta un dernier regard à Jessy et son aquali qui donnait le coup fatal au grolem de Régis. Il fit un signe à la rouquine pour lui signifier qu’il rentrait dans l’arène.

« Et toi tu ne combats pas champion ? Lança Izzy avec un sourire filou quand Fry passa à côté de lui.

- Par pitié, c’est Noël quoi… » Gémit Fry affligé.

Izzy rigola, il avait le même rire que sa mère, c’était un ricanement moqueur et agaçant, mais communicatif. Sacha se mit à crier après Izzy pour qu’il vienne l’affronter. Al glissa à l’oreille de Fry :

« Tu as raison, il faut savoir dire non, sinon ils ne s’arrêtent jamais de combattre, tous autant qu’ils sont. »


De retour à l’intérieur de l’arène, Fry vit Jacky en grande conversation avec Ondine, ils avaient l’air de vraiment bien s’entendre, tout comme Sacha, Régis et Al. C’était sans doute ça d’avoir de vieux amis, au sens littéral du terme, ils se connaissaient tous depuis l’enfance. Seul Sacha voyageait encore, mais chaque année, pour les fêtes de fin d’années, ses pas le ramenaient irrémédiablement au Bourg Palette, son village natal. Jenny discutait avec un de ses cousins, Fry ne connaissait pas l’arbre généalogique de la famille du professeur et de sa femme, mais l’air de famille avec Maître Antony était flagrant, alors il en conclut que c’était son fils.

Avec l’aide de ses proches, Violine avait décoré son arène pour Noël, il y avait un grand sapin couvert de boules et de petites figurines de pokémon en bois, des guirlandes lumineuses jaunes et blanches étaient accrochées à la balustrade. Elle s’était amusée à couvrir la statue d’Izzy de guirlandes à poils dorés et avait coiffé les autres bustes avec des bonnets de père noël. Un long buffet froid salé et sucré avait été installé au fond de la pièce, du côté de la plateforme de la championne. Les tables et les chaises pour s’asseoir et manger avaient été agencées en forme de U, il ne s’agissait que de tréteaux et de planches recouverts de nappes rouges. Ils étaient vingt-huit au total en comptant Fry dans l’arène, et il manquait pourtant le fils ainé du professeur Léon et sa famille, le fils cadet de Régis avec sa femme et sa fille, le fils ainé de Kyle et évidemment Sylvain. Comme ils étaient trop nombreux, il n’y avait aucun échange de cadeaux. Les présents se feraient le lendemain, en petit comité, pour resserrer les liens les plus intimes.


Fry était installé entre Al et Seb. Il vit pour la première fois Ingrid et Pascal Lavandson, les parents de Sébastien, assis en face de lui. Comme il était fils unique, ses parents venaient passer Noël avec la famille Léon pour profiter de leur fils et de leur petit-fils. Fry se retourna et jeta un coup d’œil derrière lui. Des évolitions de toute la famille veillaient sur les six enfants en train de pique-niquer sur des couvertures devant la statue du professeur Chen. La scène était touchante, mais le coin des "petits" ressemblait un peu à une porcherie. En dehors des jumelles, le seul petit-fils installé à table était Eliott, le fils ainé d’Antony avec lequel discutait Jane et que la rouquine lui avait finalement présenté brièvement.

« Vous avez combien de petits-enfants au total ? Demanda Fry en se tournant vers Al.

- Treize ! Annonça-t-elle fièrement.

- Treize ? J’espère que ça ne vous portera pas malheur, répondit Fry avec humour.

- Rah ça ne me plait pas vraiment, je croise les doigts pour que Violine me donne enfin mon quatorzième petit fils, ou petite fille d’ailleurs !

- Je sais que ma question est un peu indiscrète mais… Pourquoi vous avez eu six enfants ?

- Et pourquoi pas ? Répondit Al avec malice.

- Bah c’est pas courant, et le professeur et vous vous bossez beaucoup, comment vous avez réussi à tel tour de force ? »

Al semblait très amusée par la question.

« Quand tu entends le chiffre six, ça te fait penser à quoi ?

- Six ? Une équipe de pokémon, mais je ne… »

Al regardait fixement Fry avec un immense sourire, il avait l’impression qu’elle se retenait d’éclater de rire. Le jeune champion finit par grimacer.

« Attendez… Vous… Vous n’êtes pas sérieuse là ?

- A la base, je voulais autant d’enfants, qu’il existe d’évolitions… Mais il a fallu revoir nos ambitions à la baisse, mon corps ne l’aurait pas supporté, celui de Jacky non plus d’ailleurs. » Chantonna Maître Al devant la mine déconfite de Fry.

Le jeune homme trouvait ça complètement fou. Alors ils avaient vraiment fait des enfants comme s’ils avaient composé une top-team pour les combats pokémon ?

« Et si tu veux une réponse sérieuse, dit finalement Al sans perdre son sourire. Jacky et moi sommes tous les deux enfants uniques, on voulait simplement avoir une grande famille pour compenser. On aurait pu s’arrêter à Florine, mais à chaque fois que je regarde le visage de mes enfants, je vois celui de Jacky. J’avais envie de peupler la planète avec des Jacky en miniature. C’est mon problème, quand j’aime quelque chose je ne sais pas faire dans la modération… Un défaut que j’ai transmis aux jumelles d’ailleurs. »

Fry était un peu choqué par la réponse, mais au milieu du troupeau d’évoli, il réalisa qu’Al ne se moquait pas de lui, elle était effectivement dans la démesure.

Le jeune champion se leva jusqu’au buffet pour se servir du dessert. Il captait par brides les conversations en circulant autour des tables.

« Je suis triste que Félix ne soit pas là… Se lamentait Aline.

- Tu le vois la semaine prochaine, répliqua Kyle d’une voix morne.

- Oui mais c’est pas Noël ! Chouina Aline.

- Eh Aline ! J’ai pensé à accrocher du gui ! Même si j’espère que Kyle n’a plus besoin de ça à son âge ! » Cria Seb.

La tante des jumelles gloussa d’amusement, son mari lui n’avait pas l’air de trouver la blague à son goût. Un peu plus loin, le maître Izzy se chamaillait avec la moitié de sa fratrie.

« …Et évidemment ce pauvre Jamel s’est retrouvé tout seul pour nettoyer la salle du Panthéon… Racontait Antony avec son ton posé, presque froid, mais un petit sourire moqueur à la commissure des lèvres.

- Puisque j’te dis que je ne l’ai pas fait exprès ! Mon chapignon était malade ! Braillait Izzy.

- Je pensais que ça te calmerait de rentrer au Conseil des Quatre, mais en fait tu restes un sale gosse, lança Florine à son petit frère.

- Je suis on ne peut plus d’accord avec ma grande sœur, renchérit Violine d’une voix mielleuse.

- Pourquoi vous dites tous ça ? Y’a qu’Aline qui est gentille avec moi ! Répliqua Izzy en pleurnichant pour de faux.

- Parce que tu restes un sale gosse mon fils. » Dit posément Jacky en ébouriffant affectueusement les cheveux de son petit dernier bien plus grand que lui désormais.

Fry était hypnotisé par cette scène, au fond de lui, un petit pincement au cœur lui fit regretter de ne pas être avec sa propre famille pour Noël. Il rit silencieusement de lui-même, après avoir tant désiré quitter l’Archipel Orange, le voici nostalgique de sa région natale.

Il ne voyait pas les jumelles dans la salle, alors il se décida à partir à leur recherche à l’extérieur de l’arène. Il tomba sur Sacha, en train de prendre l’air avec son pikachu sur les épaules. Il regardait les étoiles avec son regard brillant de milliers de rêves inachevés. Une vie entière d’aventures, c’était encore trop court pour les cœurs vaillants comme le sien. C’était ça, être un Ketchum.

« Excusez-moi Sacha, vous n’auriez pas vu les jumelles ? Demanda timidement Fry.

- Pas la peine de me vouvoyer tu sais, répondit gentiment Sacha. Je crois qu’elles sont sur le banc là-bas. »

Fry suivit son mouvement de bras. Il disait juste, elles étaient assises côte à côte dans l’air glacé de la nuit de Noël. Le jeune homme pouvait facilement deviner leurs pensées, elles étaient tournées vers leur père, toujours absent. Fry se demanda si Sacha pensait à Sylvain lui aussi, c’était son fils unique après tout.

« Je n’arrive pas à croire que j’ai l’âge qu’avait le professeur Chen quand je l’ai rencontré pour la première fois… C’était il y a plus de cinquante ans, mais certains souvenirs sont tellement vivaces… Je me sens comme si j’avais toujours dix ans.

- Pika pika… » Marmonna son pokémon en frissonnant dans l’air du soir.

Sacha se tourna vers Fry et se mit à rire avec un air benêt.

« Ah ah ah ! Ça doit te paraître bizarre ce que je dis, toi qui va justement entrer dans l’âge adulte.

- Non. Pas du tout… »

Il regarda à nouveau les jumelles, son sourire affable et charmant s’était envolé, ne restait qu’une espèce de mélancolie inquiète. Il avait beaucoup de peine pour ses amies. Sacha observa attentivement le jeune homme, puis ses petites-filles. Sans un mot, il posa une main paternelle sur l’épaule de Fry quelques secondes avant de rejoindre les jumelles et de s’asseoir à côté d’elles sur le banc. Pikachu sauta de son dos pour aller se lover sur les genoux de Jessy. Fry vit les jumelles se blottir contre leur grand-père, chacune sur une épaule. Il retrouva le sourire.

Il sortit son téléphone de sa poche et regarda l’heure, l’écran indiquait vingt-deux-heures trente. Il chercha dans son répertoire et appuya sur l’icône verte. Il colla son oreille contre le haut-parleur et leva les yeux au ciel. Un flocon de neige isolé se posa sur le bout de son nez.

« Ouais c’est moi. Joyeux Noël, papa… »

 

 

Fry émergea lentement en ce matin du vingt-cinq décembre, Robin n’était plus dans la pièce. En revanche, son regard embrumé se posa sur deux silhouettes féminines qu’il connaissait bien désormais.

« Jess ? Jane ? Kesskissepasse ? » Demanda Fry en les voyant toutes les deux postées debout à un mètre de son matelas.

Les deux rouquines se tenaient bien droites, les bras croisés dans le dos. Elles attendirent qu’il se redresse correctement avant de sortir leurs mains et de brandir les cadeaux qu’elles planquaient grossièrement, mais qu’il n’avait pas repéré, uniquement parce qu’il était encore à moitié endormi.

« Joyeux Noël Fry ! » S’exclama Jenny avec un de ses sourires splendides de midinette.

Elle tendit un paquet argenté à Fry en même temps que sa sœur. Les deux cadeaux paraissaient identiques. Lentement, les lèvres de Fry s’étirèrent pour afficher son sourire charmeur à la Reese Morgan.

« Deux cadeaux, carrément…

- Chacune le sien.

- Aller ! Ouvre ! » S’impatienta Jessy.

Fry, assis en tailleur sur son matelas, ouvrit les deux présents l’un après l’autre en commençant par celui de Jane. Il déplia deux sweats, le premier aux couleurs d’un salamèche, orange et jaune, et le second jaune vif et noir avec une discrète silhouette de pikachu dessinée sur l’épaule.

« J’en avais marre de te voir avec les pulls de Seb sur le dos. » Dit Jessy avec un petit sourire blasé.

Fry éclata de rire avant de les remercier.

« Je suis désolé, j’ai pas de cadeau perso pour vous mais…

- Un baiser m’ira très bien ! Gloussa Jenny.

- Je doute que ça convienne à ta sœur. »

Jessy ne répondit rien, elle se contenta de toiser Jane avec un air offusqué.

« Et de toutes façons, j’ai quand même une surprise pour vous. »

Jessy reposa son attention sur lui. Elle haussa un sourcil.

« Toi t’as encore ta tête de filou. Qu’est-ce que tu nous caches ?

- T’adore ça quand je joue les mystères hein ?

- Ouais c’est ça… » Maugréa Jessy en s’efforçant de ne pas sourire.

Fry leur adressa à toutes les deux un clin d’œil. Il se leva et fonça aux toilettes pour revenir la vessie vidée, avec un caleçon et un pantalon propres sur le derrière. Il enfila le pull neuf de Jessy, puis accompagna les filles jusque chez leurs grands-parents. Il n’avait croisé personne au laboratoire, tout devait déjà être en place pour la surprise. Robin était assis sur la terrasse de ses grands-parents en train de jouer tranquillement avec ses trois pokémon. Lorsqu’il aperçut les jumelles, il s’empressa de rentrer dans la maison pour prévenir sa famille, son attitude était étrange, Jenny le remarqua immédiatement, mais Jessy n’y prêta pas attention. Avant d’entrer dans la maison, Fry jeta un regard à ses deux amies par-dessus son épaule.

« Allez voir dans le salon… » Dit-il sur un ton mystérieux.

D’une même mimique, les jumelles relevèrent un sourcil et Fry les laissa passer devant lui. Les canapés, la table à manger et toutes les chaises avaient été poussés au fond de la pièce. Devant la porte, trônaient des instruments de musique flambants neufs. La batterie occupait la majeure partie de l’espace, mais devant ses cymbales et ses tambours rouge, noir et blanc, quatre guitares étaient posées bien en évidence sur leurs trépieds. Jenny ouvrit la bouche et exorbita les yeux, l’espace d’un instant sa surprise déforma la beauté de son visage.

Jessy, elle, était paralysée, elle s’attendait à tout sauf à ça, elle croyait être dans un rêve éveillé. Elle aurait voulu se pincer si elle avait été capable de bouger ne serait-ce qu’un petit doigt.

« Je vous le précise d’emblée : c’est une idée de Seb. Moi j’étais contre, mais il a insisté. » Déclara une voix sèche dans leur dos.

Jenny se retourna pour voir sa mère les bras croisés, avec son éternel air renfrogné, debout dans le couloir entre Jacky et Al. Derrière eux, Fry et Robin tentaient de percevoir la réaction des jumelles. Pour l’instant, ils ne voyaient que le regard ahuri de Jenny, c’était hilarant. Seb se tenait en retrait à l’angle du couloir.

« Joyeux Noël les filles. » Dit Jacky avec son sourire de papi en espérant provoquer une réaction chez les jumelles, immobiles et perturbées.

Au bout de longues secondes, Jessy finit par s’avancer doucement vers les guitares pour les observer de plus près. Il y avait une guitare acoustique, sans doute destinée à Jenny, pour remplacer celle qu’elle avait perdue à Verchamps. La nouvelle basse était un meilleur modèle que celui qu’ils avaient acheté au Yellow Froussardine, il devait aussi couter beaucoup plus cher. A sa droite, était posée une stratocaster vintera, le péché mignon de Jessy, en rouge en plus. Les yeux de la jeune fille s’illuminèrent d’une lueur émue lorsqu’elle découvrit la dernière guitare.

« C’est… Une Fender Jag-stang… La guitare de Kurt Cobain… »

Jessy caressa du bout des doigts le caisson rouge vif de la guitare. Ce n’est probablement pas un choix qu’elle aurait fait d’elle-même, du moins pas le premier, ni le second, mais c’était une guitare attirante, excitante même, mythique, avec du potentiel. Et en plus Seb avait fait l’effort de la prendre dans son coloris préféré.

Robin frappa dans le dos de Fry pour l’obliger à aller parler aux filles, il avait hâte qu’elles réagissent et pour l’instant c’était l’effarement le plus total. Le jeune homme pouffa d’un rire silencieux avant de rejoindre Jessy.

Malgré toute la confusion provoquée par ce cadeau exceptionnel, Jessy avait réalisé que Seb n’y connaissait absolument rien en musique, tout comme sa mère et ses grands-parents, alors elle tourna la tête vers Fry sans pour autant oser le regarder dans les yeux.

« T’étais au courant ? » Demanda Jessy à Fry d’une voix timide qui ne lui ressemblait pas.

Fry lui sourit avec bienveillance.

« Bah oui, c’est moi qui ai choisi les instruments.

- Merci… Souffla Jessy.

- Ce n’est pas moi que tu dois remercier tu sais ? Ce cadeau est aussi pour moi. »

Dans la confidence, Fry avait eu le temps d’encaisser l’émotion générée par cet acte de générosité, il espérait seulement que Jessy prendrait la mesure de la signification d’un tel cadeau de la part d’une personne qu’elle méprise, mais qui envers et contre tout continue de l’aimer. Fry lança des regards appuyés à Seb, il était évident que Jessy n’irait pas vers lui, il fallait qu’il fasse le premier pas. Le grand blond s’approcha doucement, son sourire de papa galifeu posé dans sa barbe blonde.

« C’est pour qu’on reparte le plus vite possible c’est ça ? Marmonna Jessy la tête baissée en sentant sa présence près d’elle.

- Non, répondit simplement Seb avec un sourire. C’est pour que tu sois heureuse. »

Les joues de Jessy s’embrasèrent. Elle tentait désespérément de le cacher en maintenant sa tête penchée en avant pour que ses cheveux couvrent un peu son visage. C’était la première fois que Fry voyait Jessy rougir à ce point, et à vrai dire, Seb et Jenny ne se rappelaient pas de la dernière fois où ils avaient vu la rouquine avec une telle mine penaude.

Jenny aussi était émue, et si sa gêne était moins intense que celle de Jessy, elle avait aussi un tout autre motif.

« Mais Seb, ça a dû vous couter une fortune ! Souffla Jenny. Avec toutes les réparations qu’il faut faire au labo ce n’était pas raisonnable, il ne fallait pas…

- Ne vous inquiétez pas pour l’argent les filles, les rassura Seb. Le laboratoire est assuré contre les tentatives de vols de pokémon et le reste. On est bien couvert de ce côté-là. Et avec l’héritage de Léo qui vient de tomber, on ne devrait plus avoir de soucis financier pendant un moment.

- L’héritage de Léo ?

- Ah c’est vrai qu’on ne vous en a pas parlé… Vous êtes au courant que Léo le collectionneur est décédé l’an dernier dans le naufrage du Lavandia Sea ?

- Oui, on en a vaguement entendu parler aux infos, se souvint Jenny.

- Techniquement il faisait partie des portés disparus… Précisa Seb. Mais comme les recherches pour retrouver d’autres survivants n’ont rien donné, les autorités ont fini par déclarer morts tous les naufragés.

- Ouais c’est moche, mais c’est quoi le rapport avec toi ? Lâcha Jessy avec impatience et l’empathie d’un vieux nodulithe, ses joues toujours aussi pourpres.

- J’ai hérité d’une partie de la fortune de Léo, notamment la moitié de sa villa.

- Quoi ?!? » S’exclama Jenny.

Jessy et Fry ne dirent rien, mais sur leurs visages on lisait la même réaction.

« Eh oui… » Répondit simplement Seb en se frottant l’arrière de la tête avec gêne.

Robin se rua sur Jenny et se cramponna à son bras tout en hurlant après Jessy et Fry.

« Faut les essayer maintenant ! Et faut les montrer à Lucario ! Il va adorer ! S’écria le garçonnet, surexcité.

- Il va adorer les bousiller oui… » Plaisanta Jenny.

Malgré sa contenance, elle aussi était émue par ce cadeau. Avec l’autorisation d’Al et Jacky, les trois adolescents branchèrent la basse, la stratocaster et les pédales choisies par Fry. Le champion se jeta sur sa batterie avec une jubilation palpable, il lança ses baguettes en l’air et les rattrapa au vol.

« Les affaires reprennent ! » Cria-t-il avec bonne humeur aux jumelles.

Jenny se mit à rire et Jessy ne put réprimer son sourire. Dans le couloir, Florine pencha la tête sur le côté pour parler à son mari.

« Avec cet argent, tu aurais pu leur payer un billet pour Kalos à la place, j’aurais préféré d’ailleurs… Bougonna Florine.

- Oui, c’est vrai, mais elles n’auraient pas pu emmener Fry avec elle.

- Tu l’aimes trop ce gamin, ce n’est pas ton fils, ni ton beau-fils.

- Flo, tu sais bien que ce n’est pas pour ça. Il les rend plus… »

Il hésita sur le terme à employer, il ne se trouvait pas sympa, mais il finit quand même par oser :

« Il les rend plus humaines… Elles ont besoin de lui.

- Il faudra bien qu’il rentre dans l’Archipel Orange un jour.

- Je sais, mais je préfère retarder ce moment autant que possible. »

Il se plaça derrière sa femme et l’enveloppa dans ses bras en posant son menton sur sa tête. Elle se laissa faire et plaça doucement ses mains sur les avant-bras de Seb en les glissant par-dessous. Enfin, la professeure Léon esquissa un mince sourire.

 

A suivre…

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