The Genesis of the Libra
Chapitre 0 : PRELUDE : Que la lumière… soit !
4044 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 22/10/2025 18:33
PRELUDE
Que la lumière… soit !
Le silence du palais d’Hadès pesait comme un linceul. Chaque pas que je faisais résonnait contre les dalles froides, et le son produit, isolé, semblait appartenir à un autre monde. L’air était si dense que même ma respiration me paraissait étrangère. Ce lieu n’était pas destiné aux vivants — je le sentais dans chaque fibre de mon être depuis mon arrivée dans le monde d’en dessous.
À mes côtés, Shaka de la Vierge, à l’armure élimé, se tenait immobile, tel un dieu descendu sur terre. Sa lumière dorée, vacillante mais encore pure, repoussait les ténèbres du palais, formant une auréole paisible dans cet océan d’ombre. Même dans ce lieu de mort, sa présence irradiait d’une sérénité presque insoutenable. Je pouvais sentir, sans qu’il n’ait besoin de parler, qu’il avait accepté le sort qui l’attendait — non par résignation, mais par compréhension.
Non loin de nous, Aïolia, Mü et Milo se tenaient côte à côte. Leurs armures d’or, jadis éclatantes, n’étaient plus que lambeaux brisés, fissurés par la violence des combats et noircis, par endroit, par le feu du cosmos. Le sol à leur pieds portait encore les marques de notre dernier assaut — les six armes de la Balance, éparpillées, fumantes, consumées par l’énergie que l’on y avait versée, mélangé à des éclats de roches sombres.
Je lus dans leurs yeux un mélange de désespoirs et de lucidité : celui de guerriers qui avaient tout donné, sans parvenir à franchir l’inaccessible. Leurs poitrines se soulevaient lentement, haletantes, cherchant un souffle qu’ils savaient inutile, tentant vainement de se relever. La défaite, cette sensation qu’aucun de nous n’avait connue depuis des années, moi le premier, pesait sur nos épaules comme un fardeau de pierre. Même leurs cosmos, encore vifs, semblaient vaciller sous le poids de l’impuissance.
Unis jusqu’au bout, malgré les différences qui nous éloigne.
Je pouvais presque entendre leur pensée muette, ce cri intérieur que nous partagions tous : comment vaincre ce mur, si même la lumière de six vies ne suffit pas ?
Et dans leurs postures, dans la tension de leurs muscles, dans la crispation de leurs doigts, se lisait cette vérité amère : les dieux eux-mêmes avaient érigé cette barrière pour nous rappeler notre mortalité.
Et plus loin… le Mur des Lamentations.
Je n’avais jamais vu une construction d’une telle majesté. Sa surface semblait respirer, parcourue de symboles divins, changeant sans cesse de formes, comme un avertissement silencieux adressé à quiconque oserait s’en approcher. Même mon cosmos vacillait face à sa puissance.
― Non… non… je ne pensais pas que le Mur des Lamentations était si résistant…
Un mouvement attira mon attention, pourtant concentrée sur l’issue invisible qui nous séparait de la déesse Athéna alors que je me redressais doucement pour me remettre sur mes jambes.
― Vieux Maître !! Cette fois, laissez-nous faire !!
Près de moi, dans la pénombre, se dressaient les jeunes Chevaliers de Bronze. Notre espoir à tous. Ils venaient de se retrouver alors que l’on reposait à terre. Leurs armures portaient les stigmates d’une guerre trop grande pour eux, mais dans leurs yeux brûlait une flamme que même la mort n’aurait su éteindre. Ils avaient déjà tant vécu de choses que les blâmer aurait été une perte de temps. Seiya, Shun, Hyoga, Shiryu…
Shiryu…
Mon disciple...
Je le regardai un instant du coin de l’œil, silencieux. Tant d’années s’étaient écoulées depuis que j’avais commencé à le former, et le voilà, face à l’impossible, prêt à offrir sa vie sans hésitation, comme à chaque fois qu’il s’était engagé dans un combat.
Un mélange de fierté et de douleur serra mon cœur.
Mon regard se posa sur le jeune homme qui se trouvait, dorénavant, à mes côtés — le chevalier de Pégase.
Sous la poussière et le sang, son armure de bronze, ravivée par le sang d’Athéna, semblait encore luire d’un éclat obstiné, celui de l’espoir que rien ne peut ternir. Son souffle était court, son corps vacillant malgré la morsure du froid qu’il avait connu quelques temps avant, mais dans ses yeux… cette lumière. Cette même lueur farouche et indomptable, connue il y a des siècles auparavant, dans le regard d’un autre porteur de l’armure de bronze : Tenma !
L’image s’imposait à moi avec une clarté poignante : Tenma, jeune, fougueux, brûlant de cette même ardeur qui défie le destin. Ses poings, levés vers les cieux, son cri vibrant à travers les plaines d’Elision, son cosmos flamboyant même face à la mort, entouré de Alone et de Sacha, la précédente réincarnation d’Athéna !
Et devant moi, un autre Pégase, portant le même feu, la même témérité sacrée, comme si le temps n’avait été qu’un cercle, encerclé de ses amis comme l’ancien porteur l’était de sa famille.
Je sentis un frisson parcourir mon âme. La volonté de Tenma ne s’était jamais éteinte. Elle vivait encore, là, devant moi, dans ce garçon au regard de braise.
Je compris, cependant, que rien n’est jamais perdu. Les constellations veillent, immuables, et leurs étoiles appellent sans fin les âmes qui leur sont liées. Ce n’était pas un hasard si ce Pégase se tenait là, au seuil du mur que même les dieux ne pouvaient détruire. C’était le cycle des âges qui reprenait son souffle. Les corps meurent, les maîtres tombent, mais l’esprit de leurs constellations renaît — encore et encore — jusqu’à ce que la justice triomphe des ténèbres.
Malgré tout, je ne peux continuer à soutenir son regard posé sur moi, et à l’inquiétude que j’y lis à l’intérieur.
― C’est inutile… si, comme l’a dit Shaka, ce mur est la séparation entre le monde des enfers et Elysion. La force de simples mortels n’y changera rien…
― Mais nous avions réussi à briser le Pilier Central du Royaume des Mers !! Avec la puissance des armures d’or, nous y arriverons…
― Non… impossible… si seulement tous les chevaliers d’or pouvaient être réunis…
C’est alors que la lumière dorée commença à poindre. Une à une, des silhouettes familières émergèrent des ténèbres : les armures d’or venaient d’entrer en scène ! Capricorne, Cancer, Sagittaire, Verseau, Taureau, Poissons… Toutes étaient là.
Enfin… toutes ? Non, il manquait les Gémeaux.
Je sentis leur cosmos résonner dans mon cœur, une mélodie à la fois familière et tragique. Nous savions ce que cela signifiait. Il n’y aurait pas de retour.
« Nous avons mené bien des batailles, » murmurai-je en moi-même, « mais jamais celle-ci n’aura eu un prix aussi lourd. »
La voix de chacun de mes compagnons tinta à mes oreilles, me sortant de mes pensées.
― Comment ? c’est…
― Les armures d’or d’Aïolos et de tous les chevaliers défunts !
Et le cri de cœur des chevaliers de bronze balaya tout le désespoirs qui nous avait envahi il y a encore quelques secondes auparavant.
― Les douze armures se sont rassemblées dans le monde des ténèbres !!
Nos regards se croisèrent. Nous, les six chevaliers d’or restant. Aucun mot ne fut nécessaire. Nous savions pourquoi nous étions ici : pour briser cette muraille maudite et ouvrir la voie aux jeunes saints. Pour que l’espoir survive, même si la lumière devait nous consumer. Et, pour cela, nous devons être tous rassemblé en un seul lieu.
Et la résonnance que nous ressentons au fond de nos corps, au fond de nos âmes, et dans les tréfonds des personnalités de nos armures d’or, nous assure pleinement le dénouement qui va se poursuivre. Et encore plus quand l’armure d’or des Gémeaux se matérialise face à nous, les derniers rescapés.
― Mais… c’est l’armure d’or des Gémeaux que portait Kanon !! Même l’armure d’or des Gémeaux est venue ici aussi !!
Sans attendre un quelconque mots, une quelconque résonnance de qui que ce soit, les armures des défunts se disloquaient devant nous, prête à être porté. Des silhouettes se dessinèrent doucement dans la lumière dorée, faible ombre vacillante. Pourtant, elles finirent par grandirent, prendre forme et substance, prenant place où elles se devaient de l’être.
Et ce fut le miracle devant nous ! Tous les chevaliers d’or défunts, anciens comme récents, avaient ressuscité, faisant en sorte que nous soyons tous réunis en enfer !
Camus du Verseau, Aldébaran du Taureau, Aphrodite des Poissons, Aïolos du Sagittaire, Shura du Capricorne, Saga des Gémeaux et Masque de Mort du Cancer !!
― Même morts, vous…
Je n’en croyais pas mes yeux.
― Bien que seule votre âme ait subsisté, pour Athéna, pour la justice et l’amour sur la Terre, vous essayez de combattre… !!
Au centre du cercle de revenant, Aïolos leva son arc. Sa silhouette, nimbée d’or, semblait celle d’un dieu. Par ce geste, il nous appelait, dévoilant le futur qui s’offrait à nous. D’un geste ample et sûre, il laissa son bras se replier sur lui-même et s’enfoncer dans l’épaulière, ressortant une longue flèche dorée de son carcan.
― Aïolos pointe sa flèche ! lança le chevalier de Pégase en avançant d’un pas pendant que son ainé se positionnait.
Je sentis mon corps s’alourdir, ma conscience se diluer dans la lumière lentement grandissante du chevalier de la neuvième maison. Pourtant, je me relevais, guidé par la seule certitude que cela en valait la peine.
― Seiya, Shun, Hyoga… Shiryu… ne restez pas là.
― Comment ?
― Les douze chevaliers, ici présents, vont élever leur cosmo-énergie au maximum et l’unir dans la flèche d’Aïolos. C’est la première et dernière flèche que les chevaliers d’or tireront ensemble dans cette ère. Elle devrait reproduire, à une plus petite échelle, les rayons du soleil et détruire le Mur des Lamentations. Mais… nous, chevaliers d’or, ne serons plus là pour le voir.
― Vieux Maître…
― Oui. Une énorme énergie va être concentrée en ce lieu… alors, éloignez-vous vite.
― Mais…
― N’oubliez pas votre mission : remettre son armure à Athéna.
Mon regard se porta sur le Mur des Lamentations, tout aussi sinistre qu’il ne l’était au tout début de leur épopée. Pourtant, une chose l’avait changé : les reflets dorés l’illuminant par onde depuis l’arrivée des chevaliers d’or manquant.
― Le Mur des Lamentations que seuls les dieux peuvent traverser… aucun homme normal ne sera capable de passer par la brèche que nous allons ouvrir : il serait rejeté, à moins que son corps ne soit complètement aspiré vers une autre dimension. Mais vous, vous y arriverez.
Je pouvais lire le désarroi qui les prenait de l’intérieur, ne comprenant pas vers quoi je voulais en venir. Pourtant, je vis, derrière Shun et Seiya, que le chevalier du Cygne et Shiryu, mon disciple, avaient compris où je voulais en venir. La gravité dessinée sur leur visage parlait pour eux.
― Vous portez des armures qui ont reçu le sang d’Athéna !!! Vos corps sont imprégnés du sang d’une déesse, clamais-je sur un ton autoritaire. Vous devez vous rendre à Elysion, la terre des dieux, sans économiser vos forces. Et le combat qui se répète depuis les temps les plus anciens contre Hadès va prendre fin.
― Affronter Hadès…
― Mettre un terme à cette bataille…
Andromède et Pégase n’en menait pas large, et je pouvais les comprendre. Pourtant, je ne pouvais faire autrement. Le sort de celle que l’on avait tous jurer de protéger était le plus important.
― Lors de la précédente Guerre Sainte, j’ai compris qu’Hadès laissait sommeiller son enveloppe charnelle depuis les temps mythiques. Hadès chérit ce corps né de l’union entre Cronos et Rhéa. Son but est de réintégrer son véritable corps après avoir conquis la Terre. Il dominera le monde sous cette apparence qui est la sienne depuis des siècles et des siècles. Ne désirant pas prendre le risque d’abimer ce corps qui lui est si cher, il a toujours utilisé des corps de substitution lors de ses résurrections. Cette fois, il avait choisi ton corps, Shun…
― Alors… lâche Pégase en se rapprochant de son jeune frère.
― Oui, il faut aller à Elysion pour trouver son enveloppe charnelle et la détruire !!! Ainsi, Hadès sera contraient de renoncer à la conquête de la Terre !! Et les combats cesseront enfin, à jamais !
Et je compris qu’à ce moment-là, ces jeunes espoirs en qui on remettait tout, avaient compris quels étaient réellement leur devoir.
― Allez, criais-je en me tournant complètement vers eux, puisque vous avez compris, ne restez pas ici !!
― Vieux Maître…
― J’ai compris, clama Pégase en levant la main pour nous montrer, à tous, la minuscule silhouette qu’il avait entre les mains. Nous irons à Elysion ! Et nous donnerons cette armure à Athéna.
Tout était dit.
Je le vis s’élancer vers l’entrée du palais, courant le plus vite qu’il le pouvait, suivis de ses compagnons quelques instant après. Shiryu, lui, me regarda longuement, comme s’il souhaitait graver, dans sa mémoire, les traits de mon visage, le son de ma voix, tout ce qui faisait ma personne, avant de s’élancer à leur suite. Je vis que le jeune chevalier du Cygne en faisait de même avec Camus du Verseau qui lui souriait paternellement.
Je me détournais totalement de leur course, prenant place auprès de mes pairs comme il se devait, joignant ma force à ceux ayant déjà élevé leur puissance. Alors, nous élevâmes nos cosmos à l’unisson pour la toute première fois. La puissance dorée s’éleva, pure, éclatante, brûlant le ciel du Royaume des Morts. Le sol trembla sous nos pieds, des fissures s’ouvrirent dans la pierre, et le palais tout entier gémit sous la pression de cette énergie au seuil de la divinité.
La flèche que le chevalier d’or du Sagittaire avait fait apparaître, vibrait du cosmos combiné de nos douze vies. Elle contenait tout : notre foi, notre sacrifice, notre humanité…
― On y va !!! crièrent-on à l’unisson, comme si nos cœurs, nos voix, nos âmes, ne faisaient plus qu’un. Pour l’amour et la justice sur terre !! De toute notre âme et toute notre vie !! Que le cosmos d’or s’enflamme !! Dans ce monde des ténèbres, que les rayons du soleil… Soit !
Lorsqu’il tira, le temps se suspendit, comme si nous vivions tout au ralentis.
Je n’entendis plus rien — ni le fracas des pierres, ni les cris du vent quand la pointe toucha la surface lisse du mur. Seulement cette paix absolue, cette sensation d’avoir accompli le devoir pour lequel nous étions nés. En somme, juste ce vide absolu !
Mais dans ce silence, quelque chose s’ouvrit en moi.
Une paix étrange, presque surnaturelle. Je ne sentais plus la douleur, ni le poids du corps, ni même la gravité du lieu.
Je vis alors, dans la clarté qui m’enveloppait, les visages de mes frères d’armes figés dans la sérénité. Et au-delà d’eux, comme à travers un voile, les images du passé : le Sanctuaire baigné de soleil, les entraînements des jeunes chevaliers, les rires lointains de Shunreï au bord du lac ou de la cascade.
Tout semblait si proche… et pourtant déjà si loin.
Je compris alors que nous ne disparaissions pas vraiment. Nous devenions autre chose — un fragment de lumière dans le grand équilibre du monde. Un souffle qui guiderait les générations à venir.
Je pensai à Shiryu, à son regard décidé, à cette promesse qu’il portait sans le savoir : celle de dépasser son maître.
Oui… il allait poursuivre ce que nous commencions ici.
Et alors que cette conviction emplissait mon cœur, la lumière se fit plus intense. Elle m’enveloppa entièrement, dissipa les dernières ombres de ma conscience.
Dans ce tumulte de lumière et de vent, mon regard s’attarda un instant sur Shiryu. Sur son dos. Sur l’éclat émeraude de son armure de bronze. Il courait déjà vers la sortie du palais, son corps meurtri, mais son esprit brûlant d’un feu inextinguible. Je ne distinguais plus que le mouvement fluide de ses longs cheveux noirs, ce flot d’encre qui dansait dans la clarté dorée. Chaque battement de ses pas résonnait comme un écho lointain de ma propre jeunesse.
C’était mon élève, mon fils de cœur. Tout ce que j’avais transmis, il le portait en lui désormais. Et en le voyant s’éloigner, je sus qu’il était prêt à marcher là où même les dieux hésitaient à poser le pied.
Il était lui-même l’être offrant la transition entre deux mondes.
Une douce chaleur monta en moi, faite d’orgueil et de nostalgie. Car au-delà de Shiryu, d’autres visages surgirent dans l’obscurité régnante — ceux de mes disciples disparus et de celle qui chéri mon cœur depuis tant d’année, être céleste que le destin avait placé sur ma route.
Je revis Ohko, mon premier disciple, sous les voiles de la lumière qui menaçaient de m’engloutir. Il se tenait dans mon souvenir — cœur ardent, muscles tendus, toujours prêt à fondre dans l’assaut. Son tempérament était farouche, souvent outrancier ; sa quête n’était pas celle d’une justice pure, mais celle d’une domination, d’une force incontestée. Il ne cherchait pas tant à protéger qu’à prouver — prouver qu’il surpassait les limites, qu’il était plus fort que celui à qui on prêtait les louanges. Il avait rompu les règles, défié l’ordre, et c’était cette violence-là, cette rage intérieure, qui l’avait mené à la spécialisation, et au conflit, provoquant une jeunesse mouvementée. Pourtant, derrière ses yeux de tigre brûlait une loyauté farouche, une admiration qu’il ne savait pas exprimer autrement. Il portait sa fierté comme une cuirasse, et acceptait ses cicatrices comme le prix de sa propre vérité. Oui — je souris en moi-même : je pouvais encore discerner le claquement sec de ses poings dans l’air, cette énergie guerrière si crue qu’elle semblait déchirante. De lui aussi venait une part du maître que je suis devenu.
Puis l’image de Genbu s’imposa, paisible comme l’œil calme d’un ouragan. Je le voyais encore, enfant, à la personnalité souvent dilettante, glissant entre les leçons, s’effaçant dans la tiédeur de ses humeurs. Je me demandais souvent ce qu'il advenait de lui. Et là, à présent, je le voyais porter l’Armure de la Balance avec gravité : ni vanité ni ostentation, mais une retenue digne d’un homme qui sait ce que signifie l’équilibre. À croire que l’âge l’avait façonné — il s’était dressé, solide et digne, un pilier de constance. Son regard clair, empreint de discipline, me renvoyait l’image d’un homme qui avait appris à dompter ses errances, et ayant trouvé réponse à ses questions. Sous son calme se devinait une flamme froide, tempérée, régie par le devoir et l’harmonie plutôt que par l’impulsion. Genbu n’était pas simplement un élève : il était l'incarnation de la Balance que j’avais soutenue, le garant silencieux de ce que l’Ordre devait être.
Et enfin, Shunreï.
Ma fille de cœur.
Mon être céleste.
Son nom suffit à apaiser le tumulte dans mon esprit. Je revis son visage doux, ses yeux brillants d’inquiétude chaque fois que Shiryu partait combattre, ses mains jointes dans une prière silencieuse au bord de la cascade des Cinq Pics. Son amour et son inquiétude me concernant, quand je lui ai annoncé mon départ, et mon adieu silencieux. Elle n’avait jamais porté d’armure, suivis d’entrainement pour en avoir une car je m’y refusais complètement, mais son courage surpassait celui de bien des guerriers. Rare sont ceux d’Athéna pouvant glorifier une telle grandeur d’âme.
Et c’est pour des âmes comme la sienne que nous combattions — pour que la lumière demeure dans ce monde où même les étoiles semblent s’éteindre.
Tandis que Shiryu disparaissait derrière les lourdes portes du palais, que les souvenirs de mes disciples et de ma fille adoptive se mêlaient à la clarté dévorante qui naissait, je ressentis une paix profonde.
Tout ce que j’avais aimé, tout ce que j’avais protégé, continuait à vivre.
Et cette pensée suffisait à apaiser mon cœur de Vieux Maître.
Devant moi, je vis apparaître Shion, mon ami de longue date. Il était là, bras tendu, me tendant sa main afin de m’accueillir avec lui dans ma prochaine vie.
Avant que le néant ne m’accueille, une pensée unique traversa mon esprit, claire comme une prière, offrant à mon visage un dernier sourire, une dernière ligne de beauté sur mon visage de jeune adulte :
Athéna… les enfants sont entre de bonnes mains…
Un éclat, puis un rugissement de lumière.
Puis le Palais d’Hadès disparut dans une mer d’or et de silence.
Pendant que la lumière m’engloutissait entièrement, je songeai à mon disciple, Shiryu, ce pont transitoire entre le passé et l’avenir, à sa route encore longue, à cette nouvelle génération qui porterait désormais notre flambeau pour les temps à venir.
Et alors que le Palais d’Hadès s’effondrait dans une mer d’or et de cendres, je fermai les yeux.
Nous venions de disparaître… mais l’espoir, lui, venait de renaître, me laissant revivre mon passé dans les moindres détails…