Etoiles et chaos

Chapitre 22 : Chapitre vingt-et-un

8362 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:42

TITRE : Etoiles & Chaos

AUTEUR : Ardell

Disclaimer : Les personnages et l'univers de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada. Seul le personnage de Cinnamon est à moi.

 

CHAPITRE VINGT-ET-UN

 

Sanctuaire d'Athéna Salle du Crusos Sunagein

Vendredi 20 mars 1987 ― 18 h 15

L'excitation était à son comble : depuis plusieurs minutes un bourdonnement hantait ce lieu sacré, résultat des murmures échangés par les Chevaliers présents. Jusqu'à ce que Mû se lève. Le silence se fit alors aussitôt et tous reportèrent leur attention sur lui.

— Merci, commença-t-il. Je comprends votre excitation, il est vrai qu'un événement encourageant s'est produit récemment.

A ces mots, Milo sourit. Il était tellement soulagé d'avoir récupéré sa véritable armure qu'il ne l'avait pas enlevée depuis, craignant de la perdre une nouvelle fois. Shaka et Aiolia portaient également leurs Cloths, alors que Mû et Aldébaran étaient restés en civil.

— Oui, l'amure du Scorpion est revenue à son propriétaire légitime, seulement nous ignorons pourquoi, poursuivit le gardien de la première Maison, douchant l'enthousiasme ambiant.

— C'est tout de même un bon point, déclara le Taureau.

— C'est vrai, je ne le nie pas. Mais tant que nous n'aurons pas découvert le moyen de rétablir l'ordre, nous resterons soumis au hasard. Or nous ne pouvons pas nous le permettre.

Après un court silence, le Lion prit la parole :

— D'accord, que savons-nous ? Qu'a fait Milo pour que sa protection revienne vers lui ?

— Il a failli se transformer en crêpe, répondit Aldébaran avant d'écarquiller les yeux tandis qu'Aiolia hochait la tête. Il était en danger de mort !

— C'est mon armure qui m'a sauvé. En fin de compte, c'est toujours la mienne. Ou peut-être que le pouvoir de Cinnamon a subi une altération...

Mû secoua la tête.

— Je ne crois pas. Aiolia, Aldébaran, vous avez soulevé un point important. Si la Cloth est revenue, c'est bien parce que son porteur avait un besoin d'elle vital.

Shaka prit soudain la parole :

— Et s'il existait une corrélation entre ce qui c'est passé pour Milo et ce qui est arrivé à Cinnamon ? supposa-t-il.

Le Scorpion se redressa.

— Comment ça ?

— Ce que je veux dire, c'est qu'il est possible d'établir un parallèle entre elle et le retour de l'armure. Cinnamon était-elle en possession de ses dons lorsqu'elle est arrivée au Sanctuaire ? Pour ma part, je crois que non. Il y a tout à parier que son pouvoir s'est déclenché dans un moment de tension extrême, alors qu'elle se trouvait en situation de danger.

— Quel danger ? fit Aiolia. Cinnamon m'a toujours semblé heureuse. Si elle avait un problème, elle nous l'a bien caché. Il n'y a eu guère qu'en janvier que je lui ai trouvé une petite mine mais elle venait d'être malade.

— Pourtant, Shaka et moi pensons qu'elle a été maltraitée lors de son séjour ici, expliqua Mû.

— Ça, on savait déjà que DeathMask avait la main leste, rappela Milo.

Mû préféra ne rien répondre. Ce n'était pas à ce genre de violences qu'il pensait, même s'il reconnaissait que s'entraîner sous l'autorité d'un homme qui ne cessait de vous rabrouer et de vous houspiller n'avait rien d'une sinécure. A moins, bien sûr, que le Cancer se soit modéré pendant ces séances, prenant son rôle de professeur au sérieux et négligeant pour un temps son punching-ball. Dans le cas contraire, ce devait être intenable pour l'adolescente.

"Oh le sombre crétin..."

Le Taureau, quant à lui, venait enfin de comprendre. Dire que ça se passait sous leurs yeux et qu'ils n'avaient rien vu, rien remarqué... Mais qui... La réponse lui parut assez évidente. Si Cinnamon n'avait jamais rien laisser paraître durant des mois, il suffisait de se rappeler son comportement après la bataille du Sanctuaire. Sa réaction excessive lorsque Milo avait supposé une idylle entre elle et Saga. La vérité sur l'usurpation du Gémeau n'était pas le seul secret que la jeune fille avait gardé. Elle devait se sentir trop coupable et honteuse pour pouvoir parler. Sans compter que Sa... que l'Autre avait dû lui faire la leçon et la tenir par la peur.

Néanmoins la compassion qu'Aldébaran ressentait pour elle ne devait pas lui faire oublier le tour exécrable qu'elle leur avait joué avant de disparaitre. Si Cinnamon avait été victime, à présent elle était coupable. Et il y avait cette autre chose... Si Aiolia et Milo en avaient connaissance, nul doute qu'ils ne penseraient plus seulement à l'adolescente avec colère mais aussi avec dégoût. Lui-même ne comprenait pas ce qui lui avait pris. Comment avait-elle pu ?... On ne faisait plus partie de la civilisation lorsque l'on... renonçait à ce point à son humanité.

"Une horreur de plus... Ah Il devait bien la contrôler avec ça..."

Un regard lui apprit que Mû et Shaka partageaient son opinion.

— Je conçois que DeathMask lui a fait vivre un véritable martyre, répondit le Lion au Scorpion, cependant elle ne s'est jamais plainte. Elle a supporté cela, soit. Mais dans ce cas, qu'est-ce qui l'a fait basculer ? Quel événement a été si terrible qu'il a éveillé ses facultés ? Et surtout, pourquoi ne s'en est-elle servie que récemment ?

Aiolia n'était pas stupide. Seulement ce que venait de saisir Aldébaran était trop monstrueux pour qu'il puisse le concevoir. Frapper une femme sans défense était déjà pour lui le summum de l'anti-chevalerie : il ne pouvait imaginer pire manquement à l'honneur d'un Saint d'Athéna. Aussi se posait-il toutes ces questions.

Milo, dans le même état d'esprit, haussa les épaules en signe d'ignorance.

— Et donc, reprit-il, pour en revenir à nos armures, il faudrait que tous se mettent volontairement en danger pour leur faire comprendre qui sont leur véritables porteurs ? Et puis il y a aussi la question des Cloths vidées de leur énergie, comme celles d'Aiolia et de Shaka. La même situation de crise pourrait-elle les réveiller ?

— Mais comment planifier une situation qui, par essence, se doit d'être critique ? objecta Mû. Il faudrait une véritable urgence et nous ne pouvons jouer avec le feu sans savoir où cela nous mènera réellement.

— Si les Chevaliers de bronze étaient là, ils fonceraient dans le tas sans s'inquiéter des éventuelles conséquences, déclara Aiolia.

— C'est vrai mais nous ne sommes... Les Bronzes, mais oui bien sûr !

Le Bélier avait redressé la tête, les yeux brillants.

— Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

Il regarda autour de lui et vit les regards, d'abord indécis, s'illuminer les uns après les autres. Finalement, ce fut le Taureau qui verbalisa ce que tous avaient compris :

— Il faut qu'on renouvelle le pacte qui nous lie aux armures d'or.

Mû approuva :

— Et j'ai ma petite idée là-dessus. Shaka, avec ton aide...

Palais de Poséidon

Samedi 21 mars 1987 ― 09 h 05

C'était le grand jour. Aujourd'hui le petit Solo découvrirait sa véritable identité et prendrait possession de son Temple sous-marin. Et ferait à cette occasion la connaissance d'une âme charitable qui se ferait un plaisir de l'aider dans la reconquête de son royaume...

A cette pensée, Kanon sourit. Il arpentait les couloirs du Palais tout en pratiquant les dernières vérifications. Tout devait être parfait. Le moindre grain de sable et... Cette fois il frissonna. Non, pas question qu'il laisse la moindre chose au hasard. Il avait trop attendu. Personne ne se mettrait en travers de son chemin, pas après tant d'années de préparation.

En parlant de grain de sable potentiellement mortel pour la suite de ses affaires, il pouvait l'entendre tel un écho éloigné. Cinnamon était en train de chanter dans la salle de bain. Un truc gnan... enfantin et fleur bleue où il était question d'une petite grenouille1. Il faudrait qu'il lui fasse réitéré sa promesse de ne pas intervenir dans les prochains évènements. Il avait remarqué que, s'il lui laissait une relative liberté, elle avait tendance à se tenir tranquille. C'est pourquoi il lui était impossible de l'enfermer à double tour, comme il l'aurait voulu. La demoiselle risquait alors de s'échapper et de venir semer la pagaille. Évidemment, la meilleur solution aurait été de l'éliminer sur le champ mais Kanon préférait la garder en dernier recours. On ne savait jamais, ses dons pouvaient être utiles.

Espérant très fort qu'il n'était pas en train de commettre une grave erreur, le Dragon des Mers respira profondément puis il s'éloigna. Il devait parler à l'un des Marina pour lui confier une mission très importante.

1. Cinnamon est en train de chanter le générique de Démétan, un dessin animé. Pour ceux qui ne connaissent ou ne se souviennent pas, une recherche internet vous renseignera, notamment sur les paroles (NDA).

Après avoir vocalisé dans la salle de bain, Cinnamon passa sa robe qu'elle avait lavée la nuit précédente et se dirigea vers le pilier de l'Océan Pacifique. Arrivée à un certain endroit, elle hésita. Nord ou sud ?

"Vas pour le sud."

Évidemment, Kanon ne serait pas particulièrement ravi de la savoir auprès de l'un des Généraux, seulement elle avait très envie de passer un peu de temps avec Io de Scylla. Un sourire d'anticipation se dessina sur le visage de l'adolescente et elle accéléra le pas.

Le Marina sortit de derrière le pilier au moment où elle arrivait.

Palais de Poséidon

La jeune fille blonde avait posé genoux à terre. Sur un signe du Dragon des Mers, elle se redressa.

— C'est à toi que j'ai pensé pour cette mission de la plus haute importance, expliqua Kanon. L'annonce de sa véritable identité sera certainement un choc pour le jeune Solo, même si quelque chose en lui doit déjà le savoir. Je compte donc sur ta... douceur féminine pour que ce moment se passe le mieux possible.

Thétis se permit un sourire :

— Ce sera un plaisir pour moi que de m'acquitter de cette tâche. Je n'oublie pas que Julian Solo m'a sauvé la vie, jadis.

— Oui, bon. Que l'Empereur ait regagné son palais d'ici cette nuit.

Cinnamon n'était pas dans sa chambre. Ben tiens. Se forçant à respirer calmement, très calmement, Kanon sortit du Palais et resta un instant sur le parvis. De là son regard portait sur une grande étendue du monde sous-marin. Où avait-elle encore été fourrer son nez ? Il devait la retrouver avant que Solo n'arrive. La laisser voir les Marinas étaient une chose, autoriser une rencontre entre cette catastrophe ambulante et la réincarnation de Poséidon était tout simplement hors de question.

Le Dragon des Mers proféra un juron et partit à la recherche de sa chère, très chère, invitée.

Lorsqu'il la retrouva enfin, au Pacifique sud, il crut que ses yeux lui jouait des tours.

"Ça c'est trop fort ! Non mais dites-moi que je rêve !"

— Ça va, je ne dérange pas ?

Les deux jeunes gens sursautèrent en entendant cette voix doucereuse et oh combien inquiétante. Tous deux étaient assis et, il y avait quelques secondes à peines, leurs fronts se touchaient presque tant ils étaient absorbé par le même spectacle.

Io se redressa aussitôt et Cinnamon serra contre elle l'objet de leur fascination. Un globe d'eau cerclé de corail. Le genre de globe qui servait aux Généraux pour surveiller leur Océans respectifs tant en surface que dans les profondeurs. Dans celui du Pacifique, Kanon le savait, l'on pouvait aisément voir les splendeurs sous-marines comme les plantes aquatiques, les coraux et les animaux marins. Une véritable petite merveille... qui sur terre vaudrait des millions.

— Alors comme ça on essaie d'impressionner sa petite copine ? susurra-t-il du même ton mielleux.

— Ce n'est pas ce que tu crois ! se défendit le gardien.

— C'est ma faute ! s'exclama Cinnamon en même temps.

— Ça suffit ! tonna le Dragon des Mers. Io, c'est comme cela que tu gardes ton pilier, en essayant d'impressionner les jeunes filles ? Je ne te félicite pas.

— Mais...

— Silence ! Tu ne perds rien pour attendre, toi...

Ce nouveau rugissement et la menace qui le suivit eurent raison des velléités de protestation de l'adolescente qui referma la bouche aussitôt. En la voyant courber les épaules et serrer le globe un peu plus fort, Kanon comprit qu'elle le prenait au sérieux. Quant à l'autre...

— Ce n'est la faute de personne, et j'ai tous les droits tant que je me trouve sur mon territoire.

A ces mots Cinnamon releva la tête et fixa Io avec des yeux agrandis d'effroi. Kanon savait exactement de quoi elle se souvenait mais, à vrai dire, il s'en moquait éperdument.

— Seigneur Dragon des Mers, est-ce que je peux retourner dans ma chambre ?

Alléluia !

— De toute façon tu vas y retourner, que tu le veuilles ou non.

La jeune fille se leva et tendit le globe au gardien du Pacifique sud.

— Merci beaucoup, Io, c'était splendide, lui dit-elle avec avec un sourire. On se verra plus tard.

Lorsqu'elle se fut éloignée, Kanon décida de mettre les choses au point :

— Tu ne devrais pas te lier d'amitié avec elle, elle n'est pas très stable.

— Je la trouve très gentille. Et je peux savoir de quel droit tu t'es arrogé chef des Marinas ?

Soupir.

— Tout simplement parce que je suis le plus ancien ici. Lorsque l'Empereur Poséidon sera là, il sera libre de choisir un autre Général en chef s'il le désire. En attendant, tu serais mieux inspiré de m'écouter.

Maison de la Vierge ― 11 h 30

Les cinq Chevaliers d'Or étaient assis en cercle, chacun en tailleur devant sa propre armure. Tous faisaient appel à leur cosmos, ou du moins à ce qu'il en restait. L'énergie, faible lueur pâle, baignait les participants. De tous, c'était Shaka et Mû qui fournissaient le plus d'efforts, le Saint de la Vierge était d'ailleurs d'une pâleur alarmante.

— Je crois que c'est le moment, dit doucement Mû.

En pleine communion spirituelle avec leurs Cloths, les Chevaliers tendirent le bras et, d'un mouvement rapide, s'entaillèrent le poignet. Le sang se mit à couler sur les armures, abondamment. Solennellement, ils regardèrent tous le précieux liquide quitter leur corps pour abreuver les protections sacrées.

— Par ce sang, nous renouvelons notre serment à Athéna.

Quatre autres voix firent écho au Bélier. Brusquement une lumière dorée incroyablement chaleureuse naquit au cœur du cercle.

— Athéna ! s'exclama Aldébaran.

En effet, c'était elle, ou plutôt son esprit qui souhaitait communiquer avec ses Chevaliers. La bienveillance que dégageait cette présence divine remonta immédiatement le moral des Saints, qui, jusqu'à présent, n'étaient pas vraiment sûrs d'eux. Certains de leur serment, mais pas d'eux-mêmes.

— Chevaliers, mes Chevaliers, je suis heureuse de voir que vous avez la volonté de me revenir, seulement vous n'étiez jamais tout à fait partis. Je sais combien vous souffrez de ne pas avoir vu la traitrise et d'avoir failli être la cause de ma mort en empêchant les Bronzes de me sauver. Mais vous pensiez bien faire et me servir en toute bonne foi. Comment pourrais-je vous en vouloir pour ce dont vous n'êtes pas responsables ?

La voix bien-aimée continua :

— Vous manquiez tous cruellement de confiance en vous depuis la Bataille du Sanctuaire. Cette fragilité vous a rendu vulnérable à l'attaque de Cinnamon. Même si celle-ci a de réels et immenses pouvoirs, ce n'est rien comparé à votre foi en l'humanité. Car en me servant, c'est l'humanité que vous protégez. Puisque vous avez décidé de renouveler votre serment à mon égard, je vais vous rendre vos armures respectives... Mais uniquement cela. Pour le reste, cela ne dépend pas de moi...

La chaude lueur baigna chacun des participants ainsi que les Cloths, puis elle disparut.

Doucement ils levèrent les yeux... et les larmes qu'ils aperçurent sur la figure du voisin étaient le reflet de leurs propres visages.

C'était vrai : chacun d'eux put revêtir sa propre Cloth. Malheureusement, comme l'avait dit Athéna, c'était la seule amélioration. Chaque protection leur semblait aussi lourde qu'une armure en fer blanc. Il n'y avait guère qu'Aiolia et Milo qui réussirent à produire un cosmos supérieur à celui des Chevaliers d'Argent, à défaut d'être du niveau de celui de Saint d'Or.

Selon Mû, le Lion ayant vécu toute sa vie dans l'opprobre occasionné par la soi-disant traîtrise de son frère, il avait pu mieux que les autres gérer la honte d'avoir été manipulé. Quant à Milo, sa mise en danger avait certainement contribué à élever son énergie.

Il fut décidé, pour ne pas affoler le reste de la population du Sanctuaire, que les Chevaliers d'Or continueraient à porter leurs Cloths comme si de rien n'était. Ce n'était vraiment pas la peine de créer une panique en avouant la faiblesse des plus puissants guerriers d'Athéna...

L'on décida également d'apprendre au Lion et au Scorpion ce qui était arrivé à Cinnamon. Comme de juste, Aiolia s'insurgea contre le responsable, ainsi que contre lui-même de n'avoir rien compris à ce qui se passait. Milo, lui, marmonna :

— Et ben ça explique des choses...

Quant à savoir comment ils allaient pouvoir retrouver toute leur puissance la réponse évidente leur fit froid dans le dos. Seule Cinnamon était apparemment en mesure de défaire ce qu'elle avait fait.

Palais de Poséidon― 22 h 40

Après avoir suivi la mystérieuse jeune femme blonde, Julian Solo se retrouva dans un lieu à la fois étrange et familier. Il n'était jamais venu en ces lieux et pourtant... Quelque chose en lui reconnaissait cet endroit. Ce Temple imposant, ces plantes aquatiques qui oscillait comme au gré du courant... sauf qu'elles se trouvaient à l'air libre. Et ces longues silhouettes qui se découpaient dans le lointain...

Ce que cette fille, Thétis, lui avait raconté n'était que pure affabulation, il en aurait mis sa main à couper quelques minutes plus tôt. A présent, au contraire, il commençait à la croire.

Il ne s'était jamais senti aussi chez lui dans aucune des résidence de la famille Solo.

Lundi 23 mars 1987― 12 h 00

Et les lieux eux-même reconnaissaient leur maître. C'était comme si l'on avait enlevé un voile grisâtre de sur le royaume sous-marin. Jamais le ciel d'eau n'avait paru aussi bleu et aussi limpide, jamais les fleurs aquatiques n'avaient arboré de couleurs plus vives et le majestueux Palais éclatait de blancheur.

Dissimulée derrière une colonne, prenant garde à masquer sa présence, Cinnamon observait, impressionnée, le spectacle qui se déroulait sous ses yeux.

Tous les Marinas étaient devant le Temple de Poséidon, et pas seulement les Généraux qui tenaient la première place, Kanon à leur tête. L'Empereur les toisait du regard, habillé de sa propre Scale. A un moment le Dragon des Mers mit genoux à terre et fut aussitôt suivi par les autres Généraux. Les Marinas les imitèrent, telle une vague gigantesque. Brusquement une onde de cosmos irradia du jeune Solo et vint toucher ses fidèle sujets, seconde vague venant recouvrir la première.

Cinnamon se mordilla l'index, résistant comme elle pouvait à la tentation de crier sa joie et d'applaudir comme une enfant. Surtout ne pas faire de bruit, ne pas se montrer. Tant qu'il ne connaîtrait pas son existence, elle le savait, le dieu ne pouvait pas déceler sa présence. En revanche, contrairement au Chevaliers d'Or, il suffisait qu'il fasse sa rencontre pour la retrouver ensuite n'importe où. D'accord, Poséidon n'était pas encore réveillé, mais elle préférait ne pas courir de risque. Si elle aimait faire enrager Kanon, il y avait tout de même des limites.

Mardi 24 mars 1987

Ce jour-là des nuages menaçants s'amoncelèrent et la pluie tomba, forte et glacée, pour ne plus s'arrêter. En Allemagne, le Rhin déborda alors que des raz de marée ravageaient la côte d'Azur et l'est des États-Unis. Cependant que des séismes violents faisaient trembler les quatre coins du monde, provoquant des milliers de victimes.

Sanctuaire d'Athéna Maison du Taureau

Mercredi 1er avril 1987 ― 10 h 09

Aldébaran rentrait dans son Temple après son entraînement matinal. Entraînement qui ne lui avait d'ailleurs toujours pas permis de retrouver tout le cosmos qu'il avait perdu. Cependant il ne se décourageait pas et, à l'instar des autres Chevaliers d'Or, il persistait à travailler cet... épineux problème.

Il faisait étrangement plus froid depuis que la pluie – cette maudite pluie – avait commencé à tomber, néanmoins le courant d'air que ressentit le Taureau à cet instant était tout simplement glacé. Surpris, Aldébaran se retourna. C'était impossible, durant un instant il avait cru...

— Camus ?... fit-il par réflexe avant de se souvenir des précédents évènements.

Non ce n'était pas le magicien de l'eau et de la glace.

Privé d'une partie de son cosmos, diminué, le Saint du Taureau subit la double attaque des Guerriers Divins Syd et Bud.

Palais de Poséidon ― Jeudi 2 avril 1987

Tout comme ses Généraux, l'Empereur des Mers disposait d'une "caméra" naturelle lui permettant de surveiller les sept océans. On pouvait d'ailleurs se demander à quoi au juste elle lui servait étant donné sa prescience divine... Toujours était-il qu'il détenait un grand miroir cerclé de corail et de nacre et dont la glace était faite d'eau. Par la volonté du dieu, cet objet magnifique était à présent en mesure d'espionner le royaume d'Asgard... et Athéna par la même occasion.

Seul dans la salle avec Cinnamon, Kanon vit la jeune fille aux yeux pers vaciller et tomber presque à genoux. Elle se retint à son sceptre, cependant, et se releva comme si elle puisait une énergie nouvelle dans la confiance qu'elle accordait à ses Chevaliers de Bronze.

Le Dragon des Mers reporta son attention sur Cinnamon. L'adolescente était pâle, trop pâle, et ses pupilles étaient dilatées. Brusquement elle fit volte-face et s'enfuit en courant.

"Ça te rappelle quelque chose, pas vrai ?"

Cinnamon faisait les cents pas dans sa chambre. Elle avait un besoin irrépressible de bouger malgré la douleur qui s'était emparée de chacun de ses membres. Une douleur atroce qui lui avait été infligée près de six mois plus tôt, en guise de représailles. On ne défiait pas le Pope impunément. Cette souffrance qui se rappelait à son bon souvenir, elle ne la souhaitait pas à son pire ennemi.

A l'époque, seul DeathMask était venu la voir. Pour se moquer d'elle avait-elle longtemps cru. Jusqu'à ce qu'elle réalise récemment qu'il l'avait en fait encouragée. Et c'était peu après qu'elle était devenue son élève, après que son pauvre corps ait un peu récupéré de la torture subie.

De longues minutes s'écoulèrent avant qu'elle se sente prête à retourner dans la salle au miroir.

Au fur et à mesure que tombèrent les Guerriers Divins, la compassion qu'elle avait pu éprouver pour Athéna s'évanouit et la haine enveloppa son cœur dans son étreinte malsaine.

Palais de Poséidon ― Vendredi 3 avril 1987

Épuisée par sa dépense d'énergie pour empêcher la fonte des glaces, Saori Kido dormait profondément sur le lit où l'avait déposée Julian. Qui aurait pu imaginer que cette enfant de seulement treize ans avait autant donné de sa personne pour le genre humain ? Il n'est pas toujours de tout repos d'être la réincarnation d'une divinité, surtout si celle-ci a à cœur la sauvegarde de l'humanité.

Cela, Cinnamon n'en avait vraiment rien à faire. Athéna aurait pu se réveiller dans le corps d'une gamine de cinq ans, cela n'aurait pas plus attirer sa pitié. Au contraire, debout près du lit, plus la jeune fille observait Saori et plus elle la détestait. C'était à cause d'elle qu'avaient eu lieu toutes ces guerres horribles où avaient succombé de merveilleux combattants. Cinnamon n'avait vu que brièvement les Guerriers Divins et pourtant elle s'était prise d'affection pour eux. A présent elle ne pouvait même pas espérer leur rendre une petite visite... Et ce n'était même pas la peine de songer aux défunts Chevaliers d'Or ! Décidément, partout où passait cette Athéna l'herbe ne repoussait pas.

— Oh si seulement tu pouvais crever... murmura Cinnamon avec rancœur.

Un bruit. L'adolescente sursauta et courut se cacher derrière une lourde tenture. C'était Julian qui venait voir si sa prisonnière était réveillée.

Elle le fut peu après.

Et ce retrouva dans le Pilier central quelques minutes plus tard. Toujours cette fichue humanité...

Lorsqu'elle apprit le sort réservé à Athéna, Cinnamon laissa éclater sa joie en bondissant sur place et en éclatant de rire. Ah elle allait se noyer ? Mais il fallait qu'elle voit ça ! Kanon dut la menacer de l'envoyer dans le Triangle des Bermudes pour qu'elle accepte de se montrer plus discrète. Le simili dieu, comme l'appelait le Dragon des Mers, ne pouvait peut-être pas sentir sa présence, ce n'était pas une raison pour risquer de tomber sur lui au détour d'un pilier...

Athéna était sur le point de périr sous des trombes d'eau et les Généraux étaient sur le pied de guerre, attendant les intrus qui ne tarderaient pas à venir les défier. Eux-aussi allaient risquer leurs vies pour leur dieu, pour l'Utopie qu'il leur avait promise. Ce nouveau monde d'où serait absents la misère et le crime, où seuls vivraient les innocents au cœur pur. Ils se battraient de toutes leurs âmes, persuadé de répondre à la volonté de Poséidon et non à celle d'un jeune homme manipulé.

A 11 h 53 Seiya et Shun pénétrèrent dans le royaume sous-marin.

La Bataille des Sept Océans pouvait commencer.

Palais de Poséidon ― 12 h 00 (cf le prologue)

Frustré de constater qu'on lui avait envoyé de vulgaires Chevaliers de Bronze, exaspéré par l'attitude de Cinnamon, Kanon suivit cette dernière dans le couloir et se figea net. Devant lui se tenait Julian Solo et, à ses pieds, l'adolescente agenouillée en une gracieuse révérence.

— Dragon des Mers, comment as-tu osé ? demandait justement Julian.

— Seigneur Poséidon ?

— Me cacher cette perle ! J'estime pourtant avoir le droit de savoir ce qui se passe dans mon royaume.

La perle en question adressa au maître des lieux un adorable sourire empreint de timidité. Puis elle tourna la tête vers Kanon, et celui-ci ne fut pas sans remarquer la malice qui brillait dans le regard bleu-mauve.

Elle ne perdait rien pour attendre.

Solo exigeait une réponse. Soit. Kanon répondit la première chose qui lui passa par la tête :

— Ce n'est que ma jeune sœur, Seigneur Poséidon. Cinnamon.

La réincarnation du dieu sourit et tendit les mains. La jeune fille y plaça les siennes et il l'aida à se relever.

— Je suis heureux de faire la connaissance de la famille de mon plus fidèle Marina, dit-il. Sois la bienvenue dans mon royaume, quoi que je suppose qu'il est un peu tard pour cela.

Et un coup d'œil critique lancé au pauvre Dragon des Mers.

— C'est moi qui suis honorée de vous rencontrer enfin, Seigneur Poséidon, répondit Cinnamon avec toujours cet air réservé et intimidé.

"Non mais quelle comédienne !" songea Kanon. Enfin, elle n'avait pas l'air de vouloir le trahir, c'était déjà ça.

— Puisque le gardien de l'Atlantique Nord a toujours su m'épauler, je te permets de rester ici. Si Athéna n'avait pas osé refusé ma proposition, tu aurais pu lui servir de dame de compagnie.

— C'aurait été un honneur...

Julian ne comprit pas l'ironie, et pour cause.

— Nous verrons plus tard ce qu'il adviendra de toi mais n'aies crainte. Tu es d'ors-et-déjà sous ma protection.

Sur ces mots, il se détourna. Les yeux de Kanon lancèrent des éclairs en direction de Cinnamon, puis il lui emboita le pas. Restée seule celle-ci abaissa les yeux sur ses mains et murmura :

— J'ai parlé au dieu des Océans, waaow...

Athéna ne lui avait jamais fait cet effet de se retrouver en présence d'un être divin. Même si Poséidon n'était pas encore réveillé, l'adolescente sut lequel des dieux elle respecterait, et de qui elle voulait la victoire.

Sanctuaire d'Athéna ― Maison du Bélier

19 h 05

Milo et Aiolia ne demandaient qu'à rejoindre les Chevaliers de bronze pour leur prêter main forte mais Mû avait des directives et ne pouvait passer outre. Il allait une fois de plus leur réitérer les ordres que leur avait donnés les Vieux Maître lorsqu'un scintillement l'en dispensa.

— Qu'est-ce que... Ça vient de la Maison du Sagittaire ! s'écria Aiolia.

En effet, tel un soleil miniature, le neuvième Temple s'était illuminé d'un éclat doré. Un rayon plus lumineux que les autres fila soudain à travers le ciel, déchirant sur son passage les nuages anthracites qui s'étaient accumulés.

Milo exprima à voix haute les pensées de ses compagnons :

— Les Bronzes... Athéna... Finalement, ils pourront peut-être être sauvés.

C'était terminé.

Seiya avait délivré Saori au péril de sa vie et l'âme de Poséidon avait finalement été scellée dans son urne sacrée, non sans qu'il ait lancé à son ennemie une malédiction divine. Bientôt ce serait elle qui serait jugée par les dieux... Elle avait choisi son camp, celui des hommes : elle devrait en payer les conséquences tôt ou tard.

Tout à leur victoire, les Bronze et Athéna ne prirent pas garde à cet avertissement. Maintenant que la Bataille des Sept Océans était enfin finie, ils n'aspiraient qu'à observer le soleil couchant tout en se persuadant de la beauté du monde qu'ils avaient sauvé.

A la surface ― 19 h 49

Tout comme les Chevaliers d'Or avant eux, les Généraux étaient tombés.

Bian, Io, Krishna, Isaak et même Kaasa. Il n'y avait guère que Sorrente et Kanon qui avaient échappé au massacre. Parce que c'était bien ce dont il s'agissait pour Cinnamon. Un massacre où une bande de morveux exterminaient les êtres qu'elle aimait. A présent ils étaient tous là autour de leur déesse bien-aimée, celle pour qui ils commettaient ces crimes.

Ainsi, ils avaient encore gagné. Que dirait messire DM en constatant que ces petits Bronzes avaient une fois encore accompli un miracle ? Que ferait-il ?

Cinnamon serra les poings. Elle ne connaitrait jamais la réponse. Pas plus qu'elle ne saurait avec certitude ce qu'elle devait faire. Messire DM n'était plus là pour lui indiquer la voie à suivre. Depuis qu'il était... parti, elle était incapable de discerner ce qui était juste de ce qui ne l'était pas. Depuis une certaine journée, le bien et le mal avaient tendance à se mélanger dans son esprit, et le Chevalier du Cancer était le seul dont elle acceptait les paroles comme une vérité absolue. Lui savait. Il la connaissait si bien qu'il lui avait ni plus ni moins servi de barrière de sécurité. Un vrai garde-fou.

Depuis sa disparition, elle se retrouvait livrée à elle-même, totalement soumise à ses propres émotions et autres changements d'humeur. Voilà pour expliquer son comportement fantasque. Néanmoins, rencontrer Kanon avait été salutaire. Avec lui, la jeune fille se sentait réellement à l'aise et en sécurité. Assez pour se détendre et se montrer joueuse, chose impossible au Sanctuaire d'Athéna. Oui, le cadet des Gémeaux avait été une sorte de soupape de sécurité. Mais, contrairement à DeathMask, il ne contrôlait pas Cinnamon.

A présent que la majorité des Généraux avaient été décimés et que le royaume sous-marin sombrait sous les flots, l'adolescente revivait le traumatisme qu'elle avait subi à la fin de la bataille du Sanctuaire. Une fois encore tout s'obscurcit, lui donnant l'impression de se trouver en plein rêve. Cette impression de flotter dans son propre corps. Cette colère, cette haine qui ne demandait qu'à s'exprimer... de la seule façon qu'elle connaissait. Parce que, cette fois, elle ne serait pas impuissante. Cette fois, elle se battrait, fut-ce contre une déesse.

Totalement dirigée par sa rage, dépourvue de la moindre pensée consciente, Cinnamon lâcha le pouvoir dont elle disposait.

Droit sur Athéna.

Ce fut rapide, de longs filaments de jais se précipitèrent sur la jeune femme au cheveux violets, qui se retourna, ayant senti la menace avant ses fidèles Saints. Lesquels firent face à leur tour, trop tard, beaucoup trop tard. Déjà la lumière d'encre se trouvait à quelques centimètres du cou de Saori Kido.

Brusquement tout s'arrêta. Les bras de cosmos noir cessèrent leur progression et la lueur sombre vacilla avant de disparaître.

Cinnamon se raidit et Shun vit distinctement la fleur écarlate qui s'épanouissait au niveau de son sternum, souillant le beige de la robe. Surprise puis tristesse se peignirent sur les traits de la jeune fille. Ses yeux perdirent leur éclat d'onyx et miroitèrent sans que, pour autant, la moindre larme s'en échappe

Elle chancela et serait tombée si Kanon, apparut derrière elle, ne l'avait soutenue. Doucement il l'allongea sur le sol, soutenant sa tête au creux de son bras.

— Tu aurais dû faire ça la première fois... murmura-t-elle avant d'articuler silencieusement : mon beau Chevalier...

Un filet de sang coulait de la commissure de ses lèvres mais elle sourit, ou du moins voulut sourire. Son souffle se perdit et un voile obscurcit les prunelles bleues-mauves.

Kanon lui ferma les yeux et entendit derrière lui quelques exclamations étouffées. Il n'y prêta aucune attention. A vrai dire, bien qu'il se trouvât aux première loges, son cerveau n'avait pas encore analysé ce qu'il voyait. Il lui fallut donc un moment pour réaliser. Le cosmos qui entourait à nouveau le corps de l'adolescente n'était pas noir mais doré.

Puis cette lumière s'affaiblit jusqu'à s'éteindre enfin.

Un instant s'écoula pendant lequel le Dragon des Mers demeura dans la même position, tête baissée. Puis il sentit un mouvement derrière lui.

— Cinnamon, oh mon dieu... fit la voix d'Andromède.

Le sang du Marina ne fit qu'un tour. Aussitôt il se redressa et fit face aux jeunes gens, Cinnamon dans ses bras.

— Arrière, gronda-t-il. Il est hors de question que je laisse l'un d'entre vous la toucher !

— Kanon...

Athéna le fixait de ses yeux pers emplis de larmes. La compassion dont elle faisait preuve l'irrita sans trop qu'il sache pourquoi. Quant aux autres... Ceux qui ne pleuraient pas arboraient une figure des plus graves. C'était ça la déesse de la guerre et de la sagesse ? C'était ça ses plus fidèles Saints ? Pleurnicher pour la plupart devant un ennemi lorsqu'un autre venait de disparaître... Tss, c'était bien des gosses, tiens.

Une lueur océan irradia soudain du Dragon des Mers.

— Que vas-tu faire ? s'enquit Seiya, déjà sur ses gardes.

— L'emmener là où elle sera en sécurité. C'est-à-dire loin d'Athéna et de ses Chevaliers.

Kanon avait répondu en fusillant Athéna du regard. Devant ce reproche silencieux, celle-ci eut la décence de rougir.

Le cosmos s'intensifia. Lorsqu'il s'effaça enfin, Kanon et Cinnamon avaient disparu.

Grèce ― Sanctuaire d'Athéna

19 h 50

Tous les Chevaliers d'Or présents au Domaine Sacré le ressentirent autant qu'ils l'entendirent. Cela avait débord commencé doucement, presque de façon inaudible. Puis cela s'était manifesté de manière de plus en plus intense.

Les armures gémissaient.

Non pas un gémissement de tristesse mais bel et bien de douleur, comme si elles souffraient physiquement. Après un instant d'incompréhension, Mû réalisa qu'elle étaient tout simplement en train de se débarrasser de la malédiction que Cinnamon avait lancé sur elles. Même si Athéna était intervenue, cela n'avait pas suffit à rendre toute leurs énergies au protections sacrée. A présent elles criaient et surtout elles se paraient d'une chaude lueur doré, le plus beau doré que leurs porteurs aient jamais vu. Chaque Saint ressentit au plus profond de lui la force de sa Cloth, tandis que le cosmos irradiait jusqu'à illuminer les alentours.

— Mais comment...

Mû s'interrompit.

Il venait de comprendre. Le seul événement qui aurait pu remettre les choses en état, c'était...

— C'était inévitable.

Et il baissa la tête : le respect dû aux morts.

Grèce ― Cap Sounion

La marée n'allait pas tarder, il avait juste le temps de faire ce qu'il avait à faire

Kanon avait emmenée Cinnamon à l'endroit où il avait trouvé le trident de Poséidon. Au début il s'était demandé où la jeune fille pourrait reposer en paix. Il savait qu'elle avait aimé vivre au Sanctuaire d'Athéna, malgré tout. Cependant il avait également conscience que, contrairement sur le domaine de la déesse, c'était dans le royaume sous-marin qu'elle avait été le plus en sécurité. De plus elle éprouvait une véritable affection pour les Généraux et pour leurs Océans. Cet endroit du cap Sounion lui avait donc semblé être un bon compromis.

Elle avait l'air si calme à présent, comme si le sommeil avait recouvert son visage d'une aura de paix et de séré...

Kanon se gifla mentalement. Cinnamon ne dormait pas, elle ne se réveillerait plus jamais. N'empêche, quelle plaie cette fille. Instable et imprévisible à vous donner des sueurs froides quand vous mettiez à exécution un plan mitonné aux petits oignons. Parce que, évidemment, mademoiselle ne pouvait pas rester bien sagement dans sa chambre... Pensez-vous, ce serait trop facile. C'était tellement plus amusant de lui pourrir la vie et par là d'anéantir ses rêves de domination. Ah, de la patience il en avait eue. Plus qu'il en aurait pensé.

Cependant, il devait bien reconnaître qu'elle était attendrissante quand elle voulait. Après tout ce n'était qu'une gamine un peu (beaucoup) paumée. Il y avait tout de même eu de bons moments avec elle. Oui, c'était difficile à admettre pour un homme qui récemment projetait d'élimer deux Olympiens en sacrifiant une partie de l'Humanité, mais il l'aimait bien cette petite...

De nouveau Kanon fronça les sourcils et secoua la tête. Non mais et puis quoi encore ? Pas étonnant qu'il ait perdu s'il se ramollissait comme ça ! Cette fille, il n'en avait rien à faire, elle n'était qu'un pion qui aurait dû lui servir. S'il l'avait gardée près de lui, c'était uniquement dans le but d'obtenir des informations sur le sanctuaire d'Athéna et, pourquoi pas, pour utiliser ses pouvoirs en dernier recours. Lorsqu'il avait découvert le potentiel de l'adolescente, il s'était demandé ce qui se passerait si elle décidait de se battre, si elle osait s'attaquer à une déesse...

Kanon se figea et sentit distinctement son cœur manquer un battement.

Cinnamon avait fait exactement ce qu'il aurait voulu qu'elle fasse... si seulement elle avait agi quelques minutes plus tôt.

— C'est pas vrai...

Qu'avait-il fait ? Il ne savait même pas pourquoi il avait sauvé Athéna. S'il avait commencé à changer, c'était surtout intérieurement, dans le plus profond de son être. Consciemment, il lui faudrait encore du temps avant de comprendre toutes les implication de son geste instinctif.

Il baissa la tête, ses longues mèches dissimulant son visage, et son poing se serra jusqu'à en faire blanchir les jointures.

Lorsqu'il sortit, un peu plus tard, ses yeux étaient secs et sa figure impassible. Dans quelques minutes, l'eau aurait presque totalement submergé la prison. Déjà elle lui arrivait aux genoux. Il remarqua également que l'ouverture qu'il avait faite treize années plus tôt se refermait, les parois de pierre se rapprochant les unes des autres. Jusqu'à sceller à jamais la salle où, jadis, se trouvait le trident de l'Empereur des Océans.

Celui qui était dorénavant l'ex-Dragon des Mers quitta le cap Sounion sans jeter un seul regard en arrière.

Fin de la deuxième partie

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