Ciléo (ou ma vie de PNJ)

Chapitre 2 : Ciléo - 21 ans

2916 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/01/2022 21:41

Ciléo s’assit par terre en s’adossant à sa machine. Elle était énorme et cubique, elle occupait le tiers de l’espace du hall du centre pokémon. Son alimentation reposait sur d’énormes câbles traversant le mur au fond de la salle. L’Infirmière Joëlle était très inquiète des baisses de tensions générées par la haute consommation de cet engin monstrueux. Elle ne faisait pourtant aucun reproche à Ciléo, il était bien trop précieux pour les habitants de l’île une. Dès qu’il y avait une panne, il suffisait de l’appeler. Il débarquait n’importe où, n’importe quand et réparait tout avec ses doigts magiques.

Ciléo retira ses lunettes pour s’essuyer le front en poussant un long soupir de fatigue.

« Toujours pas de réseau… »

Le jeune homme sortit de sa poche de jean son téléphone pour regarder l’heure.

"Il devrait déjà être là… Il ne viendra pas."

Ciléo soupira à nouveau et passa une main dans ses cheveux blonds. Son granivol vint se poser sur son épaule, il tenait une clef USB dans ses pattes graciles.

« Grani !

- Merci granivol. »

Avant que Ciléo ne quitte l’école primaire pour le collège, Mademoiselle Nora lui avait offert son granivol. Dès qu’elle le sortait en classe, il se jetait sur le gamin pour lui faire des câlins, il n’y avait pas moyen de l’en décoller. C’est ainsi que le garçon qui n’avait jamais envisagé de devenir dresseur s’était retrouvé avec deux pokémon à sa charge. Granivol était adorable, Évoli était plus… Lunatique.

Ciléo tournait et retournait la clef USB entre ses doigts. La mise à jour de Léo était prête, mais il était inutile de l’installer vu que sa machine n’était toujours pas reliée au réseau pokémon. La leuphorie fraichement évoluée de l’Infirmière Joëlle apporta à Ciléo un verre de lait meumeu et des lava cookies.

« Merci leuphorie.

- Leupho leupho ! »

Le jeune informaticien trempa un biscuit dans son lait. Il posa les yeux sur le canidé brun et crème en train de somnoler sur un siège, enroulé dans sa propre queue duveteuse. Contrairement à son granivol si serviable, l’évoli paresseux ne venait l’aider que lorsqu’il s’ennuyait trop pour dormir.

« Bonjour Ciléo ! »

Le technicien se redressa brusquement comme un haydaim. Il aurait reconnu cette voix entre mille.

« Léo ! J’arrive pas à croire que tu sois venu ! » S’écria Ciléo en voyant son ami le collectionneur debout devant lui, avec son éternel sourire bienveillant étalé sur le visage et ses mains enfoncées dans ses poches de pantalon. Il avait abandonné la cravate et enfilé une chemise mauve.

« Eh bien oui, je suis là. Alors, comment avancent tes recherches ? Oh, une seconde ! Il faut que je vous présente. Leaf, voilà mon ami Ciléo. C’est un fou d’informatique. Ciléo, je te présente Leaf. Leaf sera très bientôt une grande championne, j’en suis sûr ! »

Ciléo pencha un peu la tête sur le côté. Léo était accompagné d’une jeune fille aux cheveux châtains, coiffée d’un chapeau blanc. Elle était vêtue d’une petite jupe rouge et d’un débardeur bleu. Elle était plutôt mignonne et très jeune, mais surtout elle avait bien la dégaine d’une dresseuse pokémon, Ciléo n’avait aucun doute là-dessus.

« Impressionnant. Je dois bien avouer que je ne suis pas doué pour le combat. En tout cas, je suis ravi de te rencontrer. »

Ciléo s’avança vers l’adolescente pour lui serrer la main avec convivialité. Elle parut un peu étonnée, puis de bon cœur elle se saisit de cette main tendue.

« Moi aussi je suis enchantée Ciléo.

- Bon alors, dis-moi tout ! Reprit Léo. Comment fonctionne ta machine ? »

Ciléo, enthousiaste, retourna aussitôt auprès de sa précieuse création et la présenta à son ami.

« Plutôt pas mal, mais le problème c’est que nous sommes éloignés de tout ici. Le PC n’arrive pas à se connecter au tien.

- Ah oui ? Laisse-moi jeter un œil. »

Léo retroussa ses manches et fourra sa tête dans l’ouverture béante sur le côté de la machine.

« Hum… Je crois que ça peut s’arranger. Tu veux bien que je t’aide ?

- Oh oui ! Oui oui avec plaisir ! » S’émerveilla Ciléo.

Travailler avec Léo le mettait dans un état de félicité proche de l’extase. Léo ressortit sa tête de l’appareil et se tourna vers Leaf.

« On va en avoir pour un moment. Je suis désolé de te faire attendre… En fait, est-ce que tu pourrais me rendre un service ?

- Oui, bien sûr. » Répondit Leaf avec un petit haussement d’épaule.

Aucun dresseur ne pouvait jamais rien refuser à Léo le génie. Et avec son joli minois, c’était encore pire avec les dresseuses.

« Est-ce que tu pourrais apporter ce météorite à mon ami qui dirige la salle de jeux de l’île deux ? »

Léo sortit le fragment de météorite de son sac et le confia à Leaf. Ciléo regardait la scène d’un œil distrait, il réfléchissait.

« Comment tu vas te rendre sur l’île deux ? Finit-il par demander à l’adolescente.

- J’ai mon tortank.

- C’est loin tu sais. Attends, prends ça. »

Ciléo s’approcha d’elle et lui confia une carte de couleur bleu ciel ornée d’un bateau.

« C’est un tri-passe. Avec ça tu pourras naviguer entre les trois premières îles Sevii gratuitement sur la Flèche des Mers.

- Merci beaucoup ! Mais ce n’est vraiment pas nécessaire, dit Leaf, un peu troublée par cet acte soudain de générosité de la part d’un inconnu.

- J’insiste, c’est trop dangereux de voyager à dos de pokémon entre les îles Sevii. Oh et tiens, il faudrait que tu prennes ça aussi. C’est une carte de l’archipel.

- Encore merci alors… »

Leaf offrit un grand sourire chaleureux à Ciléo, il chercha un truc aimable à lui dire.

« Je suis vraiment désolé d'accaparer Léo. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop.

- Aucun problème, j’ai l’habitude de voyager toute seule.

- On se revoit plus tard. Dis bonjour au type de la salle de jeu pour moi ! » S’écria Léo à l’adresse de Leaf avant de replonger la moitié de son corps dans la machine de Ciléo.

L’informaticien la regarda s’éloigner avec la météorite et son tri-passe. Il était toujours ébahi et bluffé par la témérité des dresseurs pokémon, un seul mot de Léo et ils fonçaient tête baissée en se gaussant du danger.

« Ciléo, tu aurais un fer à souder ?

- Oui tout de suite Léo !

- Et un cruciforme aussi.

- Oui Léo ! »

L’évoli avachi sur sa chaise hochait lentement la tête de droite à gauche en regardant son nouveau dresseur courir dans tous les sens, pour répondre aux sollicitations de son ancien dresseur. Il trouvait le spectacle déplorable. Poursuivi par son granivol curieux, Ciléo jouait les assistants parfaits, un vrai petit ponchien bien dressé…

 

Le duo ne vit pas le temps s’écouler. Une fois leur travail terminé, Ciléo avait des étoiles plein les yeux : Léo était un véritable artiste de l’électronique. Les deux férus d’informatique décapsulèrent leurs canettes de boissons gazeuses pour fêter la réussite de cette collaboration magistrale. Ils remarquèrent à peine Leaf trainer ses pieds jusqu’à eux.

 « Oh ! Leaf ! Qu'est-ce qui t'a retenu comme ça ? Nous, on a terminé ! Les PC fonctionnent à merveille. » Déclara Léo en sirotant sa boisson garantie sans lactose.

Leaf affichait un sourire tordu mais elle ne disait rien. Lostelle, la fille de l’employé du casino amateur de météorites, avait disparu. Leaf avait dû pousser jusqu’à l’île trois pour la retrouver. Elle avait affronté un gang de motards qui avait tenté de la détrousser, puis elle avait traversé tout le Bois Baies pour récupérer la fillette égarée.

Elle était décoiffée, ses chaussures et ses jambières étaient couvertes de boue, pourtant Léo ne lui posa aucune question, Leaf avait vraiment l’impression qu’il se fichait complètement de ce qu’il lui était arrivé. Il buvait sa limonade avec bonne humeur. Ciléo avait vraisemblablement envie de faire la conversation avec la jeune dresseuse, mais lui non plus n’avait pas l’air de remarquer son épuisement. Il lui colla un soda cool entre les mains sans lui demander ce qu’elle voulait boire. Au moins il lui offrait un rafraichissement, c’était sympa de sa part, se consolait la dresseuse en manque d’empathie.

« Léo est un vrai pro. Il a réussi à tout mettre en ligne en un rien de temps !

- Non, non. C’était vraiment rien. Tout ça c’est grâce à toi Ciléo, j’aurais rien pu faire seul.

- Oh ? Merci… »

Les joues de Ciléo s’empourpraient de plaisir. Leaf dut mettre une main devant sa bouche pour dissimuler son amusement, il y avait quelque chose de risible à voir ces deux hommes se lançant mutuellement des fleurs. L’attitude de Ciléo était adorable. Il était tout chose face à Léo. Ciléo était un adulte, mais dans ses réactions il rappelait parfois un petit garçon bien plus jeune que Leaf.

« Bon, maintenant que tout fonctionne on va pouvoir repartir sur Kanto, annonça Léo en regardant sa jeune accompagnatrice. Je te laisse rassembler tes affaires Leaf, on partira demain matin.

- Et toi que vas-tu faire Léo ? Demanda la dresseuse.

- Puisque je suis là, je vais rendre visite à quelques vieilles connaissances. Profite de mon absence pour essayer la machine de Ciléo, tu verras elle est sensas ! »

Une fois de plus, le visage de Ciléo s’illumina. Chaque compliment de Léo était comme une caresse de farfaduvet.

« Viens Leaf ! Je vais te montrer comment fonctionne ma machine !

- Euh… »

Leaf mourait d’envie de lui dire qu’elle n’en avait absolument rien à faire, mais elle se ravisa. Ce n’était pas poli, et bien qu’elle soit fatiguée à l’instant présent, elle savait qu’elle aurait besoin de sa machine un jour ou l’autre, alors autant écouter le blabla de Ciléo. Fou d’informatique avait dit Léo… De l’avis de Leaf, l’expression était adaptée. Une fois lancé, on ne pouvait plus l’arrêter.

« J’ai repris les plans du père de Léo, tu savais que lui aussi était expert en pokémon ? Il s’agit d’une machine à transfert pokémon, elle n’est pas encore terminée mais au moins grâce à Léo je l’ai relié au système de stockage de Kanto et elle fonctionne en l’état ! Ce qui signifie que toi et tes petits camarades dresseurs originaires de la région vous pouvez gérer vos équipes depuis ce centre pokémon ! C’est trop classe hein ? Comme j’ai commencé à équiper les autres îles avec des PC, il sera bientôt possible de le faire partout dans les îles Sevii, mais il faut encore que je les raccorde au réseau. Maintenant que Léo m’a montré comment faire, ce sera un jeu d’enfant ! Ensuite je vais pouvoir m’attaquer au problème des échanges longues distances, c’est plus compliqué, la programmation est facile, mais il me manque des composants essentiels…

- Comment tu fais pour respirer ?

- Que je n… Pardon ?

- Non rien, c’était une boutade, désolée. »

Leaf pinça les lèvres, la réflexion lui avait échappé, elle se trouvait méchante. Ciléo se frotta la nuque avec un sourire simplet.

« Excuse-moi si je t’ennuie. Tu veux qu’on aille diner ? Je respire mais je mange aussi. »

Leaf ne put s’empêcher de rire cette fois, elle se détendit, le binoclard ne semblait pas vexé.

« Ih ih… Volontiers, j’ai une faim de lougaroc !

- Moi je ne sens pas la faim, enfin disons plutôt que je n’y fais pas attention. C’est problématique. »

Pendant le repas à la cantine du centre pokémon, Ciléo n’arrêtait pas de parler de Léo, en permanence. Cela amusait beaucoup Leaf, elle finit par pouffer de rire, manquant de s’étrangler avec son omelette au fromage.

« Ih ih ih… Tu as l’air vraiment très amoureux de Léo.

- A… Amoureux ? » Balbutia Ciléo avant de se mettre à ricaner nerveusement.

Il avait une manie, à chaque fois qu’il était mal à l’aise, il se frottait l’arrière du crâne ou du cou.

« Ah non-non, je ne suis pas amoureux de Léo, ou peut-être de son esprit. J’aime les filles, enfin je crois. Je n’ai jamais eu de petite amie c’est vrai, mais j’aime quand même les filles. Surtout celles qui portent des jupes, genre uniforme de lycéenne ah ah ah… Hem ! »

Il se tut, mort de honte, en réalisant ce qu’il était en train de raconter à une adolescente de douze ans. Leaf grimaça, elle aussi était gênée d’entendre ça. Elle appréciait Ciléo, mais il était vraiment bizarre. Elle avait du mal à l’imaginer avec une fille à son bras et comprenait aisément pourquoi à vingt-et-un ans il n’avait toujours pas eu de relation sentimentale.

Le lendemain matin, Ciléo accompagna Léo et Leaf jusqu’à l’embarcadère, c’était l’heure des adieux.

« À bientôt Ciléo ! Je compte sur toi pour terminer ta machine ! Lança joyeusement Léo.

- J’y consacrerai ma vie s’il le faut !

- Ça c’est l’esprit mec !

- Et Leaf, je suis vraiment désolé d’avoir passé tout ce temps sur le PC. C’est promis, la prochaine fois, je te ferai visiter les îles. »

Leaf haussa un sourcil.

« La prochaine fois ?

- Tu ne comptes pas revenir ? » S’étonna Ciléo.

Leaf ne répondit pas immédiatement, en réalité elle n’y avait pas pensé. L’archipel avait l’air sympa, il y avait visiblement de bons coins pour chasser les pokémon, mais il n’y avait ni arène, ni établissement de concours. Elle allait très probablement revenir, ça oui, mais elle ne s’attarderait pas. Face au regard doux et sociable de Ciléo, elle se sentit obligée de lui répondre avec courtoisie.

« Si, si bien sûr.

- Dans ce cas, la prochaine fois on ira jusqu’à l’île sept, il y a des ruines magnifiques au bout du canyon Sesor. Je n’y suis pas allé depuis l’école primaire, ça devrait te plaire, il y a énormément de pokémon là-bas. Et maintenant que ma machine est opérationnelle grâce à Léo, tu pourras sans peine transférer tes pokémon chez le professeur Chen.

- Arrête de dire que c’est grâce à moi… »

Léo posa une main fraternelle sur l’épaule de Ciléo. Il en fut tout retourné.

« C’est TON travail Ciléo, pas le mien. Aller Leaf, on embarque ! »

Ciléo salua les deux voyageurs qui montèrent à bord de la Flèche des Mers juste avant qu’elle lève l’encre.

« Pfiuu, quel voyage ! S’exclama Léo en s’appuyant sur le bastingage. On dirait que Ciléo apprécie beaucoup ta compagnie. Je suis sûr qu’il serait content de te revoir. Si tu veux retourner dans les îles Sevii, tu peux utiliser le Tri-Passe qu’il t’a donné et prendre le ferry depuis Carmin-sur-mer. »

Ciléo regarda le navire s’éloigner sur les flots, emportant son meilleur ami et sa nouvelle connaissance loin de lui. Il souffla avec mélancolie, ils lui manquaient déjà. Ses doigts le démangeaient, il avait envie de retourner bricoler sa machine au centre pokémon. Le bateau n’était plus qu’un point à l’horizon et Ciléo fila au travail.

Laisser un commentaire ?