Les sides-stories d'Etoiles et chaos

TITRE : Étoiles & Chaos - Side-story vingt-neuf

AUTEUR : Ardell

DISCLAIMER : Les personnages et l'univers de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada. Seul le personnage de Cinnamon est à moi.

Side-story vingt-neuf : Résonance

Maison des Poissons

Mercredi 18 février 1987

Avec hésitation, la jeune fille tendit la main vers le pion d'ivoire. Elle avait beau se creuser la tête pour trouver une solution, elle se rendait bien compte que c'était vain. Messire Aphrodite allait encore gagner... Elle perdait toujours face à lui. Contrairement à messires Milo et Camus, le Chevalier des Poissons ne la laissait jamais gagner. Mais cela lui était égal au fond. C'était déjà inespéré de jouer aux échecs avec un membre de la Garde Dorée... Et puis, tandis qu'elle se concentrait sur le jeu, elle ne pensait pas à d'autres aspects de sa vie.

Apparemment, ne pas y penser devait être un fiasco complet car le Saint d'Or remarqua :

— Tu n'es pas concentrée.

Cinnamon haussa les épaules sans mot dire.

— DeathMask t'a encore fait des misères, je présume.

Ce n'était pas une question. L'adolescente se mordilla la lèvre et baissa la tête, gênée.

— Et avec tout ça, tu as encore la force de t'entraîner à développer ton don ?

Elle rougit sous le compliment mais Aphrodite n'avait pas terminé :

— Je devrais peut-être aller voir le Grand Pope et lui dire que ce que t'impose le Cancer nuit à l'émergence de ton pouvoir... Peut-être qu'il lui ordonnerait d'être moins... cruel.

Surprise, la jeune fille releva la tête. C'était la première fois que le Poisson évoquait l'idée de prendre sa défense...

— Oh ce... ce n'est pas la peine, sinon messire DM va dire que je me fais dorloter. Et puis, ajouta-t-elle plus bas, je ne veux surtout pas être la cause d'une dispute entre vous...

Le Chevalier sourit :

— Ne t'inquiète pas pour ça. Dis-moi, que ferais-tu si on te laissait partir du Domaine Sacré ? Retournerais-tu chez les tiens ?

Aussitôt Cinnamon se raidit et, les yeux fermés, secoua la tête bien fort. Comme si une telle idée l'écœurait.

— Non, répondit-elle. Jamais !

— Pourquoi, parce que tes petits camarades te malmenaient ? Pourtant cela paraît bénin comparé à ce que te fait DeathMask.

— Oui... Non... Je ne sais pas... Tout ce dont je suis sûre, c'est que pour rien au monde je ne voudrais retourner là-bas. Même si cela signifie dire adieu à ma famille. Quant à ce que me fait messire DM, il en a le droit. Il fait déjà tant pour moi en acceptant de m'entraîner... J'aime vraiment les exercices qu'il me fait faire. Partir d'ici, ce serait y renoncer. Et je ne le veux pas.

Aphrodite eut un mince sourire. Pas étonnant que le Cancer se soit mis à la former plus sérieusement, elle faisait preuve d'une belle force de caractère. Malgré les circonstances, elle faisait de son mieux pour trouver un peu de bons côtés à sa vie ici.

— Tu me fais un peu penser à Aiolia, dit-il soudain.

Elle fronça les sourcils.

— Messire Aiolia mais.. pourquoi ? Je n'ai rien de commun avec le Lion d'Or, objecta-t-elle, étonnée.

— Tu sais qu'il y a treize ans, le grand frère du Chevalier du Lion a été convaincu de traîtrise et exécuté...

— Oui, Aiolos du Sagittaire.

— Ce que tu ne sais pas, c'est que depuis, et pendant des années, Aiolia a été la cible de la haine et des médisances. Il était le frère d'un traître... Cette histoire l'a fait énormément souffrir. Pourtant il est et demeure le Saint d'Or de la constellation du Lion, un Chevalier parmi les plus puissants.

Cinnamon était rouge de confusion et aussi, admettons-le, de contentement. Voilà qu'on la comparait à l'élite de la Chevalerie d'Athéna ! Bon d'accord, elle n'avait ni la force, la vitesse, ni les pouvoirs, ni le charisme de messire Aiolia, mais quand même, de savoir qu'il en avait bavé, comme elle... Du coup le Lion lui paraissait plus proche.

— Je... je l'ignorais.

— Et bien maintenant tu le sais. Évite cependant d'en parler, à lui surtout, recommanda le Poisson.

L'adolescente hocha la tête et promit.

Palais du Grand Pope

Vendredi 20 février 1987

C'était le soir. Cinnamon venait de rendre visite à Aphrodite et se trouvait à présent dans un couloir du palais du Pope. Brusquement elle entendit des voix et se cacha bien vite derrière une tenture. Elle vit alors s'approcher trois Silvers. Elle reconnut Algethi d'Hercule, Dio de la Mouche et Sirius du Grand Chien. Que faisaient-ils au treizième Temple ?

— Enfin, je vais pouvoir montrer au Lion que, même d'une caste inférieure à la sienne, il faut compter avec moi ! s'exclama Algethi.

— Et si Aiolia obéit à son Altesse et tue ces renégats, tu seras bien obligé de ronger ton frein, rétorqua Sirius avec un petit sourire.

Dio émit un rire moqueur :

— Tu oublies que nous parlons du frère d'un traître ! A mon avis, c'est comme on dit : la pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre ! Deux pourris, c'est moi qui te le dis !

C'en était trop ! Sans réfléchir, la jeune fille sortit de sa cachette, énervée.

— Mais qu'est-ce que tu fiches ici, toi ? fit Sirius, surpris.

— Tu nous espionnais ? accusa Algethi.

— Sale fouineuse ! s'écria Dio.

— Je ne voulais pas vous espionner mais vous n'êtes pas tout blanc non plus, répondit l'adolescente. Comment osez-vous dire du mal de messire Aiolia ?

— Mêle-toi de ce qui te regarde ! Ou sinon... menaça Algethi en serrant ses poings l'un contre l'autre.

— Sinon quoi ? osa Cinnamon. Vous frapperiez une fille que seuls les Saint d'Or sont autorisés à châtier ?

En temps normal, jamais la jeune fille ne se serait permise de braver la loi sacro-sainte qui disait qu'une civile, plus encore une servante, devait respect à des Silvers. Mais en les entendant parler ainsi du Lion, après ce que messire Aphrodite lui avait appris sur son frère d'armes... Elle avait senti son sang bouillir. Tout à coup c'était comme si elle se trouvait là des années auparavant, témoin de la vindicte populaire qui s'acharnait contre messire Aiolia. Comme si elle revivait son propre passé.

Cette résonance avec sa propre histoire, ainsi que des heures d'entraînement avec le Saint du Cancer, donnèrent à la jeune fille le courage de s'opposer à ces être tellement plus forts et rapides qu'elle. Peu importait qu'ils puissent la réduire en bouillie... Elle se sentait comme investie d'une mission : prendre la défense d'un être qu'elle admirait.

— Si on te voit avec un bleu et que tu parles, on dira que tu l'as bien cherché ! riposta Algethi. Et depuis quand on prête plus d'attention à une esclave qu'à des Chevaliers d'Argent ?

— Allez-y, frappez moi ! J'ai l'habitude.. le provoqua Cinnamon.

C'était vrai en plus. Depuis qu'elle vivait au Sanctuaire, elle s'était habituée à recevoir des taloches. Ce Silver ne pouvait pas cogner plus fort que messire DM tout de même !

Elle se raidit en attendant le coup... qui ne vint pas. A la place, elle vit Sirius poser sa main sur le bras de son ami et secouer la tête.

— Laisse tomber, dit-il. Elle n'en vaut pas la peine.

— Ça c'est sûr ! renchérit Dio d'un ton méprisant.

Encore du mépris dans le regard qu'on posait sur elle... Elle en avait marre, si seulement elle pouvait utiliser son pouvoir, elle leur montrerait...

A peine cette idée germa-t-elle dans son esprit qu'elle sentit son cœur battre plus vite. Elle n'avait pas le droit, pas le droit... Si messire DM arrivait, que dirait-il ? Assurément, dès qu'ils auraient été seuls, elle aurait eu droit à un sermon. Elle ne pouvait pas montrer à ces hommes ce qu'elle savait faire.

— Tu as raison, admit Algethi. Bon, c'est pas tout ça mais on a une mission. Et je te garantis, petite effrontée, que ton messire Aiolia va passer un sale quart d'heure s'il ose désobéir au Grand Pope !

Sur ce, les Saints d'Argent reprirent leur chemin, non sans avoir jeté un dernier coup d'œil dédaigneux à la jeune fille. Qui soupira une fois qu'ils furent loin. Elle avait eu chaud, elle avait failli se trahir...

Quatre jours plus tard, Aiolia, de retour du Japon, demanda audience au Grand Pope et exigea de voir Athéna. Présente mais dissimulée derrière le rideau pourpre qui entourait le trône du maître du Sanctuaire, Cinnamon fut témoin de l'altercation entre le Lion et la Vierge.

Et elle se promit solennellement de ne jamais être la cause du combat entre deux Chevaliers d'Or.