La Trilogie de l'Expansion

Chapitre 3 : Partie de Chasse

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 13:58

Le vide. Rien que cette sensation enivrante où plus rien ne comptait. Ah oui, rien n'était plus agréable pour Chi'ta Koskaya qu'une bonne séance de méditation. Et cette méditation, la jeune fille la pratiquait dans le parc de l'ambassade Pelagia. Allongée sur la pelouse, elle avait laissé tomber sa cape de Jedi, et sentait chaque brin d'herbe s'harmoniser avec sa fourrure de Drall. Et tandis que son esprit vagabondait, elle voyait…

La Lumière… La Lumière… comme c'est agréable. J'aimerais pouvoir faire vivre cette sensation à chaque être vivant dans cet univers. C'est peut-être ça, être en harmonie complète avec la Force.

Un petit bruissement la ramena à la réalité. Elle se redressa doucement.

- Salut !

- Oh, bonjour, répondit-elle en attrapant prestement sa robe.

Liam Kincaid sursauta, et se retourna d'un mouvement sec et gêné. Il entendit la jeune fille se rhabiller.

- Désolé, je ne savais pas que…

- Que… quoi ?

Liam sentit l'embarras empourprer ses pommettes.

- Que tu étais… du genre naturiste.

- Hein ? Ah non ! Ne t'en fais pas, tu ne me gênes pas en me voyant ainsi. Je sais que la nudité est taboue chez la plupart des Humains, mais sur Drall, c'est comme sur Kashyyyk, les habitants sont naturellement couverts de fourrure, et n'ont pas de souci à se faire. Nous nous contentons de porter un foulard, une petite cape, ou toute autre pièce de tissu simple, ainsi que des bijoux. J'ai pris l'habitude de respecter les convenances des Humains et des Jedi c'est tout.

Elle rajusta sa ceinture, et se plaça à côté de l'adolescent.

- En fait, je méditais. As-tu appris à méditer ?

- Mon Maître m'a fait faire quelques exercices de temps en temps. Mais je n'ai pas encore eu l'entraînement pour avoir des expériences de perception vraiment prenantes. Ma formation tient surtout dans la maîtrise des armes.

- Je comprends. Tu voulais me parler ?

- Oui, le Haut Seigneur Paddox m'a dit qu'il a reçu un message du chef Stern de la Maison Cadriaan. Le chef souhaite nous voir avec les autres dans une heure. Il faudra prévoir quelques bagages, on part faire un petit voyage.

- Une heure… cela nous laisse encore un peu de temps. Veux-tu qu'on essaie un peu ?

- Essayer quoi ?

- De méditer ensemble.

- Oh ? Et pourquoi pas ? Mais je te préviens, moi, je garde mes fringues !

- Je sais, grand nigaud ! Allez, tu vas voir, ce n'est pas trop difficile. Pour commencer, allongeons-nous sur le sol. L'herbe est justement tiède et moelleuse.

Et les deux jeunes gens s'installèrent par terre, côte à côte.

- Voilà. Tu y es ?

- Oui, ça, c'est pas dur.

- Parfait. Maintenant, concentre-toi sur ta respiration. Ne pense à rien d'autre, ne visualise rien d'autre. C'est un cheminement qui se fait par étapes. Que vois-tu ?

- Ben… vu que j'ai les yeux fermés, pas grand-chose.

- Non, vas-y, dis-moi, que vois-tu ?

- Une sorte de tache orangée, sans doute le soleil.

- Très bien. Maintenant, essaie de ne penser à rien d'autre qu'au soleil. Ses rayons réchauffent ta peau, sa lumière éclaire l'obscurité à travers tes paupières… et ton esprit peut se libérer de ton enveloppe corporelle quelques instants. Et on y va pas à pas… vers la Lumière.

Liam était sceptique. Il fit ce que Chi'ta lui conseillait. Inspiration, expiration, inspiration, expiration… Peu à peu, il ressentit quelque chose. Il n'aurait pas su le décrire, mais c'était une sensation… justement, il n'y avait plus de sensation. Il était bercé par un flux d'énergies chaudes et agréables.

- Et maintenant, laisse cette lumière pénétrer en toi…

Mais Liam n'entendait plus la petite voix bienveillante de sa condisciple. Il sentait qu'il s'envolait, que son esprit quittait sa forteresse de chair. Derrière les paupières de ses yeux clos, il voyait une lumière dorée, sans doute celle dont parlait Chi'ta. Il se vit se déplacer vers elle, lentement, sereinement…

C'est plus facile que je…

Une furieuse sensation indéfinissable le tira brusquement de sa torpeur, il se redressa d'un sursaut. Chi'ta était agenouillée près de lui, l'air affolée.

- Liam ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Je… mais qu'est-ce qui s'est passé ?

- Tu as eu comme un choc ! Et puis… tu as dit quelque chose.

- Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ?

- Tu as eu une vision ?

- Je ne sais pas. Je… qu'est-ce que j'ai dit ?

- Tu as dit « Na'toth ».

- Na'… quoi ?

- « Na'toth ». Ce n'est pas du basic. Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Je n'en sais rien. On dirait un nom.

- Une de tes connaissances ?

- Je ne crois pas. Je… non, vraiment, ça ne me dit rien.

- Bon, ce n'est pas grave, répondit Chi'ta avec résolution. Oh, mais il se fait tard, constata-t-elle en regardant rapidement l'heure sur la montre de Liam. Allons-y !

Les deux adolescents se relevèrent, et se dirigèrent vers l'ambassade. Quelques instants plus tard, le véhicule de fonction de la Maison Pelagia les emmenait jusque devant le bâtiment de la Maison Cadriaan. Quand ils franchirent la porte du bureau du chef de la sécurité Maleek Stern, ils étaient déjà tous là : la rusée Taava, l'audacieux Morgreed, l'impétueux Canderous et son compère Dankin. Tous saluèrent les deux padawans, et le chef Stern les invita à s'asseoir.

- Bien ! Nous n'attendions plus que vous pour entrer dans le vif du sujet.

- Alors, quelle mission impossible pleine de rebondissements nous attend ?

- Pas d'affolement, fiston. Pour être franc, je ne sais pas si j'ai bien fait de vous prévenir, car ce boulot-là risque de ne pas… enfin, de ne pas vraiment mettre à contribution vos ressources. En outre, votre jeune âge risquerait de…

- Laissez, chef, intervint Taava. J'ai confiance en leurs talents. Ils n'auront qu'à être nos stagiaires.

- Nos stagiaires ?

- Oui, mademoiselle Koskaya. Aujourd'hui, nous allons vous demander de faire un important travail d'investigation et d'espionnage.

- Espionnage ? De quoi parlez-vous ?

- Je vais récapituler les faits, vous comprendrez.

Le chef Stern lança un programme sur son ordinateur. Un diaporama représentant la carte du Secteur Tapani s'afficha sur l'écran mural.

« Il y a quelques jours, des pirates ont attaqué un convoi de ressources minières destinées à la Maison Cadriaan. C'était une attaque en règle, avec de gros moyens et de vrais pros. Personne n'a rien vu venir. On a cependant un agent dans la Guilde Minière qui nous a envoyé un message : l'une des sommités de la Guilde Minière serait complice, et aurait vendu des informations qui auraient permis ce pillage.

« Cet agent infiltré nous a parlé d'un rendez-vous, que cette sommité corrompue aurait donné à ses complices. Elle va profiter d'une importante réunion pour mettre au point les derniers détails de la prochaine action des pirates, et c'est là que vous intervenez. Vous allez participer à cette réunion, vous aussi, et si officiellement, vous serez de paisibles citoyens, officieusement, vous serez nos agents infiltrés.

Un holoportrait apparut sur l'écran mural. C'était une femme Humaine, entre deux âges. Brune, au teint sombre, elle avait le regard sévère diffusé par deux yeux vifs.

- Je vous présente Annora Calandra, la principale représentante de la Guilde Minière sur Tallaan, la capitale du système des Mondes Libres. D'après notre agent, c'est cette personne qui est dans le coup.

- Où et quand est-ce qu'elle compte agir ? s'enquit Canderous.

- Ici, répondit le chef en remettant la carte, puis en zoomant sur une section.

La petite bande put voir sur la surface vitrée une station spatiale en orbite autour d'une planète entièrement verte.

- Voici la lune forestière Vilhon, du système Vycinyth. Et cette station est le pavillon de chasse orbital de la Maison Melantha.

- Melantha ? Les pro-impériaux ? Et qu'est-ce qu'on va faire chez eux ?

- C'est simple, mademoiselle Koskaya. Chaque année, les Maisons du Secteur Tapani organisent une réunion spéciale, le Vor-Cal. C'est une tradition remontant à plusieurs siècles. Le Vor-Cal est un événement qui dure deux jours. Deux jours de festivités, de distractions et de mondanités, durant lesquelles toutes les Maisons mettent provisoirement de côté leurs différends pour passer un moment de trêve dans une compétition amicale.

- Quel genre de compétition ? bâilla Morgreed. Vous ne l'avez pas précisé, chef.

- Très juste, Morgreed. Il s'agit d'une partie de chasse.

Immédiatement, le Barabel, le mercenaire et le Togorien se redressèrent, subitement captivés par le discours du chef.

- Une partie de chasse ? répéta Chi'ta.

- Ouaip.

- Il n'est pas question que je me joigne à une partie de chasse !

- Moi non plus ! s'indigna Liam. Allez, viens, Chi'ta, on se casse.

- Attendez, attendez ! s'exclama le chef Stern avec un geste qui se voulait conciliant. Vous ne serez pas obligés de chasser ! D'ailleurs, si ça se trouve, vous êtes trop jeunes pour y prendre part. En fait, chaque Maison a son ou ses représentants. Vous vous fondrez parmi les invités, et remplirez vos objectifs en tâchant de ne pas éveiller les soupçons. Et c'est pourquoi je vous remets ceci.

Le chef Stern distribua des cartes d'identité métallisées. Chacun regarda la sienne avec plus ou moins d'intérêt. Le Barabel éclata de rire quand il vit la nouvelle identité de Canderous, bombardé Canderous de Cadriaan, lointain membre de la Famille de Dame Bathos, escorté par son « animal de compagnie », le Togorien Dankin. Lui, Morgreed, était le garde du corps personnel de Taava, négociante employée par Xizor Transports System – une carte de Sprax était jointe, avec écrit dessus « bon courage, très chère ». Quant aux deux padawans, ils étaient tous les deux secrétaires de Taava. Le chef Stern reprit :

- Nous pensons, nous avons même la quasi-certitude que cette personne va profiter de cette réception pour rencontrer son fournisseur et convenir de la nouvelle cible. Nous devons savoir qui sont les gens avec qui elle fait des affaires sous le manteau, et où ils comptent attaquer. Vous aurez environ deux jours pour le découvrir. Sous couvert de ces identités, vous allez participer à ce Vor-Cal, et glaner un maximum d'informations. Bien évidemment, il faudra éviter de vous faire griller, en tout cas, le plus tard possible si ça devait arriver. Par exemple, les deux gosses, évitez de faire des trucs de Jedi trop voyants, vous n'êtes pas censés appartenir au Praxeum. Chi'ta, nous allons d'ailleurs vous prêter un costume plus discret que votre robe de Jedi, à vos mesures. Le plus important sera de fixer discrètement ceci sur la personne d'Annora Calandra.

Le chef Stern posa sur le bureau un petit objet, un petit rectangle de plastique de moins d'un centimètre de long.

- Voici un micro très perfectionné qui nous permettra d'enregistrer tout ce qu'Annora Calandra pourra dire. Normalement, il est indétectable, et résiste aux brouilleurs. Il va falloir vous arranger pour poser sur elle ce joujou. Une fois les deux jours écoulés, cette puce émettra tout ce qu'elle a entendu sous la forme d'un signal qu'un autre de vos agents dont vous n'avez pas besoin de connaître l'identité pourra intercepter, puis nous restituer. Ainsi, nous connaîtrons le plan de Calandra, si elle l'a déballé à quelqu'un pendant ce Vor-Cal.

- Il y a le « si », ironisa Taava.

- Elle retrouvera forcément son contact là-bas. C'est le meilleur moment où elle pourra lui parler sans éveiller les soupçons. Nous allons vous confier un peu de matériel, en plus de la puce, pour que vous puissiez participer à la chasse dans les meilleures conditions. Passez à l'intendance avant de partir. Vous embarquez sur le Paradis Stellaire dans trois heures.

- C'est un vaisseau de transport ?

- Plus précisément un paquebot de luxe, jeune padawan. La Princesse Kuari du Secteur Tapani. Il y aura d'autres passagers à bord, qui n'auront rien à voir avec le Vor-Cal, mais qui profiteront de la croisière. Vous allez passer quelques jours dans le plus grand luxe, et aux frais des citoyens de Procopia, veinards, conclut le chef avec un petit clin d'œil.

Le Paradis Stellaire avait la forme d'un bateau conçu pour naviguer sur l'eau. Il flottait à quelques mètres au-dessus du niveau de l'océan. Le temps était radieux, et l'eau brillait de mille feux. Morgreed vit tout un cortège d'Humains habillés richement, et accompagnés de dizaines de serviteurs, bagagistes, et autres employés, et prit le parti d'y être indifférent. Taava admirait la carlingue de l'appareil.

- C'est du navire ! s'exclama Liam. Tu crois qu'il peut vraiment aller sur l'eau ?

- Sans doute. Mais avec cette forme, pour sûr, il ne peut pas effectuer de grandes pointes de vitesse en atmosphère, sa forme n'est pas du tout aérodynamique.

- Bah, c'est fait pour les croisières peinardes, non ? répliqua Morgreed.

L'orchestre jouait une musique entraînante, mais le son fut bientôt absorbé par le bruit des moteurs de l'engin se mettant en marche. Les passagers pressèrent le pas. Quelques minutes plus tard, le Paradis Stellaire quittait l'atmosphère de Procopia.

- Je ne sais pas pourquoi, mais je ne sens pas cette croisière très rassurante…

- Et pourquoi donc ?

- J'ai un mauvais pressentiment. Comme si quelque chose de terrible allait se passer à bord de ce navire.

Chi'ta marchait nerveusement de long en large, alors que Liam s'était vautré de tout son long dans l'immense lit de sa cabine. Sur la paroi, un écran projetait une simulation de l'espace, donnant ainsi aux passagers l'impression d'avoir une vue directement sur le vide cosmique, alors qu'il n'en était rien, les cabines étant au cœur du Paradis Stellaire.

- Chi'ta, détends-toi, voyons ! Que peut-il nous arriver ? Avec le nombre d'officiels qui sont dans ce navire, tu as vu un peu le nombre de gardes qui accompagnent ?

- Ce sont tous des gens de Maisons rivales. J'espère que les gardes ne vont pas se battre entre eux !

- Rappelle-toi ce que Stern a dit : c'est une période de trêve. De toute façon, on n'est pas les plus dangereux, que je sache. Ceux qui prennent vraiment des risques, ce sont les sommités officielles des Maisons.

- Je sais, je… oh, tu as peut-être raison, je crois que je m'en fais trop.

La jeune fille s'assit sur le canapé. Liam releva la tête.

- Cette robe te va très bien.

Chi'ta portait une longue robe noire, décolletée et sans manches. Taillé pour une Humaine, ce vêtement soulignait ses formes par-dessus sa fourrure dorée. Elle avait par contre refusé les chaussures, les Dralls ayant des pieds trop grands pour des talons hauts standard.

- Oh, tu me gênes, je me sens vraiment coincée, là-dedans…

- Non, je t'assure. Tu es craquante.

- Et si nous allions rejoindre les autres ?

- D'accord. Et puis, il y a bien une piscine à bord, non ? Pas la peine de rester ici pendant tout le voyage.

Après avoir contacté Taava, les deux padawans surent où la retrouver, à savoir au salon. Quand ils y entrèrent, ils virent qu'il y avait déjà tous les autres convives. Dans tous les coins, il y avait des gardes en armure. Liam eut une petite sueur froide en pensant tout de même à ce qui se passerait si l'un d'eux commettait un geste anti-diplomatique. Chi'ta, quant à elle, prit un air chagriné en voyant Don Nycator de Mecetti assis à côté de Taava, une jeune femme appuyée lascivement contre son épaule.

- Alors, chère amie, je dois vous dire que je ne m'attendais pas à vous retrouver ici, au Vor-Cal !

- Ni moi non plus, Don Nycator. J'ai du mal à vous imaginer traquant le gibier avec un fusil.

- Ah ha ! Mais figurez-vous que la Maison Mecetti sera représentée par une personne bien plus capable que moi dans l'art de la chasse. Hé, on ne peut pas être doué dans tous les domaines, et même moi, j'ai mes limites. Par contre, cette jeune lionne indomptable qui est avec moi… rien ni personne ne peut lui échapper !

- J'en suis sûre…

- Et, dites-moi, chère miss Taava, comment se porte ma fiancée ?

- Votre… fiancée ?

- Allons, allons, ne faites pas celle qui ne sait pas de qui je parle ! Je parle de Dame Liryl, bien entendu !

- Ah, parce qu'elle est votre fiancée, maintenant ?

- Je croyais qu'elle avait déjà rendu la chose officielle !

- Vous me paraissez bien sûr de vous, Don Nycator de Mecetti.

- Beaucoup m'ont désiré. Quelques-unes m'ont attiré. Une petite quantité a partagé mon lit. Mais mon cœur n'appartiendra qu'à une seule, et ce sera celle-là.

- Vous obtiendrez peut-être son corps, mais vous n'aurez pas son cœur sans son consentement, et mon intuition féminine me dit que ça n'arrivera jamais.

- Comme c'est gentil ! Entre femelles, on se serre les coudes, n'est-ce pas ? Vous êtes attendrissante. Pour un peu, vous réussiriez presque à m'émouvoir une seconde, si je n'étais pas sûr de ma conquête. Je suis l'un des meilleurs partis du secteur, et un homme de goût fin, cultivé, et accessoirement… disons qu'aucune des compagnes d'un soir ne s'est jamais plainte d'un manque de tonicité de ma part. En un mot, pour une jeune fille en fleur, je suis le gros lot.

- Je serai plus réservé sur mes jugements, si j'étais vous.

- Mais vous n'êtes pas moi, très chère.

- J'aime autant pas. Et si je peux vous donner un petit conseil : évitez de parler de la sorte de Dame Liryl devant Morgreed, si vous ne voulez pas finir étranglé avec votre propre langue.

Sans lui laisser le temps de répondre, la jeune Togruta se leva et s'apprêtait à quitter le salon, quand elle vit les deux padawans.

- Ne vous approchez pas de Don Nycator, il est en pleine forme, ce soir.

- Allons bon…

- Hé, mais qui est cette fille avec lui ? Elle est jolie…

- Mais elle n'a pas l'air très fute-fute, si tu veux mon avis.

- J'ai quand même bien envie de lui parler.

- Dans ce cas, attends que ce rigolo la laisse seule. Tiens, voilà la cible, regarde.

Dans un coin, près du comptoir, Annora Calandra discutait avec deux autres hommes. Le premier était de taille moyenne, la septantaine bien sonnée, avec une petite barbe taillée avec précision et le crâne dégarni. Le deuxième était un autre Humain entre deux âges, à la peau d'ébène, rasé de près, avec des cheveux crépus, teints en blond, ondulant à la verticale. Celui-ci parlait avec vivacité au septuagénaire.

- Cher Baron, je suis impatient d'admirer votre prestation ! J'ai parié gros sur vous !

- Vraiment ? Pourtant, la maison Reena n'est pas celle qui intéresse le plus la Guilde Minière de Nkllon, à ce que je sache. C'est plutôt sur Calipsa que vous devriez placer vos espoirs.

- Vous vous méprenez, Baron. Je ne suis pas ici pour les affaires. Même moi, j'ai des moments de liberté de temps en temps, et je tiens à en profiter au maximum ces deux jours. J'insiste, je ne parlerai pas affaires ! Il paraît que vous êtes le meilleur chasseur, encore, cette année.

- On vous aura raconté des histoires. Désolé de vous décevoir, mon ami, mais cela fait la septième fois que je participe au Vor-Cal, et j'attends encore de pouvoir atteindre ma première cible. La seule qualité qu'on pourrait trouver commune entre moi et un chasseur est la persévérance. Oui, jusqu'à présent, on ne peut pas dire que les trophées s'alignent sur les murs de mon bureau.

- Mais comme vous dites, vous êtes persévérant. Une qualité qui sert aussi bien en affaires que sur le terrain. Allons, nous sommes ici pour nous divertir, pas pour nous monter les uns contre les autres !

- Je suis d'accord avec vous, Abbas, répondit Annora Calandra. Oublions nos petits accrocs professionnels, nous ne sommes là qu'à titre d'amusement.

Le dénommé Abbas s'approcha de Taava.

- Bonjour, mais ça par exemple ! On ne m'avait pas dit qu'il y aurait une aussi ravissante personne parmi nous !

Avec un sourire calculé, il fit le baisemain à la jeune Togruta, tout aussi calculatrice.

- Je n'ai pas l'avantage de vous reconnaître, monsieur… ?

- Abbas. Vel Abbas, de la Guilde Minière de Nkllon.

- Appelez-moi Taava je travaille dans le domaine des transports.

- On a toujours besoin de transporteurs, n'est-ce pas ? commenta Abbas avec un petit rire poli. Et vous êtes dans l'administration ?

- Disons plutôt les relations avec la clientèle.

- Cela ne m'étonne pas.

- J'ai beaucoup voyagé, mais j'ignorais que Shili pouvait recéler de telles beautés, observa joyeusement le septuagénaire.

- Vous me flattez, vous me flattez, mais… au fait, à qui ai-je l'honneur ?

- Oh, pardonnez-moi, avec l'âge, on oublie la politesse élémentaire. Je suis le Baron Quinn Sheffield, de la Maison Reena, pour vous servir.

Dans une autre section du grand salon, Canderous discutait avec deux autres personnes. Le premier était un quinquagénaire à barbe argentée très fournie, qui s'était présenté sous le nom de « professeur Arkeld », biologiste spécialisé dans les ethnologies non-Humaines, et l'autre, plus intéressant pour le mercenaire, était un grand gaillard costaud, fier et sportif, le seigneur Corell Muntique de la Maison Calipsa. Chacun des deux guerriers professionnels vantait ses qualités en se moquant de l'autre. Le professeur Arkeld, un peu perdu entre les deux hommes, s'éloigna, et bouscula maladroitement Chi'ta.

- Oups ! Veuillez m'excuser, je ne vous avais pas vue.

- Ce n'est pas grave, je connais un peu cet individu, je comprends qu'il puisse vous impressionner.

- Il faut dire que toutes ces observations, ces bravades de mâle puériles… ce n'est pas exactement ce que j'attendais en venant ici.

- Alors, pourquoi être venu ?

- Pour les espèces à étudier, mademoiselle. C'est une opportunité de mettre en pratique ce que j'ai pu apprendre et enseigner à l'université de Coruscant !

- Vraiment ? Peut-être que je pourrais vous aider dans vos recherches ?

- Mais… vous n'avez pas votre travail ?

- Ma patronne comprendra, nous ne sommes pas pleinement au travail.

- Dans ce cas, ce sera avec plaisir. Je pense que…

Ici, le professeur Arkeld s'arrêta, et son regard se posa sur quelque chose derrière Chi'ta.

- Tiens ? Voilà qui est plutôt inhabituel…

Chi'ta se retourna, et sentit chaque poil de sa fourrure se dresser d'angoisse. À quelques mètres d'elle se trouvait un très étrange personnage qui se tenait immobile. Il portait des vêtements de cuir brun sous une cape sombre. Impossible de voir à quoi il ressemblait, car son crâne était entièrement masqué par des bandages de cuir, à l'exception des verres des épaisses lunettes de protection qui en émergeaient.

- Bon sang… mais qui est ce… cet être ?

- Je l'ignore. Il me fait un peu peur.

- C'est Bratak, chuchota Liam qui les avait rejoints. J'ai posé la question à l'un des gardes. Il représente la Guilde des Chasseurs de Prime.

- Mais que viennent faire les membres de la Guilde ici ?

- Il va sans doute chasser pour eux, faire leur publicité.

- Liam… quittons cette pièce.

- D'accord. Vous nous excuserez, professeur…

Quelques minutes plus tard, ils déambulaient dans les couloirs, vers la piscine.

- Quelle sensation désagréable ! Ce Bratak est vraiment effrayant !

- J'avoue.

- Nous devrions nous méfier de lui.

- Mouais, sans doute.

- Je t'assure, je me demande s'il ne serait pas…

- Quoi donc ?

- J'ai l'impression qu'il nous cache quelque chose.

- À part son visage ? Peut-être.

- J'aimerais qu'on en parle aux autres. Et au Conseil des Jedi, au Seigneur Paddox...

- Tout ce monde ? Tu crois ?

- Je n'en suis pas sûre, mais j'ai une mauvaise impression.

- Encore un pressentiment ?

- Je suis certaine que si quelque chose tourne mal, cet être n'y sera pas étranger.

- Es-tu sûre de ne pas t'en faire pour pas grand-chose ? Ce Bratak est peut-être très moche, mais on ne peut pas lui en vouloir pour ça. Si ça se trouve, c'est un type génial.

- Ce n'est pas drôle.

Ils étaient bientôt arrivés. Pour rassurer Chi'ta, Liam décida de changer de sujet.

- Taava avait raison, il avait l'air en pleine forme, le Don Nycator !

- Elle n'avait pas l'air de plaisanter, en lui parlant.

- Pauvre Dame Liryl ! Courtisée par ce gros nul !

- Dame Liryl saura contourner tous les obstacles psychiques qui pourraient affecter ses engagements de diplomate. Mais dis-moi, Liam… est-ce que tu… est-ce que tu serais envieux ?

- De quoi ?

- Est-ce que tu éprouves quelque chose envers Dame Liryl ?

Liam sursauta, ils s'arrêtèrent.

- Tu crois que je… je serais amoureux de Dame Liryl ?

- Oui.

Liam réfléchit un court instant.

- En fait… je ne sais pas si tu l'as senti comme moi, mais la première fois que j'ai vu Dame Liryl, j'ai… j'étais prêt à me jeter tout de suite à ses pieds, et à devenir son esclave. Mais tu sais, je crois que c'est un effet secondaire de la Force. Quand on est en présence de gens qui sont sensibles à la Force, et qui ont des affinités similaires, il peut y avoir une espèce d'attirance. Toi-même, tu te sens bien quand tu es au Praxeum, non ? Tu y es depuis moins longtemps que moi, mais parmi nos camarades, tu te sens en paix ?

- C'est vrai. Et j'ai aussi ressenti quelque chose qui ne m'était jamais arrivé en la rencontrant pour la première fois. Une sensation très forte.

- Blague à part, c'est une femme très séduisante, mais elle n'est pas pour moi. D'abord, je ne sais pas du tout quel âge elle a, si ça se trouve, elle peut être ma mère. Ensuite, je… il y a quelque chose qui m'empêche de tomber amoureux d'elle. Une sorte de « verrou », une voix qui me répète qu'on n'appartient pas au même univers. Oui, elle est tellement consacrée à la diplomatie et à la Force que je la vois mal sortir avec un gamin comme moi. J'aurais l'impression de la rabaisser. En fait, je ne sais même pas si elle pourrait être heureuse avec qui que ce soit d'autre que le pouvoir de la Force. Elle est trop parfaite, trop sereine, et ne serait bien qu'avec un baron ou un prince. Mais pourquoi tu me demandes ça ?

- Je suis désolée de t'avoir gêné. C'est juste que… j'interprète encore mal les sentiments des Humains, et la manière qu'ils ont de les exprimer. Du coup, je questionne, et j'oublie parfois que sur Drall, les convenances ne sont pas les mêmes que sur les autres mondes. Sur ma planète, ce genre de sujet de conversation n'est pas aussi privé que chez les Humains.

- Pas grave.

- Tout ce que nous avons à faire avec elle, c'est servir ses intérêts tant que ça ne contrarie pas ceux du Praxeum. Maître Morgreed y arrive bien, faisons de même.

- T'as raison. Et tiens, le dernier à l'eau est un tas de chair à bantha !

- D'accord !

Ils se précipitèrent dans les vestiaires en riant.

Une semaine plus tard, le Paradis Stellaire émergeait de l'hyperespace. Tout l'équipage avait été convié à se rendre dans le grand hall de débarquement. Les portes du hangar étaient ouvertes, mais le champ de force empêchait la décompression, sans rien cacher de la vue.

Les deux padawans étaient émerveillés devant le spectacle. Devant eux, une gigantesque boule verte et lumineuse flottait lentement dans l'espace. On devinait des forêts et des mers sous les couches de nuages. À mi-chemin, une grande construction de métal scintillait sous l'éclat du soleil. C'était un grand parallélépipède entouré d'un épais anneau, sur lequel était peintes les armoiries de la Famille Melantha, un bouclier surmonté d'un poing enveloppé dans un bouquet de roses. Plusieurs petits vaisseaux de transit s'approchaient, tous peints avec des écussons différents.

- Nous allons devoir nous séparer le temps du voyage, déclara Canderous.

- C'est pas un mal, répliqua Taava. On se retrouve à bord.

Les deux padawans, Taava et Morgreed montaient dans l'une des navettes neutres, pendant que les deux autres embarquèrent sur la navette Cadriaan. Un quart d'heure plus tard, ils étaient dans le pavillon de chasse de la Maison Melantha. Le Seigneur Vaskel Savill en personne était là, et accueillait les invités à bras ouverts. La première chose que remarqua Canderous était le nombre de gardes portant l'armure frappée de l'écusson Melantha, aux quatre coins du hangar.

Chi'ta avait aperçu le seigneur Melantha au cours de l'anniversaire de Dame Bathos, et n'avait alors pas prêté spécialement attention à cet homme, trop occupée à chercher Theus Paddox. De son côté, Liam le voyait pour la première fois. Vaskel Savill était un grand homme athlétique, au visage carré, encadré de longs cheveux ondulant sur ses épaules. Ses deux grands yeux clairs regardaient l'assistance avec assurance et autorité bienveillante. Il accusait facilement la cinquantaine d'années standard, mais son costume moulant révélait une musculature bien conservée. D'une voix puissante, il salua les convives.

- Soyez les bienvenus à bord de mon modeste pied-à-terre ! Je suis très honoré d'avoir gagné suffisamment la confiance des Maisons du Secteur Tapani pour avoir été nommé gérant du Vor-Cal, cette année. Afin de pouvoir décompresser après ce long voyage, vous pourrez vous détendre dans les suites qui vous ont été attribuées. Mes différents employés vont vous y conduire. Je vous attendrai dans le grand salon dans deux heures, pour le cocktail traditionnel du bon accueil.

Liam fut surpris de constater que ce personnage lui était a priori plutôt sympathique, malgré ses convictions pro-impériales.

En même temps, tous les Imps ne sont pas des monstres assoiffés de sang non-Humain… y en a quelques-uns qui croient vraiment en un ordre universel, et j'ai l'impression qu'il en fait partie. Mais ce n'est peut-être qu'une impression.

Canderous se regarda dans la glace, finissant de tailler sa barbe. Il souriait en contemplant encore son bel uniforme de la Maison Cadriaan. Il pouvait voir le reflet de Dankin, qui le fixait, impassible, comme à son habitude.

- « Monsieur Tal de la Maison Cadriaan ». Je me marre ! Pas toi ?

Le Togorien ne répondit pas, toujours comme à son habitude. Le mercenaire continua.

- Je voudrais bien voir la tronche que ferait le directeur de la maison de redressement, s'il me voyait. Il pensait toujours que j'étais bon à rien. Il me disait que je ne savais rien faire d'autre que de me plonger dans la mélasse. Mais ce costume me va bien. Je devrais peut-être me trouver une poule idiote pleine aux as, l'épouser pour son argent et refaire ma vie dans la politique casanière. Qu'est-ce que tu en penses, Dankin ? Bien sûr, tu aurais ta part du gâteau.

Avec beaucoup de mal, le Togorien répondit en basic :

- Dankin… penser… Canderous devrait rester Canderous.

L'Humain se retourna.

- Tu crois ? Bah, remarque, cette chemise me gratte un peu. Et puis, entre nous, les codes de conduite de tous ces pisse-vinaigre me flanquent la nausée j'ai pas envie de devoir demander la permission avant de tuer quelqu'un.

Le Togorien haussa les épaules.

- Bon, allez, c'est pas tout ça, je dois aller voir mes honorables homologues.

Quelques minutes plus tard, les deux compères entraient dans le grand salon. Tout le monde parlait, très à l'aise, si l'on exceptait un petit groupe qui se tenait à bonne distance du bar. Cela s'expliquait facilement par la présence de l'être au visage bandé de cuir, accoudé sur le zinc. Morgreed s'approcha du docteur Arkeld, le biologiste.

- Vous vous y connaissez en non-Humains ?

- Un peu, mon jeune ami, c'est ma spécialité.

- Alors, savez-vous qui est ce… cette personne ?

- Non, il n'est vraiment pas bavard. Mais d'après la liste des invités, il s'agit d'un monsieur Bratak. Il représente la Guilde des Chasseurs de Prime.

- Je le sais aussi, mais vous ne savez rien de plus sur lui ?

- Non, je regrette, monsieur.

Le seigneur Vaskel Savill entra, sous bonne escorte.

- Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, j'ai le très grand honneur de déclarer cette nouvelle session du traditionnel Vor-Cal ouverte. Je vous souhaite d'apprécier à sa juste valeur notre buffet préparé par nos meilleurs artistes culinaires.

Des applaudissements polis répondirent à cette déclaration. Savill sourit davantage, et son regard se chargea de sous-entendus.

- Et maintenant, je suis fier de vous montrer un précieux trésor, trésor dont vous deviendrez peut-être le nouveau propriétaire.

Il claqua du doigt. Aussitôt, deux gardes à l'armure frappée du blason des Melantha approchèrent, tenant chacun par une poignée une énorme caisse métallique qui flottait à un mètre du sol grâce à son système antigrav. Les gardes ouvrirent les serrures magnétiques de la boîte, puis rabattirent le couvercle.

- Comme chaque année, une récompense spéciale sera attribuée au meilleur chasseur du Vor-Cal. Pour cette édition, j'ai voulu corser un peu les choses. Afin d'encourager chaque participant, j'ai décidé de mettre en jeu non pas un prix, mais deux. Le vainqueur pourra choisir entre ces deux récompenses celle qu'il préfère, et le deuxième remportera l'autre. Maintenant, contemplez !

Le premier garde sortit précautionneusement un fusil blaster. Immédiatement, Taava reconnut le modèle, avec étonnement et envie. C'était un ancien modèle de fusil blaster cérémonial de la Garde du Sénat de l'Ancienne République. Et pas un jouet pour enfants. Cet appareil, produit en quantité très limitée, était un véritable bijou technologique malgré son âge, capable de brûler l'aile gauche d'un moucheron posé sur un speeder sans en rayer la peinture. De plus, il était équipé d'un système anti-émeute très efficace contre les groupes.

- J'ai réussi à retrouver un exemplaire de cette série d'armes à distance. Je peux vous assurer qu'il marche parfaitement et qu'aucune cible ne peut lui échapper. Et voici l'autre prix.

Un long sifflement d'admiration fit tourner toutes les têtes Morgreed n'avait pas pu se retenir en voyant l'objet que le deuxième garde avait sorti de la boîte. Le Seigneur Vaskel Savill reprit :

- Vous avez raison, car il s'agit là aussi d'une arme exceptionnelle. Une authentique vibro-lame double Jengardin. Comme vous pouvez le constater, sa lame est pourvue de deux pointes recourbées positionnées l'une sous l'autre, toutes deux évidées pour faciliter le passage de l'air. La lame de la pointe à la hauteur de la garde se prolonge jusqu'à l'extrémité inférieure de la poignée, protégeant ainsi les mains et tranchant l'ennemi en cas de combat très rapproché. J'en profite pour ajouter que cette lame est forgée dans de la cortose, et est donc capable d'arrêter les sabres-laser de Jedi, et nos fleurets-laser. Je vous en donne la preuve :

Le Seigneur Vaskel Savill porta la main à sa ceinture, et en détacha une petite poignée ouvragée. Une lame de sabre-laser argentée en sortit dans un crachotement caractéristique. Mais ce n'était pas une longue lame épaisse comme celle des sabres-laser de Jedi. Elle était plus courte, et plus fine. Liam et Chi'ta se regardèrent, et confirmèrent d'un petit signe que c'était cependant bien une lame laser. Le Melantha abattit son arme sur la vibro-lame. Il y eut un grand crépitement et des étincelles, mais quand il rangea son fleuret-laser et brandit la lame Jengardin, il y eut une rumeur mêlant surprise et admiration. La vibro-lame était effectivement intacte, et toujours flambant neuve.

- Et voilà ! Cette démonstration vaut toutes les argumentations, je suppose. Maintenant, très chers invités, l'apéritif nous attend. Pendant votre séjour dans cette station, considérez-vous comme mes invités, profitez à loisir des différentes installations de divertissement, et sentez-vous chez vous. L'hospitalité est une notion sacrée chez les Melantha.

D'autres applaudissements polis répondirent à cette dernière déclaration. Chi'ta tiqua en voyant Morgreed, qui s'était discrètement approché du buffet, dévorer goulûment les petits fours à pleines mains. Taava, qui en souriait, s'était servi à boire, et était partie à la chasse aux clients, prétendant que son magasin d'armes était un projet sur le point d'aboutir.

Canderous jouait tant bien que mal son rôle de Cadriaan, conscient qu'il n'avait pas l'air d'un noble pur et dur. Son état d'esprit se dégrada encore quand le maître des lieux l'aborda.

- Sire Canderous de Cadriaan…

- Ouais ?

- C'est étonnant, je n'ai jamais entendu parler de vous, mais votre visage ne m'est pas inconnu. Tiens, je sais ! On ne s'est pas déjà rencontré, sur Procopia ?

- Je crois bien.

- Je me souviens de vous, maintenant. La réception au casino Fairweld, bien sûr ! J'ignorais que vous étiez un Cadriaan !

- Seulement par mariage de lointains cousins…

- Oui, bien sûr. J'espère qu'un gaillard aussi grand et fort que vous participera à la grande journée de demain.

- Vous en faites pas. Je me réjouis déjà en pensant à toutes les têtes que je vais faire sauter avec cette vibro-lame.

Vaskel Savill eut un petit rire nerveux et se rapprocha d'autres invités. Canderous ne le quitta pas du regard.

C'est peut-être pas toi qui nous as envoyé Molina, mais tu perds rien pour attendre.

Une heure plus tard, l'intendant annonça le service du dîner. Tous les invités passèrent à la grande salle à manger, somptueusement décorée et aménagée. Liam n'en revenait pas. Jamais il n'avait pu imaginer avoir l'opportunité de manger des plats aussi raffinés, même dans ses rêves les plus fous. Des fruits de mer de Mon Calamari, des étoiles de mer fourrées de Plavonia, puis des concombres de mer grillés se succédèrent. La Maison Barnaba avait fourni la salade fraîche, et quand vint le rôti de karstag aux pommes de terres corelliennes, l'adolescent sentait déjà qu'il allait éclater. Morgreed et Dankin, les deux plus gros mangeurs, avalaient plat sur plat sans s'arrêter. Canderous vida deux bouteilles de brandy bothan à lui tout seul. Chi'ta s'était contentée de la soupe de torbull au fromage rouge néonien, avec un peu de salade.

Taava avait ferré Vel Abbas, espérant lui soutirer des informations sur son entreprise, ou de petites astuces de gestion qu'elle aurait pu ne pas connaître.

On avait placé Liam à côté de la jeune femme qui accompagnait Don Nycator. Il n'avait pas pu s'empêcher de la regarder avec intérêt. Il faut dire qu'elle avait beaucoup d'atouts pour plaire : relativement jeune, très athlétique, elle avait l'œil vif et le geste précis et adroit. Ses cheveux blonds étaient coupés en une brosse dynamique. Elle portait une combinaison claire très moulante. Elle parlait de la chasse avec passion, et mieux que tout, elle semblait s'intéresser à l'adolescent.

- Vous n'avez jamais chassé ?

- Je ne sais pas si je peux. Je suis ici pour accompagner ma patronne, mais je me sens encore trop jeune pour ça.

- Pas forcément. J'ai commencé quand j'avais à peu près votre âge. Ma première chasse était sur une planète-jungle, un peu comme Vilhon. Je me suis spécialisée dans les mondes forestiers, mais ça ne m'empêche pas d'aller voir ailleurs.

- Je n'ai jamais pensé à chasser, mais j'avoue que ça ne me tente pas beaucoup, mademoiselle… mademoiselle ?

- Decrilla. Damara Decrilla.

- Liam Kincaid, enchanté.

- De même. C'est donc votre premier Vor-Cal ?

- Oui, et j'espère le dernier ! Je n'aime pas faire du mal aux bêtes.

- Bien sûr, beaucoup de gens pensent que tuer les animaux pour le sport, c'est mal.

- J'ai toujours perçu la chasse comme un jeu cruel et inutile.

- C'est parce que vous en avez une mauvaise image. La plupart des chasseurs professionnels véhiculent une image à la fois folklorique et dégradante de notre activité. Ils vous sortiront des phrases grandiloquentes du style « on renoue avec sa part animale », « on développe quelque chose que notre espèce a perdu depuis bien longtemps ». Le pire est que la majorité de ces chasseurs férus de formules tape-à-l'œil voudront se faire du fric facilement en emmenant aux safaris des millionnaires obèses qui utiliseront des lance-missiles pour chasser d'inoffensifs torbulls et flatter leur ego. Bref, de sinistres clowns. Rien à voir avec les chasseurs qui exercent leur métier pour satisfaire leurs besoins et ceux des autres. Ce qu'ils disent au sujet de cette « part animale », ce n'est pas du vent. J'éprouve effectivement quelque chose de très puissant, quand je pars à la chasse.

- Avec un B.L.A.F. sur votre planeur ? ironisa Liam.

- Non, non, non. Si je faisais ça, je trahirais mes principes. Quand je chasse, je me conforme à trois règles : premièrement, ne jamais chasser un gibier qui n'a aucune chance de se défendre. Seulement les animaux dangereux. Si je ne prends pas de risque, il n'y a pas de sport. S'il n'y a pas de sport, il n'y a pas d'intérêt. Et puis, ce serait de la cruauté gratuite, comme vous dites. La chasse doit être un rapport de force entre moi et l'animal. Je suis d'abord le chasseur, puis je peux devenir la proie, puis le chasseur, puis la proie, et ce à tout moment. Deuxièmement, je ne chasse que les animaux qui n'ont aucun impact négatif sur l'écosystème de leur planète pas question de traquer une espèce en voie de disparition, ou de priver des indigènes de leur nourriture. Ou alors, si je chasse un tel gibier, je demande la permission de le faire aux autorités, même les plus primitives, puis je les dédommage. Il m'est déjà arrivé de prendre seulement une tête de fauve, et de rendre le corps à la tribu locale, pour qu'elle en récupère la viande et le cuir. Et enfin, troisièmement, je n'utilise pas d'arme plus puissante qu'un fusil blaster de sport. Si le gibier est résistant, je vise les yeux, ou je me retire car j'accepte l'idée qu'il est trop fort pour moi. Il m'est même arrivé de me faire gravement blesser par un animal qui a su se défendre.

- Pourtant, vous n'avez pas l'air d'avoir été mutilée.

- Le bacta fait des miracles. Ce n'est pas pour rien que c'est l'une des principales ressources de ce secteur, n'est-ce pas ?

- Et qu'est-ce que ça vous apporte, la chasse ?

- J'éprouve des sensations enivrantes pendant la chasse. Je suis seule, en tête à tête avec l'autre. Ou les autres. Parfois, je chasse un groupe tout entier. En général, à ce moment-là, ils sentent rapidement ma présence, et je suis sûre dans ce cas que nous sommes à égalité. J'ai mon fusil, ils ont l'avantage du nombre, et ont leurs armes naturelles. Mais quand l'adrénaline circule dans mes veines, quand je marche à pas de loup dans les feuilles mortes, tous sens aux aguets… Si je le pouvais, si j'en avais la possibilité, je chasserais nue, sans vêtement ni arme artificielle. Rien que mon corps, mes dents et mes ongles.

Liam rougit en imaginant le tableau. Cette jeune femme était fière et forte à la fois, et sa vision des choses le surprit, mais ne le choqua pas tant que ça. Il soupçonna même Damara Decrilla d'avoir déjà chassé dans de telles conditions contre des animaux aux défenses naturelles peu élevées. La glace à l'algue Herglic lui rafraîchit un peu les idées.

Après le dîner, les participants au Vor-Cal furent invités à se rendre au casino. Les deux padawans étaient retournés à la piscine, l'accès au casino leur avait été interdit à cause de leur jeune âge. Taava, Canderous et Morgreed découvrirent la salle de jeu. C'était un établissement aux activités particulièrement variées. Roulette, pazzak, et autres jeux d'argent étaient mis à disposition. Dans un coin sombre de la salle, il y avait plusieurs tables de sabacc. Taava fit un petit signe à Morgreed.

- Hé, regarde à la table du fond.

- J'ai vu.

Annora Calandra était installée à la table de sabacc. Face à elle, il y avait Vel Abbas, son homologue sur Nkllon.

- Canderous ?

- Oui, chérie ?

- Tu penses pouvoir poser l'émetteur sur elle ?

- Si quelqu'un attire son attention ailleurs, ouais.

- Je m'en occupe, répliqua Morgreed.

Alors qu'il s'éloignait du petit groupe, Morgreed entendit encore la jeune Togruta dire : « appelle-moi encore "chérie" sans mon autorisation, et je t'en mets une ! », et eut un sourire amusé. Il s'assit sans façon à la table de sabacc, juste à côté d'Annora Calandra.

- Vous avez rien contre un joueur de plus, n'est-ce pas ?

- Mais bien sûr, l'ami ! répondit joyeusement Vel Abbas. Plus on est nombreux, plus les gains en jeu sont intéressants.

Et le Barabel eut un rire puissant, alors qu'il reçut ses cartes. Il rit encore plus fort en les voyant. Le quinze de bâton, le sept de flasque… en totalisant ses deux cartes, il arrivait à un score de vingt-deux points. Pas un sabacc pur à vingt-trois points, mais pas loin, et une main bien gagnante. Effectivement, il gagna la main. La deuxième main fut plus fructueuse encore.

- Ah, quel bonheur ! Je savais que j'avais la baraka, ce soir. Alors, chère mââme Calandra, vous en pensez quoi ? J'espère que vous n'en voulez pas trop à un honnête Barabel de détrousser une femme ?

- Je vous en prie, gardez vos commentaires pour vous ! Vous commencez à m'agacer, « honnête Barabel ».

- Bah, prenez pas la mouche comme ça, ma p'tite dame, c'est qu'un jeu !

- Vous me dégoûtez.

Les autres joueurs montraient aussi quelques signes d'impatience. Annora Calandra était tellement perturbée par les interventions de Morgreed qu'elle n'avait même pas ressenti la présence de Canderous, qui avait subrepticement fixé la puce dans la broche qui ornait son chignon. La dernière main fut donnée. Morgreed jubila encore. Dix de sabre, neuf de bâton, soit un total de dix-neuf points. Tout le monde abattit son jeu. Quinze, dix-sept, douze… Annora Calandra eut un petit rire de satisfaction en posant ses cartes, qui totalisaient dix-huit. Le rictus de Morgreed s'allongea quand il montra son jeu. De vives exclamations fusèrent de toute la table. Le Barabel se voyait déjà plus riche de quelques milliers de crédits, quand Vel Abbas posa délicatement ses cartes, avec un petit sourire en coin. Quinze de pièces, et huit de flasque… Il murmura juste « Sabacc… »

- Je-ne-veux-pas-chas-ser !

Liam avait secoué vigoureusement la tête, et croisait maintenant les bras, l'air boudeur. Canderous insista :

- Écoute, fais pas ta mauviette ! C'est peut-être l'occasion de te prouver que tu es un homme, un vrai !

- Vas-y, toi ! Va massacrer des animaux ! C'est à l'encontre de ce que j'ai appris au Praxeum !

- Tu ne vas pas nous casser les oreilles avec les conneries de ces vieux bigots en robe, non ?

- Comment osez-vous… ? s'exclama Chi'ta.

- Surveille ton langage, Canderous ! rugit Morgreed. Tu parles des Jedi !

Le Barabel, encore énervé par sa précédente défaite au jeu, avait presque crié. Taava prit les devants, essayant de calmer le jeu.

- Liam, personne ne te demande de tuer des animaux ! Ce que Canderous ne t'a pas encore dit, c'est que si on te demande de participer à la chasse, c'est uniquement pour suivre Annora Calandra. Tu es celui dont les autres concurrents se méfieront le moins. Tu es jeune, ils pourront penser que tu es inexpérimenté, et en plus, ils ignorent que tu as des capacités – en tout cas, la plupart des participants l'ignorent. Je me suis informée auprès de l'intendant de Savill : il n'y a aucune raison pour qu'on ne te laisse pas participer au Vor-Cal. Cela prouve qu'ils ne savent pas encore que tu es un Jedi. Et donc, quand tu seras sur Vilhon, pendant que les autres chasseront, toi, tu seras notre espion !

- Tu veux dire que… en gros, je mène l'enquête pour nous ? Je fais semblant, mais en fait, je surveille Annora Calandra ?

- Exactement.

- Ah bon ! Alors pour ça, je suis d'accord.

- Très bien !

- Mais au fait, pourquoi ? Canderous a bien placé l'émetteur sur elle, non ?

- Oui, mais peut-être qu'elle l'a enlevé, peut-être qu'il va se passer quelque chose d'imprévu… on prend toutes les précautions. Tu observeras Calandra, et grâce à tes talents, je suis certaine qu'elle ne se doutera de rien. Les autres surveilleront Morgreed, Canderous et Dankin, qui sont des professionnels de la chasse au gros, ils ne feront donc pas attention à toi.

- Génial ! Mais… et vous, les filles, qu'allez-vous faire ?

- Pendant que vous serez sur Vilhon, Chi'ta et moi allons faire un petit tour chez Calandra. On ne sait jamais, peut-être que nous trouverons des trucs intéressants.

- D'accord. Il faudra cependant faire bien attention à ne pas vous faire repérer.

- Cela vaut aussi pour toi si on voit que tu espionnes, on risque l'incident diplomatique. Et surtout, surtout, ne pas laisser transparaître tes pouvoirs de Jedi. Là, si ça arrive, je ne réponds de rien.

- Tu crois qu'ils pourraient nous accuser de tricherie ?

- Ce serait un détail en comparaison de ce qu'ils pourraient faire s'ils comprennent qu'il y a un Jedi dans la course. N'oublie pas que dans le secteur Tapani, officiellement, il n'y en a plus depuis quelques décennies.

Cette dernière remarque eut pour effet de refroidir visiblement l'ardeur de l'adolescent. Taava reprit :

- Bon, si tu ne te sens pas à la hauteur, c'est pas grave, on trouvera un autre moyen.

- Non ! C'est bon, je vais y aller.

- Parfait ! Je vais nous inscrire, décida Canderous d'un ton satisfait.

- Vas-y. Mais n'oubliez pas, tous autant que nous sommes, quelque soit ce que nous pourrions voir ou entendre qui aurait un lien avec notre mission, de près ou de loin, il ne faut surtout rien dire tant que nous sommes dans le périmètre. J'ai vérifié qu'il n'y ait pas de micro dans cette chambre, mais il y en a sûrement un peu partout dans ce pavillon de chasse. Alors donc, faites bien attention : ouvrez les yeux et les oreilles, mais fermez la bouche.

Pour éviter d'éveiller les soupçons, Liam avait fait mine de s'entraîner au tir comme un participant ordinaire s'échauffant avant le grand jeu pendant une bonne partie de la soirée. Taava lui avait expliqué quelques règles de base de l'utilisation des fusils blasters, sous l'œil amusé de Morgreed qui n'avait cessé de vanter les mérites d'une bonne vibro-hache. Liam n'avait jamais utilisé de fusil de sport, équipement bien différent que le blaster de sport que Duncan Blackstorm lui avait confié, et qui ne l'avait jamais quitté.

Après une nuit agitée où il s'était vu alternativement poursuivi par des gundarks enragés et posant victorieux devant une montagne de corps de dewbacks, Liam fut brutalement tiré du sommeil par son réveil. Huit heures, heure de la station… Il réfléchissait aux avantages de chasser à partir d'un pavillon de chasse spatial. Contrairement à une nuit passée sur la planète même, on pouvait se lever à n'importe quelle heure, et être débarqué à un endroit où l'aube n'avait pas encore point, la meilleure heure pour commencer une partie de chasse. Quelqu'un frappa à la porte. C'était SE-2-4, le droïd personnel humaniforme du seigneur Savill, qui apportait un plateau avec un petit déjeuner nourrissant et un petit carton priant l'adolescent d'être au hangar une demi-heure plus tard.

Passé quelques minutes, il finissait de se préparer. Il avait enfilé l'une des tenues de camouflage que le chef Stern avait confiées au groupe. Plus par envie que par utilité, il s'était même attaché un bandeau autour de la tête. Alors qu'il allait quitter sa chambre, il entendit à nouveau frapper à la porte.

- Oui, qui est-ce ?

- C'est moi, Chi'ta.

- J'arrive.

Il ouvrit la porte. Chi'ta était bien là, portant un pyjama rose bouffant qui lui donnait un petit air comique.

- Déjà debout ? Tu es matinale, dis donc !

- Je ne suis pas une lève-tard. Tu as l'air d'un vrai guerrier avec ça.

- C'est l'effet voulu. Marrant, ce pyjama !

- Que veux-tu, au milieu de tous ces Humains, je suis bien obligée de porter quelque chose, et comme je ne peux pas mettre ma robe de Jedi, il faut bien trouver de quoi la remplacer.

- Ne t'en fais pas, il te va très bien. Bon, je m'apprêtais à partir.

- Justement. Je… vraiment, fais bien attention à toi, surtout.

- T'en fais pas. Normalement, je ne pense pas tirer un seul coup de feu.

- Toi, non, mais les autres… Je suppose que le règlement interdit aux concurrents de s'entre-tuer, mais il pourrait y avoir un « accident de chasse »…

Liam regarda à droite, puis à gauche. Il sortit, referma la porte de sa suite, et murmura :

- J'ai quelque chose qu'ils n'ont pas. La Force pourra me guider. Dans une situation de combat, je suis dans mon élément. Tuer quelqu'un, je n'y arrive pas encore, mais me défendre et échapper à mes poursuivants, ça, je peux.

- Oui, tu as raison.

- Tiens, tu peux garder ma clef ? À part Taava, tu es la seule en qui j'ai vraiment confiance, ici, et en plus, toi, tu ne quittes pas la station, alors...

- D'accord, je le ferai, répondit-elle en empochant la carte magnétique. Et, Liam...

Après un instant d'hésitation, la jeune fille posa rapidement une petite bise sur la joue de l'adolescent.

- Pour te porter chance.

Un instant plus tard, Liam était au hangar. Pendant la nuit, une grande table holographique avait été installée à proximité du poste de commandement, et une vingtaine de chaises pliantes recevaient les participants. Au-dessus de la table planait l'hologramme de la planète Vilhon, une grande boule verte de deux mètres de diamètre. Le seigneur Vaskel Savill était debout à côté de la table, et Liam put voir les autres participants déjà installés. Il reconnut Damara Decrilla, et s'installa à côté d'elle. Les autres concurrents avaient tous l'air en excellente forme. L'adolescent distingua le professeur Arkeld, leur cible Annora Calandra, le grand homme de la Maison Calipsa, Corell Muntique, le vieux baron Quinn Sheffield, Casimir Everard de la Maison Barnaba, Dankin et Canderous.

- Je me permets de vous rappeler brièvement les règles du Vor-Cal. Chacun de vous s'est vu attribuer un fusil blaster de sport, seule arme à distance autorisée. Toutes les armes de corps à corps sont permises, y compris les crocs et les griffes des non-Humains aux défenses naturelles avantageuses, à la condition de ne pas utiliser de poison. Cette année, votre gibier sera le redoutable karstag.

Le Seigneur Savill appuya sur le bouton de sa télécommande l'image en trois dimensions d'un monstrueux animal apparut au milieu de la pièce. C'était une espèce de tatou à la carapace épaisse, pourvu d'une longue queue. Liam frissonna en voyant de multiples pointes acérées au bout de la queue.

Il a l'air plus dangereux que dans l'assiette d'hier soir…

Un grand bruit de chaise écrasée résonna sur la droite. Morgreed venait de s'asseoir.

- Le karstag vit dans la jungle, comme celle de Vilhon, continuait Savill. C'est un animal qui défend farouchement sa vie quand il la sent menacée. Comme vous pouvez le constater, sa queue se termine par des piquants. Chaque fois que cette créature mue, il reste toujours quelques reliquats de peau et de carapace desséchée qui s'agglutinent pour former une nouvelle aiguille. Plus l'animal est vieux, plus il est grand, plus il a d'épines, et plus il est dangereux. Le vainqueur sera le chasseur qui ramènera la queue comportant le plus grand nombre de pointes. Attention, je précise bien : sur une queue, et pas au total. Inutile donc de collectionner les queues à deux ou trois pointes, elles ne vaudront rien comparées à une queue à dix pointes. Vous serez largués à dix kilomètres d'intervalle chacun, et vos communicateurs vous permettront de rester en contact avec la navette qui patrouillera autour de la zone, et avec cette navette seulement. Tout candidat en difficulté peut déclarer forfait à tout moment en appelant la navette pour qu'elle vienne le chercher. Je vous en prie, même si vous avez à cœur de remporter la victoire, ne laissez pas votre ego prendre le pas sur votre bon sens ici, une blessure grave s'infecte rapidement, et le sol est assez meuble par endroits. Bien entendu, le règlement stipule que toute personne utilisant volontairement son arme sur un concurrent sera éliminée à l'instant, et devra en assumer les conséquences.

Un bref silence suivit cette dernière observation. Le Seigneur Vaskel Savill regarda les participants avec satisfaction.

- Comme vous le savez enfin, le règlement du Vor-Cal interdit tout représentant de la Maison d'accueil de participer à la chasse. C'est pourquoi je resterai ici, mais je pourrai surveiller le moindre de vos mouvements grâce aux informations visuelles et audio que la navette me retransmettra. Je ne raterai donc rien du spectacle de qualité que vous ne manquerez pas de nous offrir. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne chasse à tous, et que le meilleur gagne !

Tous les participants montèrent dans la navette, qui décolla. Quelques minutes plus tard, la navette rasait la cime des arbres. Un par un, tous les concurrents furent largués dans des clairières. Au fur et à mesure que la cabine se vidait, la nervosité de Liam augmentait. Il ne restait plus que lui, Damara, Canderous et le Seigneur Corell Muntique de la Maison Calipsa. Ce fut le tour de Damara de descendre. Dix kilomètres plus loin, Canderous était dans la jungle. Pendant les quelques minutes suivantes, Liam et Muntique se regardèrent dans les yeux. Le grand gaillard sportif eut un petit sourire inquiétant. Liam pouvait sentir les émotions qu'il éprouvait aussi clairement que si elle étaient apparues en lettres de néon au-dessus de lui. Alors que l'autre n'avait pas dit un mot, il se leva, rajusta ses vêtements, et s'approcha de la porte de la navette. Au moment où le sas s'ouvrait, il le défia du regard, et déclara carrément :

- Ouais, c'est ma première chasse, et non, vous ne me faites pas peur. Vous ne serez pas le premier adulte que je fais tourner en bourrique.

Le Calipsa éclata franchement de rire, mais ne parla pas davantage. Liam sauta, et atterrit sur le sol spongieux de la planète Vilhon. La navette s'éleva de quelques mètres. Le communicateur attaché à son gilet tactique sonna.

- Candidat Kincaid, ici la navette. Vous me recevez ?

- Cinq sur cinq !

- Contrôle d'atterrissage. Tout est en ordre ?

- Affirmatif, navette, tout est en ordre.

- Nous restons en contact, appelez-nous en cas de problème. Bonne chasse !

- Merci à vous.

- Terminé.

Et la navette repartit. Liam était maintenant seul, au milieu d'une jungle luxuriante, et sans doute hostile.

Canderous était aux anges. Il sentait qu'il avait une bonne occasion de faire voir à tous ces notables riches et stupides ce dont il était capable. Il était bien décidé à gagner le Vor-Cal, et à mettre à genoux ces poseurs. Son assurance était telle qu'il ne vit pas où il mettait les pieds. En plein dans un bourbier dans lequel il commençait à s'enfoncer. Jurant trente-six fois, le mercenaire regarda dans tous les sens, cherchant un endroit où se raccrocher. Il descendait de plus en plus, et était dans la fange jusqu'à la ceinture. Il allait appeler la navette avec son communicateur, mais y renonça, trop fier pour avouer sa défaite dès la première difficulté. Alors qu'il avait de la gadoue sous les aisselles, il repéra une liane au-dessus de lui. Tirant une de ses vibro-dagues, il la lança, tranchant net le cartilage végétal. Il agrippa la tige, tira de toutes ses forces, et sortit bientôt de cette embarrassante situation. Il redescendit sur une bande de terre dure, essoufflé, mais vivant. Il pesta en constatant qu'il avait perdu dans l'affaire son autre dague. C'est alors qu'il entendit un grondement inquiétant. Son regard accrocha quelque chose qui le fit grincer des dents de satisfaction. Avec un regard de défi, il dégaina sa vibro-rapière.

Morgreed était sur une piste. Il avait déjà sorti sa vibro-hache. Pendant la présentation holographique de la bête, le Barabel avait regardé attentivement l'anatomie du karstag, notamment ses pattes. Et les traces qu'il suivait correspondaient bien à l'image qu'il avait encore en tête. Plus loin, il parvint à un trou à flanc de colline. Un grognement sourd le fit méchamment sourire. Son instinct ne l'avait pas trompé : devant lui se tenait un karstag de belle taille, probablement un adulte d'un âge avancé. Un coup de hache sur le crâne, et l'animal gisait déjà par terre. Morgreed compta quinze pointes, et coupa la queue d'un coup net.

Dankin n'était pas habitué aux parties de chasse en milieu marécageux. Togoria avait beau être un monde forestier, il y avait d'immenses arbres, des branchages complexes, et pas de gadoue. Il avait bien décelé une empreinte, mais peu à peu, le karstag avait évolué sur du terrain de plus en plus dur, et bientôt il n'y avait plus de trace à suivre. Le Togorien ne se découragea pas, et continua à chercher. Un bruit de blaster juste derrière lui le fit plonger à terre.

- Ohé ? Y a quelqu'un ?

- GRRR !

Le Baron Quinn Sheffield de la Maison Reena sortit de derrière un arbre.

- Oh, c'est vous, monsieur le Togorien ? Je suis infiniment désolé, je vous ai pris pour un gundark. Oh bien sûr, j'aurais dû faire plus attention. Heureusement qu'avec ma maladresse chronique, je vous ai manqué, n'est-ce pas ?

Pendant tout ce temps, Taava et Chi'ta n'étaient pas restées inactives. La jeune Togruta s'était levée une heure après le départ des chasseurs, et avait rejoint la petite Drall au réfectoire, pour le petit déjeuner. Chi'ta avait abandonné le pyjama pour une combinaison beige peu esthétique mais confortable.

- Alors, bien dormi, petit bouchon ?

- Oui, merci, Taava. Et vous ?

- Vraiment très bien. Savill est peut-être pro-impérial, au moins il sait recevoir.

- Je… vous savez, je ne me sens pas bien.

- Quelque chose du dîner qui a du mal à passer ?

- Non, ce n'est pas ça. J'ai peur pour les garçons.

- Oh, ne t'en fais pas pour eux. Tous autant qu'ils sont, ils nous ont prouvé qu'ils sont parfaitement capables de se débrouiller.

- C'est pour Liam que je m'en fais. En fait, depuis qu'on est partis, je vous avoue que je ne me sens pas tranquille. Et c'est à cause de… tiens, où est Bratak ?

- Bratak ? C'est Bratak qui te fait peur ?

- Quelque chose de malsain émane de cet individu, je le crains.

- C'est vrai qu'il a l'air inquiétant, mais pour le moment, il ne m'a pas semblé très… digne d'intérêt.

- Je… enfin… je ne peux pas l'expliquer.

- C'est en rapport avec la Force, c'est ça ? Tu crois que ce bonhomme est un Jedi, lui aussi ?

- Peut-être… mais si c'est le cas, je doute qu'il suive le Côté Lumineux de la Force.

- Bon, oublions ça pour le moment, nous avons du travail. Tout à l'heure, en venant au réfectoire, j'ai vu passer Annora Calandra. J'ai pu ainsi repérer sa cabine.

- Ah !

- Malheureusement, elle est gardée.

- Oh…

- Deux Gardes Melantha sont devant sa porte.

- Il va falloir trouver un moyen de les éloigner.

- J'y ai réfléchi. Et j'ai une petite idée. Tu me suis ?

- Allons-y.

Et les deux amies se levèrent posément, et quittèrent la salle à manger. Taava conduisit la jeune Drall jusqu'aux ascenseurs de service.

- On va faire un peu de casse ?

- Rien de grave, j'espère ?

- T'en fais pas, on va juste leur offrir un petit coin à l'ombre !

La plate-forme s'arrêta aux niveaux inférieurs de la station.

- En piratant une des bornes d'information, j'ai fait le repérage, pendant la nuit. Et j'ai trouvé… ça !

Taava s'était arrêtée devant un grand panneau de contrôle. Elle tapota quelques touches sur le clavier.

- Bonne nuit, les petits !

Les lumières s'éteignirent aussitôt, puis les spots de secours rouges éclairèrent faiblement le couloir.

- Maintenant, on prend l'escalier.

- Vous savez ce que vous faites, j'espère ?

- T'en fais pas, cette station ne va pas s'écraser, j'ai seulement éteint la lumière et retardé les ascenseurs. Remontons vite.

Quelques minutes plus tard, et elles étaient dans le couloir, tout aussi sombre. L'air de rien, les deux filles se dirigèrent vers les appartements d'Annora Calandra. Au passage, elles croisèrent l'un des deux gardes Melantha, qui les aborda.

- Excusez-moi, citoyennes ?

- Oui, soldat ?

- Savez-vous pourquoi il n'y a plus d'éclairage ?

- Non. Peut-être qu'il y a une panne…

Le garde haussa les épaules et continua son chemin. Bientôt, elles arrivèrent devant l'autre garde. Taava chuchota au creux de l'oreille de Chi'ta.

- Il en reste un. Comment l'éloigner ?

- J'ai une idée, laissez-moi faire.

- Vas-y.

La jeune Drall s'approcha du garde.

- Que voulez-vous, mademoiselle ?

- Votre collègue m'a demandé de vous dire de venir le rejoindre au sous-sol central. Il y a besoin de bras solides.

La Togruta sourit dans le noir en remarquant que la petite Chi'ta avait fait un petit geste circulaire du bout des doigts de la main droite. Le résultat ne se fit pas attendre. Le garde maugréa.

- Bon, je vous remercie, je vais aller voir ça. Excusez-moi…

Et le garde quitta son poste et partit dans la direction dans laquelle était parti son collègue. Taava applaudit discrètement Chi'ta.

- Joli.

- Et voilà, il suffit de savoir employer les bons mots. Malheureusement, je ne pense pas pouvoir faire de même avec cette porte.

- Oui, mais ça, j'en fais mon affaire.

Taava se craqua les doigts. Quelques secondes plus tard, la porte était ouverte. Elle entra, mais Chi'ta resta sur le pas de la porte.

- Il n'y a pas de caméra, dans les suites, j'ai vérifié en piratant les plans. Pas d'alarmes non plus. C'est une station spatiale de luxe aux invités contrôlés et triés sur le tas, pas une prison.

- Ce n'est pas ça, mais… j'ai peur.

- Une disharmonie avec la Force ? demanda Taava, réalisant avec anxiété que la petite Drall avait peut-être perçu quelque chose qu'elle ne pouvait pas ressentir.

- Il y a une grosse menace dans l'air…

- Toujours peur de cette momie sadomaso ? Chi'ta, je t'assure qu'il n'y a personne ici. On ne va rien prendre, on va juste observer, et partir en rangeant tout. De toute façon, avec les gardes qui vont revenir, on n'a pas intérêt à traîner.

Ayant dit, la jeune Togruta s'installa au bureau d'Annora Calandra. Elle mit en marche son bloc de données, le brancha sur celui de la femme d'affaires.

- Décidément, elle ferait mieux de réviser son système de protection informatique, celle-là ! Et d'une… deux… trois ! A y est ! Plus de codage. Je vais me régaler !

- Ne prenez que l'essentiel, nous n'avons pas beaucoup de temps.

- Je vais au but. C'est quoi, ce dossier ?

Taava sélectionna un groupe de documents intitulé « Projet S.A.T.A. ». Elle consulta les documents. Devant les yeux des deux femmes, un schéma complexe apparut sur l'écran. La Togruta le consulta attentivement, puis déglutit.

- J'ai comme l'impression qu'on est vraiment, vraiment dans la mélasse, petit bouchon…

Le schéma représentait la structure complexe d'un engin spatial. Un globe pourvu d'une tranchée qui séparait sa surface en deux hémisphères égaux, tranchée comportant une surface circulaire plus petite. Plusieurs indications signalaient l'emplacement des moteurs, les batteries à énergie, et les hangars.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Chi'ta, qui avait peur de comprendre.

- Les plans d'une sphère à torpilles impériale similaire à l'Étoile Noire.

- Quoi ?!

- Ouaip. Le projet « Sphère À Torpilles Avancée », plus précisément.

- Mais c'est monstrueux ! Nous devons absolument en référer à la Présidente Organa Solo !

- Sans doute. En plus, celle-ci a l'air plus dangereuse que les autres.

- Les… les autres ? Vous voulez dire qu'il y a plusieurs armes identiques ?

Taava tourna la tête vers le visage catastrophé de Chi'ta.

- Il existe déjà quelques sphères à torpille impériales. Mais elles ne sont pas aussi redoutables que ne l'étaient les Étoiles Noires. Les sphères à torpille impériales ordinaires ne mesurent que deux kilomètres de diamètre environ, quand les deux stations spatiales de combat faisaient respectivement cent vingt et cent soixante kilomètres de diamètre. Les sphères à torpille actuelles ne sont que des engins de siège conçus pour affaiblir et détruire les protections énergétiques des villes et des bases. Celle-ci est particulièrement grande, elle fait soixante kilomètres de diamètre, ce qui est déjà trop. En plus…

- Oui, quoi ?

- Regarde ces petites indications en rouge sur le plan.

Chi'ta se pencha devant l'écran et lut :

- « Emplacements des… Ko…ren…dums. » Korendums ?

- Tu sais ce que c'est, un Korendum ?

- Euh… laissez-moi réfléchir… il me semble avoir lu ce nom quelque part… dans un livre de minéralogie !

- Minéralogie ?

- Je crois que c'est une sorte de pierre précieuse rarissime.

- Une pierre précieuse… un cristal ?

- Oui, je crois… Oh non ! Vous pensez à ce que je pense ?

- J'espère me tromper, sincèrement, mais je pense qu'ils fabriquent une station spatiale qui serait alimentée avec les cristaux énergétiques contenus dans les artefacts de la technologie DarkStryder.

- C'est peut-être pour ça que c'est une sphère « avancée » ?

- Y a de fortes chances.

- Quand on a vu ce que peut faire un simple petit cristal, alors que peut faire une arme de cette taille ?

- C'est bien pour ça que je disais qu'on est vraiment dans la mélasse. Bon, on a ce qu'on voulait. Je copie ces docu… hé, regarde la signature !

Plusieurs ordres de commande étaient adressés au Seigneur Daymon Thorn.

- C'est une commande impériale. Ce Daymon Thorn veut construire une nouvelle arme de guerre superpuissante.

- Nous devons en référer au Conseil, au plus vite !

- Dès qu'on aura quitté cette base. Pour l'instant, quittons cette chambre !

Elles se levèrent, et Taava éteignit l'ordinateur.

- Rappelle-toi, surtout ne parlons pas de ce qu'on vient de voir avant d'être à nouveau à bord du Paradis Stellaire. Pas envie que les larbins de Savill apprennent qu'on vient de farfouiller ici.

Liam n'avait pas chômé. Pas un instant il n'avait utilisé son fusil blaster de sport. Il avait lancé tous ses sens pour repérer Annora Calandra. Bien sûr, il y avait une certaine distance entre tous les candidats, mais il avait bien fait attention à l'endroit où elle était descendue, et avait réussi à repérer la bonne direction. Ses années d'entraînement dans les labyrinthes complexes des bas-fonds de Coruscant lui rendaient bien service. Il lui avait fallu plusieurs heures, mais il la repéra. Quand il la vit, il se cacha dans un buisson, et approcha, aussi silencieux qu'un chat, pour se mettre à portée d'écoute. Grâce à ses sens exacerbés, il pouvait clairement l'entendre marmonner sans risque de se faire repérer. Annora Calandra trépignait.

- Bon sang, mais qu'est-ce qu'il fiche ? Il est en… Ah ! Vous voilà !

Liam fronça les sourcils, focalisant son regard sur les nouveaux arrivants.

Quelqu'un arrive ! Voyons voir… qui avons-nous ? Aha ! Le seigneur Vaskel Savill ! Il n'est pas censé se trouver sur cette planète pendant la chasse… ça se précise. Ho ! Mais que fait-il ici, celui-là ?

L'adolescent venait de voir arriver le professeur Arkeld, l'archéologue. Un petit bataillon composé de gardes Melantha entoura la clairière. Liam se fit tout petit.

Si jamais ils me trouvent, je suis mort !

- Alors, chers amis, pouvons-nous parler ?

- Oui, professeur Arkeld. J'ai personnellement sélectionné ces gardes, ils ne diront pas un mot.

- Parfait, mon Seigneur, parfait.

- Bien, commençons, si vous le voulez bien. Pour commencer, professeur, voici le calendrier des prochaines livraisons de bacta.

- Voilà qui sera d'une grande utilité à mes collaborateurs.

- À propos, où en sont-ils ?

- Ils ont infiltré avec succès les objectifs.

- Vraiment ? s'étonna Annora Calandra. C'était réputé impossible.

- Très chère, rien n'est impossible pour le R.A.J. !

Liam fronça les sourcils.

Le « R.A.J. » ? Qu'est-ce que c'est ?

- Nos équipes sont bien installées dans leurs bases, et attendent le signal.

- L'attaque aura bien lieu, Vaskel ? demanda Calandra.

- En effet, comme prévu. Nous avons planifié de la lancer dans dix-sept semaines, à partir de maintenant, dans une fourchette de deux à trois semaines.

- Le Cartel m'a prévenu qu'il attaquera l'objectif convenu. Voilà qui devrait provoquer bien des remous, n'est-ce pas ? sourit Calandra.

- Je vous fiche mon billet que nos « clients » s'en mordront les doigts ! se réjouit le professeur.

- Bien, on a tout dit, il faut reprendre la chasse. On se revoit dans quatre mois au lieu habituel.

Et les trois individus se séparèrent, les gardes suivant leur Seigneur. Liam attendit une dizaine de minutes avant de sortir de sa cachette. Il était resté littéralement pétrifié par ce qu'il venait d'entendre. Pour se redonner un peu de courage, il se dit à voix haute :

- Il faut que je prévienne les autres… et vite.

Une heure plus tard, la navette survola la forêt en rase-mottes en faisant sonner une sirène. La chasse se terminait. Dans les communicateurs, chaque participant put entendre un message de rappel. La navette récupéra un par un les candidats. Puis ils furent tous ramenés à la station.

Canderous se précipita dans sa cabine, et passa un long moment sous la douche. Après avoir passé des heures avec de la boue séchée sur tout le corps, il se sentit mieux. Le plus long fut de nettoyer une à une ses tresses. Puis il repassa le costume Cadriaan qu'on lui avait prêté, et se dirigea vers le grand salon, où tous avaient rendez-vous. Chemin faisant, il fut rejoint par le baron Quinn Sheffield.

- Seigneur Tal ?

- Ah, tiens, salut, Baron.

- Seigneur Tal, je… félicitations, j'ai vu votre prise, et je parierais que vous serez le vainqueur cette année !

- Je le parierais aussi. Par contre, vous m'étonnez, depuis le temps que vous participez au Vor-Cal, vous n'avez toujours pas abattu le moindre gibier ?

- Eh bien… non. Je suis un très mauvais chasseur, à mon grand dam.

Ils étaient maintenant dans l'ascenseur, qui descendit vers le grand salon.

- Mais d'après ce que j'ai entendu, pour le coup, heureusement que vous avez raté votre cible, cette fois-ci.

- Oh, je préfère éviter le sujet.

- J'en suis sûr, mais à votre place, je rajouterais une couche de maquillage sur votre œil.

- Oh, ça se voit tant que ça ?

- Connaissant celui qui vous l'a fait, j'ajouterais même que vous avez eu de la chance. La prochaine fois, celui qui vous a… enfin, qui vous a gentiment expliqué son point de vue sur vos talents de chasseur ne sera pas aussi accommodant.

- Oui, je… oups !

L'ascenseur s'était arrêté, et Dankin venait d'y pénétrer. Le grand Togorien occupait facilement le tiers de la surface de l'ascenseur à lui tout seul. Canderous demanda, amusé :

- Vous me disiez, cher Baron ?

- Euh, eh bien… enfin bref, j'ai hâte de connaître mes résultats.

- Moi aussi.

Une longue minute passa, puis les trois personnes quittèrent l'habitacle étroit, et le baron s'éloigna vivement de Dankin. Morgreed les rejoignit.

- Mais, mais, mais, tu t'es parfumé, Canderous ?! Comme c'est charmant !

- Garde ta salive, mon gros, je ne sui pas intéressé.

- Oh ho ho ! Je suis sûr que tu t'es inscrit dans la classe de Don Nycator.

- En parlant de celui-là, qu'est-ce que tu penses de la petite pépée qui l'accompagne ?

- Cette larve rose écoeurante ? Mon sang est froid, mais il gèle quand je m'imagine en contact avec une telle… horreur.

- Comment ça, « horreur » ? Elle est pas mal, je trouve.

- Normal, t'es un Humain. Tu te vois coucher avec une habitante de Barab ?

Canderous pouffa tellement fort qu'il en fit sursauter le baron Sheffield, que la tournure de la conversation avait de plus en plus gêné.

- C'est si drôle que ça ?

- Je préfère ne pas te dire comment je vois les femmes sur Barab !

Morgreed éclata de rire et envoya une énorme bourrade sur l'épaule du mercenaire qui partagea son rire. Dankin roula des yeux, d'un air navré. Le baron Sheffield poussa un soupir de soulagement en voyant qu'ils étaient arrivés au salon, et s'empressa de se mêler aux autres invités qu'il connaissait. Le Seigneur Vaskel Savill monta sur l'estrade.

- Avant toute chose, je tiens à tous vous féliciter. Vous avez tous été à la hauteur de mes attentes. La compétition a été très serrée, et je regrette presque de n'avoir que deux prix à attribuer. Je demande maintenant au vainqueur de venir. Il a ramené une queue de karstag ne comptant pas moins de dix-huit pointes ! Applaudissez donc Messire Canderous Tal de la Maison Cadriaan !

Sous des applaudissements blasés, le mercenaire s'approcha. Le Seigneur Vaskel Savill l'invita à monter sur scène, près du socle.

- Par votre performance, vous avez gagné le Vor-Cal, et par conséquent le prix qui vous revient de droit. Choisissez maintenant votre récompense.

Canderous n'hésita pas longtemps. Il saisit la vibro-lame Jengardin, soupesa l'arme, l'examina attentivement sous tous les angles, puis balaya l'air d'un geste gracieux et énergique. Un laquais lui apporta promptement un fourreau décoré. Le mercenaire lui tendit l'épée, passa le fourreau, récupéra son prix et le rangea avant de retourner sur son siège.

- J'espère que cette récompense sera à la hauteur de vos attentes. Et maintenant, chers invités, je vous prie d'applaudir aussi Maître Hassla Morgreed, notre deuxième vainqueur.

Le grand Barabel monta à son tour sur l'estrade. Sans attendre que Vaskel Savill l'y invitât, il posa sa grosse main sur l'étui du fusil blaster de luxe, et le passa à son épaule avec un rictus gourmand. Savill reprit après un instant d'hésitation.

- Oui, euh bon, content qu'il vous plaise. Eh bien mes chers amis, une fois encore, je vous remercie pour votre inestimable présence à ce Vor-Cal. J'espère tous vous retrouver l'année prochaine pour une chasse aussi passionnante, à laquelle j'aurai le plaisir de participer.

Canderous n'écoutait plus les paroles du Melantha, l'esprit trop obnubilé par la victoire. En levant les yeux, il vit que quelqu'un s'était mis face à lui. C'était Damara Decrilla, la chasseresse Mecetti.

- Alors, vous êtes le premier.

- Mouais…

- J'ai fini troisième. Quatorze pointes.

- Pas mal, miss.

- Vous êtes un chasseur très doué… je me demande comment vous vous débrouillez après la chasse…

- Le repos du guerrier ?

- Par exemple. Faudrait qu'on voie ça, un de ces jours. Je parie que vous êtes encore meilleur sur un plateau de soie et de plumes.

- Ce n'est pas impossible.

- Pour le moment, je dois rester avec Don Nycator, mais une fois rentrée sur Procopia, je serai plus disponible. Vous n'aurez qu'à me retrouver à l'ambassade Mecetti.

- On verra bien.

Chi'ta était heureuse d'être à nouveau aux côtés de Liam, mais sa crainte ne s'était pas dissipée. Au contraire, elle s'était davantage amplifiée quand elle avait constaté que Bratak semblait avoir complètement disparu.

- Pas fâché d'avoir quitté cette station ! Je m'en souviendrai, de leurs courbettes, de leurs petites manières, et j'en passe !

- Pour une fois, je suis d'accord avec toi, Canderous, éructa le Barabel en se croisant les mains derrière la nuque.

Avec soulagement, les deux costauds étaient descendus de la petite navette de transit, remettant pied à bord du Paradis Stellaire. Liam se réjouissait à l'idée de passer une nouvelle semaine dans le luxe et le loisir.

- Ah, je sens que je vais encore faire quelques brasses, à moins que tu ne préfères un peu de nega-ball, Morgreed ?

- Pourquoi pas ? Voilà qui me changera du tir à tête de pioche !

- Liam, appela Chi'ta. Je pourrais te parler une minute ?

- Allons dans ma suite.

Pendant qu'ils évoluaient dans les couloirs, un message automatique annonça : « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, soyez à nouveau les bienvenus à bord du Paradis Stellaire. Nous sommes sur le point de quitter le système de Vycinyth, et entrerons dans l'hyperespace d'ici une vingtaine de minutes. Le voyage jusqu'à Procopia durera une semaine standard, durant laquelle tout le personnel se tiendra à votre disposition. Nous vous invitons à profiter de tous les équipements de loisir mis à disposition. Le capitaine Shmid-yo et son équipage vous souhaitent un très agréable voyage ». Les deux adolescents étaient arrivés. Liam s'étala plus qu'il ne s'assit dans le fauteuil, tournant le dos à la paroi holographique dans laquelle était projetée l'image de Vilhon.

- Alors ? Qu'est-ce que tu as à me dire ?

- Liam, quelque chose de terrible risque de se produire très bientôt !

- Quel genre ?

- Pendant que tu suivais Annora Calandra, nous avons trouvé des documents dans son bureau. Liam, tu dois savoir que l'Empire est en train de fabriquer une nouvelle arme, une station spatiale de combat comme l'Étoile Noire !

- Une nouvelle Étoile Noire ?

- Et en plus, si on ne se trompe pas, elle serait alimentée avec les cristaux des modules DarkStryder.

- Blast ! Si c'est vrai, il faut absolument empêcher ça ! C'est probablement de ça dont parlait Calandra. Une fois sur Procopia, on fonce vers Yav… Chi'ta ? Hé, ça ne va pas ?

La jeune fille, hallucinée, montrait du doigt la paroi derrière Liam. L'adolescent se retourna et, stupéfait, tomba du fauteuil. L'alarme se mit à hurler, alors que le courant s'éteignit. Les deux padawans crièrent dans l'obscurité, jusqu'à ce que l'éclairage de secours leur indiquât la sortie. Ils se précipitèrent dans le couloir, bousculés au passage par un groupe d'hôtesses. Tout le vaisseau s'ébranla, secoué par un choc violent.

- Les enfants ? Les enfants ? Où êtes-vous ?

C'était Morgreed.

- Morgreed ! C'est affreux ! Les…

- Je sais, restez près de moi, surtout !

Une nouvelle déflagration jeta Chi'ta à terre. D'un mouvement, Morgreed la remit sur pied.

- Restez avec moi !

- Où allons-nous, maître Morgreed ?

- Aux capsules de sauvetage !

Canderous s'était jeté hors de sa suite, toutes armes dehors. Dankin l'avait rejoint. Tous deux se précipitèrent vers le pont. Devant l'un des ascenseurs, Canderous pressa le bouton d'appel, puis dans un réflexe professionnel, se plaqua contre la paroi, fusil blaster pointé vers le sol. Le Togorien l'imita. En attendant la plate-forme, Canderous demanda à son ami :

- C'est quoi, ce délire ?

- Danger… détournement.

- C'est bien ce que je pense. On va éviter de se précipiter vers les capsules de sauvetages. En général, ces gars-là ne font pas les choses à moitié, ils vont les intercepter.

L'ascenseur arriva. Ils montèrent, et Canderous poussa le bouton de l'étage de l'opéra.

- On va se planquer dans les coulisses de la salle de spectacle, ils ne penseront pas à venir nous y chercher.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, et les deux compères s'engagèrent dans le couloir. Ils franchirent la lourde porte ouvragée de l'opéra, traversèrent l'immense salle vide, et montèrent sur la scène. Ils pouvaient voir au passage par le grand hublot blindé de la scène la lune de Vilhon, et toutes les capsules de sauvetage du vaisseau. Certaines étaient attirées, emportées, capturées par des rayons tracteurs. Les plus éloignées étaient purement et simplement détruites.

- Qu'est-ce que je te disais ! Pourvu que les autres n'aient pas commis cette erreur !

- Nous… chercher… Taava, et les padawans…

- L'ennui, c'est que je ne sais pas où ils sont, maintenant.

- Communicateurs… brouillés.

- Ouais, ces salopards ont pensé à tout. Des vrais de vrais.

La double porte vola en éclats sous l'effet d'une charge de fusil blaster.

- Blast ! Pour les coulisses, c'est foutu. Planquons-nous !

Les deux guerriers se plaquèrent derrière les murs qui encadraient la scène. Canderous était côté Cour, Dankin côté Jardin. Une voix agressive ordonna :

- Rendez-vous, ou nous ouvrons le feu !

- Des prunes ! répondit Canderous avant de mitrailler au hasard sans quitter son abri.

- Nous sommes trop nombreux, et vous le savez ! Je ne le répéterai pas, rendez-vous !

- Allez vous faire voir !

Cette fois, ce fut Dankin qui sortit de sa cachette d'une roulade. D'un tir de son arbalète Wookiee, il fit tomber un lustre qui s'écrasa dans un grand fracas sur les assaillants. Canderous ricana.

- Ouais, bravo mon pote, tu…

Il ne finit pas sa phrase. La porte des coulisses, juste derrière lui, s'ouvrit d'un coup, et une salve d'ondes de choc paralysantes sonna net le mercenaire, puis le Togorien.

Baroudeuse professionnelle, Taava se défendait farouchement. Elle en avait étendu un, puis un autre, et encore un autre. Elle s'était arrangée pour ne pas croiser des patrouilles, mais se faisait un sang d'encre pour les deux padawans.

Bon sang, où peuvent-ils être ? Voyons… Réfléchis, ma vieille, réfléchis ! Où est-ce que tu irais si tu étais un gamin qui n'a pas l'habitude de ce genre d'attaque ? Vers la sortie la plus proche !

Immédiatement, elle se précipita vers les cabines de secours. Elle allait prendre l'ascenseur, quand des bruits de rafales la firent faire demi-tour. Au passage, elle vit un garde Reena s'écrouler, la poitrine brûlée par un tir de blaster.

Ces enfoirés ne plaisantent pas ! Ils tirent pour tuer ! En tout cas, sur les gardes !

La jeune Togruta fit rapidement demi-tour, et s'enferma dans la première pièce au hasard. C'était une zone réservée au personnel, un grand placard à serviettes de bain et draps. Elle poussa le verrou, et regarda autour d'elle. Elle vit alors une conduite d'aération, au plafond. Elle se dépêcha de pousser une table pour pouvoir l'atteindre. Alors qu'elle retirait la grille, elle entendit quelqu'un frapper furieusement à la porte.

- Je vous ordonne d'ouvrir cette porte ! Je sais que vous êtes là ! Si vous n'ouvrez pas dans cinq secondes, je l'enfonce !

Cause toujours !

Taava était maintenant engagée dans le tuyau, et rampa à toute vitesse en maugréant.

- « Festivités, distractions et mondanités » ! « Quelques jours dans le plus grand luxe » ! Vraiment, tu parles d'un boulot d'investigation ! C'est comme au bon vieux temps !

Ses coudes lui faisaient mal, mais elle finit par atteindre l'extrémité de la conduite. Quand elle descendit, elle rajusta ses vêtements, empoigna son blaster, et regarda prudemment par la porte entrouverte. Personne. Rien d'autre que l'alarme qui hurlait, les bruits de blaster et les cris étouffés. Elle avança jusqu'à l'escalier, puis les descendit quatre à quatre. Enfin, elle arriva jusqu'aux petits couloirs menant aux capsules de sauvetage. Mais quand elle franchit la porte, elle ne put réprimer un juron.

- Désolé, Taava.

- Pas grave, fiston.

Liam et Chi'ta étaient tenus en joue, à genoux, mains sur la tête. Morgreed était étalé de tout son long sur le carrelage, rendu inconscient par les ondes paralysantes. Avec un soupir d'agacement, la jeune femme laissa tomber son arme.

- J'espère pour vos précieuses ridicules que vous ne ferez rien aux gosses !

Ils étaient des dizaines. Peut-être des centaines, l'adolescent n'était sûr de rien, sinon qu'ils étaient nombreux. Trop nombreux. Les Gardes des différentes Maisons gisaient ça et là, massacrés par des tirs nourris de fusils blasters. Les soldats de choc de l'Empire étaient tous en rang, maintenant les civils à genoux dans le grand hall d'accueil, leurs armes braquées en avant.

Liam tremblait de tous ses membres. Il avait encore sur le cœur sa première rencontre avec les soldats impériaux, et la violence du combat qui avait conclu cette rencontre. Et cette fois-ci, ils étaient beaucoup trop nombreux. Pas question de résister, ou de tenter quoi que ce soit d'insensé. En un mot, il était bel et bien prisonnier.

Non loin de lui, Chi'ta était plus effrayée encore, car elle savait qu'en tant que non-Humaine, elle ne couperait pas à un solide interrogatoire, même si ces gens ne perçaient pas à jour ses capacités de padawan.

Taava était plus calme. Elle avait déjà écumé des galaxies dangereuses, et en avait vu d'autres. Pour elle, les Impériaux n'étaient que de bêtes machines à exécuter les ordres, qui n'avaient pas forcément intérêt à massacrer les non-Humains gratuitement, en particulier depuis la chute de Palpatine. Elle remarqua alors que les chefs de section portaient un blason sur leur épaulière : un poing ganté levé autour duquel s'entrelaçaient des ronces.

Le visage dur de Canderous restait impassible. Pour les avoir affrontés à maintes reprises, le mercenaire n'avait pas peur des guerriers de l'Empire, mais savait que tout combat contre un tel nombre d'adversaires se solderait par un échec. Il était également furieux de s'être fait avoir aussi facilement, et Dankin partageait cette colère, même s'il ne le laissait pas paraître.

Morgreed, en revanche, fulminait. Il avait repris connaissance avec une sacrée migraine, et la vue de toutes ces armures blanches l'énerva davantage. Quand il vit l'un des soldats se rapprocher, et bousculer d'un coup de pied la jeune Drall au passage en la traitant de « sale rat d'égout », il se jeta sur lui et lui écrasa ses poings sur les épaules, le renversant net. Trois tirs de rayons paralysants répondirent à cet acte vindicatif, plongeant derechef le Barabel dans le coma.

Une fois la situation sous contrôle, une voix claire annonça :

- Garde à vous !

Tous les soldats de choc s'exécutèrent comme un seul homme. Un officier était descendu de la navette Lambda impériale. Liam supposa que c'était un haut gradé, en voyant le nombre de décorations figurant sur son uniforme, à la hauteur de la clavicule gauche. Cet homme de taille et de corpulence moyennes, aux yeux vifs sous son béret, fit claquer lentement les talons de ses bottes en passant parmi les prisonniers. Il se planta alors devant tout le groupe d'invités.

- Moi, Lin Nunsk, capitaine du croiseur interstellaire Gantelet, annonce l'arrivée à bord du Seigneur Daymon Thorn !

Alors on va voir à quoi ressemble ce fameux Thorn… pensa Taava. Un petit gémissement détourna son attention. C'était Chi'ta. Elle paraissait avoir mal au crâne. La Togruta remarqua que Liam avait les yeux exorbités, suait de plus en plus fort, et semblait avoir des problèmes digestifs, et des remontées de gaz. Tous deux détournèrent en même temps le regard, et Taava comprit immédiatement pourquoi.

Trois sinistres personnages venaient de mettre pied à quai. Deux d'entre eux portaient l'uniforme de la Garde Impériale d'élite, l'armure traditionnelle rouge vif, sans décoration ni nuance de couleur, avec une visière noire fendant un masque lisse, et étaient équipés d'une longue pique. Ils escortaient un troisième individu plus effrayant encore. C'était un immense homme, l'Humain le plus grand que la jeune Togruta avait jamais vu. Il portait sous son manteau noir une armure de combat rouge sombre, renforcée de servomoteurs, qui lui donnait l'air d'être encore plus musclé qu'il ne devait déjà l'être. Ses bras paraissaient aussi gros que des cuisses. Il marchait d'un pas lourd, et ses bottes semblaient peser plus lourdement qu'elles n'auraient dû sur le sol. Son visage était une ode à la méchanceté. Il était carré, glabre, et ses traits étaient crispés par la cruauté. Ses arcades sourcilières proéminentes accentuaient la dureté du regard de ses yeux noirs profondément enfoncés dans leurs orbites. Sa peau était très pâle, trop pour un Humain normal, pensait Taava, et ses cheveux blancs étaient coiffés en une brosse agressive.

S'arrêtant devant les prisonniers, le Seigneur Daymon Thorn s'adressa à la cantonade.

- Mesdames, mesdemoiselles, messieurs… Nous sommes ici pétris de bonnes intentions. Mes sources de renseignements m'ont indiqué la présence d'un dangereux terroriste qui se dissimule à bord de cet appareil en compagnie de ses complices. Ces bandits viennent en aide aux Rebelles en activité dans le Secteur Tapani, en particulier les extrémistes du Réseau d'Action de Justice, autrement appelé le « R.A.J. », connus pour leurs actions notoirement violentes. Comme vous le voyez, nous ne cherchons qu'à rétablir l'ordre, et nous le ferons dans le calme, la discipline et le respect des bons principes. Que tout le monde collabore, et personne, je dis bien personne d'autre que les coupables n'auront à craindre quoi que ce soit.

Alors qu'il a déjà fait des prisonniers, détruit des capsules de sauvetage et exécuté tous les gardes ? Tu parles ! se dit Canderous.

Un petit ricanement attira l'attention du mercenaire. Celui-ci sentit son sang se mettre à bouillir. Une voix geignarde, moqueuse, résonna dans tout le hall.

- Alors, bande de minables vauriens, vous avez bonne mine, pas vrai ? Voilà ce que c'est, que de nous défier !

Taava serra les dents, et regretta de ne pas pouvoir tuer à distance, comme un Jedi Noir. De la navette était descendu le gros Klytus, plus servile et obséquieux que jamais. Il se plaça aux côtés du Seigneur Thorn.

- Voilà, mon Seigneur Thorn ! J'ai fait ce que le Seigneur Vaskel Savill m'a demandé. Dites voir, je crois me rappeler qu'à la clef, il y avait une… récompense ?

Thorn claqua du doigt. Un sous-officier apporta un petit coffret. Klytus gloussa d'un rire suraigu en en sortant des bracelets, un collier scintillant de mille feux, et d'autres bijoux. Il s'inclina tellement que son chapeau de plastique transparent toucha le sol.

- Merci, mille mercis, mon Seigneur. La Maison Melantha vous assure une servitude éternelle.

- Le temps de mon règne suffira. Et maintenant, disparaissez ! Vous offensez ma vue, mon odorat et mon ouïe ! ordonna le Seigneur Thorn en montrant une petite navette neutre d'un doigt énergique.

En voyant Chi'ta se cacher le visage en détournant le regard, Liam s'approcha discrètement d'elle, et murmura à son oreille :

- Tu connais ce gros lard ?

- À cause de lui, la Maison Cadriaan et la Maison Mecetti ont failli entrer en guerre. Je t'expliquerai plus tard.

Avec un grognement sourd, le Barabel revint à lui.

- Hé, Morgreed ? Morgreed ?

- Ooh…

Liam eut un pauvre sourire en voyant Morgreed se réveiller, et se relever péniblement. Le Barabel serra les poings à s'en faire craquer les phalanges en voyant Klytus se sauver avec un rire mielleux. Avant de monter dans la navette, l'Humain porcin railla encore :

- N'oubliez pas que c'est juste un avant-goût ! Bientôt, tout le secteur Tapani connaîtra la puissance de la Maison Melantha !

Il avait prononcé ces derniers mots en chantant. Le Barabel gronda d'une voix rauque :

- D'accord. Si jamais je me retrouve encore devant cette crotte de nez, son espérance de vie se réduira à trois secondes.

- T'en auras peut-être plus jamais l'occasion, camarade…

En effet, l'homme en armure s'approchait des otages. Il fit quelques pas vers la jeune Damara Decrilla. Liam serrait les dents derrière ses lèvres compressées. Thorn saisit brutalement la femme par la peau du cou, et la souleva à bout de bras, sans le moindre effort. Elle se débattit, tenta de lui envoyer des coups de pied, mais il serra si fort qu'elle n'arriva plus à bouger, cherchant seulement à desserrer un peu l'étau de ses doigts en concentrant ses forces affaiblies dans ses mains. Le Seigneur Noir eut un petit rire.

- Une vraie tigresse…Exotique, et sauvage… Comme c'est excitant !

Sans ménagement, Thorn la jeta, elle atterrit durement quelques mètres plus loin. Puis il se dirigea vers le Barabel, lentement. Celui-ci le fixa d'un regard foudroyant, exhibant ses crocs, mais cela n'impressionna pas le Sith.

- Bien. Je vois que nous avons affaire à des gens bien décidés à me résister.

Morgreed ne répondit rien, mais sa salive moussa sur la moquette.

- Oh… vous êtes dégoûtant.

Thorn approchait maintenant de Liam. Celui-ci n'arrivait plus à réprimer ses sentiments, et le regardait, pétrifié. Lentement, l'Impérial approcha. Il dominait l'adolescent de toute sa hauteur. Un lourd silence plana pendant une demi-minute, puis Thorn étira ses lèvres en un sourire abominable.

- Capitaine Nunsk, nous avons notre homme.

- Je le jette aux fers sur l'instant, mon Seigneur !

- Oui, mais il ne faudrait pas qu'il se sente seul. On va lui donner de la compagnie.

Du doigt, Thorn désigna Chi'ta.

- Toi !

Puis il montra Morgreed.

- Toi !

Puis Taava.

- Toi !

Et enfin, Dankin et Canderous.

- Et vous deux, là, le sac à puces et son compère !

Les soldats de choc approchaient déjà, certains brandissaient des paires de menottes.

- Vous autres, embarquez-moi toute cette racaille. Honorables passagers du Paradis Stellaire, je vous remercie pour votre coopération. N'espérez pas revoir ces dangereux assassins de sitôt.

Taava était contrariée. Elle avait toujours été intéressée par l'étude des croiseurs de classe Interdictor, mais ne pensait pas en visiter un, encore moins dans ces circonstances. Elle pensait à Chi'ta et Liam. Les deux padawans avaient d'entrée été séparés du reste du groupe. La Togruta espérait de toutes ses forces qu'ils fussent considérés comme les enfants qu'ils étaient. Pour l'heure, la vue de son propre reflet l'indisposait. Elle était serrée dans une camisole, assise sur une chaise, devant un miroir. Une bassine était posée juste sous le miroir, sur la table du box. Elle ne pouvait pas les voir, mais savait que Morgreed, Dankin et Canderous étaient assis dans les mêmes conditions. Le Seigneur Thorn allait et venait d'un box à l'autre.

- Je ne sais pas si vous avez entendu parler du Seigneur Daymon Thorn, élève du Grand Inquisiteur Tremayne. Alors permettez-moi de me présenter brièvement. Je suis appelé à devenir le nouvel Empereur d'un Ordre Nouveau, au même titre que le fut l'Empereur Palpatine. Pour cela, je suis prêt à tout. C'est pourquoi je n'hésiterai pas à vous écraser un par un pour obtenir des réponses à mes questions. J'ai fait faire ma petite enquête, et je sais que vous n'êtes pas ceux que vous avez prétendu être ces derniers jours.

Il s'approcha de Canderous, et positionna son visage à côté de celui du mercenaire.

- « Monsieur Canderous de la Maison Cadriaan » ! Comme c'est amusant ! La Maison Cadriaan en est réduite à accepter les loqueteux dans ses rangs ?

Faisant fi de la plus élémentaire prudence face à un Jedi Noir, Canderous cracha au visage de Thorn. Celui-ci lui brisa presque la mâchoire d'un terrible revers de son poing ganté de fer.

- Encore pire que ce que pensais… Bien, je vais vous expliquer ce que j'attends de vous. Je parierais d'ailleurs que vous avez tous déjà subi au moins une fois un interrogatoire. Je suis heureux de vous présenter un traitement que nous réservons à nos « invités d'honneur ». Il s'agit de la méthode dite du « ravalement ».

- Le « ravalement » ? Et c'est quoi, ça ? demanda insolemment Canderous.

- Très simple, maître Tal. Vous voyez cette bassine, devant vous ? Elle contient une solution liquide mousseuse. On pourrait croire qu'il s'agit d'eau savonneuse, mais il n'en est rien. C'est une lotion spéciale, un petit concentré d'acides très efficaces. Vous allez vous en rendre compte par vous-mêmes. Et puisque vous êtes tellement curieux, c'est à vous que va revenir l'honneur de commencer.

Un officier en uniforme noir s'approcha, et plongea sa main gantée dans la bassine posée devant le mercenaire. Il en sortit une éponge, et barbouilla de lotion le visage de Canderous. Bientôt, Taava et Morgreed eurent droit au même traitement. L'officier s'arrêta devant Dankin.

- Mon Seigneur ? Comment puis-je faire avec celui-là ? Son visage est trop velu.

- Ne vous en faites pas, bourreau. Il suffit d'insister un peu.

Thorn posa sa main à plat sur la nuque du Togorien, et d'un geste sec, avec une force irrésistible, il plongea la tête de Dankin directement dans la bassine, et l'en retira.

- Bien, j'ai toute votre attention, maintenant ? Parfait. Maintenant, je vous explique le principe : je vous pose une question, et vous êtes priés d'y répondre. Si la réponse que vous donnez est satisfaisante, notre préposé aux interrogatoires coercitifs vous passera un chiffon imbibé d'eau sur le visage, ce qui rétablira les choses. En revanche, si vous donnez une réponse qui ne me convient pas, je me contenterai d'attendre un peu avant de poser la suivante.

- Où est le problème, alors ? Vous avez parlé d'acides, mais je ne sens rien, constata le mercenaire.

- Bien entendu. Vous ne sentez rien pour l'instant, et vous pensez encore à être effronté, mais regardez vous-même votre reflet dans la glace…

Taava ne put réprimer un cri effrayé. Thorn ne plaisantait pas, sa peau rouge vif avait pris un teint cireux, orangé. Dankin perdait ses poils par touffes.

- Bien, vous voyez où je veux en venir, à présent ? Parfait ! Je commence. Première question : qui vous envoie ? Vous n'êtes pas de simples noblaillons ou les employés d'une entreprise spécialisée dans la construction de vaisseaux. Alors ?

Dankin ne dit pas un mot. Canderous sifflotait d'un air agacé.

- Bon allez, j'ai pas toute la journée, moi…

Taava était trop stupéfaite par l'image de son propre reflet. Morgreed ne dit rien. Thorn se craqua les doigts.

- Alors, vous êtes trop timides, c'est ça ? Aucune importance, on va augmenter un peu la dose. Bourreau ?

- Tout de suite, mon Seigneur.

Et le bourreau passa une deuxième couche d'acide liquide sur les visages. Pour énerver davantage le Seigneur Thorn et oublier le triste spectacle des cloques qui apparaissaient sur ses pommettes et son front, Canderous éclata de rire.

- Il faudra faire mieux que ça, Thorn !

Le Sith s'approcha de Morgreed. Celui-ci gronda, en le foudroyant du regard. Ce fut au tour de Thorn de rire.

- Allons, allons, ne faites donc pas l'animal avec moi. Je croyais que vous, les Barabels, étiez emplis de respect envers les manipulateurs de la Force.

- Pas pour ceux qui ont bafoué et trahi leurs préceptes, espèce de pourriture !

- Comme les autres, je mérite votre respect, et vous allez bien vite le comprendre… répondit Thorn avec une voix doucereuse.

Le Seigneur Sith leva la main, et serra les doigts, crispant son poing. Quelque chose explosa dans la cage thoracique de Morgreed. Il sentit ses poumons se rétracter, se vider de leur air. Une fulgurante douleur lui lacéra le flanc, puis une deuxième.

- Nous verrons si vous êtes toujours capable de vous pavaner avec deux côtes cassées, animal.

Le Barabel avait perdu son air de défi, et son visage écailleux luisant de sueur se crispa. Taava n'avait pas tenu le coup, et s'était évanouie. Dankin, qui avait eu droit à un surplus, avaient les yeux qui commençaient à brûler.

- Vous finirez bien par me dire ce que vous savez, même si je dois vous arracher la peau du visage pour ça !

On avait bouclé dans une salle d'interrogatoire isolée les deux padawans, fouillé au corps, confisqué leurs affaires, et quand l'officier avait trouvé les sabres-laser, il avait fait rouer Liam de coups par trois soldats de choc, et Chi'ta, attachée face au mur, avait tâté de sa cravache. Puis les deux adolescents avaient été jetés au fond d'une cellule sombre.

Lentement, Liam reprenait ses esprits. Il avait le vertige, les tempes bourdonnantes, entendait encore les insultes et vociférations des soldats en armure. Il parvint à se relever. Chi'ta tremblait comme une feuille. Liam s'assit à ses côtés. Elle se pelotonna contre lui, il passa un bras réconfortant sur son épaule.

- Nous sommes perdus.

- Ne t'en fais pas. On s'en sortira. S'ils voulaient nous tuer, ils l'auraient déjà fait.

- Ce méchant Humain… il me fait peur.

- À moi aussi. Mais nous devons lui montrer que nous sommes plus forts que lui. Il va sûrement essayer de nous empoisonner la tête au Côté Obscur, il faut qu'on lui résiste, quoi qu'il puisse tenter !

- Que le Grand Fouisseur ait pitié de nos âmes !

- Mh… ?

Quelque chose bougea dans la cellule. Les deux jeunes padawans se tournèrent vers le coin sombre. Une voix féminine demanda :

- Qui… qui est là ? Oh…

Une jeune femme Humaine quitta la pénombre en se frottant les yeux.

- C'est vous, jeune Liam ? Et votre amie Drall ?

- Mademoiselle Decrilla ? Mais que faites-vous ici ?

C'était bien Damara Decrilla, la jeune chasseresse de la Maison Mecetti.

- Je n'en sais rien ! Pourquoi m'ont-ils enfermée ? Je n'ai rien fait ! Je me suis cachée dans le casino, personne ne m'avait repérée, quand ces deux bonshommes sapés en rouge sont venus, ils m'ont grillée instantanément, et m'ont rattrapée sans effort ! Puis ils m'ont ramené sur le pont, avec vous, mais quand ils vous ont mis dans la navette, les deux types en rouge m'ont traîné devant Thorn, ils m'ont embarquée, et mis dans cette cellule. Je ne comprends pas. Ou alors… la Maison Mecetti et la Maison Melantha se sont peut-être déclarés la guerre, et les Melantha m'ont livrée à l'Empire.

- Je pense à autre chose, répondit Liam d'un air songeur.

- Je crois savoir quoi, ajouta Chi'ta.

- Quoi ?

Liam prit son inspiration.

- Nous sommes prisonniers chez Daymon Thorn. C'est un Jedi Noir. Quand il capture un Jedi, il va sans doute tenter de le corrompre et d'en faire son esclave. S'il n'y arrive pas, il le tue. Chi'ta et moi sommes officiellement des padawans, sensibles à la Force. Normal qu'on soit dans la même cellule, et pas avec nos amis. Mais si on vous a mis avec nous, c'est peut-être parce que vous êtes aussi intéressante que nous pour le seigneur Thorn, et donc…

- …ça veut sans doute dire que vous avez la résonance qui permet de canaliser la Force.

- Hein ?!

Damara n'en revenait pas.

- Moi ? Une… Jedi ?

- C'est très possible, vu les circonstances.

- Je… comment… qu'est-ce qui pourrait prouver ce que vous dites ?

Chi'ta réfléchit.

- Nous n'avons pas encore l'enseignement nécessaire pour déterminer avec précision si vous avez cette résonance, mais il y a de petits indices. Par exemple, avez-vous déjà constaté que vous aviez… de la chance ? Beaucoup de chance ?

Damara n'hésita pas longtemps.

- J'avoue que mon talent pour la chasse n'est pas seulement dû à l'entraînement. Quand j'ai une proie en tête, j'ai une facilité à la trouver qui a surpris plus d'une fois. Pour moi, ç'a été toujours ainsi, mais beaucoup de chasseurs m'ont dit que j'avais un don. Et je n'arrive pas à l'expliquer… je sens ma proie, je la visualise, et quelque chose me dit où elle se trouve. Et quand elle est dans mon viseur, et que je prends mon temps pour repérer son point faible, j'ai l'impression de voir en gros plan ce point faible, et que le temps ralentit autour de moi, jusqu'à ce que j'appuie sur la gâchette.

- Y a-t-il eu autre chose ? demanda Liam.

- Jamais un animal ne m'a pris par surprise. Chaque fois, trois secondes, même deux ou une seconde avant qu'il ne passe à l'attaque, je sais qu'il est là. Qu'il soit camouflé, dissimulé derrière moi…

- Des manifestations mineures de la Force les sens exacerbés, l'intuition…

- Et puis, je ne sais pas pour vous, mais moi, je vous ai trouvé tout de suite très sympathique, même si vous étiez dans les bras de Don Nycator de Mecetti. Je croyais que vous m'aviez tapé dans l'œil… en fait, j'ai détecté votre sensibilité à la Force, et ça vous a rendu sympathique à mes yeux.

- Confidence pour confidence, je vous avoue qu'en vous voyant, j'ai aussi ressenti quelque chose envers vous, une sympathie, comme celle que j'éprouverais envers un petit frère que je viendrais de découvrir.

- Cela vaut le coup de nous accompagner à Yavin IV, à l'Académie Jedi, quand on sortira de ce cachot.

- Si on s'en sort… Vous êtes optimistes, vous les Jedi.

Chi'ta eut une quinte de toux, de plus en plus violente, et Liam, qui sentait déjà les gaz gonfler son estomac, savait très bien ce que cela signifiait. En effet, la porte s'ouvrit, et les deux Gardes en armure rouge attendaient derrière, bras croisés. L'un d'eux tendit l'index vers Liam, et ordonna d'une voix sourde :

- Toi. Le jeune Humain. Suis-nous.

Conscient qu'il n'avait aucune chance sans arme contre deux Gardes Impériaux, il préféra obéir. Après avoir franchi la porte, il regarda une dernière fois Chi'ta. Celle-ci semblait le supplier du regard de ne pas succomber. Puis la porte de sécurité se referma dans un souffle.

Les soldats de choc poussèrent violemment Morgreed qui s'écrasa contre le mur de la cellule. Une voix agressive cracha encore :

- On remet ça demain, et après-demain, jusqu'à ce que vous ayez craché les infos ou vos intestins !

Le Barabel avait une envie folle d'envoyer paître l'Impérial, mais réfréna ses pulsions, car il sentait bien qu'il n'était pas en état de déclencher une bagarre. Pas un n'avait parlé, les douleurs de l'acide avaient eu raison de leur résistance. Le contact glacé de l'eau, puis les coups de pied, les avaient réveillés. Ils avaient ensuite été jetés dans un réduit mal éclairé.

- Au moins, les effets de cet acide se résorbent ! constata Canderous.

- C'est un peu dommage, chez moi les cicatrices impressionnent toujours, soupira Morgreed.

Taava s'assit sur l'une des couchettes escamotables.

- Pauvre petit bouchon. J'espère qu'elle va bien.

- « Petit bouchon » ? grommela le mercenaire. C'est comme ça que tu appelles la gosse, maintenant ?

- Et alors, t'es jaloux ?

Le mercenaire détourna les yeux, et se mit à faire les cent pas dans la cellule. Il tambourina à la porte.

- Laissez-nous sortir, ou je vous jure que je vais faire un malheur, bande de salauds !

- La ferme, là-dedans ! cria un garde à travers la cloison métallique.

- Ouvrez cette porte, sinon je l'enfonce !

La porte s'ouvrit d'un coup, et un tir de fusil à ondes de choc anti-émeute rejeta le mercenaire en arrière. Puis le soldat de choc balança un nouveau prisonnier dans la geôle. C'était Vel Abbas.

- Tiens ? Vel Abbas ? Qu'est-ce que vous faites ici ?

- Ils m'ont embarqué quelques minutes après votre départ pour ce croiseur. Je suppose que sa seigneurie Daymon Thorn avait envie de signer un contrat exclusif avec moi. Plus sérieusement, il veut sans doute me rançonner auprès du gouvernement de Nkllon, ou de la Nouvelle République.

- Vous êtes si important aux yeux des Reps ? demanda Canderous, soupçonneux.

L'homme d'affaires sourit avec gêne.

- Je vous dois un petit aveu. En fait, je ne m'appelle pas Vel Abbas. Je travaille effectivement sur Nkllon pour la Guilde minière locale, mais mon vrai nom est Lando Calrissian. Il se trouve que j'ai des amis haut placés dans la Nouvelle République. Thorn aura sans doute entendu parler de moi, et pense peut-être tirer une rançon conséquente de ma tête.

- Calrissian… Le général Calrissian ? réalisa Taava.

- Ma réputation m'aurait précédé jusque dans le secteur Tapani ?

- Un peu, oui. J'ai établi les factures pour ceux qui ont fourni vos troupes à la Bataille d'Endor. Je travaillais pour l'Hypernova à l'époque, un commerce tenu par Koolen Ekto-Gamat de Rodia.

- Oui ! Je me rappelle ! Ce n'était pas pour mon bataillon, j'étais affecté aux escadrons spatiaux, mais je me rappelle avoir fait la négociation par courrier pour le matériel d'infanterie. C'est un bon ami à moi qui a pu en profiter. Eh bien dites donc, si j'avais su que la comptable de ce cher Koolen était si charmante, je me serais volontiers déplacé en personne pour négocier !

- Dites, vous croyez vraiment que c'est le moment pour papoter ? s'impatienta le mercenaire. Faut qu'on se taille d'ici.

- Et comment… gros malin ? souffla Morgreed.

- Ne vous en faites pas, j'ai la solution ! déclara Lando.

L'homme d'affaires tripota sa montre, en sortit un minuscule passe-partout, et se mit à bricoler la serrure. Pendant qu'il s'attelait à la tâche, Taava lui demanda :

- Vous êtes venu sous un faux nom, ce n'était pas pour affaires. Alors quoi ?

- Effectivement, très chère. J'ai été envoyé par Skywalker pour une petite enquête.

- Une enquête ? Vous pensiez que Thorn allait frapper ?

- Non, ce n'est pas Thorn qui nous intéressait, mais Bratak.

- Le gugusse avec la tronche bandée au cuir ? s'étonna Canderous.

- Lui-même. Cela fait quelque temps que ce type se promène dans le Milieu, mais personne n'a pu le cerner. Skywalker m'a demandé de le suivre, c'est ce que j'ai fait. Rien trouvé, si ce n'est qu'il n'a eu aucun contact avec la Guilde des Chasseurs de Primes, qu'il prétend pourtant servir.

Morgreed gémit doucement, se tenant la côte.

- Qu'il aille se faire remodeler la face… moi, je veux qu'on retrouve les padawans.

- Qui donc ? Ah, vous parlez des deux petits jeunes ?

- Ce sont des Jedi, Calrissian. Vous ne le saviez pas ?

- Ah bon ? Non. Mais à votre place, je ne me ferai pas d'illusions. Avec Daymon Thorn, à mon avis, pour eux, les carottes sont cuites.

Le Barabel se releva péniblement.

- On part avec eux, ou personne ne part !

- Ho là ! Vous y tenez tant que ça, à ces mômes ?

- Même sans mon serment de fidélité auprès de Dame Liryl… ouais, beaucoup.

- Moi aussi, ajouta Taava.

- On va se faire mettre en pièces si on se fait prendre, râla Canderous. Ces gamins connaissaient les risques !

- Je m'en tape, articula Morgreed.

- D'ailleurs, ils ne connaissaient pas les risques ! s'énerva Taava. D'après Stern, c'était juste une investigation sans histoire, et surtout sans Impériaux !

- Bon, la porte est ouverte, à partir de maintenant, on se tait !

En chemin, Liam imaginait déjà des supplices tous plus cruels les uns que les autres.

Il va me couper les doigts un par un… Ou me faire rôtir les pieds dans un réacteur… Ou me brûler les yeux… Ou utiliser un fouet neuronique… mais c'est un Jedi Noir ! Il va se servir de ses pouvoirs de destruction contre moi !

Ils montèrent tous les trois dans un ascenseur. Liam osa demander :

- Votre patron est de bonne humeur ?

En guise de réponse, l'un des Gardes lui flanqua une taloche sur la nuque avec un cinglant « Silence ! ». L'élévateur monta, monta, et s'arrêta au dernier étage. Les Gardes poussèrent l'adolescent devant le capitaine qui déambulait sur le pont.

- Nous amenons le prisonnier dans la cabine du Seigneur Thorn.

- Parfait, parfait, articula lentement le capitaine Nunsk avec un sourire cruel. Jeune homme, j'espère que vous n'avez pas beaucoup d'amis, ça fera moins de personnes pour vous pleurer.

L'un des manœuvres ricana, et les Gardes poussèrent Liam vers la porte blindée du fond de la salle de commandement. Le gamin tremblait de tous ses membres. Tous trois entrèrent dans les appartements privés du seigneur Thorn.

L'immense pièce était d'une beauté sobre. L'éclairage était tamisé, et une grande baie vitrée blindée donnait directement sur le vide spatial. Il y avait un peu partout des statues, des œuvres d'art, et même un bassin avec une fontaine et des plantes. Au fond de la salle, un trône d'obsidienne sur lequel était assis Daymon Thorn, toujours en armure. Le seigneur eut un sourire mêlant méchanceté et gourmandise.

- Alors, le voilà, notre dangereux terroriste. C'est bon, Gardes, laissez-nous.

Les deux personnages en armure rouge s'inclinèrent et se retirèrent. Une fois la porte fermée, l'impressionnant Seigneur se leva, s'étira avec des grognements de soulagement.

- Ah, enfin, je peux me détendre.

Thorn fit un petit signe. Un droïd de service s'approcha, portant un plateau garni de boissons. Un autre droïd amenait un fauteuil.

- Je vous en prie, asseyez-vous, mettez-vous à l'aise. Nous sommes entre nous, maintenant. Vous prendrez quelque chose ?

Liam n'en revenait pas. Le Seigneur Daymon Thorn, renégat de l'ancienne Académie Jedi, dauphin du Grand Inquisiteur Tremayne, s'installait confortablement dans son fauteuil, et l'invitait à boire avec lui ! Il fut trop surpris pour répondre.

- À votre âge, vous ne prenez peut-être pas d'alcool. Tant pis.

- Je… euh…

- Vous croyez que je vais vous torturer ? Que je vais vous balancer dans l'espace ? Nous ne sommes pas des barbares ! Dark Vador faisait des menaces qu'il mettait volontiers à exécution, mais pas moi. Ce serait du gâchis dans votre cas.

- Mais… c'est que… sur le Paradis Stellaire, vous aviez l'air un peu plus… direct.

- Que voulez-vous, mon jeune ami, il y a une image à entretenir. Le Grand Inquisiteur Tremayne, celui qui m'a ouvert les yeux sur la véritable nature du Pouvoir de la Force, disait toujours à juste titre que l'impression, l'idée que les gens se font de vous, est bien plus importante et influente que votre véritable personnalité. La grande majorité des gens s'imagine que tous les Seigneurs Sith sont des despotes cruels, impitoyables et froids. Je m'efforce de correspondre publiquement à ces préjugés. Ainsi voyez ce qui se passe quand je me déplace : en terrain impérial, tout le monde m'obéit sans discuter, en terrain neutre, personne n'ose contester mes actes, et les pirates et autres fauteurs de troubles de la Nouvelle République – vous remarquerez que j'ai dit « Nouvelle République », et non « Rébellion », j'ai bien reconnu leur existence, contrairement à ce que je laisse croire – bref, quand ils me voient, ils s'enfuient en hurlant. Seuls quelques Jedi se sont opposés à moi. Des chevaliers confirmés, endurcis, bien plus entraînés et aguerris que vous ne l'êtes pour le moment. Je vous défie d'en trouver un encore en vie aujourd'hui.

- Que… qu'est-ce que vous me voulez ?

- Ce que je veux ? Vous faire prendre conscience que vous vous trompez. Ou plutôt, non. Ils vous ont trompé.

- Qui ?

- Ces gens que vous appelez « Maîtres », en qui vous avez naïvement placé votre confiance en toute bonne foi. Skywalker, Katarn, et les autres. Je connais leurs méthodes, quand j'avais votre âge, je faisais moi-même partie de l'Académie Jedi en place à ce moment-là. J'ai connu des gens comme Obi-Wan Kenobi ou Jorus C'Baoth. Et le Grand Inquisiteur Tremayne m'a révélé bien des choses que ces esprits soi-disant « bien pensants » m'ont dissimulées pendant des années.

- C'est-à-dire ?

- Le Côté Obscur n'est pas signe de perte. Bien sûr, il a une image déplorable, ses adeptes sont vus comme étant des bouchers sans raisonnement. Je le reconnais, c'est une voie qui n'autorise aucun échec. Même le Seigneur Dark Vador, sous ses airs de grand guerrier impossible à arrêter, avait en réalité échoué. Il s'était laissé consumer par le Côté Obscur, et n'était plus libre de rien. Seul l'Empereur Palpatine a réussi à ce jour, et dans une certaine mesure le Grand Inquisiteur.

- Mais… réussi quoi ? Ces personnes dont vous me parlez… ne sont-elles pas esclaves du Côté Obscur ? osa l'adolescent.

Le seigneur Thorn but quelques gorgées d'alcool, puis eut un sourire terrible.

- Il faut faire preuve d'une volonté sans faille, d'une force psychique exceptionnelle, mais c'est possible. L'Empereur était libre de ses mouvements. Aucun maître, pas même le Côté Obscur. On a même chuchoté que ce n'était plus un homme, mais une sorte de concrétisation du Côté Obscur, mais je n'y crois pas. Pour moi, c'était toujours un homme, au but ambitieux et utopique. Oui, son but n'était pas la destruction, mais l'Ordre. Là où il a pu étendre son pouvoir, tout n'était qu'ordre, discipline, et prospérité. Même Dark Vador devait lui obéir. J'ignore ce qui s'est passé à bord de la seconde Étoile Noire le jour de la Bataille d'Endor, mais je ne serais pas surpris si j'apprenais que c'est parce que ce pantin dégénéré asthmatique a eu un moment de faiblesse, qui les a perdus tous les deux. Et moi, jeune padawan, je suis amené à devenir le nouvel Empereur. Non pas pour « suivre le Destin », « répondre à l'appel du Côté Obscur », « venger mes Maîtres », ou bien d'autres bêtises de ce genre. Non, je serai l'Empereur car j'ai les capacités et la motivation pour ça. Et moi, Daymon Thorn, je vous invite à vous joindre à moi. Car je suis réaliste : seul, j'aurai beaucoup de mal à y parvenir. Ma parole sera répandue plus facilement si j'ai quelques hommes et femmes de confiance pour la transmettre. Des disciples dévoués, qui auront chacun leur part de responsabilité dans mon Empire, qui se verront attribuer une planète de leur choix qu'ils régiront à leur guise, pourvu qu'il y ait les résultats escomptés. Des gens comme vous.

Liam fut abasourdi. Il ne savait pas trop quoi penser. Daymon Thorn lui proposait de diriger une planète. Ni plus, ni moins.

Il essaie de te corrompre, surtout ne crois pas ce qu'il dit ! Quand il n'aura plus besoin de toi, il te balancera comme une vieille chaussette trouée. Et pourtant… il y a de la cohérence dans ses propos, quelque part…En devenant un de ses disciples, je pourrais gouverner selon… Non ! Ne pense pas ça, surtout !

- Alors, mon jeune ami ? Qu'en dites-vous ?

- Hein ? sursauta Liam. Euh… rien.

- Bien entendu. Pour votre esprit juvénile, toutes ces informations risquent d'être un peu difficiles à digérer.

- Je pense à mes amis.

- Ah ! Vos amis…

- Si je fais ce que vous me proposez, si je travaille pour vous, ils ne seront pas contents.

- Même si je vous accorde le droit de les avoir pour lieutenants ? Bien qu'ils ne puissent percevoir l'étendue des pouvoirs de la Force, le Nouvel Empire aura toujours besoin des capacités de personnes comme eux.

- À part Canderous, ils sont tous non-Humains…

- Et après ? C'est une chose que je reproche à Palpatine : il n'a pas su exploiter à fond les forces des races qu'il avait pu soumettre. Vador avait sous ses ordres les Noghri, des assassins inégalables. Si Palpatine avait compté dans les rangs de son armée des non-Humains tels que les Trandoshens ou les Wookiees, personne n'aurait pu les arrêter. Il aurait fallu les soumettre au préalable, bien sûr, mais rien n'est impossible. Si vos amis ont des capacités, il n'y a aucune raison pour qu'on ne les exploite pas. Quant à la jeune Drall, elle fera une parfaite auxiliaire. Je devine à sa manière de raisonner qu'elle a suivi les cours des Consulaires. Une fois que je l'aurai formée à ma façon, à vos côtés, elle pourra vous conseiller au mieux. Et ne me dites pas qu'ils sont déjà loyaux envers quoi que ce soit. Toute personne dans cet univers a son prix. À ce jour, j'ai déjà de quoi payer bien des factures.

L'adolescent ne dit plus rien, trop désorienté par le discours du grand homme en armure. Celui-ci reprit :

- Bien. Avant que vous ne me répondiez quelque chose d'irréfléchi comme « je suis fidèle au Praxeum », je vais vous laisser quelques jours pour songer à mes paroles. Vous verrez, vous vous ferez à cette idée, plus encore lorsque vous comprendrez que cet Ordre Jedi que vous respectez tant vous aura abandonné à votre sort.

Appuyant sur un bouton de l'accoudoir de son fauteuil :

- Capitaine Nunsk ? Veuillez reconduire le prisonnier, je vous prie.

- À vos ordres, mon Seigneur !

La porte s'ouvrit aussitôt, et le capitaine Nunsk entra.

- Deux semaines de cachot aideront notre invité à clarifier ses idées. Faites bien attention à ce qu'il en sorte sans être trop abîmé. Préparez la cellule d'isolement, je veux qu'il y soit dans une heure. Cela lui laissera le temps de parler de mon offre à ses deux complices.

- À vos ordres, mon Seigneur ! répéta le capitaine.

Le petit groupe rasait les murs, Lando en tête. Canderous, très affaibli par le « ravalement », ne vit pas une marche et trébucha. Dankin le rattrapa, et le soutint. Le chuintement caractéristique d'une porte s'ouvrant retentit derrière le coin. Vite, ils se cachèrent derrière la première porte venue. C'était un atelier de réparation de droïds. L'adrénaline remit le mercenaire sur pied, il s'empara d'une grosse clef à molette et se posta à côté de la porte, prêt à frapper, pendant que les autres se cachèrent un peu partout dans l'atelier. Un bruit de bottes se rapprochant résonna dans le couloir, et deux voix sourdes, métalliques, conversaient.

- Tu crois qu'on devra lui obéir ?

- J'espère que non. Après toutes ces années de formation, je n'aimerais pas voir un petit vermisseau comme lui me donner des ordres, qu'il soit ou non sous la responsabilité de notre Seigneur Thorn.

- Ne t'en fais pas, nous participerons à son remodelage. Ce gamin apprendra à respecter l'Ordre Nouveau, et à obéir sans discuter.

Pendant une fraction de seconde, Morgreed vit passer dans le couloir les deux Gardes d'élite en armure rouge. Les voix s'éloignèrent, Canderous baissa sa clef.

- Ces zouaves-là sont toujours aussi effrayants.

- De quoi parlaient-ils ? Bon sang, le gamin ! s'exclama Morgreed. Qui sait ce que cet ensorceleur décoloré a pu lui faire gober ?

- Ah… bonne question, mon gros. Pour l'heure, jets à toc !

Les trois jeunes gens étaient toujours au cachot. Liam et Chi'ta étaient assis par terre, contre la paroi, attendant la terrible échéance de la cellule d'isolement. La jeune Drall se redressa, tous sens en alerte.

- Liam ? Tu sens ce que je sens ?

- Quoi donc ?

- Concentre-toi…

L'adolescent ferma les yeux.

- Mais oui, tu as raison. Du stress. Beaucoup de stress.

- Un petit groupe de personnes sous l'influence d'une grande nervosité se trouve non loin de nous. Je vais essayer quelque chose !

Chi'ta frappa à la porte, plusieurs fois.

- Ohé ? Ohé ? Y a quelqu'un ?

Canderous tourna la tête sur sa droite, en entendant la petite voix de Chi'ta.

- S'il vous plaît ? Quelqu'un ?

- Petit bouchon ! s'exclama Taava. Liam est avec toi ?

- Oui, je suis là ! cria l'adolescent à travers la cloison. Vous pouvez nous faire sortir ?

Le Barabel approcha la main du panneau d'ouverture, mais sa main s'arrêta à mi-chemin. Taava demanda, agacée :

- Mais qu'est-ce que t'attends, Morgreed ? Ouvre !

- J'hésite.

Liam, qui avait entendu le Barabel, sursauta. Il sentit une peur terrible s'insinuer douloureusement dans sa moelle épinière.

- Allez, Morgreed, ouvre cette porte !

- Ben… je ne sais pas. C'est un peu facile, tout de même. La porte de votre cellule, comme par hasard, se trouve sur le chemin menant directement aux docks, vous n'êtes pas très bien gardés… je finirai par croire que c'est un piège.

- Mais de quoi tu parles, bon sang ?!

- Et si tu avais pactisé avec Daymon Thorn pour mieux nous piéger ? Faudrait pas qu'on néglige cette hypothèse. Qu'est-ce que tu en penses, Canderous ?

- Déconne pas, Morgreed ! Il y a une autre prisonnière avec nous !

- Holà, il fait parler notre conscience. Alors, j'ouvre ou pas ?

- T'es vraiment un pauvre mec ! coupa Taava en appuyant sur le bouton d'ouverture.

Les trois jeunes gens sortirent péniblement de la cellule.

- Tiens, mais c'est la pro de la chasse ! Salut, poupée !

- Ce n'est pas le lieu, ni le moment, joli cœur ! On met les bouts !

Au bout de quelques minutes, ils étaient arrivés au hangar. Un peu plus loin, Lando montra un long vaisseau élégamment effilé.

- Voilà la Dame Chance.

Taava eut une petite moue admirative.

- Un yacht de luxe SoroSuub 3000 ! Magnifique, vous êtes un homme de goût.

- J'apprécie le compliment, charmante Taava, mais malheureusement, nous ne pourrons pas nous sauver immédiatement.

- Ouais, je vois ça, nous devrons d'abord ouvrir la porte du hangar.

- Il y a autre chose qui m'inquiète. Si nous décollons, même avec la porte du hangar ouverte, on risque de se faire prendre par un rayon tracteur, ou bien le champ d'interdiction du Gantelet nous empêchera d'entrer en hyperespace.

- On ne peut plus reculer, maintenant, il faut qu'on essaie. La porte !

- Où est le panneau de contrôle ? demanda le mercenaire.

- Ici, dans le poste qui se trouve au fond à gauche.

- Je m'en occupe. Dankin, tu m'accompagnes ?

- Je viens avec vous, décida Liam.

- Parfait. Miss Taava, miss Chi'ta, Morgreed, accompagnez-moi, j'ai besoin qu'on m'aide à mettre la Dame Chance en marche.

- Discréto, y a des gardes dans ce hangar…

Le plus silencieusement possible, les deux groupes se dirigèrent vers leurs objectifs respectifs. Regardant à gauche, puis à droite, Lando tabula rapidement le code de sécurité sur le petit panneau d'ouverture du sas. Les quatre personnes montèrent à bord.

- Charmante Taava, pourriez-vous tenir la place de copilote ?

- Bien sûr, cher ami. Mais d'abord, je vais aider Chi'ta.

En effet, Morgreed avait du mal à marcher, et la petite Drall ne pouvait pas le soutenir sans risquer de se faire écraser. Taava le jeta plus qu'elle ne l'allongea sur l'une des couchettes.

- Franchement, Morgreed, tu me déçois beaucoup !

- Bah, je ne parlais pas sérieusement.

- Ouais, cause toujours, mon gros. Tu pensais vraiment les abandonner ici ? Mais comment as-tu pu croire qu'ils allaient nous trahir ?

- Je voudrais bien t'y voir, Taava… qui sait ce qu'ils ont pu se dire ? T'as entendu les deux rigolos en armure rouge ? Thorn a dû leur proposer de travailler pour lui.

- T'as vu dans quel état était Liam ? Tu te rends compte de ce que ces gosses ont dû endurer ? Et de la trouille que tu as pu leur causer en voulant les abandonner ? Tu raisonnes comme Canderous, maintenant.

- Ne me fais pas rire, t'oublies que cet épouvantail m'a fait sauter deux côtes.

Le Barabel serra les dents et ferma les yeux. La petite voix de Chi'ta murmura timidement :

- Maître Morgreed… ?

- Hein ? Oh, c'est toi, petit chou.

- Vous dites que Thorn vous a fait du mal ?

- Il s'est servi de ses pouvoirs pour me torturer, mais vu la tronche qu'il a fait, j'ai dû être plus résistant qu'il ne le pensait, ha !

- Je peux peut-être faire quelque chose.

- Ah ouais ? Tu saurais me rafistoler ça ?

- Seulement si vous me faites confiance.

Le Barabel n'hésita qu'un instant.

- D'accord… ça vaut le coup d'essayer.

- Vous pouvez enlever votre gilet, s'il vous plaît ?

Le Barabel s'assit péniblement sur la couchette, grinça des dents en défaisant les lanières de sa veste une par une. Puis il la laissa glisser à terre, et se recoucha.

- Je sens qu'il va y avoir du boulot, ha ha ha… Ouille !

- Je vous en prie, économisez vos forces.

La jeune fille se frotta les mains.

- Je crois pouvoir réparer ce que Thorn a pu détruire. Respirez calmement, je commence.

Ayant dit, Chi'ta se tint debout aux côtés du Barabel toujours allongé sur le matelas, et posa ses petites mains sur les flancs écailleux. Puis elle inspira profondément, et se concentra. Elle tenta de visualiser la structure osseuse de Morgreed, et bientôt l'image de son squelette apparut dans son esprit. Elle repéra les deux côtes fracturées, et s'imagina les atomes disloqués par les pouvoirs sombres de Thorn. Elle réfléchit, plissant la bouche en une moue insistante, crispant ses doigts, et le miracle s'accomplit. Elle pouvait voir les os se ressouder, les molécules se recoller entre elles, les chairs se remettre en place… et en quelques secondes, c'était terminé.

- Oh… Hé ! Je ne sens plus rien ! Je suis guéri ! C'est merveilleux !

Le Barabel se redressa d'un bond, et attrapa délicatement la jeune fille par les épaules avant qu'elle ne tombe à la renverse, épuisée par cet effort vertigineux.

- Tu as été formidable ! Le Bien l'emporte toujours sur le Mal, quand on est un Jedi ! Tu as mon éternelle reconnaissance, jeune Chi'ta !

- M… merci, répondit Chi'ta avec un sourire béat, encore sous l'effet de l'énergie positive qui avait circulé à travers ses veines.

Le mercenaire, son ami Togorien, l'adolescent et la jeune chasseresse s'étaient dirigés vers la cabine. Canderous se plaqua contre la paroi, accroupi, et jeta un coup d'œil furtif à travers la vitre. Il ne vit rien. Il se bougea vers la porte, la franchit… toujours rien. Il se retourna vers les autres, et fit signe d'approcher, ce qu'ils firent. Canderous balaya du regard la cabine, jubila en voyant le panneau de commande, et à côté une grande caisse dont la poignée de sa lame Jengardin sortait, mais son sourire se crispa quand il vit Bratak, serré dans sa combinaison de cuir, le visage toujours masqué par ses bandages bruns. Le mercenaire plissa les yeux.

- D'où tu sors, toi ? Je croyais que la pièce était vide ?

L'étrange personnage ne répondit rien, se contenta de hausser les épaules. Liam sentit une douleur violente lui vriller les tempes. Dankin gronda, son pelage se hérissa. Canderous leva sa clef à molette.

- D'accord. T'as cinq secondes pour te barrer, ou je te casse en deux.

Bratak ne répondit pas. En revanche, il fit un petit geste hypnotique de la main, et tel un prestidigitateur, sortit de sa manche une petite boule dorée, ornée de runes finement taillées. Le mercenaire loucha sur l'objet.

- Oh merde ! Encore un de ces foutus modules !

Bratak brandit la boule scintillante. Damara s'effondra, mains crispées sur les oreilles, alors qu'elle commençait à saigner du nez. Dankin et Liam furent subitement soumis à une expérience particulièrement déplaisante : tout autour d'eux ne fut plus qu'un tourbillon de couleurs, alors que des bourdonnements, des gémissements les entouraient. Liam distingua devant lui des taches de couleur se dessiner sur le sol dans la direction où il pensait avoir vu l'homme masqué. Dankin entendait un vrombissement qui s'éloignait en avant.

Canderous avait été le seul à ne pas avoir été affecté. Bratak, devant son manque de réactivité, avait brandi le module une nouvelle fois, sans plus de succès. Le mercenaire ne lui laissa guère le temps de s'étonner davantage. Il lui balança un terrible coup de clef à molette, mais la matraque improvisée rebondit mollement sur le crâne cerné de cuir. Bratak leva les mains, paumes vers lui, et des serres lui poussèrent en un éclair, déchirant ses gants.

Dankin avait compris ce qui lui arrivait. Il voyait les sons et entendait les images. Ces taches de couleur étaient les bruits de pas de Canderous qui se battait contre Bratak, et les bourdonnements autour de lui étaient ses comparses à ses côtés. Il vit apparaître de longs sillons rouges parallèles, comme si de grandes griffes fendaient l'air.

Canderous n'a pas d'arme de ce genre… C'est Bratak !

Le Togorien se précipita en avant à son tour. Un premier coup de pied rebondit sur le corps mou de Bratak. Dankin s'apprêta à frapper de plus belle, quand il sentit un choc sur sa clavicule. Canderous, qui avait engagé un nouveau coup de clef, l'avait maladroitement cogné de son arme, heureusement pas sérieusement. Cette maladresse énerva davantage le Togorien qui, n'en pouvant plus, bondit sur Bratak, dont il distinguait vaguement la silhouette, et balaya l'air de ses griffes à la hauteur de ce qu'il pensait être la gorge. Il sectionna la carotide de l'étrange individu, qui tomba à genoux en se tenant la gorge, tandis que du sang blanchâtre et visqueux s'écoulait de la déchirure du masque de cuir.

Le monde redevint ordonné pour Liam qui, trop dérouté par cette expérience, n'avait pu intervenir. Il aida Damara à se remettre debout. Sur le sol, l'homme masqué finissait d'expirer. La jeune femme bégaya :

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- J'en sais rien ! C'était quoi, ça ?

- Mauvaise… magie. DarkStryder… marmonna Dankin.

- Alors c'est ça, DarkStryder ?! C'est plus violent qu'en vidéo !

- On a assez perdu de temps ! Cassons-nous.

Ayant dit, le mercenaire farfouilla dans la cantine, et sortit une à une les différentes pièces d'équipement du petit groupe. Il jubila en passant la lanière de l'étui de son arme. Dankin lança à Liam son sabre-laser, et celui de Chi'ta. Canderous enclencha le levier d'ouverture du sas.

- Et voilà le travail !

Un cri suraigu répondit à ce petit triomphe. C'était Damara. La femme montra du doigt ce qui restait de Bratak. Tous ses camarades se tournèrent simultanément, et furent confrontés à une vision de cauchemar.

Quelque chose avait littéralement suinté du tas de vêtements. Quelque chose de gélatineux, de transparent, de flasque. Cela ressemblait à une méduse, avec un visage vaguement humain incrusté dans le flanc qui faisait face à la jeune femme. Voletant à un mètre au-dessus de la surface du sol, la créature était plus grande encore qu'un Togorien. Elle tendit avec un claquement sec l'un de ses tentacules vers la sphère et la saisit. Au contact de la matière visqueuse et translucide, le module se désagrégea, et les particules sombres pénétrèrent sous la peau, se dissolvant dans l'être spectral.

Liam en restait bouche bée.

- Blast… Qu'est-ce que c'est que cette… chose ?!

- Rien à faire du moment que je peux la tuer !

Canderous sortit d'un mouvement rapide sa nouvelle vibro-lame double Jengardin, et faucha l'air en direction de la créature. Il ne se passa rien. La cortose avait traversé la méduse flottante sans même ralentir sa course. L'être gélatineux émit alors une succession de gargouillis réguliers, que Liam interpréta comme quelque chose ressemblant vaguement à un rire. Piqué au vif, Canderous écumait.

- On vient de te foutre une branlée, et tu te marres ! Saloperie !

Rengainant sa lame d'une main et sortant son fusil blaster de l'autre, le mercenaire s'acharna, tirant rafale sur rafale en direction de la chose. Peine perdue, tous les tirs la traversaient sans lui faire le moindre mal, provoquant tout au plus de légers frémissements de sa chair flasque. D'ailleurs, la créature se dirigea vers le hangar en passant à travers la vitre, puis fila dans l'espace, et disparut complètement en quelques secondes.

- Cassons-nous ! beugla Canderous, alors que les moteurs de la Dame Chance fumaient.

Un instant plus tard, tout le monde était à bord. Lando était dévoré de curiosité.

- C'était quoi, ça ?

- J'en sais rien ! Une sorte de méduse spatiale !

- C'était l'un d'entre eux, j'en suis sûre !

- Qu'est-ce que tu dis, Chi'ta ?

- Liam… ! Bratak était… un Précurseur !

Personne ne répondit, sauf Lando qui s'affairait aux commandes.

- Vous croyez ? Remarquez, des formes de vie qui survivent au vide spatial, j'en connais pas des masses.

- Vous êtes au courant pour les Précurseurs ?

- Skywalker m'en a parlé, oui.

- Fichons le camp d'ici ! cria Morgreed.

Lando n'eut pas besoin de le se le faire répéter. La Dame Chance quitta le hangar du Gantelet, et entra dans l'hyperespace.

Les membres de l'équipage pouvaient enfin se détendre après les vives émotions du départ. Taava, coudes sur la table d'holo-échecs, regarda Chi'ta avec respect et gravité.

- Je te dois des excuses, petit bouchon, tu avais raison sur toute la ligne.

- Ouaip, Bratak était bien louche, et pas qu'un peu ! ironisa Canderous.

- J'arrive pas à croire que j'aie pas pu le repérer !

- T'en fais pas, fiston, répondit Morgreed. Peut-être que tu es plus doué pour repérer les dangers directs que la nature profonde des gens ! Vous n'avez pas la même formation, c'est ça ? Bon, alors…

- J'aimerais cependant qu'on parle un peu de ce que tu as pu insinuer, Morgreed.

- C'est à dire, fiston ?

- Comment peux-tu penser que j'aie pu m'associer avec Thorn ?

- Ben, reconnaissons qu'on s'est sorti de ce pétrin assez facilement… pour moi, il y a toujours une sale odeur de coup monté.

- Faudra qu'on en réfère au Conseil des Jedi.

- Encore le Conseil de Jedi, toujours le Conseil des Jedi ! Y a pas un moment où vous pouvez respirer sans leur permission, non ?

- Canderous ! Doucement les basses ! râla Morgreed.

- Bon, les gars, évitez de vous enguirlander, ça me déconcentre ! s'exclama Lando. Allez, je vais vous ramener à… d'ailleurs, où est-ce que je vous dépose ?

- Vous pouvez nous mener à Procopia, maître Calrissian, s'il vous plaît ?

- Très bien, mademoiselle Koskaya.

Trois jours plus tard, ils étaient arrivés à destination. Lando déposa tout le petit groupe à l'astroport principal de Procopia, et ne s'attarda pas, désireux de faire son rapport auprès de la Présidente Organa Solo. Ils s'étaient tous rendus à l'ambassade Cadriaan, où le chef Stern les reçut à bras ouverts.

- Bon sang, j'ai cru que cette fois, ça y était pour vous tous !

- On vous a déjà mis au courant, chef ?

- Un peu, oui ! Je peux même vous dire que ça a foutu un sacré coup de pied dans la fourmilière du secteur Tapani ! Enfin, l'essentiel est que vous vous en soyez sortis.

- Au moins, est-ce que ça a marché ? Vous avez eu les infos d'Annora Calandra ?

- Oui, c'est bon, on a pu les récupérer. Excellent travail, en tout cas !

- Chef Stern, quelque chose d'abominable se prépare ! s'écria Chi'ta.

- Holà, une chose à la fois. D'abord, j'aimerais bien savoir ce que cette jeune personne fait avec vous. Si j'en crois la liste des invités, c'est une Mecetti !

- Chef, je ne veux pas vous faire d'histoire. Ces gens m'ont sauvé la vie.

- Et puis, elle a été soumise à rude épreuve, elle aussi. Mecetti ou pas, c'est avant tout une Humaine, et vous ne pouvez pas la laisser sans soins.

- Votre sollicitude est touchante, mademoiselle Koskaya, mais je ne peux pas faire confiance à une Mecetti.

- D'accord. Mettez-moi sous haute surveillance. Enlevez-moi mes armes, fouillez-moi, mais je ne veux pas repartir chez Don Nycator si vite.

Stern hésita, puis appela deux gardes.

- Emmenez-la dans l'infirmerie, mais ne la quittez pas des yeux. Au moindre signe d'hostilité, à la moindre entourloupe, vous l'abattez.

Damara Decrilla suivit docilement les gardes. Et quelques minutes plus tard, chacun des six investigateurs avait raconté sa version des faits. Liam avait cependant tu le passage où Thorn l'avait amené dans sa cabine, et Chi'ta n'avait rien rajouté.

- Une nouvelle arme qui marcherait avec la même énergie que les petits modules ? Effectivement, ce n'est pas très rassurant. Et en plus, le R.A.J. est impliqué…

- Mais c'est quoi, exactement, le R.A.J. ? demanda Liam.

- Le Réseau d'Action de Justice. C'est un groupe d'idéalistes qui rêve d'un univers de paix et de liberté, et ils font passer leurs messages à coups de bombes dans les installations militaires.

- Donc, Vaskel Savill et Annora Calandra projettent peut-être de faire tout péter. Après tout, j'ai trouvé les plans de cette station dans le bloc de données d'Annora. Elle a dû les voler.

- Possible. Mais nous avons eu déjà des signes comme quoi Annora Calandra soutient aussi des pirates qui ont attaqué les Cadriaan. Et nous ne savons pas encore précisément où le R.A.J. va frapper.

- Et puis, je croyais que Savill était pro-impérial ? Pourquoi voudrait-il démolir l'installation de Thorn ?

- Il ne l'est pas fanatiquement, peut-être qu'il veut justement rééquilibrer un peu la balance. Si l'Empire bouffe le secteur Tapani, il perd plus que sa chemise.

- Oui, sans doute, chef. Et maintenant ?

- Maintenant, maître Tal… Eh bien figurez-vous que le Grand Conseil a décidé de se réunir pour discuter de vos découvertes avec les principaux intéressés, au cours d'une assemblée extraordinaire. Je les ai mis au courant de votre arrivée hier matin. Et vous y êtes attendus. Tous les six.

- Quand ? demanda Chi'ta avec appréhension.

- Dans deux heures.

Pour la première fois, Liam entrait dans un bâtiment administratif de taille conséquente. Le Grand Conseil de Procopia se réunissait dans un immense bâtiment au sud de l'île d'Estalle, non loin du parc de Ganza. Pour cette séance, les invités au Vor-Cal avaient été conviés à venir s'exprimer. Le chef Stern avait expliqué à Taava que ceux qui avaient répondu à cet appel étaient majoritairement des membres du Sénat local. Soucieux de présenter au mieux, l'adolescent avait fait le maximum pour être impeccable. Il repassa une à une dans son esprit les recommandations de Taava.

Surtout ne perds pas ton sang-froid, ce n'est pas un procès dont tu es l'accusé. Réponds poliment et le plus simplement à toutes les questions qu'on te posera, sans donner le moindre avis, ou faire le moindre commentaire. Idéalement, réponds juste par « oui » ou « non ». Si une question te paraît trop gênante, n'hésite pas à craquer, à faire un malaise, tu es mineur, ils n'ont pas le droit de te pousser à bout et t'arracher les réponses qu'ils veulent entendre.

La Chambre du Grand Conseil était un grand amphithéâtre, où des centaines de sénateurs sommeillaient sur les bancs. Sur la scène, dix messieurs, tous en habits de tissus ouvragés, attendaient. Sur le côté gauche, non loin de l'entrée, on avait amené une longue table avec six chaises. On pria aux six aventuriers de s'y installer. Derrière l'estrade où se tenaient les membres du Grand Conseil, un opérateur Verpine dont le visage d'insecte parut familier à Taava attendait devant un petit ordinateur, prêt à diffuser les documents sonores ou visuels. Sur le côté droit de la scène, il y avait un petit pupitre derrière lequel se tenait le Seigneur Vaskel Savill, visiblement nerveux. Morgreed grommela.

Je sens qu'il va se prendre le savon du siècle !

Les gardes fermèrent les portes, et le Premier Conseiller se leva. C'était un grand homme costaud, avec une barbe brune finement taillée en collier, et le regard d'acier. Il inspirait confiance à Liam, qui le sentait droit.

- Mesdames, mesdemoiselles et messieurs les sénateurs, chers invités, Seigneur Vaskel Savill de la Maison Melantha, je vous remercie d'avoir accepté de venir ici, à cette assemblée exceptionnelle, que je déclare à présent ouverte.

Le silence se fit dans l'amphithéâtre. Le Premier Conseiller toussota, et demanda de but en blanc au seigneur Melantha :

- Seigneur Savill, savez-vous pourquoi vous êtes ici ?

Le Seigneur Savill s'épongea le front, mais se reprit.

- Ma foi, votre honneur, en toute franchise, je l'ignore.

- Eh bien je vais annoncer clairement la raison de votre convocation, afin que tout le monde soit d'accord, et qu'il n'y ait pas de malentendu. Seigneur Savill, vous êtes accusé par de multiples personnalités de cette assemblée d'avoir permis à de dangereux pirates d'exercer leurs méfaits en leur fournissant des armes et du matériel, avec l'appui de la Guilde Minière représentée par Annora Calandra.

- C'est ridicule. Posez la question à Madame Calandra, elle confirmera que ce ne sont que des calomnies. Où est-elle ?

- Madame Calandra ne pourra pas venir. Elle a été arrêtée il y a une heure pour complicité avec les terroristes du R.A.J. Nous n'avons pas retrouvé le professeur Arkeld, mais il ne perd rien pour attendre. Nous savons que vous avez profité du Vor-Cal pour mettre au point vos plans de conquête.

Savill était rouge comme une tomate.

- Annora Calandra a participé au Vor-Cal, parce que c'est une amie. Je la considère comme une bonne amie, et j'avais envie de la voir. Vous… vous prétendez que je complotais avec elle ?

- Vous n'avez pas fait que comploter, Savill ! cria une voix dans l'amphithéâtre.

Tous les regards se tournèrent vers Don Nycator de Mecetti. Celui-ci, surexcité comme un gamin devant un holofilm d'action, s'était levé, et s'exclama avec un geste de l'index qui se voulait théâtral :

- Je vous accuse publiquement et solennellement de nous avoir directement livrés à l'Empire, en la personne de l'infâme Seigneur Daymon Thorn !

Toute la salle applaudit le Mecetti, et hua le Melantha.

- Mademoiselle… Koskaya, c'est bien ça ?

Le sang monta aux joues de Chi'ta, complètement prise au dépourvu.

- Oui, Seigneur Don Nycator de Mecetti ?

- Après le Vor-Cal, nous sommes repartis pour Procopia à bord du navire de croisière, le Paradis Stellaire. Pouvez-vous dire à cette honorable assemblée ce qui s'est alors passé ?

- Euh… oui mais… pourquoi moi ? Il y a beaucoup de gens de confiance qui pourraient répondre à votre question… mieux que je ne le ferais.

- Vous me paraissez être la personne la plus digne de confiance, pour plusieurs raisons, mademoiselle Koskaya. Vous êtes jeune, innocente, vous êtes non-Humaine, et par-dessus le marché, vous ne venez pas du secteur Tapani. Vous n'avez aucune raison de défendre ou d'avilir l'une ou l'autre des Maisons de Tapani. Votre témoignage sera alors on ne peut plus impartial.

Toute la salle retint son souffle. Tout le monde savait ce qui était arrivé, mais Don Nycator avait tenu à son petit effet de mise en scène.

- Le… le Paradis Stellaire a été attaqué.

- Nous y voilà ! applaudit Don Nycator. Comme tous les invités, j'ai clairement vu et entendu ce qui s'est passé sur le Paradis Stellaire, puisque j'y étais. Ce navire de luxe transportait des passagers tous plus prestigieux et influents les uns les autres, dont la plupart occupent maintenant les sièges de cette Chambre du Conseil. Nous avons effectivement été attaqués. Pouvez-vous nous dire par qui ?

Chi'ta sentait sa fourrure se tremper de sueur. Elle savait très bien que la réponse allait provoquer un tollé.

- Par l'Empire.

La tempête éclata. Des cris d'indignation et des coups de sifflet crevèrent le silence.

- Vous avez raison ! reprit le Mecetti. Par l'Empire ! Il a été attaqué par les Impériaux dans un secteur sous la responsabilité des Melantha. Ma propre assistante a été capturée par les troupes du Seigneur Daymon Thorn, et elle m'a confié qu'elle ne s'en serait pas sortie sans l'aide audacieuse d'autres prisonniers qui avaient été embarqués – à savoir nos témoins, que j'en profite pour féliciter et remercier. Mais l'Empire n'est pas le seul pouvoir à blâmer, non ! Près du Seigneur Daymon Thorn, il y avait un individu qui semblait en très bons termes avec lui. Un triste personnage à qui je dois quelques déboires qui me sont arrivés dernièrement. Mademoiselle Koskaya… pouvez-vous me dire qui était l'homme qui a touché un beau pactole sous nos yeux, à ce moment-là ?

La petite Drall ne répondit pas. Le Premier Conseiller demanda d'une voix douce :

- Mademoiselle, pouvez-vous répondre à cette question, s'il vous plaît ?

- Il… il prétendait… s'appeler… Klytus.

- Absolument, mademoiselle ! Klytus. Klytus, Klytus… ce nom m'est tout de suite revenu en mémoire, et m'a rappelé les remous qui se sont produits au cours de l'anniversaire de la Haute Dame Bathos de Cadriaan. Il m'avait fait porter le chapeau. Vous vous en souvenez, mademoiselle Koskaya ?

- Euh… peut-être… je ne sais plus… oui…

- Donnez-moi votre parole d'honneur que Klytus a prétendu être un Mecetti, ce qui était un mensonge, comme l'enquête que vous avez faite par la suite nous l'a prouvé. Jurez-le, sur votre titre de Jedi !

Quel con !

Furieuse devant un tel manque de discrétion, Taava frappa du poing sur la table, mais elle n'entendit pas le craquement du bois. En effet, des cris, des grognements étonnés, voire effrayés, retentirent dans toute la salle, et frappèrent Chi'ta comme autant de flèches. La pauvrette sentait qu'elle allait fondre en larmes. La jeune Togruta décida de ne pas la laisser s'enfoncer davantage, et bondit de son siège.

- Ca suffit ! Arrêtez ! Don Nycator de Mecetti, je confirme cette histoire, mais maintenant, laissez cette pauvre fille ! Vous voyez bien que vous la perturbez avec vos questions et vos remarques !

- Où est le problème, ma chère ? Je croyais que pour ceux de sa philosophie, il n'y a pas d'émotion, mais seulement la paix !

Morgreed renversa la longue table avec un terrible rugissement, et se dirigea à pas lourds, menaçant, vers Don Nycator. Celui-ci recula, et trois gardes Mecetti firent bouclier devant lui, fusils braqués sur le Barabel. Le Premier Conseiller frappa son bureau de son maillet.

- Silence ! Silence ! Maître Morgreed, veuillez vous rasseoir, je vous prie ! Et vous, Don Nycator de Mecetti, je vous conseille vivement de faire très attention aux mots que vous employez, et au ton sur lequel vous les prononcez !

Le Barabel regarda Don Nycator droit dans les yeux. Longtemps. Il sentait presque des éclairs de rage traverser ses pupilles verticales pour griller l'Humain. Puis il retourna à sa place après avoir remis la table en place. Le calme revint progressivement dans la salle. Le Premier Conseiller reprit :

- Mademoiselle Koskaya, je vous remercie pour toutes ces réponses. Et je vous prie d'accepter les excuses de la Chambre du Conseil. Croyez que les membres de l'Ordre Jedi, bien qu'ils soient rares dans le secteur Tapani, jouissent de tout notre respect. Mais reprenons. Don Nycator, vous parliez donc d'un dénommé Klytus ?

- Mon assistante, comme moi, comme tous les invités, avons clairement vu et entendu ce personnage se vanter de nous avoir vendu pour la Maison Melantha !

Vaskel Savill eut un violent sursaut, sous les sifflets de l'assemblée. Le Premier Conseiller dut à nouveau imposer le calme avant de continuer.

- Pouvez-vous plus précisément nous rappeler ce qui s'est passé ?

- Je peux même faire mieux que ça, Premier Conseiller. Les Impériaux ont débarqué dans le Paradis Stellaire sans le moindre souci de discrétion. Toutes les caméras ont enregistré tout ce qui s'est passé. J'ai demandé à la Commission d'obtenir ces enregistrements. Je ne vous les diffuserai pas tous, il y en a trop, et ils sont d'une violence telle qu'il serait inconvenant de tout vous montrer. J'ai néanmoins choisi de vous donner cet extrait. S'il vous plaît, pourriez-vous projeter l'enregistrement désigné comme pièce à conviction numéro 1 ?

L'opérateur lança le programme. Sur le mur, l'image du hall d'accueil du Paradis Stellaire apparut. Liam eut un furieux frisson en se voyant au milieu de tous ces hommes en blanc. Il sentit la jeune Drall se serrer contre lui quand on en arriva au passage où un soldat de choc l'avait poussée en l'insultant. Toute la salle cria son indignation quand la caméra montra Klytus qui jubilait, et revendiquait son appartenance à la Maison Melantha. Vaskel Savill en restait médusé.

- Qui est cet homme qui prétend être un Melantha ?

- Mon cher, très cher ami, je vous présente Klytus. Il m'a plongé dans la même situation il y a quelques semaines, vous vous souvenez ? Les choses sont claires, maintenant. En fait, c'est pour vous qu'il travaillait. Voyez, il accepte un pot-de-vin de la part des Impériaux, avec qui vous traitez régulièrement. C'est une bonne preuve ! Klytus est votre intermédiaire.

- C'est un mensonge ! Je ne connais pas ce personnage ! Je n'ai jamais adressé la parole à Daymon Thorn ! Je n'ai rien à voir avec ces gens-là !

- Allons, Vaskel, vous soutenez ouvertement l'Empire, tout le monde le sait. Ou bien vous avez décidé de brouiller un peu les pistes, pendant que vous préparez vos sales coups ailleurs, avec vos petits camarades de chasse…

- De quoi parlez-vous, encore ?

- Quelqu'un qui n'a pas eu l'amabilité de se présenter m'a fait parvenir hier soir un petit disque de données audio. Quand j'en ai écouté le contenu, je l'ai trouvé tellement édifiant que je l'ai immédiatement envoyé au Grand Conseil. Et je dois dire que c'était très éloquent. Technicien, pourriez-vous maintenant nous diffuser la pièce à conviction numéro 2, je vous prie ?

L'opérateur pianota sur son clavier. Un instant plus tard, trois voix résonnèrent dans l'amphithéâtre.

- À propos, où en sont-ils ?

- Ils ont infiltré avec succès les objectifs.

- Vraiment ? C'était réputé impossible.

- Très chère, rien n'est impossible pour le R.A.J. !

Liam eut un coup au cœur, et fit un effort surhumain pour ne pas le laisser transparaître.

Mince ! Quelqu'un d'autre a écouté cette conversation ! Pourvu qu'on ne m'ait pas vu, je passerais pour un suspect !

Pendant ce temps, la conversation continuait.

- Nos équipes sont bien installées dans leurs bases, et attendent le signal.

- L'attaque aura bien lieu, Vaskel ?

- En effet, comme prévu. Nous avons planifié de la lancer dans dix-sept semaines, à partir de maintenant, dans une fourchette de deux à trois semaines.

- Le Cartel m'a prévenu qu'il attaquera sur Bethal, en plein dans le secteur Calipsa. Voilà qui devrait provoquer bien des remous, n'est-ce pas ?

Une coulée de plomb envahit la trachée de Liam.

Ce n'est pas ce que j'ai entendu !

Il s'était déjà levé d'un bond.

- Mes seigneurs ! Mes seigneurs ! Je demande la parole !

Tous les regards se tournèrent vers l'adolescent. L'enregistrement s'était tu. Le Premier Conseiller lui fit signe de parler.

- J'ai assisté à la conversation que nous venons d'entendre. J'étais dans un buisson, à côté. Et ce que j'ai entendu… ce n'était pas ça ! Annora Calandra n'a jamais mentionné de lieu précis, et surtout pas une province Calipsa !

- Et que faisiez-vous dans un buisson, jeune homme ? demanda une voix râpeuse et cynique dans les gradins. Vous attendiez qu'on vous torche ?

Un brouhaha de ricanements goguenards ponctua cette question. Liam sentit chaque centimètre carré de la peau de son visage devenir rouge vif. Il venait tout simplement de se trahir. La voix râpeuse insista :

- Vous espionniez vos aînés ? Ce n'est pas bien, jeune sot. Je pense que vos parents vous ont mal éduqué.

Peu à peu, la gêne laissa place à la colère. Bien sûr, ce sénateur ne pouvait pas savoir qu'il avait été élevé par des voyous de Coruscant et qu'on ne lui avait pas appris à respecter les sénateurs, bien sûr, au fond de lui, il savait qu'il devait rester calme, et qu'un éclat ne ferait qu'envenimer la situation, mais il ne savait pas comment faire pour se faire écouter par l'assemblée. Il décida de passer à la vitesse supérieure :

- Et moi je pense que tout est organisé pour que les Melantha soient accusés pour des crimes qu'ils n'ont pas commis !

- Qui a laissé entrer ce petit crétin ?

- Assez, gamin, rentre chez toi et laisse les grandes personnes faire leur boulot.

- Bande de vieux croûtons, je vous emmerde !

Liam avait crié. Il sentait son visage tout entier prendre feu, alors que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Une huée indignée répondit à cette déclaration. Toutes les figures, adipeuses, sèches, décaties, tous les regards, toutes les bouches, toute l'assemblée exprimait une terrible hostilité à son égard. Soudain, Liam eut un haut-le-cœur en reconnaissant le visage haineux et sournois de Daymon Thorn, assis dans la tribune, au milieu des sénateurs, qui le contemplait avec satisfaction. Il se couvrit les yeux, puis les dégagea. Plus rien, le siège était vide. De furieux coups de marteau ramenèrent le calme. Le Premier Conseiller vint au secours de Liam.

- Silence ! Silence, mesdames et messieurs ! Allons, un peu d'indulgence, je vous prie. Vous avez tous été jeunes, même si vous l'oubliez rapidement. Jeune homme, êtes-vous sûr de ce que vous dites ?

- Oui, votre honneur, je le jure sur ce que j'ai de plus cher. Sur mon futur titre de Jedi. Sur l'âme de mon défunt Maître. Parole de padawan, cet enregistrement ne correspond pas à ce qu'Annora Calandra a dit. Je suis certain qu'il a été trafiqué !

- Votre honneur ? intervint Taava en levant la main. J'aimerais ajouter quelque chose pour étayer la thèse de mon ami.

- Si celui-ci le permet, répondit le Premier Conseiller en interrogeant Liam du regard, qui acquiesça.

- Merci, votre honneur. Il y a quelque temps, comme le soulignait Don Nycator de Mecetti, Dame Bathos de la Maison Cadriaan a été victime d'un attentat pendant la fête de ses quarante-cinq ans. Or, nous avons mis la main sur celui qui avait servi d'intermédiaire entre le tueur et le client. Cet intermédiaire était Klytus, celui que vous avez vu à bord du Paradis Stellaire. Quand nous l'avons alors fait parler, il a avoué travailler pour la Maison Mecetti. Quelque temps plus tard, quand il fait monter les Impériaux à bord du navire de croisière, il annonce à tout va qu'il fait partie de la Maison Melantha ! Et maintenant, il y a cette histoire de conversation modifiée ! Pour moi, ça cache quelque chose. Peut-être que ce ne sont pas des coïncidences. En fait, je me demande s'il n'y aurait pas quelqu'un, en dehors des Maisons elles-mêmes, qui trouverait un intérêt à voir les différentes forces politiques du Secteur Tapani se faire la guerre. Je pense à une force occulte qui sème la discorde entre les Maisons pour assouvir ses desseins, et dont des gens comme Klytus seraient les instruments.

Taava était sincère, Liam approuvait en hochant la tête, et ses amis écoutaient attentivement, et semblaient de plus en plus convaincus… malheureusement, il n'en était rien des honorables sénateurs, et les Conseillers restèrent sceptiques. Le Premier conseiller, le plus conciliant, reprit la parole d'un ton franchement navré.

- Même si vous aviez raison, ce dont semble douter cette assemblée, cela ne suffira pas à dédouaner la Maison Melantha. Depuis des décennies, ses représentants accumulent les sournoiseries de ce genre, et la plupart ont été confirmées comme étant véritablement le fruit des actes des Melantha. D'autre part, nombre de sénateurs présents ici ont vu un ami, un parent, ou un autre proche parmi les invités au Vor-Cal emprisonné ou tué par les Impériaux menés par Daymon Thorn, certains étaient même à bord du Paradis Stellaire. En outre, il ne faut pas oublier que tous les gardes qui vous ont accompagné ont été massacrés. Et ça, ce n'est pas tolérable. Cela fait de nombreuses familles éplorées. Même si le seigneur Vaskel Savill n'était pas directement impliqué, malgré les preuves qu'on nous apporte, il n'est pas venu en aide à des civils en danger de mort. Seigneur Savill, bien que Vycinyth soit dans le secteur Barnaba, cette circonscription spatiale était sous votre responsabilité durant le Vor-Cal, et votre inaction constitue un crime grave de non-assistance, sinon une nouvelle preuve de collaboration avec l'Empire. En conséquence, j'ai le regret de vous annoncer solennellement et officiellement que la Chambre du Grand Conseil déclare la Maison Melantha comme étant anathème. Seigneur Vaskel Savill, vous avez vingt-quatre heures pour rassembler vos biens et quitter Procopia. Et j'ai ici une motion votée à l'unanimité : les Maisons Mecetti, Calipsa et Reena déclarent la guerre à la Maison Melantha et à l'Empire.

Vaskel Savill était abattu. Bientôt, les huées redoublèrent, et furent agrémentées de jets de tomates, d'œufs pourris, et autres déchets. Anéanti, le Melantha sortit lentement, traînant les pieds, baissant la tête. Liam ne savait pas quoi penser. Il sentait un désespoir sincère émaner de cet homme. La Maison Melantha ne lui inspirait guère confiance de par son caractère pro-impérial, mais au fond de lui, quelque chose lui murmurait que ce gentilhomme brisé n'était pas coupable de ce qu'on lui reprochait.

- Bien. Je suppose que vous souhaitez partir pour Yavin IV en parler aux Jedi.

- Vous supposez très bien, chef, répondit Taava. C'est curieux, je pensais que vous seriez plus heureux en apprenant qu'un important personnage d'une maison rivale venait de tomber.

- Les Melantha ne sont pas directement ennemis avec les Cadriaan. Bien sûr, nos opinions divergent, mais il n'y a jamais eu vraiment de grande bagarre. Vous m'auriez parlé d'un Mecetti, là, oui, je me serais réjoui. Mais un Melantha… Et puis, Vaskel Savill n'est pas le plus fanatique d'entre eux, et plus d'une fois, il a mis un frein à l'enthousiasme du Moff Gustavu. Mais tant pis pour lui, je ne me fais aucun souci. Il a déjà été remplacé par l'un ou l'autre de ses cousins, et lui doit avoir assez de fric pour refaire sa vie ailleurs. De toute façon, le sort de cet individu ne nous concerne pas. Ce qui me préoccupe, c'est ce que je vais faire de cette Mecetti, maintenant qu'elle va mieux.

- Les padawans ont insisté pour qu'elle vienne. Il y a deux raisons à ça : d'abord, ils ont le cœur sur la main, et cette femme était prisonnière avec eux. Ensuite, d'après eux, elle aurait des capacités intéressantes pour le Praxeum.

- Ah oui ? Si c'est le cas, j'aime autant pas qu'elle reste aux pieds de Nycator.

- Nous non plus, chef.

Ils rejoignirent les deux padawans et Damara Decrilla dans une pièce adjacente. Liam insistait :

- Vous devez venir avec nous sur Yavin IV, et recevoir la formation des Jedi. Un grand pouvoir circule dans vos veines, il faut que vous appreniez à vous en servir, et que vous l'utilisiez au mieux.

- Mais pourquoi devrais-je faire ce que vous me dites ? Je ne veux pas ! Écoutez, vous m'êtes très sympathiques, je vous dois la vie, mais vous êtes en train de me demander de renoncer à tout ce qui fait mon identité. La vie comme je la mène me plaît, vous comprenez ? J'aime chasser, j'aime être libre de mes mouvements. Je ne veux pas finir dans l'ascétisme de votre académie, puis passer mes journées à sauver la veuve et l'orphelin de manière complètement désintéressée, et à risquer ma peau pour des gens qui ne lèveraient pas le petit doigt pour moi. Vous ne pouvez pas m'y obliger. Sinon, vous ne vaudriez pas mieux que Daymon Thorn !

- C'est votre choix, mademoiselle Decrilla, mais rappelez-vous que s'il vous remet le grappin dessus, Daymon Thorn ne vous laissera pas choisir, lui, déclara Liam d'un ton sans réplique.

Taava toussota.

- Liam, cette femme a quand même raison. Je ne m'y connais pas beaucoup, mais je suppose que devenir un Jedi doit être un acte pleinement volontaire, un choix sans contrainte. Même si mademoiselle Decrilla a le potentiel, elle a avant tout le droit de vivre comme elle veut. La forcer à vous suivre serait une forme d'esclavagisme.

- C'est du gâchis, voilà ce que c'est ! s'exclama Liam.

- Mener une vie dont on ne voulait pas alors qu'on avait le choix de mener celle qu'on voulait me paraît être un gâchis aussi important, sinon plus.

Morgreed regarda la jeune Humaine.

- Avec tout le respect que j'éprouve envers les Jedi, je suis d'accord. Être un serviteur de la Force est une énorme responsabilité qu'il faut être capable d'assumer. Je comprends parfaitement que vous préfériez rester celle que vous êtes, et ça ne me dérange pas.

- Moi non plus, renchérit Chi'ta. Être un Jedi est un choix délibéré, entièrement de plein gré. Il ne doit pas être perçu comme un devoir ou une dette vis-à-vis de quoi que ce soit.

Dankin ne dit rien, mais son regard approuvait. Liam se calma, et se gratta la tête.

- Bon, peut-être que vous avez raison. Je… pardonnez-moi, mam'zelle Decrilla.

- Pas grave, beau gosse. Je sais que je vous en dois une, à toi et tes copains.

- Je… Vous pourriez au moins voir ça avec le Conseil des Jedi ? En parler ? Même si ça ne vous engage à rien ?

- D'accord. Appelle-moi Damara et soyons amis !

- Et quand vous l'avez… « tué », ce Bratak s'est transformé en méduse géante ?

- C'est à peu près ça.

- Et à ce moment, on ne pouvait plus rien lui faire. Armes blanches, blasters… que dalle. D'habitude, quand je fais le duo lame/laser, personne n'y résiste, mais là…

- Et après, cette créature a « absorbé » le module DarkStryder avant de se barrer dans l'espace !

Katarn soupira de lassitude.

- Les événements se précipitent. C'est confirmé, les Précurseurs sont de retour.

- Nous nous tiendrons sur nos gardes, Kyle, soyez-en sûr !

- J'en suis convaincu, mademoiselle Taava.

- Mais il y a un truc qui ne colle pas, Skywalker, un truc que Morgreed a suggéré pendant le voyage, et je pense qu'il a raison.

- Je vous écoute, maître Tal.

- Cette histoire sent encore plus mauvais qu'elle n'en avait l'air. Comme Morgreed, je trouve qu'on s'en est sorti un peu trop facilement. On était à bord d'un croiseur de classe Interdictor, propriété de Daymon Thorn, et v'là-t-y pas que nous parvenons à nous évader, sans des nuées de troupes de choc pour nous retenir, les cellules des padawans sont sur la route qui mène directement au hangar… Et quand on veut s'évader, il n'y a ni rayon tracteur, ni champ d'interdiction. Je trouve que ça fait beaucoup de trucs pas clairs. Vous croyez que les Imps sont vicieux au point de nous monter un coup tordu ?

- Ce ne serait pas la première fois, c'est comme ça qu'ils ont repéré la base de Yavin, il y a quinze ans, répondit Skywalker. Mais pour le coup, je n'aurais pas vu l'intérêt de Thorn de monter un tel plan, à moins, peut-être, de tester tout simplement vos capacités.

- Je me demande aussi ce que faisait ce Bratak à bord de ce croiseur impérial. Les Précurseurs seraient de mèche avec l'Empire ? s'interrogea Katarn.

- S'ils sont à nouveau actifs, ils ont peut-être besoin de quelqu'un pour les guider, après quatre mille ans de catalepsie ? suggéra Mara Jade.

- Ce n'est pas cohérent, Mara, répondit Jessa Halbret. Je ne les vois pas s'allier à des Humains bien moins évolués qu'eux. C'est comme si vous vous appuyiez sur les conseils d'un troupeau de Banthas. À mon avis, Bratak était un observateur indépendant.

Un petit silence suivit cette réflexion. Mara Jade s'adressa alors à Damara Decrilla.

- Mademoiselle Decrilla ?

- Oui, Maître Jade ?

- Liam et Chi'ta nous ont parlé de vos éventuelles capacités.

- Et ?

- C'est confirmé, vous avez effectivement la résonance avec la Force.

- Et donc… vous voulez dire que je pourrais… devenir un Jedi ?

- Si vous acceptez notre enseignement, bien évidemment.

- C'est très généreux de votre part, Maître Katarn, mais je préfère rester libre de mes mouvements. Vous avez sans doute de très bons professeurs dans cette école, et vous pouvez être contents de vos deux petits élèves, mais la vie d'un Jedi n'est pas faite pour moi. Je suis très bien comme je suis.

- Un choix que nous respectons, miss Decrilla, répondit Katarn.

- Cependant, j'ai une dette envers vous. Et puis, j'ai vu cette chose transparente, moi aussi. Si cette bestiole est une menace, je tiens à faire tout ce que je peux pour vous aider à nous en protéger.

- Il y a peut-être quelque chose que vous pourriez faire, murmura Skywalker.

- Je vous écoute.

- Nous avons vu que ce… « Bratak » a pu infiltrer le Vor-Cal en prenant les traits d'un être vivant ordinaire, quoique masqué. Les Précurseurs, si c'en était bien un, ont donc manifestement le pouvoir d'adopter une forme physique. Or, vous disiez que vous trouviez quelque chose de « bizarre » chez lui ?

- On pensait que c'était son drôle de costume, Maître.

- Ou alors, c'est qu'il avait une résonance particulière avec la Force. Eh bien voilà, Damara : retournez à la Maison Mecetti comme si de rien n'était, mais faites particulièrement attention à ce que vous y verrez ou entendrez ces prochains jours.

- Les actes d'espionnages, la chasse aux renseignements, c'est ma spécialité.

- Bien, maintenant, vous savez ce que vous avez à faire. Nous allons maintenant analyser avec précision, les données que vous avez ramenées, et déterminer quelle sera votre prochaine destination.

- Destination ?

- Plus nous en saurons sur les Précurseurs, plus nous seront en mesure de nous défendre contre eux.

- Nous défendre, vous êtes sûre, Maître Halbret ? Il n'y a pas moyen de communiquer avec eux ? Ils n'ont peut-être pas de mauvaises intentions…

- Hélas, padawan Koskaya, les seuls contacts que nous ayons pu avoir pour le moment ont été violents.

- Bon…

Taava se promena sur la terrasse, admirant le coucher de soleil. Elle vit la silhouette diaphane de Dame Liryl près de la rambarde. Elle parlait avec Chi'ta et Morgreed. Ils avaient l'air effarés.

- Eh bien alors ? Qu'est-ce qui vous arrive ?

- Oh, Taava, c'est…

- J'ai l'intention d'accepter la proposition de Don Nycator de Mecetti, Dame Taava.

Les épaules de la jeune Togruta s'affaissèrent.

- Êtes-vous sûre que ce soit la bonne décision ? Dame Liryl, sérieusement, c'est un blaireau ! Un enfant gâté qui joue au roi de l'univers, alors qu'il est sans doute incapable d'assumer les fonctions d'un simple baron. Et maintenant, il vient tout simplement de déclencher une guerre dans le secteur Tapani ! Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas sacrifier votre vie et votre bonheur avec ce minable !

- Chère Taava, je vous remercie de votre sollicitude, mais il y a des enjeux plus importants que mon bonheur personnel. En épousant Don Nycator de Mecetti, je serai à même de réfréner ses ardeurs conquérantes. Il est le principal instigateur de la déclaration de guerre faite aux Melantha. Si je tempère son humeur, il songera moins à faire la guerre, et moins de victimes innocentes en pâtiront. Mon bonheur sera alors complet. Je cherche à être en harmonie avec l'univers entier, et si le fait de partager la vie de Don Nycator de Mecetti peut y contribuer, ce sera un bien faible prix à payer. Si j'ai les moyens de préserver des vies, je les mets en œuvre.

- C'est votre décision, ma Dame, mais vous… enfin…

- Je comprends ton inquiétude, fidèle Hassla, mais je le répète, tout se passera bien.

Pendant cet échange, une autre scène se déroulait dans l'une des salles de sport. Liam avait voulu s'exercer au maniement du sabre-laser. Il se défendait contre un droïd d'entraînement. Parade, esquive, riposte… La lame dorée du droïd passa à quelques centimètres de son visage, mais l'adolescent fit un bond en arrière, puis s'appuya sur le mur, et sauta par-dessus le combattant cybernétique, en balayant l'air de son sabre au passage. La machine, sérieusement amochée, s'éteignit. Liam se frotta le front de l'avant bras, soulagé, et rangea son arme. Derrière lui, Katarn applaudit

- Brillant. Vos capacités s'améliorent, Liam.

- Je n'aimerais pas être pris au dépourvu si je subis une nouvelle attaque des Impériaux. J'ai besoin de me sentir plus fort.

- Ah oui ? Et pourquoi ce besoin ? Faites bien attention, ce genre d'objectif n'est pas la finalité d'une formation de Jedi.

- Maître Katarn, je… j'ai eu une vision.

- Une vision ? Quel genre ?

Liam s'assit sur un banc, ramassa sa bouteille et but quelques gorgées d'eau.

- Quand nous étions dans la Chambre du Grand Conseil, j'ai… bon, j'ai un peu perdu les pédales. Je me suis énervé, je le regrette.

- Bah, je comprends un adolescent de votre âge n'est pas prêt à affronter une cohorte de sénateurs pourris jusqu'à l'os. Dommage seulement que Don Nycator ait fait état à toute l'assemblée de votre appartenance à l'Ordre, si j'en crois le rapport de votre condisciple. D'accord, chez les Pelagia, ils étaient déjà au courant, mais maintenant tout le secteur sait qu'on a envoyé des Jedi chez eux. Mais bon, cela ne devrait pas rendre votre mission plus difficile.

- C'est vrai qu'il a grillé Chi'ta, mais… je me suis grillé tout seul, maître… J'ai donné ma parole de padawan.

- Ne vous en faites pas, va ! Ils l'auraient appris tôt ou tard. Et donc, cette vision ?

- J'ai vu le Seigneur Daymon Thorn au milieu d'eux. Juste une seconde. Puis il n'y était plus. J'ai halluciné, mais je suis certain que c'était lui.

Katarn fit une petite moue, et s'appuya contre le mur, croisant les bras.

- Vous arrivez à un âge où la Force s'exprime pleinement pour vous. Vous ne pouvez plus garder l'équilibre entre deux positions. Désormais, le Côté Lumineux et le Côté Obscur risquent de vous tirailler de part et d'autre jusqu'à ce que vous ayez définitivement embrassé l'un des côtés.

- Cela signifie que je vais maintenant fantasmer sur Daymon Thorn ?

- Je ne verrai pas cela de manière négative. Avant, vous n'aviez pas forcément la notion du Côté Obscur. Pour la première fois, vous y avez été directement confronté. Désormais, quand celui-ci tentera de vous prendre dans ses filets, il y aura des manifestations bien concrètes du risque. Votre inconscient a matérialisé l'appel du Côté Obscur sous les traits de ce Seigneur. C'est en quelque sorte une « allégorie ». Chaque fois que vous verrez Daymon Thorn alors qu'il n'est pas devant vous en personne, vous saurez qu'il vous faudra être extrêmement vigilant, car votre comportement, qu'il soit légitime ou non, penche alors du Côté Obscur.

- Bon… Kyle, si je devais passer du Côté Obs…

- N'y pensez même pas ! ordonna durement le Maître Jedi. Vous êtes très jeune et enthousiaste, et vous ne devez pas laisser d'aussi sombres pensées vous étouffer.

La nuit était tombée sur l'astroport de Yavin IV. Les petits vaisseaux de transport allaient et venaient. Avec l'ouverture de l'Académie, l'ancienne base rebelle avait été reconvertie en un comptoir de commerce, loin des temples Massassi. Le vaisseau de Katarn, le Griffe du Corbeau, venait de les déposer près du bâtiment d'embarquement. Taava s'adressa aux autres.

- Bon, nous avons tous eu peur, mais on s'en est tous sorti sans trop de casse, c'est l'essentiel. On a fait ce qu'il y avait à faire auprès du Conseil et des Cadriaan, maintenant je propose qu'on retourne sur Procopia et qu'on souffle un peu.

Morgreed approuva d'un signe de tête, puis ouvrit de grands yeux surpris.

- Hé, une minute ! Où est Liam ?

- Regardez, il est resté sur la piste, je vais le chercher.

Chi'ta revint sur ses pas, suivie par les autres. Liam, leur tournant le dos, regardait le ciel, par où était parti le vaisseau de Kyle.

- Est-ce que ça va ?

- Ben… c'est-à-dire que…

- Depuis notre retour de Vilhon, je te trouve bizarre. Quelque chose ne va pas ?

Liam regarda tour à tour Morgreed, Canderous, Dankin, Taava et Chi'ta. Il ferma les yeux, se concentre quelques instants… puis les rouvrit. Son cœur se serra.

- Je ne suis peut-être qu'un padawan, mais j'ai appris à lire les émotions, en gros. Or, je sens que quelque chose s'est brisé depuis qu'on a été emprisonnés sur le Gantelet. C'est à cause de Thorn, n'est-ce pas ? Morgreed, même si c'était en riant, tu as dit l'autre fois ce que les autres pensent peut-être tout bas. Oui, Thorn a voulu faire de moi son élève. Non, je n'ai pas accepté son offre, même si j'y ai entr'aperçu un léger intérêt, pour nous tous. Mais pourquoi ces soupçons ? Je sens que vous vous méfiez de moi. Comme si je risquais désormais de vous trahir.

- Non ! Liam, je…

- Je sais, Chi'ta, mais pour vous autres, je suis moins sûr. J'ai peur.

- Peur de quoi ? demanda Taava en essayant d'être rassurante.

- Peur d'être rejeté, par toi, Taava, ou bien toi, Morgreed. Ma famille est en miettes à cause du petit banditisme, j'ai perdu mon Maître, vous êtes les premiers amis que j'ai pu me faire depuis, et maintenant je sens que vous avez peur de moi. Je n'ai pas envie de vous perdre.

Personne ne répondit, jusqu'à ce que Canderous rompît le silence. Adossé au mur, il fixa l'adolescent d'un regard transperçant de soupçons en faisant jouer entre ses doigts sa vibro-dague.

- J'avoue que, depuis qu'on s'est carapaté de ce croiseur, il m'arrive d'y penser. Et de me dire quelque chose.

- Quoi ? demanda le Barabel.

- Au moindre geste suspect, gamin ou pas, je te plante.

Chi'ta eut un violent hoquet, et s'enfouit la tête dans les mains. Le Barabel siffla d'irritation en direction de Canderous. Taava fut plus directe, et gifla le mercenaire. Celui-ci fit un signe à Dankin.

- Allez, on s'en va, on va prendre un charter. Cet endroit me donne envie de gerber, gronda Canderous qui s'éloigna sans quitter Taava du regard.

Aucun des autres ne fit rien pour les retenir. La femme Togruta maugréa :

- Qu'ils aillent se faire brosser, on sera plus tranquilles.

Chi'ta déglutit, et articula avec peine :

- Ce n'est pas comme ça que nous devons agir… Si on laisse le soupçon empoisonner notre groupe, alors nous avons perdu.

- Quelque soit ce que tu peux ressentir, tu dois me croire quand je te dis que j'ai confiance. Thorn n'a pas réussi à t'avoir, il n'y arrivera jamais ! s'exclama Taava.

- Je ne peux pas me prononcer, mais pour l'instant, je te suis toujours, ajouta Morgreed. C'est vrai, maintenant que j'y pense, si tu avais voulu nous éliminer, tu aurais eu tout le voyage pour le faire.

- On devrait rentrer, on a une longue route à faire. On y va ? demanda la jeune Drall, regardant Liam, en le suppliant du regard.

Liam avait un mal fou à se retenir de hurler comme un animal malheureux. Il parvint juste à dire :

- Je suis désolé, mais je vais rentrer de mon côté. J'ai besoin d'être un peu seul.

- Ah… je… bon. On… on se retrouve sur Procopia ? suffoqua presque la jeune fille.

- Je serai à l'ambassade Pelagia.

Liam rajusta la lanière de son sac à dos et s'éloigna sans se retourner. Au bout de quelques instants, il avait disparu de la plate-forme. Pendant ce temps, et quelques longues minutes encore plus tard, appuyée sur l'épaule de Taava, Chi'ta n'avait pas cessé de pleurer.

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