Ciléo (ou ma vie de PNJ)

Chapitre 3 : Ciléo - 22 ans

2679 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/01/2022 21:43

Le mois de février venait de débuter, mais la température de la saison sèche restait élevée dans l’archipel des Sevii avec son climat tropical. Fidèle au poste, Ciléo travaillait au centre pokémon de l’île une. Quand il ne faisait pas du dépannage informatique dans le reste de l’archipel, il restait scotché à son fameux CRP ou Centre Réseau Pokémon, le nom officiel de sa machine. L’informaticien avait toujours eu envie de lui donner un nom plus intime, mais il ne savait pas quel surnom lui donner. Elle était terminée et parfaitement programmée. Grâce à l’aide de Léo, les sept îles Sevii étaient reliées entre elles par le Système de Stockage Pokémon, toutefois il n’arrivait toujours pas à connecter son invention au réseau national. Il manquait encore deux composants…

Ciléo y pensait jour et nuit. Il avait tenté de se procurer la première pièce manquante, sans succès. Puis il avait essayé de pallier la faille autrement, là encore ce fut un échec cuisant. Il restait la possibilité de la fabriquer lui-même, sauf qu’il devait se procurer les matériaux et là encore il se retrouvait bloqué.

« Salut ! » Lança une voix enjouée dans son dos.

Assis devant son ordinateur central, Ciléo avait la tête entre les mains, il réfléchissait. Cette jeune voix féminine l’avait extirpé de ses cogitations. Il devinait à qui elle appartenait, Léo lui avait envoyé un mail pour le prévenir, un long mail plein de détails, envoyé depuis Doublonville où Léo séjournait pour les réunions de famille. Granivol voltigea jusqu’à la nouvelle venue pour la saluer, lui aussi l’avait reconnue. Leaf avait pris quelques centimètres et son voyage initiatique avait musclé son corps d’adolescente.

« Salut ! On dirait que tu as plein de choses à faire aujourd'hui, dit gentiment Ciléo en pointant du doigt le pavé envoyé par Léo à l’écran.

- Comment tu vas Ciléo ? Ça faisait longtemps.

- Comment je vais ? Eh bien, j'effectue quelques mises à jour sur ma machine. Quand j'aurai terminé, j'espère que tu seras la première personne à l'utiliser. Et tout se passe bien pour toi Leaf ? »

Leaf gloussa, l’informaticien fou n’avait pas changé en un an.

« Justement, le professeur Chen m’a offert quelque chose qui pourrait te plaire. Tu veux y jeter un œil ? »

Elle tendit son pokédex flambant neuf à Ciléo qui le fixait avec un regard pétillant.

« Carrément ! »

C’était de la très haute technologie pour l’époque, la dernière édition de l’encyclopédie mythique du scientifique du Bourg Palette. Ciléo fouilla dans les fichiers déjà référencés, Leaf avait vu de très nombreuses espèces de pokémon différentes et en avait capturé un certain nombre également. Ciléo l’enviait presque, il avait renoncé depuis longtemps à entrainer granivol et évoli, il n’avait jamais tenté de lancer une pokéball sur un pokémon sauvage non plus. S’il l’avait fait, il aurait eu le plaisir immense de pouvoir compléter lui-même cette merveille de l’électronique, mais son rôle n’était pas celui de Leaf.

Une idée commençait à germer dans son esprit. Il leva les yeux vers Leaf, ils brûlaient d’une lueur ardente qu’elle eut du mal à interpréter au début. Ciléo ressemblait plus à un magicarpe qu’à un typhlosion d’habitude.

« Oh, je vois que tu as attrapé plein de Pokémon. Tu sais quoi ? Je crois que je pourrais t'être utile. »

Il se leva et fit le tour de son engin métallique en l’admirant.

« Je suis en train d'apporter des modifications à ma machine. Quand j'aurai terminé, tu pourras échanger des Pokémon avec des dresseurs qui se trouvent très loin d'ici. Il y a juste un problème. Pour que ça fonctionne, il me faut une pierre spéciale. Elle est censée se trouver près d’ici mais je ne l'ai pas encore trouvée… »

Leaf reconnaissait cette intonation, Léo avait la même quand il s’apprêtait à lui demander un service.

"Ces ingénieurs, tous les mêmes…" Geignit intérieurement la jeune fille.

« Tu veux que je trouve cette pierre c’est ça ? Demanda Leaf avec un sourire blasé.

- J’aimerais que tu m’aides à la chercher oui. Tu voyages plus que moi, dans des coins plus reculés, tu auras peut-être la chance de mettre la main dessus.

- Et où je dois chercher ?

- Pour être honnête, je n’en sais rien. »

Il sourit bêtement et se gratta la tête avant de se rasseoir, dépité. Il craignait de s’être fait de faux espoirs en parlant de ça à Leaf. Sentant son trouble, granivol vint se poser sur ses genoux pour le consoler et Ciléo le caressa doucement.

« Je cherchais déjà cette pierre pendant mes études. Résultat, je n’ai ni mon diplôme, ni la pierre… Je sais que je peux compter sur Léo pour faire avancer mes recherches. Mais cette fois, je voudrais réussir tout seul. »

Tout seul était un bien grand mot, il se rendit compte qu’il était en train de solliciter l’aide d’une jeune fille de treize ans pour son projet, ce n’était guère mieux que harceler Léo. Leaf quant à elle semblait perplexe.

« Ciléo, tu es très intelligent, alors pourquoi tu n’as pas eu ton diplôme ? »

Le jeune inventeur confus se frotta encore l’arrière du crâne.

« J’ai des petits problèmes de concentration, comme tu as dû t’en rendre compte. Quand je suis obnubilé par quelque chose, je n’arrive pas à m’en détacher. A l’université, j’oubliais parfois d’aller en cours ou de rendre mes devoirs parce que j’étais concentré sur un problème informatique. J’ai passé trois ans à Céladopole et finalement je suis rentré chez moi. »

Leaf lui sourit avec compassion. Il lui faisait de la peine, elle avait envie de l’aider.

« Qui sait où elle peut bien se trouver ? Se lamenta Ciléo en repensant encore et toujours à sa mystérieuse pierre.

- C’est bon, je vais te la trouver ta pierre. Il me faut juste un peu de temps.

- C’est… Vraiment chouette de ta part, merci, répondit Ciléo avec une immense reconnaissance qui lui chauffait les joues. Je vais te transférer par mail les informations dont tu auras besoin pour la reconnaître. »

Comme il semblait à nouveau absorbé par ses écrans, Leaf décida de reprendre sa route. La dresseuse se disait qu’il passait en effet facilement du galifeu au bourrinos. Pourtant, il l’interpella juste avant qu’elle ne sorte de la salle.

« Oh, attends Leaf ! J’ai encore un truc à te donner. »

Il courut maladroitement jusqu’à elle et lui donna un nouveau passe bateau, multicolore cette fois.

« C’est mon passe personnel pour le ferry. Avec ça, tu devrais pouvoir rejoindre les autres îles.

- Et toi tu n’en as pas besoin ?

- T’inquiète pas pour ça, tout le monde me connait ici. Je n’aurai pas de mal à en obtenir un nouveau. Et pour l’instant il te sera beaucoup plus utile qu’à moi. Merci encore pour ton aide, je ne sais pas ce que je ferais sans Léo et toi. »

Leaf sourit malgré elle en rangeant le passe-prisme dans son sac en bandoulière. Ciléo avait le mérite d’être plus sincère que Léo dans ses remerciements et plus humble dans son attitude que son confrère de Kanto.

 

Plusieurs jours s’écoulèrent avant que Ciléo ne voit à nouveau Leaf pointer le bout de son nez. Le mot "voir" n’était pas adapté, l’informaticien était focalisé sur son ordinateur et, comme souvent, il ne remarqua pas que quelqu’un s’approchait de lui.

Leaf se tenait à sa gauche, son ombre mordait la tôle scintillante de sa machine, Ciléo ne captait toujours rien. Epuisée, échevelée mais fière d’elle, Leaf passa son bras entre l’écran et la tête de Ciléo pour exhiber sa trouvaille. Le jeune homme se retrouva avec une gemme brute d’un beau rouge foncé luisant rappelant la peau d’un reptincel. Il cligna des paupières, puis il réajusta ses lunettes pour être certain qu’il ne rêvait pas.

« Oh mais c’est… »

Leaf ramena la pierre vers elle, Ciléo se leva d’un bond et renversa sa chaise. Il exaltait.

« Merci ! Leaf, je ne sais pas comment te remercier ! »

Ciléo arracha la pierre des mains de Leaf. Il semblait au nirvana, il mit un certain temps à remarquer la tenue débraillée de la dresseuse, ses genoux écorchés, ses cheveux ébouriffés et son chapeau noirci de suie.

« Euh… Tu as eu du mal à te le procurer ?

- Je ne vois pas ce qui te fait dire ça. » Ironisa la jeune fille.

Leaf avait dû escalader le Mont Braise, affronter la Team Rocket, combattre des limagmas sauvages, elle avait même été poursuivie par Sulfura le légendaire oiseau de feu et avait échappé de peu à la calcination… Elle était sur les rotules, elle n’avait absolument pas la foi de raconter son périple à Ciléo. Le technicien la regarda avec son air quinaud. Il culpabilisait.

« Je suis désolé… Je suis plus âgé que toi, c’est moi qui aurais dû aller récupérer cette pierre. Pardon de t’avoir demandé ça. »

Ciléo avait une autre grosse faveur à lui demander, mais vu l’état dans lequel se trouvait la jeune fille, il n’osait plus la solliciter pour l’instant. Il lui sourit avec une extrême reconnaissance.

« En tout cas, merci infiniment Leaf. Je vais enfin pouvoir améliorer ma machine grâce à toi. »

Avec un petit sourire au coin de la bouche, elle colla deux doigts sur sa tempe et lui fit un salut pseudo militaire, en mode "mission accomplie". Elle avait l’impression de sentir le souffre, elle voulait aller se laver au plus vite. Ciléo la regarda filer en direction des chambres et des salles de bains du centre pokémon en serrant le rubis contre sa poitrine. Il était heureux…

 

Ciléo passa la nuit à bidouiller sa machine, il y était presque…

Il n’avait que dix ans lorsqu’il avait commencé à l’imaginer. A quinze ans, il avait commencé à assembler les premières pièces qu’il avait glanées les années précédentes. Même pendant ses trois années passées à l’université à Kanto, entre dix-huit et vingt-et-un ans il n’avait pas cessé de travailler sur ce projet, la programmant à distance ou revenant précipitamment en bateau dans son archipel natal pour y apporter une modification en pleine semaine de cours.

Comblé, il s’avachit sur son siège. Granivol et Évoli dormaient dans un coin du hall, ses yeux à lui étaient explosés par la fatigue. Au moment de mettre de l’ordre dans ses outils, il ramassa les restes de la gemme qu’il avait dû cisailler. Elle était vraiment resplendissante, mais Ciléo voyait le monde à travers le filtre de la science. Il se demanda longuement comment il pourrait utiliser le reste de la pierre. L’envoyer à Léo ou à Annette peut-être ? Puis il repensa à Leaf, à son aide, précieuse comme cette pierre ou plutôt indispensable. Il voulait la remercier pour ça. Il se tapa le front, la solution était évidente, c’était un rubis après tout.

 

Le lendemain, Ciléo somnolait à moitié devant sa machine. Il attendait qu’un ou une dresseuse se ramène pour enfin l’essayer. Il espérait secrètement que ce soit Leaf. Pourtant, le centre pokémon était quasiment désert ce jour-là, Ciléo ne savait pas pourquoi, ce n’était pourtant pas dimanche. Même l’Infirmière Joëlle ne cessait de regarder par la fenêtre en soupirant avec un air morose, perdue dans ses pensées romanesques.

Comme il tanguait sur son siège, son évoli lui mordilla les mollets.

« Aïe.

- Evo vo ! » Grogna le pokémon.

Ciléo ne comprenait pas ce qu’il lui demandait. Évoli n’arrêtait pas de lui ordonner :

"Mais va te coucher crétin !"

Vers midi, Leaf débarqua dans le hall, en meilleure forme que la veille. Ciléo l’aperçut et agita la main pour lui faire signe. Elle paraissait étonnée, c’était rare que l’informaticien fasse attention à ce qui l’entourait quand il était sur sa machine. Intérieurement, elle redoutait qu’il lui donne une autre quête, elle n’avait pas envie de repartir à l’aventure si vite, surtout aujourd’hui, c’était trop déprimant. Elle se sentit obligée d’aller le voir malgré tout. Bien que partiellement cachés par l’armature de ses lunettes, elle remarqua tout de suite ses cernes énormes. Leaf était sidérée.

"Il n’a quand même pas fait une nuit blanche juste pour brancher son truc ?" Songeait la dresseuse.

« J’ai un cadeau pour toi. »

Ciléo tendit sa main vers Leaf, il tenait un pendentif métallique en forme de goutte d’eau orné d’un rubis. Leaf eut le souffle coupé. Jamais personne ne lui avait offert un bijou aussi beau.

« C’est… Pour moi ?

- Tu le reconnais ? Demanda Ciléo avec un grand sourire en faisant glisser le collier dans la paume de Leaf. C’est une partie de la pierre que tu m’as ramenée. Elle était plus grosse que nécessaire pour les besoins de ma machine. »

Il tapota avec affection le coffrage en métal de son CRP.

« Encore merci pour ton aide Leaf.

- Ciléo, c’est… »

Leaf gardait les yeux rivés sur le pendentif désormais au creux de sa main. Il était somptueux, elle était très émue. Elle releva lentement la tête pour regarder Ciléo. Elle l’avait toujours trouvé gentil et avenant, mais ce jour-là, elle se mit à penser que son sourire était délicat, que son regard était brillant d’intelligence derrière ses petites lunettes ovales, que sa frange de cheveux blonds et fins tombant sobrement sur son front lui donnait un air sage, que son visage mince le rajeunissait de dix ans, même sa chemise bleue à carreaux ringarde lui donnait un charme dingue.

Ciléo, l’informaticien fou de l’île une, était une belle personne, dans tous les sens du terme.

Leaf, le cœur tambourinant férocement, lui offrit le plus beau sourire qu’elle avait en réserve.

« Merci à toi. C’est magnifique.

- Alors ça te plait ? Super ! Je suis soulagé. »

Ciléo vivait un peu en dehors du temps. Il ne regardait jamais sa montre, voire il oubliait carrément de la prendre sur lui. Il ne regardait jamais le calendrier non plus, alors en lui offrant le pendentif il n’avait absolument pas percuté.

Leaf, au contraire, avait bien enregistré la date. Les jeunes filles dans la fleur de l’âge dans son genre n’oublient jamais le quatorze février…

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