Sous l'océan
Chapitre 9 : Mon véritable royaume
1940 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 09/11/2016 20:24
Disclaimer : L'histoire et les personnages de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada.
Auteur : Ardell
Sous l'océanChapitre neuf : Mon véritable royaume
Depuis ma plus tendre enfance, je croyais être le roi du monde. Rien ne pouvait m'en dissuader. Ma famille vivait en effet dans une grande et luxueuse demeure, entourée d'un vaste jardin empli de fleurs multicolores. Les domestiques m'appelaient “monsieur Julian” et accédaient à tous mes caprices. J'étais le petit prince de cet univers et cela me paraissait aller de soi.
La famille Solo avait bâti, au fil des générations, un véritable empire maritime. Empire dont j'étais l'unique héritier. Je savais qu'un jour je devrais me consacrer, moi aussi, à le consolider et même à l'enrichir.
J'avais trois ans et je jouais dans le parc avec ma balle favorite. Brusquement, ce fut comme si un voile noir s'était posé sur mes yeux. Tout de suite après, je me sentis drôle, pas comme d'habitude. L'impression que... l'impression que quoi ? A peine avais-je conscience de cet état qu'il disparut, cela n'avait duré qu'une seconde. Pas assez longtemps pour m'effrayer. Je haussai les épaules et retournai à mon jeu. Plus tard, cet incident, si on peut appeler ainsi une crise aussi brève, disparut de ma mémoire.
Deux ans plus tard, je m'amusais sur la plage lorsque je vis ce poisson magnifique, aux écailles irisées comme un arc-en-ciel. Le pauvre s'agitait sur le sable, suffocant et cherchant l'air. Pris de pitié - on m'avait appris à aimer toutes les créatures marines – je le pris dans mes mains. C'était difficile : il glissait entre mes doigts. Finalement je parvins à le remettre dans l'eau. Aussitôt dans son élément naturel, il s'enfonça dans la mer et je distinguai un court instant ses couleurs qui disparaissaient dans le bleu sombre des flots. Tout cela, je m'en souviens à présent, à cause des derniers événements... Mais reprenons.
Mon père mourut et je lui succédais à la tête de notre compagnie. J'étais, certes, encore jeune, mais il m'avait appris tout ce qu'il savait alors que j'étais encore enfant. Et enfant, je ne l'étais plus.
Une fête grandiose fut organisée pour mon seizième anniversaire. Tout ce que la ville comptait de riches industriels, de notables et d'artistes en vogue étaient présents. Néanmoins, la personne que je désirais voir plus que quiconque tardait à arriver. Je déambulais entre les invités, apportant une parole aimable à l'un, complimentais l'autre sur sa toilette, m'enquérais de la santé de tel vieil homme. Je me comportais comme un hôte charmant et plein d'égards, comme ma mère me l'avait appris. Elle avait participé à tant de galas de charité, le plus souvent chez nous, qu'elle était passée experte dans l'art de recevoir.
Puis je la vis, elle, enfin. Mademoiselle Saori Kido, la petite-fille de Mitsumasa Kido, lequel avait péri il y avait quelques années. Tout comme moi, cette jeune fille avait hérité de la fortune de son parent. Cependant, ce n'était pas cela qui avait retenu mon attention. Cela faisait longtemps que je l'observais, et je dois avouer que sa beauté, son intelligence et sa douceur m'avaient conquis. Elle était accompagnée de son fidèle Tatsumi, mais je réussis à l'entraîner à l'écart, sur le balcon. Pour perpétuer la famille Solo, je devais songer à prendre femme. Malgré ma jeunesse, je savais précisément quelle jeune fille je rêvais d'épouser. Certains pouvaient nous comparer à des enfants, je savais pour ma part que nous étions assez mûrs tous les deux, ne serait-ce que parce que nous avions chacun la charge d'un véritable empire. Sûr de moi, je fis ma demande, persuadé que, comme toutes les jeunes filles qui rêvaient d'un tel instant avec moi, Saori Kido accepterait.
Et elle... elle... elle refusa ?!
Poliment, avec un gentil sourire. Mais elle déclina mon offre.
Je fus estomaqué, je l'avoue. Je savais parfaitement être un excellent parti. Comment avait-elle pu ? Pourquoi ne voyait-elle pas que notre union était si évidente ? Elle et moi, nous aurions pu bâtir un empire encore plus grand que celui de nos parents, nous aurions pu faire tellement de choses !
Aimablement, elle prit congé et regagna la salle de réception. Je restais, quant à moi, seul et désemparé. Un curieux sentiment, que je n'avais jamais connu, prenait place dans mon cœur. Je mis un moment à comprendre de quoi il s'agissait. C'était du dépit. Et du dépit, je n'en avais jamais connu, tant mes proches s'ingéniaient à me préserver et passaient mes moindres fantaisies. Ce soir-là, je me sentis abandonné, rejeté, mis au rebut comme si je n'étais qu'un pauvre homme sans importance. Indigne de lui plaire.
Je me forçais à respirer profondément pour me calmer. Puis, alors que mes yeux se portaient sur l'horizon, mon regard accrocha une étrange lueur au loin. C'était... c'était au Cap Sounion, là où se situaient les ruines de l'ancien temple de Poséidon.
Intrigué, et désirant plus que tout échapper à cette fête qui n'en était plus une pour moi, je quittais subrepticement la demeure familiale et me rendis sur les lieux.Là, j'eus la surprise de voir que cette lueur venait d'une sorte de... non, c'était bien un trident, planté solidement dans le sol. Sans trop savoir ce que je faisais, je l'empoignai et le soulevai facilement de terre, avec un certain étonnement tant il paraissait arrimé au sol.
— Votre Altesse...
Je me retournai aussitôt. J'étais pourtant certain que l'on ne m'avait pas suivi...
Devant moi, une jeune femme blonde, habillée d'une sorte d'armure rouge. Cela, ainsi que sa posture, me laissa sans voix. Car elle était à genoux devant moi. Certes, j'étais Julian Solo, héritier de la famille Solo et, de ce fait, riche et puissant, cependant je n'avais jamais forcé personne à adopter une position aussi déférente à mon égard. J'étais un prince, un roi, pas dieu tout de même ! Et qu'est-ce que c'était que ce nom dont elle m'avait appelé ? Peut-être se moquait-elle de moi après tout.
Je croisai son regard, et j'y lus un tel respect, une telle vénération, que je ravalai mes paroles.
— Votre Altesse, reprit-elle, si vous êtes venu jusqu'ici, attiré par ce trident, c'est parce qu'il s'agit de votre arme.
— Mon arme ?... Comment cela ?
Je ne comprenais rien.
— Oui, Votre Altesse, vous êtes la réincarnation du dieu des océans, Poséidon, lequel est sur le point de se réveiller, après deux cents ans de sommeil. Et votre royaume sous-marin vous attend avec impatience.
Royaume sous-marin ? Assurément cette jeune fille était folle. J'avais de toute façon déjà un royaume lié à la mer. Je m'apprêtai à la renvoyer lorsque, soudain, une luminescence bleutée apparut sur ma main qui tenait le trident. Cette lumière gagna ensuite mon bras, puis mon corps tout entier.
Dans le même temps je me sentais comme investi d'une sorte de pouvoir, comme si rien ne m'était impossible. Je voulus lâcher l'arme, mais l'on aurait dit qu'elle était collée à ma main. J'avais une singulière impression de familiarité comme si, effectivement, ce trident m'appartenait.
— Le royaume sous-marin dis-tu ?
— Oui, un domaine couvrant soixante-dix pour cent de la surface de la Terre, répondit-elle. Là-bas vos Généraux des Mers ainsi que les simples Marinas vous attendent avec impatience.
Généraux, Marinas ? J'allais l'interroger à nouveau quand, brusquement, elle se releva et s'approcha de moi si vite que je ne pus réagir. Elle m'enlaça et murmura :
— N'ayez crainte, Votre Altesse...
Affolé, je sentis qu'elle se jetait du haut de la falaise où nous étions et qu'elle m'entraînait avec elle ! Mais elle était bel et bien folle ! Nous allions nous fracasser sur les rochers, ou nous noyer !
Ce fut le trou noir.
Lorsque je repris mes esprits, je constatai que j'étais dans un lieu étrange. Au-dessus de ma tête, le ciel se mouvait comme si... comme s'il était fait de l'eau de la mer. En face de moi, un immense temple tout de marbre blanc, encore plus grand que la demeure Solo.
Une fois encore cette sensation de déjà-vu, de familiarité. Et cette force, cette puissance qui grondait en moi... Confusément, je compris qu'il me manquait quelque chose. Aussitôt, comme obéissant à un ordre mental, une armure, que je savais être en fait une Scale, me recouvrit. L'on aurait dit une seconde peau tant elle m'allait à la perfection. Ainsi équipé, avec mon trident, je ne craignais personne, j'étais devenu si puissant ! Beaucoup plus puissant que lors de ma vie de jeune prince Solo.
En face de moi, des dizaines de soldats, des simples Marinas. Tous agenouillés avec respect. Et, entre eux et moi, sept guerriers, les plus aguerris parmi mon armée, les Généraux des Mers. L'un d'eux, qui se tenait devant ses compagnons, mit un genou à terre et fut aussitôt imité par ceux-ci.
Cette fois, cela me sembla aussi naturel que de respirer. Ils étaient mes sujets et moi j'étais leur dieu. Une telle évidence me sautait à présent aux yeux. Terminé Julian Solo ! Désormais j'étais l'empereur des océans, Poséidon en personne. Et rien ne pourrait me résister !
Car j'étais arrivé là où était ma place, dans mon véritable royaume.