Ranger à Alola

Chapitre 6 : Le Volcan, la Guide Muette.

2453 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/09/2022 16:54

Le Volcan, la Guide Muette.

 

« La flamme qui brûle dans son corps monte la température externe de Magmar à 1 200°C, ce qui rendrait les individus d’Alola plus robuste que ceux d’autres régions. »

Pokédex d’Alola.

 

— Tu sais à Hoenn les Rangers ont un rôle crucial dans l’aventure jusqu’à la ligue Pokémon : ce sont eux qui viennent porter secours aux dresseurs qui tombent à court de Pokémon et sans moyen de rentrer ou de se défendre. Il y a toujours des Rangers pour parcourir les routes ou bien d’autres fixes dans des refuges pour soutenir les dresseurs. Certains Rangers proposent même de vendre du matériel de soutien au cas où les divers aventuriers viendraient à en manquer.

J’essayais désespérément d’établir une conversation avec Moon à mesure que l’on progressait dans le Parc Volcanique. Nous étions encore loin du sommet en activité et il semblait simplement que l’on marchait dans une montagne aride avec très peu de hautes herbes où les Pokémon sauvages pourraient se cacher. Par ailleurs, les paroles de ma guide à mon égard étaient jusqu’ici plus rares encore que ces herbes : totalement inexistantes. À la place c’était plutôt le Motisma-dex, ce drôle de Pokémon fusionné avec le circuit électronique du Pokédex, qui me parlait. Je n’avais donc toujours pas entendu le son de la voix de ma guide et je commençais doucement à la trouver assez antipathique.

 

Alors que le Magmar-à-tout-faire de la maître écrasait à nouveau une horde de Rattata d’Alola venue nous agresser, je pris Candine aux bras pour l’envelopper dans une couverture anti-feu doublée de feuilles de métal que j’avais empruntée à Alyxia. Je n’avais pas vraiment le choix, alors même qu’elle était un Pokémon Plante, non-entraînée et non-évoluée, Candine avait tenu à m’accompagner et ne me lâchait plus, depuis le Village de Lili’i où elle avait quitté Tili et Pectorius, jusque sur ce volcan. Comme si ce n’était pas encore assez compliqué, cette espèce de Chamalot têtue refusait de rentrer dans une Poké Ball et de se laisser capturer, même au milieu d’une zone pouvant dépasser au sol 50°C par endroits ! Je n’avais pas d’autres choix que de la garder avec moi donc. Je savais quand même que s’il faisait soudain trop chaud pour continuer à la porter aux bras, même avec la couverture, je pourrais la confier à Libegon pour qu’elles aillent se mettre à l’abri plus en altitude et loin du sol brûlant du volcan. J’aurais voulu prendre

« Ça grouille vraiment de Rattata partout ici ! Ces rongeurs sont absolument par-tout ! On est envahi ! En-va-hi ! Pas vrai Catherine ?! »

Encore ce fichu Motis-chose qui me cassait les oreilles avec ses interventions inutiles et sa voix ferrailleuse. Je répondis quand-même, mais à l’intention de Moon pour essayer d’établir un contact.

— Les Rattata sont des rongeurs et ce sont les champions de l’adaptation. Je ne dis pas ça uniquement à cause de leur forme insulaire endémique, mais surtout car ils mangent absolument tout ce qu’ils trouvent de comestible en plus d’être sacrément résilients. Ils sont donc capables de coloniser de très nombreux milieux grâce leur grande vitesse de reproduction. S’ils sont là c’est qu’ils occupent une niche écologique vacante, et ça, ce n’est pas bon signe pour les autres espèces naturellement présentes. Ce qui me perturbe vraiment en revanche c’est que les Rattata et Rattatac sont plutôt des Pokémon nocturnes, et non diurnes ! Or, je ne cesse d’en croiser de jour, quelle peut être l’origine de ce changement de comportement ?

« Je n’en sais rien ! Mais je confirme tes dires grâce à ma super base de données ! »

— Merci pour ton aide formidable, dis-je en retenant au plus possible l’ironie dans ma voix.

 

L’étroit sentier mal tracé et rocailleux sur lequel nous progressions était à présent coincé entre le ravin d’un côté et la paroi rocheuse de l’autre : il n’y avait pas de place pour un pas de travers. Je suivais Moon vers les hauteurs plus actives, tâchant d’accorder au mieux ma confiance à une personne avec qui je n’avais pas échangé un mot, mais je redoutais à chaque pas un effondrement du sol ou un éboulement venu d’en haut. Sur un tel chemin, nous aurions au mieux la route coupée et devrions faire demi-tour, au pire nous serions emportés avec les rochers vers le fond. Je commençais à avancer difficilement avec Candine aux bras, aussi fis-je sortir Libegon pour qu’elle l’emmène au bout du sentier à quelques centaines de mètres. C’est sûrement ce qui me sauva la vie car j’aperçus alors ma crainte se réaliser : une chute d’un rocher qui entraîna un glissement de terrain.

— Moon ! Plaque-toi contre la falaise ! Maintenant !

Sur ce, je lui attrapai brusquement le bras pour la coller à la paroi et je fis de même.

Les pierres tombèrent à quelques mètres de nous mais la terre nous recouvrit en partie, s’insinuant jusque sous les vêtements, le tout heureusement sans mal. J’espérais sincèrement que personne n’avait été blessé en contre-bas, humains ou Pokémon, car ils auraient eu bien peu de chances de s’en sortir.

Quand je repris mes esprits, je vis que quelques blocs de roche nous bloquaient le passage vers une route plus accessible et dégagée dans la montagne. Arrivés devant les rochers, je constatais qu’on ne pouvait effectivement pas espérer passer sur les bords.

— Bien, allons-y pour l’escalade. Attention à ne pas tomber, fis-je en entreprenant de passer par-dessus les blocs étonnement solides.

J’avais bien besoin de me dégourdir les bras après deux heures passées à porter Candine. Attentif à ne pas déclencher un autre éboulement, je tendis la main à ma collègue pour l’aider à monter. Elle l’ignora et recula d’un pas en mettant nos sacs à l’abri derrière elle.

« Avance ! Il vaut mieux que tu ne sois pas à proximité quand elle fait ça ! »

Le Magmar sortit de sa Poké Ball et sur les indications de sa dresseuse, il commença à utiliser Force pour pousser les rocs dans le précipice.

Je cru rêver ! Je n’en croyais tellement pas mes yeux que je restais hébété devant autant de stupidité. Le fracas de la pierre heurtant les flancs de la montagne et s’éclatant au sol me ramena à la réalité.

— Dites-moi que je rêve ! beuglai-je, explosant de colère. Elle n’est quand même pas aussi bête ? Je ne sais pas ce qu’il t’est passé par la tête mais je te signale qu’on est dans un habitat naturel protégé pour Pokémon ici, et sur un volcan actif qui plus est ! Et toi, tu balances des rochers de 900 kg dans le ravin, tu veux tuer quelqu’un, un Pokémon ? Ou alors déclencher une éruption peut-être ? Sérieusement, les espèces qu’on cherche sont déjà rares et craintives, tu penses qu’on aura encore une chance d’apercevoir ne serait-ce qu’un Racaillou avec le chaos que tu as causé ?

Moon était toujours impassible, comme à son habitude. Non pas vides d’émotions, simplement vêtue d’un masque qui empêchait de lire quoi que ce fût.

— Mais dis quelque chose pour une fois ! Ça va faire près de huit heures qu’on marche ensemble et il va bientôt faire nuit.

« Désolé, elle n’y avait pas pensé ! Elle ne le fera plus, promis ! »

— Et c’est cette boîte de conserve idiote qui répond à ta place ? Mais pour l’amour d’Arceus réagis, parle !

« Je ne suis pas une boîte de conserve ! Je suis un Motisma-dex ! »

Je m’éloignai de quelques mètres pour rejoindre le chemin plus large aperçu juste avant. Sortir de cette corniche me soulagea, au moins je ne craignais plus autant les éboulements. La gorge me brûlait. Je réalisai alors que j’avais moi-même hurlé en montagne au milieu d’un site au sol instable, quel abruti je faisais ! Comment donner des leçons aux autres après ça ? Je m’emportai toujours trop dès qu’il s’agissait de préserver l’environnement.

Je pris le temps de respirer le temps que Moon me rejoigne, nos lourds sacs à dos sur ses maigres épaules.

— Pardon de t’avoir crié dessus, c’était dangereux et stupide de ma part. Cette chaleur me fait agir dangereusement, arrêtons-nous là pour la nuit, ça vaut mieux.

Libegon et Candine aussi arrivèrent à ce moment. Je pris la petite plante dans les bras et remerciai ma dragonne de l’avoir portée et protégée avant de la rappeler dans sa Super Ball. Moon, elle, avait déjà ôté son chapeau et s’était assise au sol pour se nettoyer de la terre qui la recouvrait.

— Relève-toi, on ne s’arrête pas sur place, je sens de l’humidité dans l’air, il doit y avoir des sources d’eau non-loin. On y sera plus en sécurité question température mais aussi pour les glissements de terrain, on est encore trop exposé ici. En revanche on risque d’être harcelés par des Rattata donc la tente est obligatoire : pas de nuit à la belle étoile !

Ma tente n’était pas prévue pour deux personnes. Évidemment, si on m’avait expliqué l’organisation prévue dès le départ, j’aurais pu prévoir, mais bon visiblement tout le monde ici semblait toujours plus préoccupé par les évènements d’il y a sept ans que par le présent !

Ça n’avait pas l’air de déranger Moon qui dormait, impassible, allongée toute en longueur, toujours son Motis-machin posé non-loin contre la paroi de la tente. Coincé tout à sa droite pour lui laisser de la place, moi en revanche je n’arrivais pas à fermer l’œil. Je n‘avais pas l’habitude de dormir accompagné et le simple fait de savoir cette fille-là dans cette expédition avec moi m’exaspérait.

Alors, plutôt que d’essayer en vain de gagner un peu de repos, j’essayais d’être attentif à l’environnement extérieur. Il y avait un côté rassurant et agréable pour moi à me reconnecter avec un espace naturel sauvage et ses Pokémon quand j’étais un peu stressé, inquiet ou simplement mal à l’aise dans une situation comme maintenant. C’est ce qui m’avait poussé à vouloir protéger les milieux inapprivoisés et encore bruts voire dangereux comme celui-ci. La nature est impitoyable mais vraie, elle ne s’embarrasse pas de masque et se montre telle qu’elle est réellement, implacable. Quand on s’y aventure on sait à quoi s’attendre : personne ne peut se plaindre d’avoir été blessé et de ne pas avoir été prévenu des risques. C’est là toute la différence avec les humains qui jouent toujours un rôle, cachent leurs véritables sentiments et ne révèlent pas les informations essentielles. Je crois que c’est la raison qui pousse les Rangers à s’engager auprès des Pokémon en premier lieu, pour côtoyer des êtres francs et qui ne sont jamais mal intentionnés par nature.

Des bruissements et des couinements près de la tente me tirèrent de ma rêverie.

Je jetais un œil à la dormeuse, imperturbable.

Les grognements et les grattements étaient tout contre la toile extérieure et j’espérais que les dents aiguisées des petits prédateurs ne parviendraient pas à la déchirer. Depuis mon arrivée sur l’archipel je n’avais eu de cesse d’être confronté à des Rattata, ces invasions étaient très inquiétantes, où étaient donc passées toutes les autres espèces, pourquoi avaient-elles fui leur habitat ?

La présence de ces rongeurs dehors m’inquiétait quelque peu, il faudrait peut-être sortir nos Pokémon de leur ball en pleine nuit et combattre en petite tenue… à condition que la Belle au Bois Dormant daigne se réveiller !

Je frappai brusquement la toile de la tente espérant effrayer nos voisins indésirables. Surpris, ils s’éloignèrent un instant. Je sortis alors une bombe de Repousse et allai en disperser tout autour de notre abri. Je détestais profondément cette invention anti-nature qui polluait et infestait tout autour à chaque utilisation et polluait encore une fois au moment de s’en débarrasser quand la plupart des dresseurs feignants les jetant sur place pour ne pas s’encombrer d’un objet devenu inutile. Et j’avais déjà vu jusqu’où ça pouvait aller, il y a à peine quelques jours dans la Grotte Verdoyante. Cette fois-ci en revanche, j’étais contraint de me servir de ce vieux Repousse que m’avait offert la Sylphe SARL et que je gardais depuis des années en espérant ne jamais avoir à m’en servir. Je croisais les doigts pour que ce soit suffisant pour assurer notre sécurité durant les quelques heures de nuit restantes.

À mon grand étonnement ce fut le cas, après avoir pulvérisé ce poison, on ne fut plus ennuyé. Cela dit, étant donné notre proximité aux petites marres crées par les sources chaudes, je craignais qu’elles ne soient contaminées même si la température et les gaz dissous de l’eau élimineraient certainement la majorité du produit.

Je rentrai à nouveau, abattu, pour trouver cette fille toujours aussi immobile, son Pokédex naturellement placé dans sa main droite. N’avait-elle donc rien remarqué de tout ça ? Comment pouvait-elle avoir le sommeil si lourd ? Agacé et épuisé, je retournai m’allonger sur mon matelas en réfléchissant à comment améliorer la situation du volcan et la mienne par la même occasion.


 

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