The runabout intruder

Chapitre 2 : Lieutenant K

2232 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/07/2019 16:57

JIM

La navette était sur pilote automatique. Seul à bord et de retour de la planète Neural, le jeune lieutenant relisait son rapport sur le peuple des collines qui se nommait les Tyree. Ces primitifs sympathiques l'avaient sans problème accepté dans leur village pendant quelques semaines, ce qu'il avait un peu pris comme des vacances. Mais l'envie lancinante de retourner dans l'espace et sur l'USS Farragut l'avait repris assez vite, une fois passé le plaisir et la curiosité des nouvelles amitiés.

Le tirant de sa relecture, la voix féminine de l'ordinateur l'avertit de la présence d'une balise de détresse à plusieurs années lumières, et un sourire irrépressible étira ses lèvres. Cette diversion venait à point nommé rompre la pénible monotonie du voyage retour, car s'il y avait bien quelque chose qu'il détestait par-dessus tout, c'était la solitude... Il posa son padd de côté et pianota sur les commandes de bord pour activer les capteurs qui lui présentaient un transport de prisonniers ne répondant à aucun appel… Ils pouvaient avoir besoin d'assistance médicale, ils pouvaient avoir été attaqués… Autant de bonnes raisons qui justifiaient ce détour somme toute minime...

Sans tergiverser plus longtemps, le lieutenant James Kirk envoya un message subspatial au Farragut avant de dévier de la course de son point de rendez-vous et passa en distorsion avec un plaisir évident.

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Une simple confirmation visuelle lui suffit pour comprendre que cette navette, à la dérive au large de nébuleuses multicolores, était à peu près dans la situation d'une charogne laissée à la merci d'une nuée de micro-sangsues… Il aurait bien aimé s'y téléporter mais s'il approchait trop son propre vaisseau, il ne tarderait pas à subir le même sort… Il stoppa donc prudemment à distance, coupa tous les systèmes qui pouvaient l'être afin de n'avoir pas l'air "trop appétissant" et réitéra en vain son appel. Après une courte réflexion sur les armes disponibles à bord, il choisit d'envoyer une petite décharge de gravitons droit sur les bestioles indésirables dans l'espoir de les faire décamper. A sa grande satisfaction, ceux-ci refluèrent peureusement sans demander leur reste. Il remit ses moteurs à impulsion en marche pour s'approcher un peu, puis il expédia un autre rapport subspatial pour signaler qu'il avait trouvé un cargo pénitentiaire en panne avec quatre signes de vie et qu'il allait voir.

En raison de la nature des plasmavores, il ne préférait pas abaisser ses boucliers pour se téléporter mais les conserver actifs pour repousser les affamés s'ils revenaient. Du coup, il en profita pour tenter une petite manœuvre d'arrimage manuelle.

La porte du sas latéral à l'arrière ne présenta pas de résistance particulière. Malgré sa combinaison de sortie un peu inconfortable qui rigidifiait tous ses mouvements, il réussit à se glisser à l'intérieur du cargo et à refermer. Le bruit caractéristique de la recompression lui indiqua que tous les systèmes de survie n'étaient pas complètement en panne, ce qui comptait parmi les bonnes nouvelles et expliquait la présence de survivants.

Comme tout était noir, exception faite de quelques faibles diodes bleuâtres, il alluma la lampe frontale de son casque. Quoique plus grande que la sienne, cette navette n'était faite que pour le transport d'une quinzaine de personnes, équipage compris. Son agencement était réduit à sa plus simple expression : poste de pilotage à l'avant, zone pour le transport des prisonniers au milieu, quelques commodités à l'arrière...

— Il y a quelqu'un ?

En réponse, des coups sourds résonnèrent aussitôt au fond, derrière une paroi.

Lorsqu'on trouvait un cargo vide sans prisonniers, avec des gens manifestement enfermés dedans, la première idée plausible était souvent qu'il s'agissait de l'équipage, immobilisé pendant l'escamotage des détenus par des complices… Faute d'avoir eu un retour sur le manifeste de bord de ce transport, il ne pouvait guère présumer plus justement de la situation.

Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte pour les délivrer et tâcher d'en savoir plus sur la façon dont ils s'étaient évadés, sa vision périphérique lui signala une silhouette plus claire se précipiter vers lui. Seuls ses réflexes lui évitèrent d'être jeté à terre sous le choc de la charge. Les semaines passées sur Neural à ne jouer qu'à des jeux de chasse et des sports de balle basiques avaient aiguisé ses sens de la bonne façon.

Toutefois, il se retrouva plaqué inconfortablement contre un étroit tronçon de paroi à côté de l'un des sièges. Les yeux clairs du jeune homme s'élargirent un peu en sentant la prise de fer contre son poignet et surtout un avant-bras glissé sous son menton exercer une pression sur sa carotide, à travers le col rigide de sa combinaison de sortie spatiale. De la buée pellicula l'intérieur de son casque… Il dut attendre un peu que la combinaison l'évacue pour découvrir que son agresseur était…

Une agresseuse. Une mince furie noire à la courte chevelure hérissée aboya en claquant des dents derrière ses lèvres bleues :

— Ne leur ouvrez pas, imbécile ! Ils vous sauteraient à la gorge pour vous tuer !

Plus surpris que réellement inquiet, il se disait qu'il était sans doute inconsciemment rassuré par son apparence fluette et… parce qu'elle n'était pas si désagréable à voir. Une donnée qui activait toujours chez lui des réflexes pas toujours appropriés à sa survie...

— Parce que vous, c'est tout différent, bien sûr ? répondit-il d'un ton où affleurait quand même une trace d'ironie perceptible.

Ils étaient là face à face, dans une posture légèrement équivoque, lui raidi par sa combinaison encombrante, elle tendue et prête à se défendre. Elle avait froid de toute évidence, mais elle était trop fière pour s'en plaindre ou lui demander quoi que ce soit...

— Oui c'est différent. Je vais vous lâcher mais n'ouvrez pas : ce sont les prisonniers là-dedans. Ils sont bêtes et agressifs.

Sous son casque, le lieutenant ne put retenir une moue amusée – presque un réflexe de défense pour lui aussi – tandis qu'elle essayait de jauger si on pouvait lui faire confiance. La tenue moutarde qu'elle portait indiquait un quartier pénitentiaire de haute sécurité. Ses cheveux naturels n'étaient pas soignés, sa peau un peu grasse, des cernes creusés la vieillissaient et elle n'avait pas dû voir une douche sonique depuis plusieurs jours… Mais ses yeux couleur de pain brûlé exprimaient une féroce intelligence et une gravité hantée qu'il n'avait pas l'occasion de voir chez les enseignes avec lesquelles il sortait d'habitude.

Pour tout dire, ces dernières étaient plus apprêtées, plus court vêtues et… plus disposées à lui plaire... Peu d'entre elles se seraient toutefois permis la manœuvre audacieuse mais très efficace dont elle usait actuellement pour obtenir son attention.

— Hum… Tel qu'il est placé, votre genou me parait pourtant assez menaçant lui aussi… déclara-t-il avec une honnêteté désarmante et un coup d'œil vers le bas.

Il pouvait sentir distinctement une jambe fléchie glissée entre les siennes, de façon à pouvoir lui décocher un bon coup dans les parties s'il avait le malheur de faire un mouvement de trop… Et pourtant, elle gardait ses deux appuis, bien consciente qu'il pouvait lui faire perdre l'équilibre… Il y songeait mais elle ne le lâchait pas des yeux et répondit sans une once d'amusement :

— Et bien enseigne, vous savez évaluer une situation, c'est déjà ça !

— Je suis lieutenant, protesta-t-il. Officier tactique sur le Farragut, et je m'ap…

— Je m'en fiche, coupa-t-elle avec lassitude avant de se reculer de plusieurs pas. En plus, vous êtes bien trop jeune pour être lieutenant.

Sous son casque, il lui décocha un redoutable sourire charmeur assorti d'une petite œillade faussement modeste qui réussit pourtant moins bien que ce qu'il escomptait. On avait toujours l'air ridicule avec un casque… Mais ''trop jeune'', c'était ce qu'on lui avait toujours dit. Et pour à peu près tout, au point qu'il avait mis un point d'honneur à en faire sa marque de fabrique...

Avec des gestes tremblants probablement dus à une condition physique pas excellente vu la température ambiante, elle le libéra pour aller vers la console de pilotage. A dix contre un, pour vérifier les systèmes de survie. Elle pianota en vain sur plusieurs commandes tandis qu'il surveillait discrètement ce qu'elle faisait… Il n'aurait pas procédé mieux.

— Donc vous êtes étiez dans Starfleet… énonça-t-il comme si c'était plus une évidence qu'une question. Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Cour martiale, nouvel uniforme et nouvelle affectation dans une mine andorienne, déclara-t-elle platement.

— Quels étaient les chefs d'accusation ?

Elle ignora la question curieuse et s'accroupit au sol pour retirer un panneau sur le pied de la console. Ouvrant avec dextérité une petite valise d'outils sortie d'un logement à proximité, elle attrapa un tournevis et commença à dévisser un composant noirci.

— Écoutez enseigne, je n'ai ni le temps ni l'envie de satisfaire votre curiosité. Retournez dans votre navette, je vais me débrouiller.

Lieutenant, corrigea-t-il, buté. Et il n'en est pas question.

— Pourquoi ? Vous savez faire une dérivation sur un conduit EPS endommagé, peut-être ?

— Pas plus mal qu'un autre. Mais pourquoi voudriez-vous faire ça ? Vos réserves sont presque à sec… Même si vous rétablissiez la distribution pour qu'elle alimente le système de survie, il faudrait encore que vous ayez de l'énergie à distribuer. A vue de nez, vous ne tiendrez pas très longtemps… Les plasmavores vous ont salement rançonnés tout à l'heure…

— Oui, et d'ailleurs je serais vous, je retournerais dans ma navette et je décamperais vite fait avant qu'il ne m'arrive la même chose…

— Et si, au lieu de s'embêter à réparer ça pour rien, nous allions tout simplement dans ma navette qui, elle, justement, est en parfait état de marche ? déclara-t-il tranquillement.

Apparemment soufflée, elle se dévissa la tête pour vérifier qu'il ne se moquait pas d'elle.

Bon, c'était déjà une réaction un peu plus marquée. Pas celle qu'il attendait, mais quelque chose au moins qui lui confirmait qu'elle n'était pas dépourvue de toute émotion et blasée, comme elle cherchait ostensiblement à le lui faire croire depuis le début.

— Ah, c'est comme ça que vous respectez les protocoles de sécurité ?! Vous avez de la chance que j'aie perdu mon grade, sinon je vous aurais collé un signalement pour manquement… Qu'est-ce qui m'empêcherait de vous assommer, vous laisser ici et de voler votre navette ? En plus, ce serait assez miséricordieux : je ne donnerais pas cher de votre avancement si vous surviviez et que vous étiez reconnu responsable de mon évasion…

Ah, un peu de sarcasme. Il était bien difficile de rester de marbre face à un esprit brillant capable de faire de l'humour même dans les situations désespérées...

— J'ai toujours eu une chance insolente, rétorqua-t-il sur un ton qui confirmait bien ses propos. Quitte à savoir la provoquer...

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MICHAEL

Ce dernier mot la fit sursauter. Quelque chose dans le ton qu'il avait employé. A demi-enfoncée sous le pied de console, elle arrêta de fourrager là-dessous parce qu'elle eut subitement conscience qu'il posait des yeux intéressés sur le restant de son anatomie exposée. Elle ressortit en fulminant.

Oh cet air innocent alors qu'il était pris sur le vif ! Il ne la dupait pas un instant. Pas avec ce léger sourire en coin, ni avec la façon dont ses paupières s'amincissaient sans parvenir à cacher la malice (ou la suffisance), peut-être, qui était la sienne.

Il devait savoir qu'il était assez séduisant dans son genre. Et compter dessus. Et peut-être bien que ça marchait sur les cadettes, peut-être même que ça marchait sur tout un tas d'autres femmes plus âgées… Mais avec elle, il était mal tombé.

— Et alors, vous avez l'intention de rester là, les bras ballants, à me regarder faire, les fesses au chaud dans votre combinaison, ou bien de m'aider à réparer ?

En appui sur une jambe, il se croisa les bras et inclina une tête pensive. En vérité, il appréciait secrètement qu'elle fasse rebondir la conversation sur ce terrain.

— Je parierais sur un grade élevé, enchaîna-t-il. Donner des ordres vous vient trop naturellement... Et pour ce qui est de… garder les vôtres au chaud, j'aurais bien quelques suggestions à vous faire…

Une chose était sûre, il n'aurait jamais pu se permettre une telle liberté de ton si elle avait conservé son rang.

Ni l'un ni l'autre n'eurent toutefois le loisir de méditer bien longtemps là-dessus : ce fichu transport s'éteignait inexorablement… Une nouvelle alarme au son plus inquiétant leur vrilla les tympans et la jeune femme se recroquevilla brusquement, tombant à genoux la bouche ouverte quand le froid la saisit. Ils venaient de perdre le système de survie.

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