Habitants des Enfers

Disclaimer : Saint Seiya appartient à Massami Kurumada

Titre de la fanfiction : Habitants des Enfers

Titre du chapitre : Le silence est d'or

Auteur : Ardell

HABITANTS DES ENFERS

Le silence est d'or

Le silence est d'or, dit-on. Quelle blague ! Du moins c'est ce que pensais Rune jadis. Lui qui ne connaissait que le silence ouaté, telle la neige sur un écran de télévision, ne comprenait pas que l'on puisse aimer l'absence de bruit. Combien de fois n'avait-il pas souhaité, espéré, réclamé le bruit qui lui manquait tant. Depuis les voix de ses parents dont il devait deviner les paroles sans jamais les entendre. Que n'aurait-il donné pour assister à un concert de rock, pour se retrouver face à la scène, à sauter, à hurler, à vibrer comme les centaines de spectateurs qui l'accompagnaient…

Oui Rune haïssait le silence.

Et puis il y avait eu ce jour. Où la tempête faisait rage à l'extérieur. Ses parents avaient beau lui signifier de rester dans la demeure familiale, Rune n'avait pu obéir. Poussé par une force inconnue, il était sorti, avait marché, plié sous le vent, fouetté par une pluie sans pitié. Loin de la maison, il avait levé son visage à la face des éléments. Sans rien entendre mais en sentant.

Finalement la tempête s'était tue. A présent calmée, elle laissait derrière elle un paysage désolé, une terre détrempée, des arbres déracinés. Mais en Rune soudain tout avait changé. Les bruits, les sons, les voix… Tout, il entendait tout. Et il n'y avait pas que ça. Sans savoir d'où lui venait une telle science, il savait que désormais il était un spectre. Le spectre Rune de Balrog, de l'Étoile céleste du talent. Le surplis qu'il endossait désormais lui était aussi familier que s'il l'avait porté toute sa vie. A présent il n'y avait plus de parents, de famille, qui comptaient. Seul sa tâche, sa mission, sa raison de vivre. Et l'empereur, bien sûr. Son maître, son souverain, la seule autorité qui faisait loi.

Habillé de son surplis, Rune avait quitté sans regrets sa famille et avait plongé dans la profondeur du royaume des Enfers. Là, alors qu'il était enfin à sa place, il avait pu entendre les plaintes des damnés… Au début cela ne l'avait guère affecté. Les créatures qui étaient là ne méritaient assurément que de rôtir dans les flammes éternelles. Mais…

Mais peu à peu, à force de les entendre, ces cris avaient fini par devenir aussi gênants pour le Balrog que le bruit d'une scie tournant à plein régime. Un son fort, discordant, aiguë et acide. Un son qui passait au travers de sa peau et qui le hérissait. Des hurlements, des pleurs, des geignements et des grincements de dents…

Rune n'avait rien partagé de son trouble. Ce n'était pas qu'il remettait en cause la façon de faire des Enfers, ni – surtout pas ! – celle de l'empereur. Il avait tu son malaise. Pensant, espérant que cela allait s'arranger.

Cela ne s'était pas arrangé. Au contraire, cela allait de pire en pire. Insupportable... Cependant le Spectre n'avait rien osé dire, rien osé réclamé. Serrant les dents, supportant. Il était persuadé que les condamnés au supplice éternel méritaient leur sort. Mais doutant de lui-même, se demandant s'il était bien fait pour ce rôle. Il aimait son souverain, il l'adorait. Néanmoins ces cris étaient si pénibles... Aussi lorsque le juge Minos du Griffon l'avait désigné pour le remplacer, étant lui-même trop occupé à traquer les Chevaliers d'Athéna, Rune avait-il accepté avec un mélange de satisfaction, celle que donne la certitude d'être nommé à un poste qui vous revient de droit, et de crainte pour ce qu'il allait devoir supporter encore.

Rune était un perfectionniste. Il s'acquitterait de sa tâche avec sérieux et conviction. Les morts qui passaient entre ses mains n'avaient qu'à bien se tenir. Sans pitié il les jugeait et les condamnait à pourrir dans les différentes prisons des Enfers. Sûr de son fait, persuadé d'avoir pris la bonne décision. Ah il ne serait pas dit qu'un pécheur ayant répandu le sang, fut-ce celui d'un insecte, pourrait échapper à son châtiment ! Et à vrai dire, le Spectre de l'étoile céleste du Talent aimait ce travail. Il n'y avait que les plaintes et les lamentations de ses clients qui le gênaient. Voilà pourquoi il avait ordonné qu'aucun bruit ne vienne le déranger. Il y avait assez avec les complaintes des morts...

Quand il avait entendu le remue-ménage qui se tenait à l'extérieur du tribunal, il avait compris que ces deux jeunes hommes qui cherchaient à entrer dans la salle allaient lui poser des problèmes. Oh rien de très grave. Juste ce bruit insupportable qui accompagnait le jugement des damnés. Sans doute allaient-ils essayé de discuter, de parlementer, d'implorer, comme cela avait été le cas de tous les autres... Il ne s'attendait pas à ce que leurs cœurs soient aussi purs...

Pourtant ils étaient des Chevaliers d'Athéna. Et, à ce titre, ils devaient être neutralisés. C'était des ennemis mortels.

Rune du Balrog avait accompli son devoir, il avait comme toujours agi pour le mieux, sûr de son bon droit.

Mais par son Altesse, qu'il haïssait le bruit ! Ah vraiment, le silence était d'or.