Les Boîtes de Pandore

Chapitre 6

Les Manigances d'une poivrière et d'un sarcophage

Solo était soulagé. Maz Tanaka avait accepté de stocker la précieuse cargaison, en attendant qu'un autre cargo rebelle vienne jouer les transporteurs, aussi la soute du Faucon n'était plus remplie d'armes dérobées aux Hutts. Le contrebandier était déjà suffisamment en porte-à-faux avec Jabba, la tête pensante de la famille mafieuse.

Il était là, les poings sur les hanches à détailler le dernier colis que contenait la soute : l'étrange grande boîte bleue.

L'uluberlu qui se faisait appeler le Docteur y avait passé la nuit.

Enfant, lorsqu'il vivait dans la bordure extérieure, Han Solo avait entendu des légendes sur des créatures buveuses de sang contrainte à dormir dans des cercueils dès le levé du jour. Sa réflexion le fit sourire. T'as raison Solo, ironisa-t-il intérieurement, un cercueil vertical, une histoire à dormir debout.

Il leva son poing fermé, mais n'eut pas le temps de toquer contre le panneau que la porte s'ouvrit.

La tête du Seigneur du Temps, rapidement suivit de son svelte corps, se faufila dans l'entrebâillement, ravi de voir son compagnon de voyage. Celui-ci sur la pointe des pieds jeta un furtif regard curieux entre les portes, par-dessus les cheveux ras du Docteur.

-C'est un jeu de miroirs ? Ç'a l'air plus grand à l'intérieur.

Refermant le Tardis, sans quitter Solo des yeux, lui souriant, le mystérieux passager glissa son bras autour des épaules de celui-ci, le guidant hors de la soute.

-Un jeu de miroirs, oui, quelque chose comme ça, mon chou.

Le vent soulevait mollement les pans de son trench-coat, lorsque le Docteur, au côté de Han Solo, descendit la passerelle. Il avait été convenu la veille que Maz et Chewbacca les rejoignent aux premières lueurs de l'aube, et le soleil reflétait ses rayons orangés sur le lac.

-Vous pensez que Maz aura les informations ?

Solo fit la moue.

-Je ne la sens pas cette vieille bique, mais étrangement je pense que pour ça, on peut lui faire confiance.

Le Docteur s'accroupit pour ramasser une plume que le vent avait poussée jusqu'à ses sneakers. Sans se relever, faisant tourner la plume grise entre le pouce et l'index, le Seigneur du Temps sourit.

-Vous n'avez aucune raison de ne pas l'aimer.

-Ne commencez pas, Doc. Allez pas me psychanalyser.

Solo s'était éloigné de quelques pas. Levant les mains, il ajouta :

-Je vous vois venir !

Si le contrebandier pouvait se vanter de savoir lire les gens, le Docteur le pouvait également.

-Rassurez vous, Han, je ne vais pas vous accuser de jalousie. Vous êtes simplement vexé, et ça se comprend.

Le beau brun ouvrit la bouche, puis la referma, les bras ballant. Dans un soupir exaspéré, il tourna le dos à son mystérieux voyageur.

Le vol d'oiseaux argentés se refléta sur l'interminable lac.

-Vous pensiez tout savoir sur Chewbacca, continua le moustachu sans décrocher ses yeux de la plume. Que votre amitié vous avez donné accès à toute son histoire. Mais Maz Tanaka représente sa vie avant vous. Comme si des mains invisibles venaient réécrire le lien que vous partagez, Chewie et vous.

Il se releva, glissant la plume dans une poche intérieure de son vêtement, puis continua :

-C'est de l'orgueil mal placé. Si je peux me permettre, vous devriez vous réjouir : il vous reste des choses à apprendre sur ce bon vieux wookie.

Solo glissa les mains dans ses poches. D'une décontraction naturelle, il se retourna.

-A quel moment ? Demanda-t-il calmement plongeant son regard dans celui du Docteur. À quel moment avez-vous été en contact avec la princesse Leia ? Vous qui avez eu tant de mal à contacter le gratin de la résistance comme Maz Tanaka. Pourquoi Leia n'aurait-elle pas pu vous aider mieux que moi ? Parce que soyons franc, c'est une sacrée nana la Princesse. Plus débrouillarde que n'importe quel contrebandier.

L'accusation fut immédiatement appuyée par l'arrivée de Chewbacca et Maz Tanaka émergeant de la végétation. L'antique baroudeuse, en dépit de sa petite taille, devançait le wookie. Celle-ci éleva la voix tandis qu'elle approchait :

-Solo! Nous avons un problème !

En appuie contre le long vérin hydraulique de la passerelle métallique, le Docteur, désabusé, marmonna pour lui-même :

-Règle numéro une...

-Le Docteur ment! Annonça la petite femme orange.

...

La menace était cependant réelle, le procès allait devoir attendre.

La rumeur du massacre de l'ancien temple jedi avait fini par remonter dans les hautes sphères de la Résistance, accréditée par quelques témoignages glanés sur l'étrange créature qui y avait décimé plusieurs pelotons de Stormtroopers.

Le vaisseau Corelien filait en vitesse lumière au centre d'une distorsion spatiale bleutée.

Solo se sentait enfin utile, de nouveau enfoncé dans le fauteuil usé de son poste de pilotage, au côté de Chewbacca, qui pour sa part vérifiait les constantes du Faucon Millenium.

Derrière l'efficace duo, Maz lançait des regards en coin suspicieux au Docteur.

-Je suis sincèrement désolé, plaida celui-ci. Si je n'avais pas menti à vos amis, jamais ils ne m'auraient cru.

D'une même voix, dans un pointage d'index croisé, se désignant l'un l'autre, Maz et Solo, contorsionné sur son fauteuil, lancèrent :

-Ce n'est pas mon ami !

L'espace était exigu, contraignant la gestuelle du Seigneur du Temps qui prit le contrebandier à parti :

-Si je vous avais annoncé d'entrée de jeu : "Bonjour, je viens d'un autre espace-temps, je recherche un robot tueur", vous m'auriez pris pour un illuminé.

-Plutôt deux fois qu'une, mon p'tit pote, déclara, sans appel, le pilote en s'enfonçant de nouveau dans son siège déglingué.

Les bras croisés, Maz Tanaka, l'épaule contre le dossier de Chewbacca, se fit plus curieuse, moins suspicieuse.

-Vous avez déjà affronté ce Malek ?

-Dalek, corrigea le Seigneur du Temps. Oui, un nombre incalculable de batailles. Ils ont la fâcheuse tendance de revenir avec un plan plus tordu à chaque fois.

-"Ils"? Je croyais qu'il n'y avait qu'un seul Dalek?

-Ils ne restent jamais seuls très longtemps.

Maz soupira :

-Vous ne pensez pas si bien dire. Nos agents rapportent que le destroyer L'Étendard, qui était en mission au-dessus de l'ancien temple Jedi serait réapparu dans l'espace Kaminoen.

Sans lâcher le flux spatial distordus des yeux, Solo demanda :

-Et c'est mauvais signe, hein ?

-Suffisamment pour que Leia nous envoie une escadrille en soutien.

Le visage de Solo s'assombrit.

Perplexe, le Docteur demanda :

-Il y a quoi dans l'espace Kaminoen ?

-Des usines de clonage.

...

L'orage venait de passer. La pluie et le tonnerre avaient cessé depuis quelques minutes, mais le vent, lui, ne s'était pas apaisé, malmenant l'océan et la cape d'un Dark Vador impassible.

Le parfum d'ozone flottait dans l'air. Un soleil crépusculaire perçait les nuages lourds du ciel de Kamino. Les vagues qui se fracassaient sur les pilonnes du quai étaient assourdissantes.

Avant la foudre, avant la tempête, Vador et le fils de Davros avaient eu une légère altercation sur la passerelle circulaire, accrochée à l'immense laboratoire Kaminoen. Le Sith avait rappelé l'importance de ses objectifs militaires au Dalek, ainsi que la finalité de leur plan. Autant de points que ce dernier semblait considérer comme secondaire, voir insignifiant. Il avait peu apprécié d'être ainsi rappelé à l'ordre pour son manque de coopération.

-Vous n'êtes pas mon maiiitre, avait asséné la créature avant de prendre congé. Aucun Dalek ne sera votre esclaaave. Ceci est une alliaaance, pas une asservissemeeeent.

Étant né esclave, Vador ne pouvait que comprendre cette volonté d'indépendance, mais les Daleks ne méritaient guère de telles considérations. Ils devraient se plier aux exigences de l'Empire.

Par ailleurs, le Seigneur Noir avait un atout que le Dalek ne pouvait soupçonner. La procédure de clonage sur Kamino incluait un verrouillage psy, géré par une biopuce implantée à chaque clone, assurant de la sorte l'obéissance des sujets.

Cependant, la discussion qu'il venait d'avoir avec son nouvel allié le faisait douter.

Ces êtres seraient-ils en capacités de résister à la biopuce ?

Avait-il fait fausse route ? N'y avait-il pas, comme l'avait suggéré Dark Sidious, d'objectifs plus impérieux ? D'objectifs moins risqués ?

Le Seigneur Vador était resté là, sous la pluie, des heures durant, les bras croisés dans le dos, comme pour se ressourcer au cœur de la violence des éléments.

La Force avait mit cette créature sur son chemin, il ne devait pas en douter. Elle devait indéniablement avoir sa place dans la tapisserie des évènements à venir.

Le ciel bleu apparu au-dessus de l'océan, alors qu'un voile de plénitude se déposait finalement sur les eaux, comme si l'homme en armure avait absorbé les ombres et la colère des vents, maître des éléments, de la situation et des choses à venir.

La voix impérieuse de son mentor résonna en écho dans sa mémoire :

-Ne soyez pas trop présomptueux, mon Apprenti, lui avait-il rappelé de nombreuses fois.

Vador tourna les talons, s'apprêtant à quitter la plateforme lorsqu'il ressentit des picotements le long de sa nuque. Le même frisson qu'il avait ressenti ce jour-là, dans les tranchées de l'Étoile Noire. Le jour où il avait affronté son fils pour la première fois.

Il leva les yeux vers les quelques étoiles qui émaillaient encore le ciel bleu désormais dégagé. Quelque chose se préparait. Au travers les remous de la Force, le Seigneur Noir pouvait le sentir.