Les Boîtes de Pandore
Chapitre trois
Mad men in boxes
Situé dans l'hémisphère nord de Tatouine, Mos Espa était l'un des endroits les plus sûrs de la planète. La sécurité y était certes assurée par la mafia locale, la tentaculaire famille Hutt, mais ses habitants y vivaient sereinement. Aussi sereinement que puissent vivre des trafiquants, des esclavagistes et autres malandrins.
Le vent poussait le sable dans les rues bondées, cadrées de bâtisses aux teintes ivoire et argile. Le tumulte ambiant, le brassage des différentes ethnies, ajoutés au sable, aidaient grandement à la discrétion des voyageurs.
Les deux silhouettes encapuchonnées n'étaient pas tranquilles pour autant.
Ils évitaient soigneusement tout contact avec la population disparate locale.
Un rodien négociait bruyamment les tarifs à l'étal d'une vendeuse de viande séchée devaronienne, un jawas chevauchait un dewback au grand dam des piétons, et deux biths se faisaient contrôler par une patrouille de Stormtroopers.
A la vue des armures immaculées, les deux individus bifurquèrent dans une ruelle.
Le plus grand des deux, penché sous cape, la tête dissimulée, émit un grognement contrarié.
Son compagnon de voyage s'emporta :
-Ho, vraiment ?! Tu as un mauvais pressentiment ?
Sans relever l'ironie, le mastodonte acquiesça d'un bougonnement guttural.
Han Solo fit tomber sa capuche, puis pointa son index inquisiteur vers son copilote.
-Parce que tu crois que ça me fait plaisir de revenir sur ce tas de poussière !
Il tourna le dos à Chewbacca qui venait à son tour de se découvrir la tête. La créature velue observait son ami faire les cents pas. Le contrebandier argumentait avec quelqu'un qui n'était pas là.
-Ah oui, riche idée votre Altesse d'approvisionner la résistance en armements volés aux Hutts!
Chewbacca était un wookie, grand gaillard à l'épais pelage marron sous sa cape. Il était surtout préoccupé par le comportement de son partenaire, et lui signifia le fond de sa pensée d'un nouveau grognement.
Solo, mâchoire carré, regard expressif et épaisse chevelure brune, s'offusqua un peu trop pour être honnête :
-Mais je ne fais pas ça pour séduire la Princesse!
-Bwaaarg?
-Hey...? Et, bah, déjà parce que je n'ai pas besoin de faire tout ça pour la charmer, figure-toi!
Il ajusta le col de sa chemise, remonta sa capuche avant de préciser avec conviction :
-Puis je te ferai savoir, mon p'tit père, qu'elle y est déjà... Sous mon charme.
Il se posta à l'entrée de la ruelle, afin de vérifier que le contrôle de routine était terminé. Malheureusement, les soldats de l'Empire avaient désormais fait descendre le Jawas, lui demandant les papiers de son destrier.
-On ne passera pas par ici, mon vieux Chewie.
Le contrebandier rebroussa chemin en direction de l'autre extrémité de la ruelle, emportant la cape du wookie dans la manœuvre.
-Allez viens boule de poils, la cargaison doit être chargée à l'heure qu'il est. Meego a eu son pognon. On va pas s'éterniser.
A nouveau incognito, le duo se faufila jusqu'à l'autre extrémité de la ruelle, quittant les ombres pour la fournaise des brûlants soleils.
L'espace d'un instant, Solo fut rassuré : il y avait moins de monde de ce côté de Mos Espa, ils auraient vite fait de rejoindre le spatioport.
Cependant, il entendit les cris.
À quelques pas d'un étale de champignons, deux enfants gisaient sur le sol.
L'un des deux Troopers présents semblait rapporter au commerçant le maigre fruit d'un larcin, l'autre menaçait de frapper les jeunes voleurs de la crosse de son fusil.
Sans se concerter, le duo bifurqua comme un seul homme en direction des soldats de l'Empire.
Solo cru bon de glisser à son ami :
-On règle le compte de ses deux guignols, mais après, il faudra courir jusqu'au Faucon.
Il eut toutefois la bonne idée de ne pas porter la main sur l'holster qui lui entourait la cuisse, gardant son blaster à l'abri de sa cape.
Solo leva la voix à l'attention du binôme en armure blanche :
-Hey! Laissez ces gosses tranquilles!
L'espace d'un réflexe, les fusils blasters furent braqués sur Solo et Chewbacca, qui eurent le bon goût de lever les mains. Ils ne se calmèrent pas pour autant. Le wookie protesta, son partenaire également :
-C'est à ça que vous entraîne l'Empire? Molester des mômes ?!
L'un des Troopers pencha la tête sur le côté, amusé, cette bravade lui paraissait visiblement une bonne raison pour utiliser la force. D'un autre mouvement de tête, il indiqua la foule de passants qui s'était agglutinée près de l'étal.
-L'Empire nous entraîne à faire des exemples.
Les armes grésillèrent. Une volée d'étincelles jaillit des fusils blasters, suivies d'une fine fumée claire.
Les contrebandiers encapuchonnés baissèrent les bras.
Les deux soldats échangèrent un regard perplexe au travers les lunettes de leurs casques blancs, puis secouèrent leurs fusils inertes.
Écartant la foule, glissant une télécommande bleu métal dans la poche intérieure d'un long trench-coat chocolat, rappelant la teinte de sa peau, un nouvel intervenant s'approcha des soldats, un large sourire sous une fine moustache.
-Messieurs, laissez-moi régler ce petit différent.
Un polo multicolore à rayures verticales à large col, ouvert sur une chaîne brillante, épousait harmonieusement, son torse, il glissa les mains dans les poches de son pantalon bleu roi, bien ajusté et plissé.
Il était solaire, et visiblement aussi fou de s'interposer que l'avaient été Chewbacca et Solo quelques minutes plus tôt.
Devaroniens, Biths et Jawas n'en perdaient pas une miette, dans l'expectative d'un quelconque dénouement malheureux.
L'un de Troopers, visiblement le chef, secoua à nouveau vainement son arme, qui n'était plus en état, avant de la glisser en bandoulière.
Les deux jeunes voleurs s'étaient relevés.
Il interrogea silencieusement du regard son binôme, qui n'eut d'autres réponses qu'un haussement d'épaules. Il interpella ensuite le nouveau venu, qui ne l'écouta pas, occupé qu'il était à flâner devant l'étal.
-Ç'a l'air appétissant tout ça... Vous les faites pousser vous-même ou vous les importez ? Demanda-t-il, léger, au marchand.
Celui-ci, un gros gaillard flanqué de deux paires de bras hésita, ne sachant plus comment réagir. Il marmonna d'une voix fluette :
-Heu.... J'les fais pousser…
Han Solo, les bras croisés, appréciait la scène, de l'amusement aux coins des lèvres.
Penché aux dessus de la récolte cendrés, l'homme au trench-coat, releva la tête.
-Haaa.... Je suis embêtée. Voyez-vous, je viens d'arriver et je n'ai pas de quoi payer. Puis-je vous proposer un troc ?
Joignant le geste à la proposition, il sortit, d'un geste théâtral, un pochon de papier kraft pour en tirer un minuscule petit bonhomme vert fluo qu'il tendit au commerçant.
Les Stormtroopers signifièrent qu'ils étaient toujours présents d'un "hey" mal assuré. Le marchand, qui mâchouillait le bonbon, visiblement ravi, ne prêtait plus attention aux soldats.
Le moustachu plus souriant encore, hasarda :
-Puis-je vous proposer ce petit sachet contre une poignée de champignons ?
Avec une approbation gutturale, le myciculteur saisi le pochon dans lequel il plongea une de ses mains.
L'homme au trench-coat s'approcha des enfants pour offrir à la fillette radieuse, indubitablement la grande sœur, une poignée de champignons. Il fit apparaître un second paquet de bonbons qu'il donna au plus jeune des voleurs.
-Allez, filez, leur conseilla-t-il en gloussant, et soyez plus prudent à l'avenir.
La lourde main de l'un des Troopers s'abattit sur l'épaule de pourvoyeur de sucrerie.
-À nous deux maintenant !
Son comparse l'interrompit :
-Chef, les deux autres ont disparu !
Celui-ci se retourna pour chercher du regard le duo d'encapuchonnés, qui avait effectivement mis les voiles. Il parcourut vainement la foule du regard, avant de porter de nouveau son attention sur l'homme au trench-coat.
-Vous allez venir...
Malheureusement , le négociateur venait également de se volatiliser.
-Bon... Marmonna-t-il sous son casque. Viens 421, allons faire réparer nos blasters. Je te préviens 421: si tu racontes cette histoire, tu seras de corvée récurage de latrines.
...
Ce fut au pas de course que Chewie et Solo arrivèrent au spatioport, un grand hangar circulaire à ciel ouvert, au sol couvert du même tapis de sable qu'à l'extérieur.
L'employé en charge des lieux venait de leur confirmer que le chargement venait de se terminer, aussi terminaient-ils leur course à petite foulée en direction du Faucon Millenium, un antique vaisseau Corellian aux allures de disque plat, au cockpit décentré, marqué par les années.
Le duo s'apprêtait à s'engouffrer sous la structure de ce que beaucoup appelaient "un tas de ferraille", lorsque Solo arrêta son comparse.
-C'est quoi ça ?
Du doigt, il indiquait une cabine placée entre diverses caisses. Elle était surmontée d'une petite lumière vibrante, indiquait des informations hors de propos du genre "Police Box" inscrit au-dessus d'une double porte. L'une d'elles s'ouvrit pour laisser sortir l'homme au trench-coat.
-Ha ! Vous voilà enfin !
-Mais comment ça, "enfin"? Balbutia le contrebandier. Mais comment diable avez-vous fait pour nous devancer ?
L'inconnu rejoignit le duo à l'ombre du faucon, leur tendit la main pour les saluer. Les deux compères échangèrent un regard suspicieux, refusant par méfiance la poignée de mains. Chewbacca grogna en s'engageant sur la passerelle, l'air de dire "débrouillez-vous sans moi".
-Vous êtes qui a la fin ?
-On me nomme le Docteur, annonça fièrement l'étranger.
Il indiqua sa boîte bleue du pouce.
-Voyez-vous, je viens d'arriver, et mon vaisseau refuse de bouger.
Solo se tendit sur la pointe des pieds pour jeter un nouveau coup d'œil à la "police box".
-C'est un vaisseau ça ? Vous êtes en panne ?
Le Docteur passa une main sur sur ses cheveux ras, puis sur sa nuque, visiblement embarrassé.
-Non, pas vraiment en panne, le Tardis ne connait pas vos différents systèmes solaires ni vos galaxies, du coup, il refuse de bouger avant d'avoir terminé de cartographier ce secteur.
Il eut un rire nerveux en ajoutant :
-C'est un excellent vaisseau, mais il est TÊTU!
Il semblait avoir crié ce dernier mot à l'attention de la boîte.
Il eut une courte latence avant de comprendre que son attitude, ainsi que ses intentions, n'étaient pas limpides, aussi précisa-t-il avec son plus beau sourire :
-J'ai besoin d'un taxi.