Ranger à Alola

Le Volcan, la Protectrice, et la Lune Furieuse.

« De très anciens documents y réfèrent en tant que « celui qui invite la Lune », transformant le jour en nuit. »

Pokédex d’Alola

Les deux jours suivants passèrent et se ressemblèrent. Nous avancions et explorions les divers cratères et cheminées, passant d’un sommet à l’autre. Je n’avais rien mentionné de ma mésaventure après ma première nuit et la jeune maître ne m’avait, bien sûr, rien demandé. En réalité, de toute la journée elle n’avait pas dit un mot de plus que depuis notre départ, et idem le jour suivant. Lilie m’avait prévenu de sa timidité mais le comportement dont faisait preuve cette fille-là ressemblait fort à de l’indifférence voire à du mépris à en juger par sa façon d’être si froide. Je ne faisais donc plus vraiment attention à elle et si son Motis-machine avait toujours la parlote, pour l’oublier et ne pas m’agacer je me concentrais sur mon objectif : trouver les Pokémon sauvages qui avaient désertés ce biome !

À l’aube du troisième jour, je regardais à l’ouest pour admirer les dernières étoiles et me fit une réflexion simple. Si le fait d’arpenter la zone en espérant des rencontres avec des Pokémon sauvages ne fonctionnait pas, peut-être que pourrais-je recourir aux talents de l’adorable plante qui me suivait partout depuis mon arrivée. Je mis donc à contribution Candine et son Aromathérapie.

Cette capacité lorsqu’elle était utilisée à grande échelle en pleine nature, en dehors d’un combat et sans but curatif, avait ainsi pour effet d’attirer tous les Pokémon sauvages à proximité.

Hélas, ce ne fut pas une grande réussite sur le moment. Je décidais alors de combiner cette aide avec une autre approche, plutôt archaïque.

Je me concentrai, prenais une profonde respiration et j’ouvris grand mes sens.

Un vieux Ruinemaniac du nom d’Armand, véritable hermite, m’avait expliqué un jour que chaque type, chaque famille d’évolution, chaque espèce et même chaque Pokémon et individu peut être reconnu sans avoir besoin de le voir, fût-ce par son cri, bien sûr, par ses Capacités et Talents mais aussi bien pour son odeur ou sa démarche et bien d’autres caractéristiques propres à chaque créature. Cela dit, je n’étais déjà sûrement pas en mesure de les discerner pour les Pokémon de Hoenn, alors encore moins pour ceux d’Alola. Quoi qu’il en soit, je fis de mon mieux.

Les vibrations du sol étaient couvertes par les grondements du volcan et même avec les mains au sol, je n’aurais pu ressentir l’arrivée que de très gros Pokémon, aucune chance d’en repérer de taille plus modeste. Les odeurs de roches, et de lointaines plantes brûlées, mais surtout celles de souffre aux relents d’œufs pourris, empêchaient de reconnaitre si un Pokémon d’un type particulier était dans les parages. Les types Feu, Roche et Sol typique des habitats volcaniques auraient été facilement identifiables par leur senteur, même des types Poisons auraient pu être présents, malheureusement la puanteur ici était trop forte. Alors, je tendis l’oreille, tentant de faire abstraction des sons du volcan auxquels je commençais à m’habituer, je voulais identifier des cris, des appels, des rugissements… N’importe quoi m’indiquant la présence de vie ici. En tout cas quelque chose de différent de ces micro-organismes et de cette microfaune qui tapissait les rares surfaces humides çà et là, mais en vain, hélas.

Cependant, à force de persévérance, je me mis à distinguer autre chose que les grognements du cracheur de lave, un son fluide, qui courait…

Je me relevai instantanément pour partir plus vite encore vers ce son que j’avais deviné. Ah ! si seulement j’avais eu un Brouhabam avec moi, au moins un Ramboum, leur Talent Anti-Bruit m’aurait été d’une grande aide.

Et c’est ainsi, que je découvris avec une surprise inouïe un Barloche dans un ruisseau d’eau thermale. Etonnant de trouver cette espèce ici mais au moins je trouvais enfin autre chose que ces fichus Rattata.

Je voulais remplir mon propre Pokédex, même si Barloche y avait déjà une entrée créée à Hoenn, mais bien sûr il s’échappa avant que j’eu le temps de m’approcher. J’avais été imprudent et flagrant, trop excité par ma trouvaille. Au moins j’allais retenir la leçon.

Le lendemain, tard dans la journée j’aperçus aux jumelles un Gruikui accompagné d’un Grotichon déambuler sur les flancs du volcan. Là ce fut un choc, et même le Motisma-dex confirma, étonné, que cette famille de Pokémon originaire de la région d’Unys n’avait rien à faire ici. Pourtant ils semblaient s’y plaire à aménager leur territoire comme ils le voulaient. Le Barloche était surprenant mais il restait un Pokémon de type Eau de montagne, ce parc volcanique restait proche de son habitat naturel. Mais ces Cochons Feu… C’était étrange.

Je les observais des heures durant pour comprendre leur mode de vie et apercevoir d’éventuels voisins. Pendant ce temps l’autre mangeait dans son coin tout en s’occupant de la petite Candine toujours enveloppée dans sa couverture anti-feu et à l’abri au fond de mon sac à dos. Il faudrait sûrement commencer à redescendre demain le plus tôt possible car en voyant ma soi-disant guide et garde du corps incapable de se rationner, je compris qu’on allait vite manquer d’eau et de nourriture.

Tout absorbé par mes observations et mes réflexions, je ne vis pas le Smogogo derrière moi me foncer dessus.

Je fus balancé à cinq mètres de mon poste d’observation par son attaque Damoclès qui me rata de peu. Après quelques roulés-boulés dans le pierrier, je heurtai un rocher qui arrêta enfin ma course mais me valut une fulgurante douleur dans les côtes gauches. Face contre terre, je mis plusieurs longues secondes à reprendre mes esprits. Quand enfin je pus remonter tant bien que mal, je trouvai Moon aux prises avec un étrange Démolosse géant, bardés de cornes et d’excroissances osseuses terrifiantes.

— Moon ! Derrière toi ! criai-je à son attention en voyant le Smogogo l’attaquer par derrière.

Vive et réactive Moon lança une Filet Ball d’où sortit un Tritosor qui encaissa sans broncher le Bomb-Beurk du Pokémon à trois têtes. J’avais confiance, tout le monde m’avait vanté ses talents d’excellente dresseuse, expérimentée en combats et maître d’une Ligue Pokémon, je n’avais rien à craindre à ses côtés. Avoir une défenseuse juste pour soi était rassurant, mais d’un autre côté, moi, j’étais totalement inutile. Tandis qu’elle se battait, moi, j’étais là, à la regarder sans rien pouvoir faire. De toutes façons j’aurais été une gêne si j’avais essayé de l’aider. Après tout à priori la limace de mer ne risquait rien face aux attaques Poison du Smogogo. Magmar, lui, que Moon avait envoyé contre le Démolosse enragé, semblait plus en difficulté. Les attaques des deux adversaires étaient bien coordonnées et ne laissaient aucune chance au Tritosor forcé de se soigner avant d’aider son ami.

Tout de même, se faire attaquer par deux Pokémon évolués et de haut niveau, c’était surprenant, surtout en les voyant coopérer. Mais en premier lieu, que faisaient-ils ensemble ces Pokémon ?

Un Smogogo dans un parc Volcanique pouvait encore se comprendre du fait des gaz toxiques environnants, mais un Démolosse ? Il n’avait d’une part rien à faire dans la région, et il avait beau être de type feu, ce n’était pas du tout son habitat. Pas plus que les Gruikui et Grotichon que j’avais aperçu. Ces Pokémon étaient clairement entrainés au combat, même moi je le voyais, ils agissaient ensemble et semblaient attendre patiemment des ordres pour réagir aux indications de Moon à ses propres Pokémon.

Ils étaient donc dirigés, mais par qui ? et comment ? et si…

Je détaillai le chien des ténèbres et je crus apercevoir un appareil derrière sa plaque osseuse, mais je ne pouvais rien distinguer de plus. Le combat faisait rage et Magmar continuait de répliquer de ses poings malgré son désavantage. Soudain le Démolosse l’attrapa à la gorge pour le jeter deux mètres plus loin, K.O. Dédaignant sa proie, il alla rejoindre son partenaire pour faire face à Tritosor.

Mince ! Que faire ?

Je n’eus pas le temps de réfléchir, et Moon non plus, que Candine sortit du sac où elle était bien à l’abri pour venir telle une furie se placer devant l’ennemi, visiblement décidée à venger son camarade !

Elle se jeta sur le chien infernal en préparant un Pied Sauté, ses puissantes jambes pointées en avant, le cerbère lui, confiant, ne bougeait pas et préparait ses flammes pour la contrer.

Elle fut mise à terre d’une Flammèche.

Elle n’avait pas touché son adversaire.

— NON ! CANDINE !

Je me précipitai vers ma petite quand Moon me fit signe de rester sur place. Le regard au sol, elle baissa lentement le bord de son chapeau de paille sur son visage, et passa la main derrière son dos pour venir saisir à sa ceinture une ball comme je n’en avais alors jamais vue. Bleue et sombre, elle semblait enveloppée d’une toile claire dessinée à sa surface et était ceinte de quatre excroissances dorées évoquant des griffes emprisonnant la sphère. Cette ball, Moon la tint haute devant elle, le bras tendu, et sortit alors un gigantesque Pokémon à l’allure de chiroptère, au corps et aux ailes immenses, fantomatiques.

Le rugissement de la créature, aussi profond que la nuit et finissant en résonnant d’un son métallique, confirma mes craintes. Je savais peu de choses sur Alola mais je m’étais tout de même renseigné sur sa mythologie et ses Pokémon légendaires associés durant le voyage comme je le faisais pour chaque nouvelle région que je visitais, et c’est alors que les paroles de la jeune Lilie au marché d’Akala me revinrent en tête : « Heureusement avec l’alliance de nos Pokémon légendaires et de notre exceptionnelle Moon, la créature avait été arrêtée. »

Et justement, la créature devant moi n’était nulle autre que Lunala, un des Pokémon légendaire d’Alola, et sans aucun doute possible, un des plus puissants.

— Non ! Moon ! Ne fais pas ça !

— Vous allez payer.

Lunala déploya ses immenses ailes membraneuses reflétant les profondeurs sombres et insondables du cosmos, se mit à briller tel un disque de pleine lune dans la nuit noire et alors que toute lumière s’éteignait autour de nous, lança un rayon surpuissant sur les deux Pokémon ennemis tétanisés.