La Menace de Chronos -- Scènes bonus

Chapitre 5 : Scène bonus 5 : Partie I – Chapitre XV ~ Gwen et Clémence

2378 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/08/2023 00:02

Scène bonus 5 : Partie I – Chapitre XV ~ Gwen et Clémence




Les ténèbres m’entouraient.

Lorsque j’ouvris les yeux, je distinguai avec difficulté mon environnement.

Il ne s’agissait pas d’un noir complet, mais plutôt d’un bleu foncé très doux. Aucun meuble autour de moi, ni aucun bâtiment, rien du tout. Aucun élément ne me permettait de déterminer l’endroit exact où je me situais.

Un mal de crâne fulgurant s’empara de moi, et tous mes souvenirs remontèrent à la surface.

Je… J’étais… morte ?

Tout avait commencé lorsque j’avais voulu sauver une personne plus précieuse que ma vie et que j’avais remonté le temps en espérant de tout mon cœur la sauver de la situation dramatique dans laquelle elle se trouvait par ma faute. Mais les choses avaient évolué, et je m’étais attachée à ceux dont je devais détruire la vie, jusqu’à trahir mon chef et me sacrifier pour une merveilleuse amie – Marie ? – en recevant une balle pour elle.

Je retins un cri.

Oh. Alors… j’étais bel et bien morte.

Je déglutis, effrayée. Je me retrouvais donc… où ça ? Au Paradis ? En Enfer ? Je ne parvenais pas à le déterminer. Mais en tout cas… il ne s’agissait plus de la Terre. Peut-être même plus de la galaxie.

J’avançais de quelques pas, timide et curieuse. Je ne distinguais aucun être humain, et je me sentais perdue. Pas du tout croyante, je n’avais jamais supposé l’existence d’une vie après la mort. Je me demandais ce qu’il adviendrait de moi. Je me retrouvais coincée dans cet… entre-deux. Existait-il un dieu auquel je devais me confesser et avouer mes erreurs ? Il tardait à se manifester, et je ne voyais personne à qui parler, autour de moi.

Je levai les yeux, inquiète et perdue. Et maintenant ?

–       Gwen, tu es là ! Je suis tellement heureuse de te revoir !

Mes yeux azur s’écarquillèrent en entendant ces mots prononcés par une voix si agréable et familière, et je baissai la tête.

Elle était là.

Fidèles à mes souvenirs, ses longs et soyeux cheveux blond vénitien de la couleur du miel lui descendaient jusqu’en bas du dos, et ses yeux d’un superbe ambre roux de toute pureté teinté de notes de caramel, de pain d’épice, de cannelle et de chocolat mêlées en une parfaite harmonie pétillaient de bonheur et de malice ; elle respirait la joie de vivre. Un doux halo de lumière l’entourait tandis qu’elle se tenait là, à une dizaine de mètres de moi, radieuse comme toujours depuis que je la connaissais. Les vêtements amples et colorés qu’elle portait épousaient à la perfection ses formes encore juvéniles.

Ma main droite se posa sur mon pendentif argenté accroché autour de mon cou, tandis que l’autre couvrait mes lèvres, et que j’essayais tant bien que mal d’empêcher les larmes d’affluer.

La voir ainsi devant moi… c’était un spectacle à la fois irréel et merveilleux.

–       Clémence…

Elle se précipita avec une démarche gaie et aérienne vers moi, et ses délicates mains attrapèrent avec élégance mes fins poignets lorsqu’elle arriva à ma hauteur, tandis que son rire mélodieux résonnait telle une symphonie à mes oreilles.

–       Comment vas-tu ? On ne s’est pas vues depuis si longtemps, je m’inquiétais beaucoup pour toi.

Comme je ne répondis pas aussitôt, elle angoissa, appelant encore et encore mon prénom, et ne s’interrompit que parce que je la surpris en l’enlaçant.

–       Tu m’as tellement manqué, si tu savais… !

Rien que prononcer cette phrase me demanda un effort surhumain, tant les sanglots brisaient ma voix.

–       Je suis si désolée, je n’ai même pas pu te sauver, pardonne-moi…

Bonar m’avait garanti que je la reverrais si j’accomplissais ma mission, à savoir me débarrasser du fils d’Isaac et lui amener la blonde. Mais j’avais balayé ce pacte d’un revers de main à cause de sentiments incontrôlables, et par conséquent condamné Clémence, en pleine connaissance de cause. Je me sentais coupable vis-à-vis d’elle : j’avais le sentiment d’avoir préféré sauver Marie et Raphaël plutôt qu’elle, alors qu’elle occupait pourtant la place la plus importante dans mon cœur. Elle avait tous les droits de croire que je l’avais abandonnée et de m’en vouloir.

–       Tu m’as manqué aussi, répondit-elle avec douceur, en répondant à mon étreinte. Et tu n’as rien à te reprocher ; je suis toujours aussi fière et admirative de toi, et ça ne changera jamais, conclut-elle en se détachant avec douceur de moi.

Ses yeux plongèrent dans les miens et elle m’adressa un sourire lumineux qui réchauffa mon cœur entier – quel bonheur de l’avoir à mes côtés, et de partager ces précieux instants avec elle ! Je parvenais à grand-peine  à me retenir de fondre en larmes.

Néanmoins, je ne pus m’empêcher de baisser la tête en soupirant, l’air triste. Je ne méritais pas cette gentillesse.

–       Peut-être, mais à cause de moi, Bonar a gagné sur tous les tableaux. Avec son arme, il pourra mener ses projets à bien en supprimant n’importe quelle résistance qui s’opposerait à lui.

–       Dans ce cas, tu dois le stopper, avant qu’il ne plonge la ville et le monde dans le chaos ! affirma-t-elle en glissant mes mains dans les siennes.

–       Comment ? Maintenant que je suis morte, je ne peux plus rien faire…

Elle secoua la tête, et ses longs cheveux suivirent le mouvement, ondulant avec légèreté dans son dos.

–       C’est ce que tu penses ?

J’ouvrai la bouche, mais la fermai presque aussitôt après sans produire le moindre son, ce qui me frustra un peu. Je me souvenais très bien du bruit, de ce projectile sombre me fonçant dessus, de Marie désespérée penchée au-dessus de moi, de mon évanouissement… Je ne pouvais pas avoir réchappé d’une telle agression, n’est-ce pas ? Sinon, pourquoi me trouvais-je là ? Avec Clémence, dont le sang sur son bijou ne laissait aucun doute quant à son décès ?

En quête de réponse, je questionnai cette dernière du regard ; elle m’adressa un sourire complice.

–       Regarde ton collier, Gwen.

Mes yeux se baissèrent à ces mots sur ma poitrine.

Où reposaient mon pendentif, ainsi que celui de Clémence.

Tous les deux marqués par un impact de balle.

Un cri de surprise franchit mes lèvres. J’avais oublié que l’empereur m’avait restitué son bijou. Dans les faits, je possédais donc les deux avec moi, maintenant, ce qui me procura un sentiment de joie et de satisfaction – au moins, Bonar ne tenait plus entre ses sales pattes ce médaillon qui ne lui appartenait pas. Et en ce moment, tout réconfort, même le plus maigre s’avérait bon à prendre.

–       Je ne pouvais pas accepter que tu meures sans rien tenter pour te protéger.

–       Clémence…

Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Je ne comprenais plus rien. Qu’entendait-elle par « protéger » … ? Ce sang, je ne l’avais pas inventé, tout de même ! Et à présent, le mien coulait sûrement en abondance, lui aussi, où que mon corps se trouvât.

–       Tu as toujours fait les choses pour moi. Mais toi, qu’est-ce que tu souhaites ?

–       Te sauver, bien sûr, répondis-je d’emblée.

Rien d’autre n’importe plus que toi, pour moi.

Elle pencha la tête, amusée ; son rire, le plus cristallin et mélodieux parmi tous les sons que j’avais pu écouter dans mon existence, résonna à mes oreilles. Il y a si longtemps que je ne l’avais pas entendu… C’est merveilleux…

–       Non, je veux dire, qu’est-ce que tu souhaites vraiment, là, tout de suite ? Si tu laisses ton cœur exprimer tes émotions ?

Mon cœur qui exprime mes émotions, hein… ?

Ces propos me laissèrent songeuse. Jusqu’à présent, je n’avais jamais vraiment pensé à moi, ni à mes désirs et mes envies, mais toujours agi en fonction des autres, qu’il s’agît de Clémence, ou bien de l’organisation, en particulier Jean-François et Bonar. Je ne vivais que pour satisfaire leurs ambitions démesurées et leurs exigences. Mais, en retour, eux se préoccupaient bien peu voire pas du tout de moi.

–       Je veux sauver Marie, Raphaël, et tous les autres.

Je veux réparer toutes les erreurs que j’ai commises envers eux. Voilà mon désir le plus profond. Par ma faute, leurs vies étaient ne tenaient plus qu’à un fil, et je me retrouvais coincée, incapable de les aider comme je le devais.

En face de moi, Clémence sourit, plus que jamais solaire.

–       Dans ce cas, laisse-moi t’ouvrir le chemin.

Quelques pas lui suffirent à couvrir la maigre distance qui nous séparait, tandis que je l’observais sans comprendre. Avec assurance, elle posa sa paume sur ma poitrine, où reposaient nos médaillons ; son geste généra une agréable chaleur qui se diffusa dans mon corps.

Lorsqu’elle retira sa main et se décala, mon collier ainsi que celui de ma sœur, tous deux attachés autour de mon cou, scintillèrent et flottèrent dans les airs, à ma grande surprise. Les deux morceaux de cœur se réunirent dans un même mouvement et fusionnèrent dans un léger tintement aigu et un flash, de sorte que la fissure entre les deux éléments disparut.

Un puissant rayon lumineux, d’un blanc pur et immaculé, émana soudain du médaillon, avant de percer l’obscurité environnante et de se diriger loin devant moi, engendrant l’apparition d’une forme floue et informe mais qui ressemblait à une porte, ou un passage.

Mes yeux s’écarquillèrent. Je n’arrivais pas à croire qu’elle eût créé un passage entre cet espace-ci et le monde réel.

–       Le pendentif… Il montre la voie… ?! soufflai-je, incrédule.

Mon interlocutrice regarda la lumière d’un air satisfait et guère surpris, avant de se retourner vers moi, resplendissante comme toujours.

–       On dirait bien que c’est le moment pour toi d’y aller.

Stupéfaite et très inquiète, je posai mon regard sur elle. Est-ce que ça signifie que si je suis ce halo je reviendrai à la vie ? Je ne comptais pas partir sans ma petite sœur de toute façon !

–       Mais, Clémence, je ne peux pas te laisser toute seule ici, sans défense...

Dans un sourire, elle ferma les yeux, les mains serrées contre sa poitrine.

–       Ne t’inquiète pas, je n’ai pas peur. Je crois en vous tous, toi, Marie, Raphaël, la duchesse Élisabeth et les Vergier, je sais que je peux compter sur vous quoi qu’il arrive.

–       Clémence…

Un nœud se forma dans ma gorge, et je retins avec difficultés les sanglots naissants.

Avec légèreté, Clémence effectua quelques pas et se retrouva juste derrière moi. En un éclair, ses mains me poussèrent avec gentillesse dans le dos, pour m’inciter à avancer, tandis qu’elle laissait échapper quelques doux éclats de rire.

–       Allez, Gwen. Tu dois secourir la ville et stopper cette folie. Je compte sur toi.

« Je compte sur toi ». Quelle ironie, alors que j’aurais dû tout faire pour l’empêcher de… de se retrouver dans cette situation, quoi que l’on pût comprendre par le terme « situation ». Résignée, j’esquissai quelques pas, avant de me retourner une dernière fois vers elle, le cœur lourd pour échanger quelques paroles avant notre séparation. Il ne s’agissait pas d’un adieu, juste d’un au revoir. D’une manière ou d’une autre, nous nous retrouverions.

–       Je te sauverai, Clémence. Je te promets que je te sauverai.

Son visage adopta alors l’expression la plus douce que j’eusse connue jusqu’ici.

–       Je n’en ai jamais douté.

Lorsque les larmes brouillèrent à ce point ma vue que je ne la distinguai plus, je détournai la tête, en essuyant d’un revers de manches mes pleurs et m’accordai quelques instants pour inspirer et reprendre mes esprits. Incapable de rester ici une seule seconde de plus, j’avançai en direction de la lumière, en ne cessant de regarder devant moi.

La lumière se rapprocha de plus en plus, puis, tout devint d’un blanc intense.

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