La Trilogie de l'Expansion

Chapitre 4 : Le Feu et la Glace

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 05:33

Un grand chambardement retentit dans le bureau. Les fournitures posées sur le meuble avaient volé au travers de la pièce.

- Ce crétin de Bratak ! Je voudrais le précipiter au fond d'un trou noir ! Na'toth, je t'avais dit qu'on ne pouvait pas lui faire confiance !

- Calme-toi, mon amour.

- Me calmer ? À cause de cet incapable, nous sommes maintenant découverts ! Comment me calmer ? Les espèces inférieures savent que nous existons, et pire, elles savent que nous sommes à nouveau actifs !

- Mais elles ne savent pas encore nous arrêter. Et elles ne trouveront jamais comment. Elles sont bien trop sous-évoluées pour ça.

Martouf se ressaisit, cessa de frapper la table de ses poings. Il eut un sourire cruel.

- Mais oui… Tu as mille fois raison, ma Reine ! Ces vermisseaux savent que nous sommes là, mais ne pourront rien faire pour mettre en péril nos plans. Ils vont assister à leur chute inévitable, et seront complètement impuissants ! Ils verront s'écrouler tout ce qu'ils ont pu construire, système après système, sans pouvoir y changer quelque chose ! Voilà la pire chose qui pouvait leur arriver !

- Je savais que tu comprendrais, ô grand Roi.

La nuit était tombée sur l'île d'Estalle, centre névralgique de la planète Procopia, la capitale du secteur Tapani. Les quelques speeders volaient silencieusement dans les rues, toutes désertes, si l'on exceptait celles les quartiers les plus festifs. Les ambassades des différentes grandes Maisons Nobles étaient toutes fermées. Dans le bâtiment de la Maison Pelagia, tout le monde dormait tranquillement… enfin presque.

Pour la troisième nuit consécutive, Liam Kincaid suait, et sa respiration accélérait. Depuis son retour sur Procopia et ses dernières péripéties suite au Vor-Cal, son sommeil d'adolescent était perturbé par d'horribles cauchemars. Et cette nuit, il en vivait un particulièrement gratiné.

Perdu dans des couloirs sombres, nu et sans armes, Liam échappait à une foule d'adversaires invisibles mais bruyants, qu'il savait redoutables. Il courait maintenant sur la passerelle d'un croiseur interstellaire qui survolait une planète mise à feu et à sang. Les tirs de canon blaster fusaient de l'autre côté de la baie vitrée tels des feux d'artifice. Derrière lui, une porte métallique fermée tambourinait de plus en plus fort. L'adolescent buta sur quelque chose qui le fit tomber de tout son long. Sa figure se retrouva pile face à celle de Duncan Blackstorm, son défunt bienfaiteur. Mais le visage de son mentor, habituellement serein et rassurant, était crispé dans une expression de terreur et de souffrance inimaginables, et des larmes de sang gouttaient de ses orbites énucléées.

Liam se releva d'un bond avec un cri épouvanté. La porte s'enfonçait de plus en plus dans sa direction. C'est alors qu'il entendit une petite voix rassurante.

- Sois tranquille, tout va bien.

C'était Chi'ta. Elle était devant lui, tout aussi nue. Derrière elle, la porte était sur le point de céder.

- Tu ne crains rien, car il n'y a pas de mort, il y a la Force.

La porte vola à travers la pièce, laissant entrer une ombre entourée de volutes tournoyantes de fumée noire. Impossible de discerner qui était cette personne. Elle s'approcha, et leva d'immenses mains pourvues de longs doigts crochus. La jeune fille ne semblait même pas avoir remarqué cette menace. Liam cria de toutes ses forces :

- Ne reste pas là ! Attention !

L'ombre saisit Chi'ta par le cou d'une main, puis par les chevilles de l'autre, et elle tira. La petite Drall poussa un cri affreux, suraigu, alors qu'elle se retrouva rompue en deux.

- CHI'TAAAAAAAA !

La silhouette noire jeta par-dessus ses épaules sa malheureuse victime et repoussa sa cape d'un large mouvement du bras. Liam eut la chair de poule en reconnaissant Daymon Thorn, plus grand et plus effrayant que jamais.

- Assassin, assassin !

- Tu es libre, maintenant.

- De quoi ? De servir le Mal ?

- Le Côté Obscur n'est pas le Mal, mon petit. Il est la Vérité, avec un V majuscule. C'est pour ça que tes Maîtres l'appellent le Côté Obscur, parce qu'il est caché sous un voile. Beaucoup cherchent à lever ce voile, et très peu sont assez forts pour ne pas être détruits par le pouvoir de la Vérité. Mais ceux qui tiennent bon, comme moi… plus rien ni personne ne peut les empêcher d'atteindre le but qu'ils se sont fixé. J'ai vu la Vérité, et je t'invite à te joindre à moi pour la voir.

- Vous avez tué Chi'ta !

- Elle n'était rien de plus qu'un obstacle insignifiant sur ta voie vers la Vérité. Bien peu de chose comparé à tous les pouvoirs que tu développeras en me suivant.

- Je refuse de vous suivre ! Vous n'êtes qu'un monstre !

- Alors, meurs !

La vitre de la baie donnant sur les cieux se fendit et éclata dans un fracas tonitruant, puis une terrible explosion réveilla brutalement l'adolescent, en sueur, dans son grand lit. Il regarda autour de lui, hébété. Une alarme hurlait. Des lumières flashaient. Des cris de panique résonnaient de toutes parts. La porte de sa chambre s'ouvrit brutalement, et deux gardes en armure entrèrent.

- Il a l'air indemne !

- Vous pouvez marcher ?

- Oui… que… ?

- Suivez-nous vite et sans discuter !

Les gardes ne le laissèrent pas s'interroger davantage, et l'avaient déjà sorti du lit. Il cria en voyant des flammes lécher les murs du couloir. Déjà de nombreuses personnes couraient, paniquées. Il reconnut la petite Drall, qui partait dans la direction opposée.

- Chi'ta ! Chi'ta !

Mais la jeune fille ne l'entendait pas, et disparut bientôt de son champ de vision, emmenée par un garde.

- Vous en faites pas, vous la retrouverez au point de ralliement. Allons-y !

Quelques minutes interminables plus tard, l'adolescent était dehors. Les deux gardes qui l'avaient guidé étaient repartis. Seul au milieu des résidents du palais qui piaillaient d'affolement, Liam gémissait à chaque expiration, et sentait ses yeux lui piquer. Il s'assit sur l'un des bancs, bras nerveusement croisés, tremblant comme de la gelée.

- Liam ! Tu es là !

Liam rit de soulagement en voyant Chi'ta s'approcher de lui, bien vivante et en bonne santé. Il se leva et la serra fort dans ses bras.

- Oh, quel soulagement !

- Je suis ravie que tu ailles bien, mais tu me fais un peu mal !

Liam lâcha précipitamment la jeune Drall, rouge comme une tomate.

- Désolé.

- Ce n'est pas grave.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- L'un des gardes m'a dit qu'un speeder s'était écrasé sur le palais.

- Quoi ?

- Oui, un accident.

Alors que le sergent Gill s'occupait de coordonner ses gardes et de rassurer le personnel et les nobles, le caporal Sivok s'était approché des deux padawans.

- Suivez-moi.

Maintenant dans le bureau du sergent, Liam et Chi'ta attendaient. Le caporal les avait laissé là, et était allé chercher « quelqu'un ».

- Au moins, entre les cafards et les accidents, on ne s'ennuie pas ici, ironisa Chi'ta.

- Avant l'explosion, j'ai fait un rêve horrible. Thorn te massacrait devant moi.

- Oh… Je ne sais pas si l'on doit y voir quelque chose. La Force permet parfois de voir le passé ou l'avenir, mais pendant le sommeil, ça me paraît bien aléatoire.

- Je n'aimerais pas voir ce rêve se réaliser !

Elle répondit par un petit sourire bienveillant. C'est alors que la porte s'ouvrit sur le Haut Seigneur Theus Paddox en personne. Liam, assis nonchalamment au bureau du sergent, se leva précipitamment, au garde-à-vous.

- Je vous en prie, restez assis. Après toutes ces émotions, vous devez être secoués.

- Vous savez ce qui s'est passé, Haut Seigneur ?

- Un speeder s'est bien écrasé sur le palais. Un accident peut arriver. Mais ce qui me préoccupe, c'est qu'il est tombé pile dans la suite numéro quatre.

- La suite occupée par Ari ! s'écria Chi'ta.

- Précisément.

- Comment va-t-elle ? Est-elle blessée ? Ou pire… ?

- Ne vous en faites surtout pas. Par un coup de chance inouï, elle était aux… disons qu'elle était partie s'absenter quelques minutes, et que son droïd l'avait suivie.

- Sacré coup de chance !

- À votre avis, jeunes gens, c'est un malheureux hasard ?

- La dernière fois, c'était un cafard géant, cette fois, c'est un speeder… ça fait beaucoup de monde qui entre par la fenêtre de cette suite pendant la nuit !

- Et est-ce qu'elle se porte bien ?

- Ne vous en faites pas pour elle, mademoiselle Koskaya, elle a eu une grosse frayeur, mais est indemne.

- Haut Seigneur, nous devrions la faire déménager le plus loin possible dès demain. Et même l'évacuer dès cette nuit !

- Vous avez un autre endroit où aller ? L'ambassade Cadriaan, peut-être ? Oui, je vais prendre les dispositions pour qu'on vous y conduise dans le quart d'heure. L'incendie a été maîtrisé. Rassemblez vos affaires, je vous évacue.

Canderous Tal ronflait comme un bienheureux. Mais il avait le sommeil léger. Aussi, quand des voix et des bruits de pas résonnèrent dans le couloir, il se réveilla d'un coup, et fut hors du lit, blaster au poing, en une seconde. Il ouvrit la porte de sa cellule, et se trouva face à Liam, Chi'ta, Ari et Stern. Mécontent, il ronchonna :

- Je crois que toute la rue ne vous a pas entendus…

- Lâche-nous, Canderous ! On a encore tenté de tuer Ari !

- T'aurais mieux fait d'y rester ! Au moins, j'aurais pu dormir tranquillement !

- Bon, maître Tal, laissez ces jeunes gens se remettre, toute une aile de l'ambassade Pelagia a été touchée ! intervint le chef Stern. Retournez dormir, puisque vous tenez tant à votre sommeil.

Et quelques heures plus tard, dans le bureau du chef…

- Bon. C'est clair, il faut vous mettre à l'abri.

- N'y a-t-il aucun endroit où vous puissiez aller ? questionna Taava, qui avait été rappelée à l'ambassade.

- Euh… mes parents habitent sur Chandrila. Je pourrais m'y cacher, avec Kelly.

- Honnêtement, je préférerais, même si je n'ai pas grand-chose à dire, déclara Stern.

- Nous pourrons vous déposer au passage en allant sur Yavin IV.

- Yavin IV ? demanda Liam. Pourquoi irions-nous sur Yavin IV ?

- Ah, on ne vous a pas encore prévenus… Figurez-vous que j'ai reçu une communication de votre Maître Skywalker. Apparemment, votre présence est souhaitée au Praxeum, je ne sais pas pourquoi, et ce n'est pas mon problème.

- Bon… Nous partons, alors ?

- T'as tout compris, répondit Morgreed.

Mara Jade était seule pour recevoir les six compagnons dans la salle de briefing.

- Bonjour, les amis, jeunes padawans... Aujourd'hui, il est temps d'approfondir un peu les recherches que vos premières découvertes vous ont amené à faire. De notre côté, nous avons remué la vase comme nous avons pu, et je suis en mesure de vous donner deux pistes à suivre.

- On est tenu de les suivre toutes les deux ? demanda de but en blanc Canderous.

- Si vous vous en sentez capables.

- Bah, tant qu'on me file mon blé…

- Bien, si vous voulez bien me laisser poursuivre, maître Tal… Je disais donc, nous avons deux destinations sur lesquelles vous envoyer.

Prenant une petite télécommande, Mara Jade appuya sur un bouton. Immédiatement, l'hologramme d'une planète rouge apparut.

- Contemplez la planète Norphair, un monde volcanique du système Ridley. La température y est telle que les quelques rares zones habitables sont en fait de grandes plates-formes érigées sur les plateaux rocheux, protégées par des champs de force anti-calorique diffusés par des émetteurs. Des rivières de magma circulent à la surface de ce monde, et quelques formes de vie particulièrement résistantes à la chaleur parviennent à y vivre. En raison du manque caractéristique de végétation, elles se nourrissent généralement de chair.

- Charmant endroit.

- Et que ferions-nous sur cette planète, Maître Jade ?

- Retrouver quelqu'un. Plus précisément cette personne.

Encore une fois, Mara Jade pressa le bouton de la télécommande, faisant apparaître un portrait. C'était un Mon Calamari. Un nom était inscrit sous la photo : Akanseh.

- Le Docteur Akanseh est un ancien membre de l'équipage de l'Étoile Lointaine. Quand il était à bord, il assurait la responsabilité de médecin en chef. C'est lui qui a consigné toutes les informations sur les formes de vies non classées que les participants à l'expédition ont pu rencontrer. Il y a de fortes chances pour que les données qu'il a pu rassembler nous permettent de mieux connaître les Précurseurs.

- Comment il est, sur le plan mental ? hasarda Morgreed.

- Maître Halbret nous a dit qu'il était assez… spécial. D'après nos renseignements, c'était un brillant médecin, mais il y a bien des années, il a été capturé par l'Empire, et le Moff Kentor Sarne lui a ordonné de torturer un prisonnier récalcitrant pour le faire parler, sous peine de lui faire subir le même sort.

- Et… ? osa Taava.

- Dans les belles histoires, il aurait voulu racheter cette lourde faute héroïquement en sauvant deux fois plus de personnes. La réalité est toute autre : il n'a pas résisté à cette expérience traumatisante, et sa raison en a été perturbée. Depuis, son sens de l'éthique s'en est trouvé altéré. Il est retourné sur Mon Calamari, a été engagé par un hôpital, mais on l'a poursuivi pour « traitements amoraux », alors il s'est enfui sur Norphair. Personne ne songerait à le chercher dans un monde aussi chaud. Les habitants de Mon Calamari se sentent mal sur de tels mondes.

- Bon… Et donc, nous devons le récupérer ?

- En tout cas, récupérer ses informations, padawan Kincaid.

- D'accord. Et quelle est la deuxième destination ?

- J'y viens, maître Tal. La voici :

Nouvelle image holographique d'un globe entièrement blanc.

- Et voici Fedrana, une planète de glace, l'opposée de Norphair.

- Oh !

Liam avait sursauté, ayant subi un brutal coup au cœur.

- Quelque chose ne va pas, fiston ? demanda Morgreed.

- Fe… Fedrana… C'est là que…

- Je suis désolée si ça remue d'aussi pénibles souvenirs, padawan Kincaid. Le Conseil des Jedi comprendra parfaitement si vous refusez d'y aller.

- Non, Maître Jade ! Il n'y a pas de passion, il y a la sérénité. J'affronterai ma peur, et ma tristesse.

L'adolescent se leva, et se tourna vers les autres. Courageusement, il déclara :

- Cette planète est le tombeau de mon Maître, Duncan Blackstorm. Il a été tué dans une station spatiale en orbite autour de Fedrana.

Puis il se rassit. Un petit silence respectueux plana. Le Barabel tapota paternellement l'épaule de l'adolescent. Mara Jade reprit :

- Voilà qui est bravement parlé, Liam. Mais les souvenirs douloureux ne vont pas s'arrêter là. Il faut que vous sachiez précisément ce que le Conseil attend de vous. Le padawan Kincaid est déjà plus ou moins au courant, mais vous autres avez besoin de quelques explications supplémentaires. Il y a environ sept mois, en effet, nous avons demandé à Duncan Blackstorm de se rendre avec sa compagne Talia dans le système Fedrana. Nos sources avaient intercepté des communications faisant état de l'existence d'un laboratoire spatial de l'Empire, dans lequel les Impériaux menaient des expériences destinées à créer des armes bactériologiques.

- Ouah… quel genre ? s'enquit Taava.

- À peu près le même genre que celle qui a ravagé la population de la planète Falleen avant que l'Empire ne la « purifie » à grands coups de bombes atomiques. L'idée était d'inventer une bactérie capable de résister aux températures les plus extrêmes. Les expériences étaient menées par un Jedi Noir à l'identité inconnue. Duncan et Talia ont infiltré cette station, et ont effacé les données des recherches, balancé les souches du virus dans l'espace et saboté la station pour qu'elle se désagrège complètement dans l'atmosphère de cette planète. Malheureusement, Duncan et Talia ont affronté le Sith, et après un combat d'une violence inouïe, Duncan a perdu la vie. Quant au Sith, on ne sait pas ce qu'il est devenu depuis.

Liam était resté le plus neutre possible, avec beaucoup d'efforts. Chi'ta se rapprocha de lui. Canderous se gratta la tête.

- Tout ceci est très touchant, mais quel rapport avec nous ?

- Eh bien, Blackstorm possédait une arme très particulière, d'une technologie inconnue. Un jour, il l'a même montrée au Conseil. C'était un sabre-laser pour le moins inhabituel. Est-ce que ça vous dit quelque chose, padawan Kincaid ?

- Non, Maître, il ne m'en a jamais parlé. Vous savez, il ne me déballait pas tout.

- Bon. Eh bien pour le moment, le Conseil des Jedi souhaite que vous vous rendiez sur Fedrana pour récupérer cette arme, et nous la rapporter.

- Pour la détruire ? demanda Morgreed.

- Non. Nous pourrions peut-être nous en servir pour armer nos chevaliers les plus doués, et être prêts à affronter les Précurseurs, répondit une voix derrière le Barabel.

Tout le monde se tourna vers la porte. C'était Skywalker.

- Cette arme n'était pas d'une technologie conventionnelle. Je n'y ai pas prêté attention quand votre Maître me l'a montrée, mais j'aimerais bien l'analyser, maintenant.

- Et savez-vous où se trouve cette arme, plus précisément ?

- Non, mademoiselle Taava, mais la compagne, Talia, elle, le sait sûrement.

- Bien, nous n'avons plus qu'à aller la voir, et à la lui réclamer. Avec une lettre de recommandation de votre part, bien évidemment.

- Nul besoin de lettre, elle reconnaîtra Liam. Liam, vous la connaissiez ?

- Oui, un peu. Moins que Duncan, mais je l'aimais bien. Mais je ne l'ai pas vue depuis… enfin, vous comprenez pourquoi.

- Pourquoi n'es-tu pas resté en contact avec elle ? s'étonna Chi'ta. Elle t'aurait peut-être aidé à surmonter cette perte tragique.

- Eh ben… en fait…

- Ce n'est pas si simple, padawan Koskaya, reprit Mara Jade. Il se trouve que Talia a été fortement choquée par la mort de son compagnon.

- Normal, elle reste une femme aimant son homme, répondit Taava. Et donc ?

- Elle a perdu contact avec la réalité. Elle est maintenant persuadée qu'elle est la messagère d'une divinité locale qui était incarnée dans le corps de Duncan. Elle l'appelle le « Veilleur ». Et ce n'est pas tout : cet accès de mythomanie a été renforcé par la reconnaissance du peuple de Fedrana. Les Fedraniens ont considéré le couple comme les sauveurs de leur monde – ce qui n'était pas faux, ils allaient servir de sujets pour les expériences de l'Empire. Ils se sont mis à vénérer Duncan Blackstorm comme un Messie, et Talia est désormais « Mère Talia », la messagère du Veilleur. Et par conséquent, attendez-vous à ce qu'elle ne vous remette pas le sabre-laser comme elle vous donnerait une sucette.

- Décidément, rien n'est jamais simple avec les Jedi ! constata Canderous avec exaspération.

- Rien ne t'oblige à nous accompagner, si ça t'ennuie tellement.

- Si, cocotte rouge. Mon pèze.

- Maître Tal, un peu de tenue, je vous prie. Bon, est-ce que vous acceptez ces deux missions ? Nous n'avons pas l'habitude d'envoyer nos agents sans leur consentement, en particulier quand ils ne sont pas directement sous notre responsabilité.

- Comptez sur moi ! répondit fièrement Liam.

- J'obéis au Conseil, ajouta Chi'ta.

- J'accompagne les padawans, où qu'ils aillent, renchérit Morgreed.

- Je n'ai jamais été sur Norphair, encore moins sur Fedrana. J'aime voyager, dit Taava avec un petit sourire.

Toute l'assistance attendit une réaction de la part de Canderous. Ce fut Dankin qui parla. Dankin, le Togorien, qui n'avait pas dit un mot jusque-là.

- Dankin a vu Précurseurs… Précurseurs mauvais… Dankin veut aider… chevaliers Jedi... se battre contre Précurseurs…

- D'accord, boule de poils mangée aux mites, on va y aller, sur ces planètes. Mais j'espère que la paie sera conséquente !

- Cette nouvelle étape sur le chemin de la vérité nous mènera à travers le feu et la glace, observa Chi'ta avec philosophie.

Quand la Comète entra dans l'atmosphère de Norphair, Morgreed sentait déjà la chaleur des rivières magmatiques chauffer sa peau écailleuse. Suivant la balise, Taava serrait les dents en manœuvrant l'appareil prêté par Ari Quayle, passant entre les volutes de fumée noirâtre. Le vaisseau approcha d'une immense plate-forme en suspension au-dessus d'un gigantesque volcan. Liam repéra des tours noires, deux fois plus hautes que les autres immeubles. Sur ces tours, il y avait de grandes paraboles argentées.

- C'est avec ces machins que les habitants se protègent de la chaleur ?

- Affirmatif, copilote. Ils ont mis quelques années à mettre au point ces dispositifs, el à les installer. Ces paraboles émettent des champs de force invisibles. Ils sont tous calibrés en synchronisation, pour éviter qu'une zone soit moins préservée qu'une autre.

- Et ça consomme beaucoup d'énergie ?

- Oui, mais ici, de l'énergie thermique, il y en a à revendre. C'est grâce à cette énergie que la cité entière peut rester en suspension. Les moteurs antigrav sont aussi alimentés à la chaleur. Okay… on arrive !

Quelques minutes plus tard, le petit groupe se rassemblait dans le sas. Taava prit la parole :

- D'après les infos transmises par Mara Jade, ce monde est sous domination impériale depuis quelques mois. Le régime a été mis en place il y a peu, et la population locale n'a pas encore digéré cet état de fait. Le gouverneur est officiellement un civil pour que les gens le suivent, mais les émeutes sont hebdomadaires, et le cabinet gouvernemental ne sait plus où donner de la tête.

- Bien sûr, ce gouverneur est un Humain ?

- Oui, Morgreed, le gouverneur Breenstar. Il n'est qu'un pantin impérial, et par-dessus le marché, il n'est même pas efficace. Tu peux être sûr que le capitaine de la garnison de soldats de choc se ronge les ongles jusqu'aux poignets !

Chi'ta déglutit.

- Les… soldats de choc ? Oh non !

- Ne t'en fais pas, petit bouchon. Ils auront autre chose à faire que de rechercher les Jedi. Il faudra seulement éviter de faire du ramdam et d'attirer leur attention. Les non-Humains sont tolérés, pour peu qu'ils la mettent en sourdine. Alors, on va au cabinet d'Akanseh, on obtient ses informations, et on s'en va !

- Euh… avant ça, on va devoir se coltiner le comité d'accueil ! observa Morgreed.

- Dès la descente, ils contrôlent les immigrants, observa Canderous qui avait regardé la piste à travers le hublot du cockpit.

- En plus, ils ont repéré notre vaisseau, je ne serais pas surpris qu'ils nous tiennent plus à l'œil encore ! renchérit Morgreed.

- Bon, on n'arrivera à rien si on se tourne les pouces là-dedans. On y va !

Le petit groupe descendit sur la piste d'atterrissage, sous l'œil soupçonneux du personnel. Il y avait une porte menant à un petit couloir avec une pancarte indiquant : « Douane ». Un droïd de sécurité sommeillait à côté d'une table sur laquelle les nouveaux arrivants étaient invités à déposer leurs effets métalliques.

Le premier à passer fut Canderous. Lorsqu'il franchit le portillon de sécurité, comme il s'y attendait, l'alarme sonna. Un petit fonctionnaire en costume tiré à quatre épingles entra dans le couloir par une grande porte, suivi de près par un groupe de six soldats de choc. Liam eut une poussée de sueur. Décidément, il ne pourrait jamais s'habituer complètement à la vue des armures froides et impersonnelles des soldats de l'Empire. De plus, depuis sa capture sur le Paradis Stellaire, il avait sans doute été fiché par Daymon Thorn, et se voyait déjà en face d'un peloton d'exécution.

Si seulement Duncan était là… ! Mais il va falloir que je me débrouille sans lui.

Le douanier s'adressa à Canderous, sans même un regard pour les non-Humains.

- Bonjour monsieur, jeune homme… Alors, voudriez-vous bien mettre vos objets métalliques dans la boîte qui se trouve sur le comptoir, s'il vous plaît.

Avec un soupir d'exaspération, le mercenaire posa dans le casier un blaster lourd, une vibro-rapière, deux vibro-dagues, et ses aiguilles Zenji.

- Ca fait un peu beaucoup pour une seule consigne… Et je suppose que vos… relations sont également armées.

- Je ne veux pas me séparer de mes outils de travail.

- Il va bien falloir.

- Pas de chichis ! glapit l'un des soldats de choc, celui avec une épaulette rouge. Vous allez ranger vos armes à bord. Tous. Puis vous reviendrez et vous repasserez au détecteur. Exécution !

Le petit groupe remonta à bord de la Comète. Ils se concertèrent pour savoir quelles armes conserver. Ils tombèrent d'accord : Taava allait garder son blaster, Canderous cacha une aiguille dans ses vêtements, et Liam tenait absolument à garder son sabre-laser.

- C'est mon arme, mon symbole, mon porte-bonheur, il représente tout ce que je suis, sans lui je ne suis pas un padawan digne !

- Et comment tu comptes expliquer ça au détecteur, gros malin ? À moins que tu ne veuilles le poser sur la table, comme si de rien n'était ?

- Non, pas sur la table ! J'ai repéré des tuyaux d'aération, le long desquels je pourrais facilement faire glisser mon sable.

- Comment ?

- Tout ce que vous aurez à faire sera de détourner l'attention des gardes, le temps que je mette mon sabre dans le conduit. On franchit le couloir, puis je le récupère par télékinésie par l'autre bout de la conduite.

- Ouais, ça peut le faire ! Bonne idée ! approuva Morgreed.

Quelques minutes encore passèrent, puis le petit fonctionnaire revit ceux qu'il avait déjà classés dans la catégorie « étrangers louches ». Nerveusement, Canderous enfonça l'aiguille dans le cuir de ses vêtements… et se transperça la peau de la nuque. Se mordant les lèvres, il s'avança. Une fois de plus, le détecteur sonna, la fouille commença… mais l'armure composite comportait de multiples cachettes pour une petite aiguille, et les soldats de choc ne trouvèrent rien, et conclurent que c'était l'armure qui avait déclenché l'alarme. Taava s'approcha à son tour, et déposa son blaster sur la table d'un air dégagé. Le petit fonctionnaire fit la grimace.

- Vous avez le permis, je suppose…

- Bien sûr, Monsieur le fonctionnaire.

Et c'était vrai. Taava lui présenta un permis de port d'arme absolument conforme.

- Cet appareil n'est pas un jouet, mademoiselle. On n'a pas besoin de ça ici !

- Oh, je vous en prie, Monsieur le beau fonctionnaire ! On m'a dit que cette planète est très pittoresque, mais dangereuse ! Je n'aimerais pas prendre des risques !

- Vos… amis, là, ils ne sauraient pas vous défendre ?

- Eh bien…

La jeune Togruta se rapprocha, se pencha vers le fonctionnaire et chuchota :

- Entre nous, je n'ai pas tellement confiance. Je les ai pris en taxi pour me faire un peu d'argent, mais maintenant, ils vont tous aller chacun de leur côté, et me laisser seule. Je suis sûre qu'un homme aussi intelligent que vous comprend ma situation.

Elle lui fit les yeux doux. Le petit fonctionnaire sentit une violente douleur dans son caleçon trop serré.

- Euh… Oui, d'accord, je vois. Bon, allez, ça va, on la laisse passer.

- Oh, merci mille fois, Monsieur le fonctionnaire.

- Mais, euh… évitez de vous en servir sans bonne raison, d'accord ?

- C'est promis.

Liam eut un mal fou à ne pas éclater de rire. Assis dans le siège du pilote de la Comète, il avait assisté à toute la scène. Il n'avait rien entendu, mais avait parfaitement imaginé ce que Taava avait bien pu dire au fonctionnaire. Il n'avait pas pu se permettre de perdre sa concentration. En effet, il avait discrètement déposé le petit cylindre argenté sur le sol à portée de vue, puis était rentré dans le vaisseau, et s'était confortablement installé. Puis il avait commencé à manœuvrer le sabre-laser. La poignée avait flotté jusqu'au plafond en une demi-seconde. Liam avait ensuite guidé son arme jusqu'à la grille, en la faisant doucement glisser sur la paroi. Après quoi, il l'avait fait passer à travers le grillage. Une fois sûr que le sabre-laser était bien calé dans la conduite, l'adolescent était descendu, avait verrouillé l'accès au vaisseau, puis s'était dirigé mains dans les poches jusqu'au portillon. Il le franchit comme une lettre à la poste. Une fois passé, il n'eut qu'à suivre le conduit, et à trouver une ouverture. Morgreed le hissa à bout de bras pendant que Taava faisait le guet. Liam repéra au loin la lumière du hangar, et vit son sabre. Il n'eut qu'à tendre la main, et en quelques secondes il avait récupéré son sabre-laser, et calé dans sa ceinture, sous son manteau.

- L'idée était géniale, fiston !

- Merci, Morgreed.

- Ah, si j'avais de tels pouvoirs, la vie serait plus simple ! soupira le Barabel.

- N'en soyez pas si sûr, Maître Morgreed, elle serait sans doute au moins trois fois plus compliquée ! répondit Chi'ta d'un ton malicieux.

Enfin, ils étaient sortis de l'astroport. Ils se tenaient sur une grande place publique, qui faisait carrefour entre de multiples passerelles. Chaque passerelle menait à un complexe de bâtiments. Grâce au plan que Taava avait téléchargé sur son bloc de données, il était facile de trouver le cabinet du docteur Akanseh. C'était jour de marché, et la place accueillait de nombreuses échoppes. En suivant le chemin indiqué par le plan interactif, le petit groupe passa devant un stand tenu par un Twi'lek. Chi'ta saisit brusquement la manche de Taava.

- Qu'y a-t-il, petit bouchon ?

- Regardez… ! La… marchandise… de ce commerçant !

- Quoi ? Oh !

Le stand précisait « Roh'Ckoo – spécialiste réputé ». Quant à la « marchandise »… elle était constituée d'un douzaine de personnes, toutes de sexe féminin : deux de ses compatriotes de Ryloth, une Rodienne, trois Bimmes, une Wroonienne, deux Squibes, et trois Theelines. Chi'ta ne put se contenir, et se planta devant le Twi'lek, mains sur les hanches.

- Vous êtes un trafiquant de vie intelligente !

- Et alors ? C'est légal et j'ai ma licence.

Le marchand, Roh'Ckoo, avait parlé sans prendre attention à son interlocutrice, mais quand il se tourna vers elle, il regarda la jeune fille un court instant, puis il éclata de rire.

- Oh, mais tu es intéressée, ma belle ! Tu veux une compagne pour tes nuits ? À moins que tu ne veuilles te joindre au lot ?

Le Twi'lek rit davantage, mais son visage se crispa lorsqu'il vit l'imposante silhouette de Morgreed, bras croisés, juste derrière la petite Drall.

- Un problème ? demanda le Barabel avec une voix trop douce pour être honnête.

- Non, maître Morgreed. Il n'y a rien à dire, hélas.

- Moi, j'ai quelque chose à dire. J'achète tout !

La personne qui venait de parler était une Sullustaine. Elle avait la soixantaine, et son visage était marqué par les épreuves. Elle présentait les signes caractéristiques d'une femme mûre, qui avait sans doute eu plus que son compte en malheurs, et qui avait pris la décision de rendre la monnaie de sa pièce à l'univers tout entier. Roh'Ckoo se frotta les mains.

- Ah, madame Thila ! Vous êtes parmi nous ! Quelle heureuse surprise ! Je suis…

- Arrête le baratin et fais-moi le tarif de groupe, je suis pressée. Matt !

Un Humain accompagnait la Sullustaine. Lui aussi avait dû avoir son lot de combats. Une longue cicatrice parcourait de haut en bas sa joue droite, et une queue de cheval argentée tombait sur son armure de chasseur de primes. Il tenait un fusil blaster lourdement modifié, et n'avait pas l'air plus amical que Thila.

- Matt, charge-moi cette cargaison au vaisseau.

- Tout de suite.

- C'est scandaleux !

Liam n'en pouvait plus.

- Pendant des années, l'Empire a jeté en prison ou dans des camps de travail vos semblables, aussi bien Twi'leks que Sullustains, il y a eu des massacres, des emprisonnements abusifs, parfois des annexions de planètes entières ! Et maintenant que l'Empire n'a plus la même influence, vous n'hésitez pas à faire la même chose à des gens comme vous ! C'est proprement monstrueux ! Vous mériteriez de subir le même sort ! Vous me rendez malade !

- Allez, laisse, marmonna Taava. On n'a rien à faire ici.

- Tu ne vas pas défendre cette espèce de…

- Arrête ! répondit vivement la Togruta en mettant sa main sur la bouche de l'adolescent, en voyant le dénommé Matt lever son fusil vers l'adolescent.

- Nous ne pouvons agir pour le moment, Liam, répondit Chi'ta. Mais je comprends ta colère. Le trafic d'esclave est une infamie, ajouta-t-elle en regardant Thila d'un air chagriné.

- Où est le problème ? Acheter et vendre des esclaves est parfaitement légal, ici. Et ça me fait du blé, beaucoup de blé. Je ne vois donc pas pourquoi je m'en priverais.

- Vous me faites beaucoup de peine, répliqua Chi'ta d'une voix blanche.

- Eh bien j'en ai rien à foutre ! Maintenant, vous m'excuserez, mais j'ai du travail ! Allez, vermine, au vaisseau !

Matt avait saisi la chaîne qui reliait toutes les esclaves entre elles. Liam, lui, avait déjà porté la main à son ceinturon, mais Taava le retint.

- Je vais leur faire regretter d'être venus ici !

- Liam, arrête ! Tu vas provoquer un pataquès pour rien.

- C'est dégueulasse ! On ne peut pas laisser faire ça !

- Ici, l'esclavagisme est légal. Et si tu te rebiffes, il risque d'y avoir des blessés.

Des soldats de choc, ayant vu l'agitation de Liam, s'approchaient. Taava leur fit un sourire aimable, et poussa l'adolescent vers la plate-forme où se trouvait le cabinet.

Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant un bâtiment vétuste, dont les vitres étaient cassées. Une plaque en étain indiquait : « Docteur Akanseh, diplômé de la Faculté de Médecine de Mon Calamari », mais était à moitié recouverte par la peinture rouge d'un gros graffiti disant « Assassin ». Canderous frappa à la porte. Il n'y eut pas de réponse. Le mercenaire frappa plus fort. Toujours rien.

- C'est le charlatan que vous cherchez ? demanda une voix au-dessus de leurs têtes.

Une petite vieille Bimme était penchée à sa fenêtre. Taava demanda :

- Le charlatan ? Comment ça, « charlatan » ?

- Ben oui, le toubib qui exerçait était un satané charlatan ! On vient de le mettre en cabane pour ça, jeunes gens !

- En cabane ?!

- Ouais, et j'espère qu'on va balancer cette face de hareng dans le volcan ! C'est vrai, on ne devrait jamais laisser de telles ordures jouer avec… hé ? Vous êtes toujours là ?

Les six compères n'étaient plus là depuis longtemps.

Taava était seule devant le magistrat, pendant que ses amis attendaient dans l'antichambre voisine. Le juge Goren était un grand homme un peu fort, avec une barbe de deux jours, le teint clair et la voix grave.

- Je vous avouerai que je ne suis pas optimiste sur le cas du docteur Akanseh, loin de là. En effet, les charges contre cette personne sont très lourdes.

- On l'accuse de « charlatanisme », à ce que j'ai cru comprendre.

- En effet, mademoiselle. Je ne puis en dire davantage, ce serait contraire aux lois de notre planète. Vous n'êtes pas de la famille, et encore moins des clients. Vous êtes donc tout à fait étrangers à son cas.

- Il faut qu'on lui parle. C'est très important, votre Honneur.

- Je vous conseille de plutôt voir ça avec son avocat, il est bien le seul à pouvoir vous arranger un rendez-vous.

- Bon, qui est l'avocat ?

- Maître Derice. Je vous donne son adresse tout de suite.

Un quart d'heure plus tard, tous étaient dans le bureau de Kaël Derice, avocat au barreau de Norphair.

- Êtes-vous sûr que son cas soit si désespéré ?

- Les lois sur Norphair sont très strictes, et mon client s'expose à une sentence très grave. Et la situation politique actuelle n'arrange rien. Le gouverneur Breenstar a même envie de donner un bon exemple pour calmer un peu la population.

Chi'ta avait trouvé cet Humain plutôt sympathique. Il était de taille moyenne, était bien coiffé, et portait des lunettes. C'était la première fois que la jeune Drall voyait des lunettes – un outil désuet depuis bien longtemps, remplacé par la chirurgie. Il parlait d'une voix claire, un peu nerveusement.

- Mais il n'y a aucun moyen de venir en aide à cet individu ? Est-ce qu'il a déconné à ce point-là ? Je sais bien qu'on est sur un monde récemment sous responsabilité impériale et qu'il s'agit d'un non-Humain, mais est-ce que ce n'est pas un peu exagéré ? Qu'a-t-il fait de tellement impardonnable ?

- Le problème, mademoiselle, est que sa conception de la médecine a… comment dire… cessé d'être en accord avec la Charte Interplanétaire. En consultant les dossiers juridiques et médicaux, j'ai appris qu'il avait développé une forme exacerbée de paranoïa.

- Comment ça ? demanda la Togruta avec anxiété, imaginant déjà Akanseh avoir peur des araignées comme Raynor. Il craignait que des inconnus le poursuivent ?

- Non, ce n'es pas d'inconnus qu'il avait peur, mais plutôt… des microbes.

- Des microbes, maître ?

- Il s'est mis à administrer avec un peu trop de zèle des médicaments. En fait il prescrivait des doses beaucoup trop importantes. Comme s'il craignait que le moindre petit rhume puisse décimer une planète entière. Au début, c'était gênant, sans plus, mais lorsqu'il a euthanasié un patient qui avait une pneumonie grave, mais guérissable, puis injecté une surdose fatale de médicaments à un autre, les familles ont porté plainte contre lui. Bien sûr, les Impériaux ont agi au plus vite.

- Et maintenant ? Oh, je suis sûre que vous pouvez quelque chose ! Je ferai tout ce que je pourrai pour le sauver, le tirer des griffes de ce système judiciaire corrompu ! J'irai demander grâce auprès du gouverneur Breenstar s'il le faut !

- Mademoiselle, vous êtes absolument charmante, mais votre petit numéro me gêne.

- Petit numéro ? Quel petit numéro ? répéta innocemment Taava.

- Oh, je vous en prie ! Je veux bien croire que vous arrivez à obtenir une ristourne chez votre garagiste en lui jouant la comédie du gringue, mais je suis avocat. Mentir pour convaincre un public hostile est mon métier, et je sais reconnaître les petits détails qui font la différence entre un cri du cœur et un tissu d'âneries.

Cette déclaration jeta un froid. Canderous ricana.

- Là, poupée, il t'a pas loupé.

- Je vous en prie ! Ne manquez pas de respect envers cette dame en ma présence !

- Ah, c'est frustrant ! Je veux qu'il sorte de là ! Je veux qu'on le sauve ! Écoutez, monsieur Derice, c'est peut-être l'équilibre entier de l'univers qui est… mmmhh !

Une fois de plus, Taava avait collé la main sur la bouche de l'adolescent. Derice le regardait, intrigué.

- L'équilibre de l'univers ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

- Rien que l'exagération d'un gamin brillant, mais un peu fougueux, maître ! répondit la jeune Togruta avec un sourire gêné.

L'avocat manifesta son impatience d'un soupir agacé. Chi'ta décida de jouer le tout pour le tout. Elle prit un air pitoyable et joignit les mains.

- Oh, s'il vous plaît, Maître Derice ! Le docteur Akanseh a des informations qui sont très importantes pour nous ! Nous voulons lui parler, seulement quelques minutes ! Puisque nous ne pouvons rien faire pour le sauver, n'a-t-il pas le droit à une dernière visite avant que cette terrible sentence ne s'abatte sur lui ?

Ni l'avocat, ni Taava, encore moins les autres n'avaient pu déceler la moindre duperie dans cette supplication. Derice se radoucit.

- Bon, allez, si c'est tellement important pour vous… je vais contacter la caserne impériale pour qu'on vous accorde un petit entretien.

- Oh, merci, merci, Maître Derice !

- Seulement… il y a quelque chose que je dois vous dire, et je vous prie de me pardonner si cela vous indispose.

- Nous vous écoutons, Maître.

- Eh bien… j'ai le même respect envers les Humains qu'envers les Dralls ou les Barabels, et je suis heureux de défendre un Mon Calamari, membre d'un peuple notoirement pacifique et qui a été particulièrement meurtri par la guerre civile... mais ce ne sera pas le cas des gens qui retiennent Akanseh.

- Eh bien ce n'est pas un problème ! Je vais aller lui parler, moi, au docteur Akanseh ! répliqua Canderous.

- Bon… je vais prévenir le capitaine Karup, le responsable de la garnison. Je vous déconseille vivement de faire du raffut chez lui.

- D'accord, d'accord. Allez, on vous laisse à vos paperasses.

- Trop aimable ! ironisa l'avocat.

Une fois dehors, Taava serra chaleureusement la jeune Drall contre son épaule.

- Tu as été formidable, petit bouchon ! Tu l'as eu ! Tu l'as bien bluffé !

- Votre compliment me touche, mais… je n'ai jamais eu l'intention de le baratiner.

- Tu étais sincère ?! s'étonna Canderous. Tu es prête à mettre toutes tes tripes pour sauver la peau huileuse d'un Mon Calamari que tu ne connais que de nom ?

- Eh bien… oui.

- Seulement parce qu'on a besoin de ses informations, n'est-ce pas ? espéra Canderous. Tout ce que tu voulais, c'était juste qu'on puisse le cuisiner ?

- Non, je voulais l'aider… quoi que ce docteur ait pu faire, c'est un être vivant.

- Un foutu assassin, oui !

- Il n'avait pas de mauvaise intention, maître Tal. Tout ce qu'il voulait faire, c'était préserver des vies. Le gros problème est son état mental. Je suis certaine que l'expédition de l'Étoile Lointaine a gravement perturbé son équilibre.

- Vraiment, tout ça pour un pauvre taré… Heureusement que je ne serai jamais comme toi !

- Ho, Canderous, lâche-la un peu, tu veux ! s'emporta Liam.

- Occupe-toi de tes fesses, le môme ! T'as failli tout faire rater, alors à ta place, je ne la ramènerais pas !

Morgreed inspira avec colère, en serrant les poings devant son visage si fort que ses phalanges craquèrent.

- Doucement avec les enfants, Canderous.

- Tu vas pas t'y mettre aussi ? Je pensais que tu serais d'accord avec moi !

- Eh bien tu as tout faux, gros malin. Je suis de leur avis.

- Leur avis, leur avis… T'as pas besoin de leur obéir, ce ne sont pas encore des Jed…

Alors qu'il allait prononcer ce mot, la grosse main griffue de Dankin tomba sur son épaule. Pour la première fois depuis des jours, le Togorien parla :

- Canderous… râler… trop fort. Nous… faire… discrétion.

Le mercenaire allait protester, mais il se retint. Il réfléchit quelques secondes, et dit finalement :

- T'as raison, mon pote. Okay, je devrais faire gaffe à ce que je dis.

- Essaie au moins de ne pas tout flanquer en l'air avant d'avoir vu le toubib, répondit Taava avec un petit sourire.

Habitué à l'univers carcéral pour l'avoir régulièrement fréquenté d'un côté comme de l'autre des barreaux, Canderous se sentait presque chez lui, et c'est en sifflotant, détendu, qu'il s'installa au parloir. Le soldat de choc qui l'avait accompagné grinça froidement : « Vous avez cinq minutes, pas une de plus ! » avant de claquer la porte. Un instant plus tard, la porte derrière le champ de force s'ouvrit, et le docteur Akanseh s'installa devant Canderous. Il correspondait bien à l'holo-portrait que Mara Jade avait montré à la petite bande, quoiqu'il fût un peu plus maigre, plus émacié, et qu'il avait un bandage autour de son gros crâne couleur saumon.

- Salut, Doc !

- Bonjour, jeune homme. À qui ai-je l'honneur ?

- Appelez-moi Canderous.

- Canderous, d'accord. Je suis ravi d'avoir un peu de visite, mais pourquoi êtes-vous venu me voir ? Je ne vous connais pas, pourtant… si ?

- Non, en effet. Relax, Doc, je ne suis pas l'un de vos clients, ou un parent venu se plaindre. Je suis venu pour autre chose.

- Vraiment ? Vous m'intriguez… et vous m'intéressez !

- Je vais vous dire un mot, un seul. S'il ne vous dit rien, je m'en vais, et je vous fiche la paix. Si ça vous énerve, je ne vous dérange pas plus longtemps. Ça roule ?

- Dites ce mot.

Canderous se pencha en avant.

- DarkStryder.

Peu à peu, l'expression d'Akanseh passa de l'intérêt à l'excitation.

- Vous savez pour DarkStryder ?

- Je viens de la part de Jessa Halbret.

- Cette chère Jessa ! Comment va-t-elle ?

- Bien, mais ne perdons pas de temps avec elle, si vous voulez bien.

- Je veux, oui ! Alors, qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

- Avant toute chose, je tiens à être réglo avec vous. Je vais avoir beaucoup de mal à vous sortir de ce pétrin, il y a même peu de chance que je vous évite le volcan. Je comprendrais que vous ne vouliez pas me parler gratuitement.

- Vous plaisantez ? Enfin je me trouve face à quelqu'un ne me prend pas complètement pour un fou, et il faudrait que je fasse le difficile ! Ne vous en faites pas, Canderous. Même si je n'aurai jamais le temps de tout vous dire, je vais faire le maximum, et pour pas un rond ! Que ce savoir ne s'évanouisse pas avec moi !

- Je vous écoute, Doc.

- Eh bien, par où commencer…

- Pourquoi pas par ce que vous avez vu pendant votre expédition ?

- Bonne idée ! Quand j'étais sur l'Étoile Lointaine, j'avais la charge de médecin en chef et biologiste. Je m'occupais de soigner les blessés, et j'ai également établi les rapports sur toutes les formes de vie que nous avons rencontrées.

- Ah oui ? Par exemple ?

- Pendant notre voyage, nous avons rencontré d'abord les Moines Aing-Tee.

- Jamais entendu parler.

- Pas étonnant, ces êtres vivent dans la Faille de Kathol, et n'en sont jamais sortis.

- Ils peuvent vivre dans la Faille ? Je croyais que personne ne pouvait y vivre depuis la catastrophe qui a frappé ce système il y a quatre mille ans ?

- Vous êtes bien renseigné, Canderous. Mais il se trouve que ces gens-là en sont capables. J'ajouterai même que ces êtres ont formellement interdit l'accès à la Faille à ceux qui ne sont pas de leur race depuis la Campagne DarkStryder.

- D'accord, ils sont prévenants.

- Nous en avons rencontré d'autres. Sur la planète Kathol, c'était un zoo entier.

- Vous êtes allés jusqu'à la planète Kathol ?

- C'était notre terminus. Là, j'ai pu observer plusieurs autres formes de vie. Des guerriers, pour commencer : les Krakraï, de redoutables combattants insectoïdes.

Tiens, le petit n'avait pas parlé d'un cafard géant, avant qu'on aille sur Kal'Shebbol ? Non, je ne vais pas l'interrompre avec ça.

- Mais il n'y avait pas que des insectes sur Kathol. Il y avait aussi des arachnides !

- Du genre ?

- Les Charr-Ontee, des créatures horribles. Vous savez ce que c'est qu'un Sludir ?

- Des êtres qui ont un torse humanoïde, mais des jambes d'animal à quatre pattes ?

- Exactement, encore que les Sludirs ont six pattes, mais bon. Imaginez ça, mais avec une tête d'insecte, quatre bras, dont deux plus petits, et quatre pattes d'araignée en guise de jambes.

- Ouah… Dégueu !

- Le mot est faible, mon ami. Heureusement, nous avons eu des alliés quand nous avons lancé l'assaut final : les Yapis.

- Les Yapis ? Qu'est-ce que c'est ?

- Des individus intelligents, au physique d'anthropoïdes canidés.

- Pardon ?

- Oui, excusez mon langage scientifique ! Des hommes-chiens.

- Ah, d'accord.

- Et le plus étonnant, c'est qu'ils savent utiliser cette énergie mystique, la Force.

- Vraiment ?

- Grâce à eux, nous sommes parvenus jusqu'à DarkStryder.

- DarkStryder, c'était quoi, au juste ? Un lieu ? Une technologie ?

Le médecin éclata de rire.

- Non, mon cher. DarkStryder était leur Gardien !

- « Leur » Gardien ? Vous parlez des Précurseurs ?

- Précisément ! Les Précurseurs étaient en fait en catalepsie consciente. Ils ont passé quatre mille ans prisonniers, et DarkStryder était leur système de sécurité.

Canderous voyait déjà un ordinateur géant, une intelligence artificielle complexe enfermée dans un conglomérat d'acier.

- Un ordinateur ?

- En quelque sorte. Leur technologie était semi-organique. Et leur système de sécurité était à l'image de cette technologie. Concrètement, c'était une monstruosité insectoïde, qui s'est farouchement défendue !

- Quel dommage que personne n'accepte de vous croire !

- Vous me croyez, vous ?

- Ces dernières semaines, j'ai été confronté à des choses pas nettes du tout qui se rapprochaient de ce que vous m'avez raconté.

- Vous êtes en train de me dire que… DarkStryder serait… de retour ?

- Lui, non, mais les Précurseurs… y a des chances.

- Par la Grande Baleine Blanche ! Si c'est le cas, il faut…

- C'est bon, ça suffit, maintenant !

Le soldat de choc venait de rentrer dans le parloir, et frappait déjà le docteur sur l'épaule.

- J'arrive, j'arrive. Ce fut un plaisir, Canderous.

- Je ferai ce que je pourrai pour vous sortir de là, même si les chances sont minces.

- Ne vous en faites pas pour moi. Il faudrait que je vous fasse parvenir mes enregistrements !

Canderous sortit du bâtiment, un peu désorienté.

Et si c'était vrai, toutes ces histoires ? D'accord, il a l'air survolté, mais ces modules, cette méduse géante… ça, c'était bien réel !

Les autres l'attendaient.

- Alors, comment va-t-il ?

- Il a l'air de bien prendre sa future condamnation à mort. Gamin, si ce qu'il dit est vrai, tu avais raison sur le cafard. Il en a vu, lui aussi.

Après s'être isolés dans un coin désert, dans un petit parc, les cinq compères écoutèrent attentivement le mercenaire.

- Si le docteur a des documents à nous confier, nous avons intérêt à sauver sa peau !

- Mais comment, Liam ? T'as bien entendu son avocat : il est foutu !

- À moins que… dis, avec tes tours de Jedi, t'as pas moyen de convaincre le juge et les jurés de le laisser partir ?

- Euh… j'y ai pensé, mais convaincre tout un auditoire, c'est au-dessus de mes forces. D'abord, il faudrait qu'ils me laissent parler, et je crois pas qu'ils le feront, et ensuite, influencer l'esprit d'une dizaine de personnes, je n'ai pas du tout l'entraînement pour ça !

- Je suis navrée, mais il en sera de même pour moi, ajouta Chi'ta.

- Si au moins on était sûrs qu'il ne soit pas condamné à mort ! Si on pouvait lui donner un sursis… Hé ! Une minute ! Je crois que j'ai une idée ! s'exclama Taava.

- Alors, où est son vaisseau ?

- C'est celui-là, l'Aurore d'Arkanian.

Le petit mécanicien avait montré un vaisseau de transport à l'autre bout de la piste. C'était un grand vaisseau de guerre de près d'une centaine de mètres de long. Peint en noir avec un symbole représentant une griffe entourée d'éclairs, son aspect rébarbatif en disait long sur la psychologie de son capitaine.

Les deux padawans étaient restés dans la Comète, pour ne pas avoir à supporter cette négociation qui s'annonçait pénible. Taava, Morgreed, Dankin et Canderous se dirigeaient d'un bon pas vers le vaisseau, dont le capitaine finissait de remplir le formulaire de décollage.

- Madame Thila ?

- Qu'est-ce que vous me voulez, encore ? Ah, je vois que vous avez laissé les moutards à la crèche.

- Mettons cartes sur table. Nous avons besoin de vos services.

- Ah ouais ? J'aimerais bien savoir comment… ?

Son homme de main, le dénommé Matt, descendit de la rampe et rejoignit le groupe.

- Y en a qui cherchent encore les ennuis, Thila ?

- Pas encore, chéri. Ils ont « besoin de mes services ».

- Très drôle !

- N'est-ce pas ? Bon alors, qu'est-ce que vous me voulez ?

Taava toussota.

- Un gars va passer un sale quart d'heure, il s'est fourré dans les ennuis judiciaires.

- Et… ?

- Vous devriez pouvoir nous aider à l'en sortir.

- Ho là, ho! C'est pas mes oignons !

- Même si vous pourriez vous faire de l'argent au passage ?

La Sullustaine plissa des yeux soupçonneux.

- Qu'est-ce que vous attendez de moi, précisément ?

- Aidez-nous à sauver cet homme, et vous gagnerez le pactole.

- Quel est votre plan ? demanda Matt.

- Très simple : avant qu'il ne soit jugé et condamné, vous devriez pouvoir convaincre le juge de ne pas le condamner à mort, mais seulement à l'esclavage. Et alors, vous le rachetez, et on l'embarque après vous avoir remboursé.

- Et qu'est-ce qui vous dit que je pourrais influencer le juge ?

- C'est simple : vous êtes une cliente avec une certaine notoriété dans le coin.

- Pas seulement dans le coin, mademoiselle. Tous les esclaves de la galaxie craignent Thila, la redoutable trafiquante d'esclaves.

- C'est bon, Matt, pas besoin de faire la pub. Mais vous avez vu juste, mademoiselle j'arriverai peut-être à graisser la patte de Goren, à condition d'avoir suffisamment de lubrifiant. De qui s'agit-il ?

- Le docteur Akanseh. C'est un Mon Calamari emprisonné pour exercice illégal de la médecine.

- Ah oui, le toubib dingue, j'en ai entendu parler. Son cas est désespéré, mais avec la bonne somme d'argent, tout peut encore s'arranger.

- Alors, à combien estimez-vous les… frais administratifs ?

La Sullustaine réfléchit quelques instants.

- Quinze mille.

- Quinze mille ? Pour un poisson qu'on est même pas sûr qu'il est frais ou pas ? Vous vous foutez de nos gueules ? s'emporta Morgreed.

- C'est le tarif minimum. D'abord, il s'agit d'un juge. Ensuite, il faudra que je paie la caution du Mon Calamari, et j'aimerais bien toucher ma part dans l'affaire. Je prends quand même des risques. Corruption de fonctionnaire, même sur un monde à moitié anarchique, ça peut me créer des problèmes.

- C'est vraiment de l'escroquerie !

- Bon, j'ai assez perdu de temps comme ça. Matt, viens, on se casse.

- D'accord.

Morgreed se mit devant la Sullustaine.

- Allons, soyez raisonnable, ma chère. Je suppose que vous n'aimeriez pas voir votre carcasse finir dans le volcan ?

Matt avait déjà braqué son fusil modifié sur la tempe du Barabel. Taava leva les bras.

- Non, calmez-vous, calmez-vous, calmez-vous, calmez-vous, calmez-vous, calmez-vous, calmez-vous ! Morgreed, tout doux ! Écoutez, c'est d'accord !

Le garde du corps baissa son arme.

- Je veux qu'on sauve Akanseh, et j'ai cet argent. Je peux l'avoir. Je peux déjà vous donner une avance, et discuter plus précisément des termes de notre contrat.

Thila eut un petit sourire.

- Dans une heure au Coucher de Soleils. Seule, avec une avance de six mille crédits.

- Je les aurai, et je vous y retrouverai.

Une heure plus tard, la jeune Togruta attendait dans une alcôve isolée de la brasserie, devant son lum. Elle eut un sourire satisfait en voyant Thila s'asseoir face à elle. Accoudé au comptoir, Matt faisait mine de siroter rêveusement la boisson qu'il venait de commander.

- Qu'est-ce que vous prendrez ?

- Rien, je vous remercie. Pour les affaires, je préfère garder les idées claires.

- Bien. Parlons peu, parlons net : j'ai le lubrifiant.

Taava posa sur le comptoir une liasse de billets, des puces à crédits, et une dizaine de pièces de toutes tailles.

- J'ai convaincu mes collègues d'avancer la somme, d'où la variété monétaire.

- Pas grave, tant qu'il s'agit d'argent authentique et pas tracé.

- Le compte y est, vous pouvez vérifier.

La Sullustaine fit un petit signe à Matt, qui se leva, et commença à compter l'argent. Pendant qu'il triait, Thila se pencha vers Taava, et demanda à mi-voix :

- Vous n'auriez pas quelque chose à voir avec… genre, un astre de couleur sombre ?

Taava fronça les sourcils.

De quoi me parle-t-elle ? Un surnom ? Un code ?

- Non, pas que je sache.

- Bon, je voulais être sûre. Vous n'avez pas un employeur précis ?

- Non, je suis comme vous, je bosse pour moi, même si ça implique une collaboration avec quelqu'un d'autre de temps en temps. Et comme vous, je préfère qu'on s'en tienne à l'essentiel.

Thila eut un sourire ironique. L'Humain hocha la tête.

- Le compte y est, Thila. Elle est réglo.

- Bien. Je ne vous demande pas pourquoi vous voulez soustraire Akanseh à la justice de ce monde, et risquer de m'entraîner avec vous si votre idée foire…

- Non, pas la peine, en effet.

- Je verrai le juge cet après-midi – ne vous en faites pas, il m'accordera un rendez-vous, il a l'habitude. Vous aviez raison, vous n'êtes pas la première à me demander ce genre de petit service.

- Mais nous sommes des professionnelles du Milieu, toutes les deux. Et j'ai donc le droit, même le devoir de vous demander une garantie.

Thila ricana doucement, et fouilla dans sa sacoche en prononçant un mot dans sa langue natale.

- Pas très poli, ça… répondit Taava dans la même langue avec le même ricanement.

L'esclavagiste rit franchement en posant sur la table de zinc un bijou. Une énorme broche en or en forme de fleur, au milieu de laquelle était enchâssée une non moins énorme pierre précieuse rouge sang.

- Je tiens à cette babiole, je dois être trop sentimentale.

- Je vous promets que j'en prendrai soin jusqu'à ce qu'on termine la transaction.

- Préparez les neuf mille crédits, ainsi qu'une couchette supplémentaire dans votre bolide. Demain, vous aurez votre bonhomme. Je vous enverrai les détails sur votre bloc de données, après avoir eu une petite discussion avec Goren.

Quinze minutes plus tard, elle était rentrée dans la Comète. Les autres l'avaient attendu avec impatience.

- Elle a accepté le fric, et va voir le juge dans la journée. Le procès aura lieu demain, mais il devrait se régler en un dénouement inattendu.

- Eh bien voilà ! Avec un petit peu de bonne humeur, tout s'arrange ! répliqua joyeusement Canderous.

- Elle m'a parlé d'un truc bizarre, cependant.

- Quoi donc ?

- Elle m'a demandé si je n'avais pas connaissance d'un « astre de couleur sombre ». De quoi voulait-elle parler, à votre avis ?

Quelques secondes de réflexion passèrent. Morgreed claqua des doigts.

- C'est peut-être quelque chose comme… le Soleil Noir.

À ces mots, la fourrure de Dankin se hérissa, il gronda en retroussant ses babines. Le mercenaire, surpris par la réaction du Togorien, demanda :

- Tu crois ?

- Un astre de couleur sombre. Un soleil, et la couleur noire.

- Qu'est-ce que le Soleil Noir ? interrogea Chi'ta.

Le mercenaire se tourna vers l'adolescent.

- Fillette, si tu veux faire de vieux os, ne t'approche jamais du Soleil Noir, même par la pensée. Ces gens sont ce qui se fait de pire en matière de criminalité.

- Oui, en effet ça tient debout. Thila a voulu savoir si j'étais dans leur bateau, elle n'a peut-être pas envie de traiter avec le Soleil Noir. C'est la plus grande association de malfaiteurs de l'univers, précisa Taava. Si tu commences à fricoter avec ces gens, tu as neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chances sur mille d'y laisser ta peau un jour ou l'autre. La millième chance, c'est d'en devenir l'un des vigos.

- Un « vigo » ?

- Un des grands dirigeants de ce syndicat criminel.

- Bon, parlons maintenant du plan. Demain matin, le procès d'Akanseh commence à onze heures. Si tout se passe comme on l'espère, à l'issue du procès, il sera évacué sous la surveillance de Thila, qui aura accompli la transaction. C'est à ce moment-là que nous pourrons le récupérer. Il sera transféré du Palais de Justice à l'Aurore d'Arkanian en véhicule blindé.

- T'as trouvé les neuf mille qui manquent ?

- J'ai pu contacter le Conseil des Jedi. Le trésorier n'était pas fou de joie, mais a dit qu'il s'arrangerait avec la Maison Cadriaan pour qu'ils se partagent cette somme.

- On n'aura qu'à l'attendre ici, alors ?

- Au cas où quelque chose ne marcherait pas comme prévu, il vaudrait mieux qu'au moins deux ou trois d'entre nous restent à proximité du tribunal.

- Moi, je veux bien, déclara Canderous. Il connaît mon visage, il acceptera de me suivre. Seulement, je l'attendrai à l'extérieur du bâtiment, il vaudrait mieux qu'il ne me voie pas dans le tribunal, il pourrait se trahir. Dankin viendra avec moi.

- Quant à moi, j'assisterai au procès, sourit Morgreed.

- Oui, et les deux padawans… j'aime autant que vous restiez là, avec moi. J'aurai rempli les formulaires de décollage, et je ferai chauffer les moteurs.

Liam eut l'air un peu inquiet.

- Mais… tu crois que quelque chose pourrait foirer ?

- N'oublie pas qu'on a affaire à une pirate notoire. Si ça se trouve, elle est en train de conclure un marché avec le juge, mais pour nous vendre. Il vaut mieux s'attendre à tout. Je n'ai pas confiance en elle, même avec sa garantie.

- Garantie ? De quoi tu parles, Taava ?

La jeune Togruta sortit la broche de son ceinturon.

- Cette camelote.

Immédiatement, les deux padawans furent subjugués par le bijou. Tous deux avaient ressenti la même chose.

- Hé, les enfants ?

- Cette pierre… murmura Liam.

- Elle est en résonance… acquiesça Chi'ta.

Morgreed siffla d'admiration.

- La pierre émet de la Force ?

- Oui.

- C'est sûrement la même matière que les cristaux DarkStryder ! Un Korendum ! s'écria Chi'ta.

- Nous devrons négocier cette pierre avec Thila, alors, supposa Taava.

- Pour le coup, je ne pense pas que le Conseil des Jedi fasse des difficultés pour sortir le portefeuille, répondit Liam.

Après une courte nuit, les trois hommes forts de la petite bande s'étaient rassemblés devant le bâtiment juridique. Morgreed s'étala de toute sa largeur sur l'un des bancs de la salle, pendant que Dankin et Canderous restèrent dehors, sur la grande place.

Le juge Goren s'installa, l'avocat Derice prit place près de son client. L'avocat de la partie civile se racla la gorge, et partit dans une longue tirade où, indigné, il faisait état de l'inconscience du docteur, de l'atteinte portée aux patients, de la douleur infligée aux familles des victimes… Derice tentait bien de convaincre l'assistance en parlant des états de service exemplaires d'Akanseh, de son dévouement envers ses patients et la fonction de médecin. Rien n'y faisait, l'un des jurés rendit la décision : coupable. Mais le docteur Akanseh était aux anges. Comme s'il allait être libéré. Le juge Goren prononça la sentence, il fut convenu que le docteur Akanseh serait définitivement radié de l'Ordre des Médecins, et qu'il serait vendu comme esclave le jour même.

Une fois la séance levée, l'assistance se retira. Deux soldats de choc poussèrent Akanseh, toujours souriant, vers la sortie. Morgreed suivit discrètement le trio. Une fois dehors, les hommes en blanc firent monter le Mon Calamari dans un véhicule blindé. Morgreed, frustré de ne rien pouvoir faire, chercha les deux autres du regard, et les trouva bien vite, près d'une cabine téléphonique.

- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? Ils l'ont embarqué !

- Ben, on le suit jusqu'au marché aux esclaves.

Un grand bruit les fit sursauter : un énorme speeder de transport de marchandises venait de percuter le véhicule blindé, l'envoyant valser quelques mètres plus loin. Il y eut des cris effrayés, et les piétons fuyaient. C'est alors qu'une énorme explosion illumina le ciel sombre de Norphair, partant de l'un des obélisques. Les gens déjà affolés redoublèrent d'inquiétude.

- Regardez la parabole !

- Elle est détruite ! Le champ de force va s'atténuer !

- Nous allons tous rôtir !

- Rentrez vite chez vous, aux abris !

Ce fut une panique comme le Barabel n'en avait jamais vu. Les citoyens devinrent hystériques. Au-dessus des rues, deux esquifs antigrav filaient à toute allure. À bord, ceux qui ne conduisaient pas mitraillaient de leurs fusils blaster en direction des soldats de choc qui étaient descendus du véhicule, et des autres arrivés en renfort.

- C'était pas prévu, ça ! s'exclama Morgreed.

- On s'en fout ! Sortons-le de là !

Aussitôt dit, aussitôt fait, les trois compères se précipitèrent vers le véhicule qui gisait sur le flanc. Les deux gardes de l'Empire finissaient d'agoniser, criblés de tirs. Le mercenaire ouvrit en grand les deux portières. Presque aussitôt, le docteur Akanseh s'en extirpa.

- Ah, Canderous, enfin ! Je savais que je pouvais compter sur vous !

- Content de vous revoir, Doc ! répondit Canderous en riant de bon cœur.

- Eh bien, on peut dire que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère !

- Comment ça ?

- Ben oui ! J'avais reçu votre signal avant qu'on me transfère. Je ne pensais pas que vous auriez fait appel au R.A.J. !

- On n'a jamais fait appel à eux !

- Ah ? Bon, qu'importe. Allons-y !

Et les quatre fuyards se frayèrent un chemin dans la foule affolée, alors que l'atmosphère se réchauffait déjà. Les soldats de choc se défendaient contre les tireurs du R.A.J. qui étaient déchaînés.

Les pistes d'atterrissage de l'astroport étaient en vue. Canderous rit d'excitation et se tourna vers le Mon Calamari.

- Ouais ! On est les meilleurs ! Vous êtes sauvé, docteur Ak…

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Un rai de lumière dorée surgi d'un point en hauteur traversa le médecin aliéné de part en part. Il s'arrêta net, et s'écroula sur l'asphalte. Le mercenaire jura en reconnaissant le tir d'un disrupteur Tenloss, le même modèle que celui qui avait abattu Jackee Quayle.

Déjà, les yeux globuleux du médecin se voilaient. Il était très méchamment blessé, tout le côté droit de sa cage thoracique avait été dispersé sur la place. Le mercenaire grimaça.

- Il va falloir un toubib.

- Vous… vous êtes drôle, Canderous… Je suis… je suis docteur… !

Le communicateur de Morgreed sonna alors. Une fois, deux fois, trois fois, jusqu'à ce que le Barabel l'allumât avec hésitation.

- Morgreed, j'écoute ?

- Salut, Morgreed ! railla une voix geignarde que le garde du corps ne connaissait que trop bien.

Comment ce sac à merde a-t-il pu me retrouver ?

- Je te l'avais dit, et je le répète : tu peux courir, mais tu ne m'échapperas jamais. Où que tu ailles, où que tu te caches, je te retrouverai, et je te brûlerai… comme ça !

Un deuxième tir de disrupteur frôla la tête du Barabel qui jeta son communicateur.

- Faut qu'on y aille !

Dankin avait déjà mis le docteur sur son dos. Le petit groupe se précipita dans la Comète. Taava fonça au poste de pilotage et entama la procédure de décollage. Dans la petite cabine de séjour, Dankin posa le docteur sur le sol. Chi'ta regarda la blessure, mais fut désemparée. Morgreed l'encourageait, pourtant :

- Tu as réussi à me ressouder les côtes, l'autre fois. Tu ne peux rien pour lui ?

- La blessure est très grave. Je ne sais pas si un Maître Jedi pourrait faire quelque chose, alors moi...

Réalisant ce qu'elle venait de dire, la petite Drall sentit ses yeux s'emplir de larmes.

- Que le Grand Fouisseur me pardonne ! Je suis malheureusement impuissante !

- Ah… ce n'est… pas grave… jeune fille… Je ne suis… qu'un pauvre fou… condamné… de toute façon…

- Vous craigniez qu'on vous recolle au trou ? demanda Canderous.

- Je ne craignais pas la justice… mais DarkStryder… DarkStryder… et les autres…

- Les « autres » ? Quels autres ?

- Pas… le temps… attendez, j'ai… j'ai quelque chose…

Rassemblant ses dernières forces, le docteur retroussa la jambe gauche de son pantalon, révélant une prothèse métallique. Puis il tourna un petit bouton dissimulé dans la rotule artificielle. Un petit compartiment s'ouvrit dans son mollet d'acier. Akanseh en sortit une cartouche mémorielle, qu'il tendit à Canderous de ses doigts palmés tremblants.

- Faites-en… bon… usage.

La tête couleur saumon du docteur Akanseh retomba sur le tapis. Il expira.

- Un témoin est mort, murmura gravement Liam alors que Chi'ta pleurait en silence.

- Bah, on en trouvera un autre ! répondit le Barabel en haussant des épaules.

Un choc sourd ébranla alors la Comète, tandis que l'alarme se mit à hurler.

- Qu'est-ce qui se passe, encore ? rugit Canderous.

- Attention, attention, résonna la voix de Taava dans les haut-parleurs. Nous sommes attaqués ! Je répète, nous sommes attaqués !

Canderous se précipita dans le cockpit.

- C'est quoi, ce délire ?

- On a des problèmes !

Un vaisseau passa devant le hublot. C'était un appareil assez inhabituel, un peu moins grand que la Comète, mais sans doute bien plus maniable, et mieux équipé. Il venait de larguer une salve de torpilles laser. Canderous demanda à Taava :

- Bon, où sont les canons ?

- Ben… c'est-à-dire qu'à part la petite tourelle d'autodéfense, il n'y a pas grand-chose… répondit Liam.

- Attends, tu veux rire ?

- Non !

- Il n'y a pas d'autre arme que celle que tu utilises, gamin ?

Une deuxième détonation secoua encore la carlingue. Le mercenaire s'énerva.

- Alors qu'est-ce que tu attends ? Descends ces salauds !

- J'essaie !

Si Liam avait appris à piloter, il n'avait pas encore la maîtrise des canons de vaisseau. C'est pourquoi il avait du mal à verrouiller au moins l'un des quatre appareils qui tournoyaient comme des moustiques furieux. Quand, enfin, il en tint un dans le collimateur, il ouvrit le feu, mais ne fit qu'iriser légèrement les boucliers électromagnétiques du vaisseau.

- On ne peut rien contre eux !

- Tu veux dire que tu ne peux rien contre eux, oui !

D'une violente poussée, Canderous arracha le padawan de sa place, et se cala dans le siège. Il comprit rapidement que l'adolescent n'était pas maladroit, mais que la Comète réagissait lentement aux commandes. Il jura davantage quand il entendit le bruit sourd d'une troisième explosion à l'arrière du cargo. Plusieurs systèmes tombèrent en panne simultanément. Taava grinçait des dents en tentant tant bien que mal de stabiliser l'appareil. Liam se précipita vers la salle de séjour, tombant sur Chi'ta, en train de murmurer un mantra dans sa langue natale près du corps inerte du docteur.

- Chi'ta ?

- Quoi ? Oh !

La petite Drall avait sursauté. Complètement absorbée dans ses prières, elle ne s'était rendue compte de rien.

- Mais que se passe-t-il ?

Il y eut alors deux détonations consécutives. Or, cette fois, le vaisseau ne broncha pas.

- Tiens ?

Nouveau bruit, nouvelle absence de choc. Puis il n'y eut plus qu'un silence angoissant.

- Si nous étions attaqués, je crois que nos assaillants sont partis.

- Oui, mais sûrement pas grâce à notre armement ! À mon avis, quelqu'un nous a aidé ! Je vais voir.

L'adolescent retourna au cockpit, précédé par le Barabel.

- C'était quoi, ces vaisseaux ? demanda Morgreed, encore sous le choc.

- J'en sais rien. Je ne connais pas ces modèles, répondit Canderous.

- C'était des chasseurs Viper. De vraies saletés ! Grands, solides, rapides, maniables, avec une lourde puissance de feu… tout pour déplaire ! pesta Taava.

- Ils ont foutu en l'air pas mal de trucs ! cria Morgreed de la salle des machines.

- Mais aussi, quel vaisseau pourri, alors ! Bon sang, Ari ne se rend pas compte que ce fer à repasser est une vraie plaie ! Je m'excuse, Liam, je ne pensais pas que c'était aussi galère de canonner avec !

- Laisse tomber, ça va. J'imagine qu'elle ne s'en sert jamais, et que son mari ne l'utilisait que pour voyager, pas pour jouer aux pirates de l'espace.

- Et on n'est pas au bout de nos peines ! se plaignit Taava, alors que le voyant du communicateur clignotait. Comète, j'écoute…

- Ici Matt Talon, copilote de l'Aurore d'Arkanian. Équipage de la Comète, nous allons aborder votre vaisseau et connecter le sas. Vous savez comme nous que vous ne pouvez pas nous échapper, alors ne jouez pas aux héros. On va négocier les termes de votre sauvetage.

La voix froide de l'assistant de Thila ne tolérait aucune contradiction, et tous savaient effectivement que la Comète n'était plus en état de résister à un nouvel assaut. À contrecoeur, Taava répondit :

- Bien reçu, coupe les moteurs. J'attends que vous connectiez le sas.

- Parfait, vous êtes raisonnable. On arrive.

Quelques minutes plus tard, les six camarades étaient dans le sas de l'Aurore d'Arkanian. Ils furent reçus par le chasseur de primes, Matt Talon. Canderous prit les devants.

- Merci pour le coup de main.

- De rien. Sans nous, vous seriez éparpillés aux quatre coins du cosmos.

- Et si on négociait notre liberté d'homme à homme, Matt ?

- Tu veux dire, on laisse tomber la quincaillerie, on se cogne dessus, et le gagnant a le droit de se barrer en plantant le perdant ?

- T'as tout compris, mec.

- Ce ne sera pas nécessaire, maintenant que nous sommes sortis des champs de communication de l'Empire.

- Comment ça ?

- Tu vas comprendre. Vous allez tous comprendre.

Derrière Matt, la porte du sas s'ouvrit sur un spectacle inattendu. Stupéfaits, les six compères virent les douze esclaves que Thila avait achetées quelques heures plus tôt attablées devant des plateaux-repas corrects. Elles avaient reçu des habits plus décents que leurs petites tenues d'esclaves, et semblaient tout à fait rassurées. Elles parlaient gaiement avec d'autres femmes d'autres races.

- Alors, vous trouvez toujours ma petite entreprise aussi monstrueuse ?

C'était Thila, qui s'était avancée vers le petit groupe, le visage fendu par un grand sourire. Chi'ta hocha la tête.

- Je comprends maintenant quel est le véritable objectif de l'Aurore d'Arkanian.

- Depuis une trentaine d'années, la redoutable Thila et son assistant Matt Talon, dit « le Boucher », sillonnent l'univers pour faire les meilleures affaires. Nous essayons d'acheter un maximum d'esclaves, puis nous prétendons les revendre.

- Nous faisons tout ce que nous pouvons pour que tous nous redoutent les esclavagistes n'ont aucun mal à nous faire des tarifs avantageux, comme vous avez pu le voir avec Roh'Ckoo. Ensuite, nous ramenons discrètement les esclaves sur leur planète, chez des amis, de la famille. Bien entendu, pour que notre action continue, les victimes jurent de ne rien révéler de la vraie nature de notre activité.

- J'imagine qu'elles ne sont que trop contentes de vous aider par leur silence. Tant que la vérité n'est pas connue des esclavagistes, vous pouvez continuer.

- Vous avez tout compris, jeune fille de l'Ordre Jedi.

- Mais qui finance votre entreprise ? L'entretien de ce vaisseau, le rachat d'esclaves… ça doit coûter très cher ! s'étonna Taava.

- Ouaip, miss, répondit Matt. Mais même si ça choque les enfants qui vous accompagnent, la triste vérité est que la plupart des citoyens, ces gens si lisses qui prétendent être respectables, sont alléchés par le spectacle de la violence, du meurtre et du sang. Ils sont plus à craindre encore que nous, car ils ont bonne conscience, ne trempant pas directement les mains dans le carnage.

- Nous vendons à prix d'or des enregistrements holographiques où les esclaves que nous achetons sont torturées et mises à mort. Bien sûr, ce sont des mises en scène, et nous faisons d'une pierre deux coups : les esclavagistes, persuadés que nous liquidons les esclaves, ne les cherchent plus et leurs victimes peuvent reprendre leur vie, et par la même occasion notre réputation de massacreurs est maintenue.

- Les Républicains sont au courant ?

- Au début, nos activités étaient trop modestes pour attirer leur attention, d'autant plus que l'Alliance rebelle luttait alors contre l'Empire. Puis, après la Bataille d'Endor, nous sommes allés trouver la Présidente Mon Mothma, et nous leur avons parlé de notre projet, ne serait-ce que pour éviter qu'ils tentent de nous arrêter. Officiellement, bien sûr, la République n'a rien reconnu, mais officieusement, elle nous a déjà couvert une fois ou deux.

- Et pour que nous puissions continuer, nous vous demandons de ne rien dire à personne de ce que vous avez pu voir ou entendre à bord de l'Aurore d'Arkanian.

- Et si on monnayait ce silence ? rétorqua Canderous avec un sourire narquois.

- Tu seras la vedette de notre prochain film. Sans trucage.

- Chiche ?

- Allez, laisse tomber, andouille. Excusez-le, Thila. Je vous promets qu'on ne dira pas un mot.

- J'en suis sûre, mademoiselle. Le problème est que ces salauds ont bien démoli votre appareil. J'ai bien quelques pièces de rechange pour vous dépanner, mais il va falloir que vous le mettiez au garage.

- Quelle est votre prochaine destination ? demanda Matt.

- On y réfléchissait avant que ces vaisseaux nous attaquent.

- Est-ce que… est-ce que vous pourriez… ?

- Oui, jeune Drall ?

- Nous avons un Mon Calamari décédé à bord de l'appareil.

- Vous parlez d'Akanseh ? Mince ! C'est à cause du R.A.J. ?

- C'est vous qui avez fait appel à eux ? demanda Morgreed.

- Non, ils ont pris l'initiative.

- En fait, il a été abattu par un tireur embusqué. Sans doute un patient rancunier, précisa le Barabel un peu rapidement.

- Dommage, il n'avait pas l'air méchant.

- Nous… enfin, je voudrais qu'on lui accorde une sépulture décente, sur le monde qui l'a vu naître, et qu'il a dû tant aimer, malgré son exil involontaire.

- Si ça se trouve, il détestait Mon Calamari, mais bon, dans le doute, ce serait le plus logique. D'accord, on vous y amène, vous pourrez y faire réparer votre vaisseau.

- Je… j'ai encore quelque chose… à vous demander… Dame Thila.

Chi'ta était très timide face à Thila. Celle-ci voulut se faire rassurante.

- Parlez sans crainte, mon enfant.

- La broche… elle pourrait intéresser nos maîtres.

- Mais nous comprendrions que vous teniez à ce souvenir ! ajouta Liam. Nous pourrons demander de l'argent au Conseil !

- Liam, attention à ce que tu dis ! reprocha Taava.

- Bah ! Gardez-la ! Si le Conseil des Jedi peut en faire quelque chose, autant qu'elle serve au lieu d'encombrer ma poche ! Et, tenez, pendant que j'y suis…

La Sullustaine fouilla dans son gilet, et rendit à Taava les six mille crédits.

La Comète dormait paisiblement attachée sous l'Aurore d'Arkanian qui filait à travers l'hyperespace. Pendant le voyage qui menait à Mon Calamari, les six compères s'étaient rassemblés dans une petite cabine isolée.

- Bien, nous sommes entre nous. C'est le moment d'en profiter.

- Vous parlez de l'héritage d'Akanseh, Taava ?

- Absolument, petit bouchon. Il est temps d'en apprendre un peu plus sur ce qui fait trembler les membres de l'équipage de l'Étoile Lointaine.

- J'espère que ce n'est pas une mauvaise farce… maugréa le Barabel.

- Voyons voir un peu ces données.

Ils insérèrent la cartouche mémorielle dans le bloc de données de Taava. Quelques cliquetis plus tard, l'unité centrale chargea les données. Il s'agissait d'un dossier complet présentant différentes formes de vie très inhabituelles, avec des photos et des vidéos. Les premières images présentaient des créatures extraterrestres peu répandues : des Sludirs, des Yvarema à l'intelligence collective, de petits oiseaux, des amibes géantes…

La première forme de vie qui attira leur attention fut celle désignée sous le nom de « Aing-Tee, moines ». Les Aing-Tee étaient de grands lézards tenant sur leurs pattes arrière. Leur corps était constitué de bourrelets couverts d'une solide peau écailleuse. Ils portaient tous de nombreux tatouages, avaient tous le même regard d'yeux entièrement jaunes, brillant d'une lueur inquiétante. Alors que leurs photos défilaient, la voix du docteur Akanseh disait :

« Les Aing-Tee sont, à ma connaissance, les seuls êtres capables de voyager avec assurance dans la Faille de Kathol. Ils utilisent des techniques de combat particulièrement redoutables au corps à corps. Il ne faut pas se fier à leur aspect qui semblerait « rondouillard », ils sont bien plus agiles et rapides qu'ils n'en ont l'air. J'ai remarqué qu'ils parlent en chantant. »

Les documents défilèrent à nouveau. Une photographie fit sursauter les padawans.

- Ouap !

- Oh, misère !

- Qu'est-ce qu'il y a, les enfants ?

- C'est lui ! C'est ce machin qui a attaqué Ari l'autre soir !

Les six enquêteurs pouvaient voir un être sans doute évolué à partir d'insectes. Bipède, carapace noire et luisante, longues pinces au bout de quatre bras effilés. La créature avait une tête allongée, des mandibules menaçantes, et une dizaine d'yeux jaunâtres. Un enregistrement audio diffusa le commentaire :

« Commentaire du docteur Akanseh : le Krakraï est manifestement le guerrier éclaireur des forces de DarkStryder. Rapide, silencieux et mortel, ce chasseur furtif se camoufle facilement grâce à sa carapace photo-absorbante. »

Une nouvelle image défila, pendant que le documentaire du docteur continuait :

« Qu'est-ce que c'est que ça ? Des espèces que je n'ai jamais pu répertorier. Voyez vous-même : cet étrange non-humain, avec des membres inférieurs et un thorax d'araignée, mais un torse, des bras et une tête humanoïdes. Nouvelle entrée : j'ai eu quelques informations supplémentaires. Ces êtres constituent le fer de lance des armées des forces de Kathol. Nous avons appris sur Yvara que ces hommes-araignées sont appelés « Charons » ou « Charr-Ontee ».

Nouveau fichier-image, nouveau commentaire :

« Yapi : forme de vie humanoïde, intelligente, vivant en tribus. Niveau technologique primitif, société et lois primaires. Ces êtres ont vraisemblablement des ancêtres canins ce sont des hommes-chiens. Une précision importante : certains d'entre eux utilisent ce qu'ils appellent la « Magie Ta-Ree ». Il s'agit probablement d'une variation de cette « Force », l'énergie que le colonel Jessa Dajus a déjà utilisée à quelques reprises, notamment pour restaurer le système neurologique du capitaine Ciro ».

Plusieurs vidéos montraient des hommes-chiens, vêtus de peaux de bêtes, dansant autour de feux, fabriquant des lances et des arcs, et priant en regardant vers les cieux.

« Ils nous ont accueilli avec respect et chaleur. Le capitaine a réussi à communiquer avec les autorités de la tribu, puis ils nous ont aidé à lutter contre les Impériaux qui avaient envahi leur monde et massacré leurs congénères. Grâce à eux, nous avons réussi à atteindre DarkStryder ».

Une nouvelle vidéo se lança, montrant une scène violente où plusieurs personnes se battaient furieusement. Comme sur la vidéo de Kal'Shebbol, ils reconnurent Jessa Halbret, Raynor et la voix et la main du docteur Akanseh étaient perceptibles sur l'enregistrement. Il y eut un arrêt sur image alors que la caméra était centrée sur une sorte de monstruosité insectoïde, au long corps de mille-pattes caparaçonné de chitine couleur de bronze, soutenu par quelques pattes plus grandes et plus épaisses, au sommet duquel était plantée une tête répugnante. Cet être avait un visage très vaguement humain, avec deux yeux brûlants, et une épaisse collerette de corne.

- Alors c'est ça, « DarkStryder », commenta Chi'ta.

- On dirait… reine insecte, grommela Dankin.

- C'est très possible. Si ses servants sont des araignées, des cafards et autres cochonneries, ça tient debout, observa Canderous.

- Regardez dans ses… dans ses mains.

La créature tenait au bout de chaque bras un module comme ceux qu'ils avaient déjà pu observer. Canderous fit la grimace.

- Ouais… Je parie que cette horreur sait s'en servir aussi bien qu'elle respire.

- Et donc, ce serait en quelque sorte l'ordinateur central des Précurseurs ?

- C'est ce que m'a dit le toubib.

- Tu crois que ça communiquait comme les abeilles ou les fourmis ? demanda Taava à la jeune Drall.

- Une sorte d' « esprit de la ruche »… Pourquoi pas ?

Liam sursauta.

- Hé, mais alors ! Le cafard qui a attaqué Ari ! Enfin, le Krakraï ! Il…

- Quoi donc ?

- Ben, si ces bestioles communiquent entre elles par la pensée, ça veut dire qu'elles peuvent vraiment communiquer de très loin, ou bien alors qu'il y en a d'autres toutes proches, peut-être sur Procopia ?

Cette suggestion laissa s'insinuer un lourd silence. Morgreed voulut paraître rassurant.

- Ben, attends une minute ! C'était peut-être un cafard isolé.

- T'as déjà vu une fourmi ou une abeille toute seule, toi ? Là où il y en a une, il y a toute une colonie pas loin.

- Nous devrions peut-être parler discrètement de ce dossier à Stern et au Haut Seigneur Paddox, murmura Liam.

- Une fois qu'on aura l'accord de nos Maîtres, pas avant, répliqua Chi'ta.

- Attendez ! Il y a une dernière entrée au journal, regardez !

« Je crains fort que le pire ne reste à venir. Je viens d'entendre parler d'expérimentations particulièrement sournoises apparemment, les Précurseurs ont fait des mélanges, en intégrant leur ADN à la structure d'autres êtres viv… »

Le texte n'avait pas été terminé, mais l'idée générale était claire. Très claire. Comme le teint du jeune Liam.

Ils étaient passés par Mon Calamari. Après avoir salué Thila et Matt Talon, les six compères avaient dû régler une importante facture pour les réparations de la Comète. Liam pensait déjà à la réaction du trésorier de la Maison Cadriaan avec appréhension, mais Taava le rassura, en expliquant que la Maison avait largement de quoi pallier la dépense à titre de « frais professionnels ». Comme les travaux allaient durer toute la journée, ils avaient profité de ce répit pour se détendre un peu. Les plages de Mon Calamari étaient réputées pour la blancheur et la douceur de leur sable, la mer était claire, et se confondait avec le ciel bleu. Ils avaient passé la journée à jouer sur la plage, à profiter du soleil, à se jeter dans les vagues. Dankin avait préféré rester sur le sable, n'aimant pas particulièrement l'eau. La fin de la journée vint avec un moment solennel, où ils furent invités à assister aux obsèques du Docteur Akanseh, dans un petit temple situé non loin de la plage. Ce fut une cérémonie discrète, intime, où une petite vingtaine de personnes étaient venues rendre hommage au médecin aliéné. Alors que les enfants de chœur chantaient un psaume d'adieu, Chi'ta pria encore à voix basse. Les chants cessèrent, un grand silence plana dans la nef. C'est en entendant Liam fredonner le Chant de Dame Liryl que les larmes lui vinrent aux yeux. Elle se rapprocha de lui, et joignit sa voix à la mélodie.

Après cet émouvant moment, les six compères profitèrent de leur présence en ville pour faire un peu de tourisme. Chi'ta se sentit mieux, et remarqua quelque chose. Elle ne sut dire ce que c'était, mais sentait que ce n'était pas désagréable. Soudain, elle comprit : ça venait de Liam. Plus précisément, ça ne venait plus de Liam. Elle se souvint alors de leur première rencontre : il y avait beaucoup de colère et de chagrin en lui, mais au fur et à mesure qu'ils avaient passé du temps ensemble, elle avait senti ces émotions diminuer peu à peu, jusqu'à leur fuite du Gantelet. Il avait alors nourri des sentiments de peur mêlés de tristesse, mais plus rien n'empoisonnait désormais son esprit. Elle décida de prendre les devants et de mettre l'adolescent devant le fait accompli à la première occasion.

Enfin, quand le soleil se coucha, ils purent déguster les spécialités locales dans un petit restaurant installé au bord de la plage. Après le dîner, ils profitèrent encore un peu de la tiédeur agréable de la soirée. Taava déambulait sur la terrasse de l'hôtel. Elle aperçut Canderous installé dans une chaise longue, qui regardait placidement le ciel étoilé. Il tenait un cocktail qu'il sirotait tranquillement avec une paille. La Togruta demanda ironiquement :

- Le travail n'est pas trop dur, Canderous ?

- Épuisant.

- Tu sais où sont les gosses ?

Le mercenaire tendit un bras paresseux en direction de la plage. Taava y vit les deux padawans assis sur le sable, en train de contempler les vagues et d'échanger quelques mots.

- Oh, ils sont trop mignons ! rit doucement Taava.

- Mouais… si on veut.

Plus loin, affalé contre un palmier, affublé d'un chapeau de paille qu'il portait de travers, Morgreed gardait un œil bienveillant sur eux. Taava se tourna vers Canderous.

- Honnêtement, Canderous, tu crois toujours que Liam cherche à te poignarder dans le dos ? Quand tu le vois comme ça, tu trouves vraiment qu'il ressemble à un conspirateur au service d'un Jedi Noir ?

Le mercenaire ne répondit pas tout de suite. Mais il se redressa sur sa chaise, et contempla l'adolescent plaisanter avec la jeune Drall.

- Je reconnais que pour un gamin de son âge, il a l'estomac bien attaché.

- Quand il disait « avoir peur d'être rejeté », c'était pas des blagues. Je ne crois pas qu'il nous mente délibérément. Sinon, il y aurait eu quand même des petites choses qui n'auraient pas tourné rond, tu ne penses pas ? S'il carburait au Côté Obscur, on le verrait. T'as vu la tête de Thorn ? En le voyant, même sans être Jedi, tu n'as pas senti que c'était un Sith ?

- J'avoue, c'était clairement écrit sur sa figure. J'imagine que ça se verrait aussi sur le petit. Et s'il n'était pas encore assez pourri pour que ça se voie physiquement ?

- Chi'ta le sentirait et nous en parlerait. Et même si, je dis bien « si », il était corrompu sans qu'on s'en rende compte, et menaçait Chi'ta pour qu'elle ne nous dise rien, nous finirions quand même par nous en apercevoir. Tous futurs Jedi qu'ils sont, ils restent avant tout des adolescents, et je ne les crois pas capables de supporter la pression d'un double jeu aussi dangereux.

- C'est pas faux. Mais ils ont bien reçu une formation, non ? Contrôle des émotions, tout ça, ça ne les formate pas ?

- Peut-être que les Jedi de la Guerre des Clones étaient tellement entraînés qu'ils ne ressentaient plus la moindre émotion, ou au moins ils pouvaient les cacher, mais ceux-là n'ont pas l'air aussi coincés. Et puis, j'en ai un peu parlé avec Chi'ta. Avant, les Jedi étaient formés dès l'âge de quatre ou cinq ans, et étaient donc élevés dans l'ascétisme, l'humilité et l'abstinence pendant une bonne dizaine d'années avant d'être adoubés. Eux, non. Chi'ta n'a eu qu'environ six mois de cours. Quant à Liam, il a suivi un entraînement moins conforme.

- Il t'en a parlé, aussi ?

- Un peu. Il faisait des missions en duo avec son prof, seulement des missions qui ne craignaient pas trop. D'ailleurs son mentor ne se considérait pas comme tel. Il ne lui a jamais clairement donné d'ordres, ni exigé l'obéissance absolue. Il se considérait plus comme un tuteur qui voulait partager quelque chose avec lui.

- Ouais, rien de bien lessivant pour le crâne, quoi.

- Mais avec tout ce que tu as dû vivre comme histoires louches, tu n'avais jamais rencontré de Jedi, avant eux ?

- Non. La petite a été la première.

- Tu n'as donc aucune raison de te méfier d'eux ? Pas de mauvaise expérience avec un Sith qui t'aurait fait tourner en bourrique ?

- En dehors de notre petite entrevue avec Thorn, non. J'avoue qu'avant de rencontrer ces gosses, je n'ai jamais été très à l'aise par rapport aux Jedi. Il y a tellement d'histoires bizarroïdes avec eux…

- Et maintenant que tu en fréquentes deux ?

Canderous ne répondit pas. La jeune femme insista :

- Allez, je suis sûre que tu peux accepter ces deux enfants comme ils sont. Pour moi, en tout cas, ils feront honneur à leur école.

- Tu as peut-être raison, je devrais essayer de les comprendre un peu mieux.

- Eh bien tu vois, quand tu veux, t'es moins crétin !

- Trop aimable…

- Allez, je vais me coucher. Bonne nuit.

- Bonne nuit, Taava.

Pendant ce temps, sur la plage, après de longues minutes de silence, Chi'ta se lança :

- Tu vas mieux, n'est-ce pas ?

Liam prit un air surpris. Elle arbora un grand sourire pour le mettre à l'aise.

- Comment ça ?

- Quand nous avons quitté Vilhon, ton esprit était vraiment tumultueux. Or, les choses ont l'air de s'être un peu arrangées.

- C'est vrai. Je sens que les autres ont l'air de… enfin, qu'ils se méfient moins de moi. Je ne sais pas ce qui les a décidé, si c'est parce que j'ai pris la défense d'esclaves, ou parce que je n'ai dénoncé personne alors qu'il y avait des Impériaux, mais j'ai moins l'impression d'être mal vu.

- Je ne dirais pas ça, Liam. Il n'y a pas d'explication aussi lointaine à aller chercher. Si Maître Morgreed et Maître Tal ont cessé de te considérer comme une menace potentielle, c'est peut-être tout simplement parce que tu es toi-même.

- Et… ?

- Quand on ne ment pas sur sa personnalité, cela se ressent. La franchise, la sincérité est perceptible par ceux qui nous entourent. Elle inspire la confiance. Tu nous montres ton vrai visage, on sent que tu ne cherches pas à dissimuler quelque chose, tu es en paix avec toi-même, et c'est ce qui a dissipé ces sombres spéculations.

- C'est vrai. Je ne sens plus rien de malsain venant de Canderous. C'est un grand poids de moins sur mes tripes.

- Je suis contente de l'entendre, Liam.

- Tu sais quoi ? Des jours comme ça, j'en vivrais tout le temps. Surtout avec toi.

- Il y en aura sans doute beaucoup d'autres. La vie est ainsi faite.

- Ouais, les bons moments, les mauvais, etc. C'est pas nouveau, mais c'est vrai.

Derrière eux, le gros Barabel se releva et s'étira en grognant.

- Bon, allez les enfants, allons dormir. Demain, on a de la route à faire.

Une semaine plus tard, Fedrana était en vue. Les balises indiquaient une aire de stationnement terrestre heureusement dans une zone dégagée de tout nuage. Quelques manœuvres de la Togruta à travers les montagnes, et la Comète était arrivée à bon port. Les moteurs du transport spatial exhalaient leurs volutes de fumée blanche sur la piste d'atterrissage du temple de Narasamu, et déjà Taava voyait à travers le cockpit tout un cortège de petits Humains, dont les plus grands ne dépassaient pas Liam en taille, tous affichant un large sourire. Yeux bridés, teint d'ivoire, cheveux noir de jais, ils applaudissaient, chantaient et saluaient avec enthousiasme.

- C'est très gentil de leur part, on n'a pas mérité tant d'attention, observa Chi'ta.

- Je ne sors pas d'ici sans vêtements chauds ! décida fermement Morgreed.

- On en a déjà discuté, Morgreed, rétorqua la jeune Togruta. Et c'est pour ça que Stern a accepté de gérer les frais pour ça !

Ouvrant une armoire à vêtements, Taava sortit toute une panoplie de vêtements de cuir synthétique très épais, renforcés de fourrure, avec bonnets, lunettes fumées et matériel de marche en milieu montagnard. Même Dankin avait passé un manteau. Canderous râla :

- Si ça se trouve, on n'aura pas besoin de tout ce barda ! La tombe du Jedi se trouve peut-être juste dans ce temple.

- Désolé, Canderous, mais d'après les documents du Conseil des Jedi, il a été inhumé dans un endroit isolé en pleine montagne il va falloir marcher.

- Et merde…

Ils descendirent la rampe d'accès sous les hourras et les bravos. La journée touchait à sa fin. Le temps était magnifique, et des milliers d'étoiles étaient déjà apparues, scintillant entre les aurores. Taava demanda :

- Chi'ta, tu veux leur parler, ou tu préfères me laisser m'en occuper ?

- Mmmhhhpff… répondit la petite Drall emmitouflée dans ses fourrures rembourrées.

- D'accord, d'accord.

La femme au teint rouge s'avança d'un pas, et leva la main avec un sourire engageant.

- Bonjour ! Est-ce que vous comprenez le basic ?

- Oui, moi, je le comprends ! répondit une voix enthousiaste avec un fort accent nasillard.

Tous les regards s'arrêtèrent sur un petit Fedranien, au visage ridé comme une vieille pomme, et dont la moustache blanche ondulait jusque sur la poitrine.

- Lah-Köl est mon nom. Il y a bien longtemps, j'ai fait un très long voyage au-delà des cieux, et j'ai pu apprendre à parler la langue universelle.

- Merveilleux. Nous venons en amis, noble Lah-Köl. Je m'appelle Taava, et je parle au nom de mes compagnons.

- Les pèlerins sont toujours les bienvenus sur Fedrana, en particulier lorsqu'ils portent les armes de l'Ordre de Mère Talia.

- Pardon ?

- Mes yeux sont vieux, mais encore vifs, ils peuvent distinguer l'arme de l'Ordre ceinte aux côtés de deux de vos compagnons de voyage.

- Je suis impressionnée, vous êtes perspicace.

- Mais… n'avez-vous pas peur ? osa timidement Chi'ta. Nous sommes très touchés par votre accueil si chaleureux, mais si un jour vous recevez des voyageurs avec des intentions beaucoup moins amicales ?

- Nous avons confiance en vous, jeune fille, car Mère Talia nous a préparé à vous accueillir avec tous les honneurs qui vous sont dus.

- Vous saviez que nous viendrions, alors ? demanda Liam, fasciné.

- Les talents d'anticipation de Mère Talia sont immenses. Elle a interprété la position des astres, lu les différentes lignes de la Destinée… et a reçu un appel d'un certain Maître Skywalker, annonçant votre venue, avec vos portraits holos.

Morgreed éclata de rire en voyant le visage défait de Liam, déçu de voir que le côté mystique du voyage en avait pris un coup.

- Je vais vous conduire auprès de Mère Talia.

Le temple de Narasamu était érigé en pierre blanche, et de nombreuses dorures, pierres précieuses et autres décorations étaient ceintes dans les parois. En franchissant la lourde porte double, Chi'ta ressentit une impression générale de paix, qui n'était pas sans rappeler ce que Dame Liryl avait pu lui inspirer. Des chants religieux retentissaient à travers les portes des cellules fermées. Alors qu'ils traversèrent un petit jardin intérieur, la jeune fille remarqua une statue à l'effigie d'une grande et belle Humaine à l'air grave. Ce qui l'interpella était le fait que la statue était flambant neuve, contrairement à toutes les autres décorations du temple. Lah-Köl les invita à franchir une autre porte grande ouverte.

- Mère Talia vous attend ici. Pour ma part, je dois préparer la veillée.

Les six camarades passèrent le porche. Ils arrivèrent dans une grande pièce circulaire, dont le plafond était constitué d'une grande coupole de verre. Ils virent une femme Humaine sur un grand siège de bois sculpté. Comme elle s'y attendait, Chi'ta reconnut la personne représentée par la statue.

Elle était plutôt grande, pour une femme Humaine. Blonde, aux formes sculpturales et athlétiques, elle portait des vêtements de tissu aux broderies complexes. Ses grands yeux bleus brillaient sur son visage clair. Elle accueillit les nouveaux venus à bras ouverts, et parla d'une voix claire, et puissante :

- Je vous salue, envoyés de Maître Luke Skywalker, et représentants de l'Ordre Jedi. Je suis Mère Talia, Gardienne du Veilleur et prêcheuse de sa parole. Je sais qui vous êtes, et je sais ce que vous êtes venus faire. Vous êtes venus vous recueillir auprès du Veilleur. C'est un plaisir de revoir son jeune apprenti.

- Pour être honnête, Mère Talia, nous voulons… nous vous prions de bien vouloir nous laisser lui emprunter son bien le plus précieux, répondit Liam.

- Son sabre-laser… murmura Mère Talia. Vous pourrez l'emporter, s'il vous y autorise. Vous pourrez l'emmener, si vous parvenez à l'approcher. Le recueillement auprès du Veilleur est le terme d'un long pèlerinage à travers la montagne, le long de la Route du Veilleur, jusqu'à son Tombeau.

- Parfait ! Indiquez-nous les coordonnées, et on ne vous dérange pas plus longtemps, « Maman »… ironisa Canderous.

- Ce n'est pas si simple. Vous devrez vous rendre au Tombeau du Veilleur dans la prière, dans le dévouement, et à pied. Vous n'aurez aucun mal à trouver le chemin, car il est droit et unique. Mais vos cœurs devront être purs, et vos âmes confiantes.

- Et… si c'est pas le cas ? demanda avec appréhension le Barabel.

- Plusieurs pèlerins n'avaient pas le cœur assez pur… on ne les a jamais revus.

- On va peut-être envisager un retour sur Procopia…

- Un peu de courage, Morgreed ! Nous avons la confiance du Conseil !

- Ouais, fiston, je sais.

- Vous pourrez partir demain matin, aux premières heures de l'aube. Si votre cœur est assez pur, vous parviendrez au tombeau en fin de journée. Mais en attendant, soyez nos invités. Nous avons préparé de grandes réjouissances.

Les Fedraniens avaient prié avec humilité les six voyageurs d'assister à une cérémonie donnée en leur honneur. Tous étaient installés dans un grand hall meublé de grands bancs. Sur une scène aménagée, quelques vieux ordinateurs, armoires et chaises figuraient un laboratoire. Mère Talia et Lah-Köl étaient debout derrière un pupitre, sur le côté de la scène. La grande femme blonde parlait en basic, pendant que Lah-Köl traduisait ses paroles.

- Écoutez, vous tous, faites donc silence… Notre histoire va commencer.

Deux Fedraniens vêtus de blouses blanches étaient montés sur la scène. Ils firent mine de s'activer autour des installations.

- Il y a maintenant un an, une terrible menace a plané au-dessus de la planète Fedrana. Les membres de cette puissance autoproclamée « Ordre Nouveau » avaient aménagé un laboratoire dans les cieux. Ils avaient l'idée de confectionner la Mort Ravageuse sur commande.

Un troisième personnage monta sur scène. Tout habillé de noir, il portait un masque finement ouvragé, figurant les traits grimaçants d'un personnage sans doute méchant.

- Leur maître exigeait des résultats. Il voulait obtenir le pouvoir absolu. S'il avait la Mort Ravageuse à portée de main, plus personne ne pourrait l'arrêter. Il s'apprêtait à essayer de répandre le poison de la Mort Ravageuse sur notre monde, pour s'assurer de son efficacité.

Les trois personnages quittèrent la scène. Deux autres prirent place. Une comédienne, portant des semelles à talons très élevés, et un Fedranien inhabituellement grand – Taava avait remarqué qu'il s'agissait du plus grand et fort du village. Tous deux avaient le visage blanchi au maquillage, et portaient une perruque blonde. Liam eut un petit pincement au cœur quand il comprit qu'ils représentaient le couple formé par Talia et Duncan.

- Deux chevaliers venus d'un lointain royaume, avertis par les esprits de Fedrana, sont arrivés pour mettre un terme à cet odieux plan.

Les deux acteurs renversèrent les accessoires. Le personnage masqué revint.

- Le Maître de la Mort Ravageuse ne toléra pas l'audace des deux chevaliers.

Les trois comédiens simulèrent un combat violent. Même s'il savait déjà comment la scène allait se terminer, Liam sursauta et cria comme les autres quand l'homme masqué porta un violent coup dans l'estomac de celui jouant Duncan. Il s'écroula dans les bras de la comédienne, tandis que l'individu en noir quitta la scène.

- Ce fut une grande tristesse pour le peuple de Fedrana. Les plans du Maître de la Mort Ravageuse furent réduits à néant, mais ce fut au prix de la vie d'un chevalier.

Tous les comédiens portèrent cérémonieusement au-dessus de leur tête le « Duncan », toujours mort.

- Et c'est ainsi, c'est ainsi que le Veilleur vint sur Fedrana. Son corps gît dans un tombeau, mais son esprit est parmi nous, et veille toujours sur nous avec l'amour d'un père envers ses enfants.

Applaudissements nourris et acclamations résonnèrent dans. Mère Talia continua :

- Voilà pour le passé de cette légende, que vous connaissez tous. Aujourd'hui, un nouveau chapitre va être écrit, par ces six envoyés du royaume natal du Veilleur.

Morgreed et Canderous éclatèrent alors de rire en voyant se détacher sur scène six comédiens : de gauche à droite, il y avait une fillette portant des fourrures jusqu'aux yeux, un petit gamin avec la perruque blonde qui avait servi à représenter Duncan, une jeune femme maquillée en rouge, avec le tour des yeux blancs, un post-adolescent avec des cordages sur la tête et une barbe faite en peau de chèvre, un grand gaillard en pagne qui s'était peint le corps en vert sombre, et un autre qui portait une cape en peau de tigre des neiges, avec une cagoule taillée dans la peau de la tête de la bête. Dankin eut l'air singulièrement surpris, et les deux padawans rirent de bon cœur.

- Demain, la Légende continuera, car ces voyageurs venus d'ailleurs emprunteront le Chemin Sacré de l'Esprit de Lumière, pour écouter la parole du Veilleur.

De grandes exclamations suivirent la traduction donnée par Lah-Köl. Tous les petits visages d'ivoire, tournés vers les six compères, étaient admiratifs et joyeux. Liam eut une petite impression désagréable : ces gens avaient l'assurance de quelqu'un envoyant un parfait inconnu à une mort certaine pour la bonne cause.

- J'ai peur de les décevoir.

- Allons, Liam, ne sois pas pessimiste ! Avec la Force, tout est réalisable ! encouragea Morgreed.

- Maintenant, nous allons passer aux réjouissances. Si vous voulez bien nous suivre, c'est par ici !

Les six camarades suivirent Lah-Köl et Mère Talia. De grands braseros illuminaient la grande salle à manger. Les Fedraniens, tous assis ou allongés sur des peaux de bête travaillées posées à même le sol, mangeaient, buvaient et riaient. La lueur des flammes dans les plateaux de cuivre donnaient une impression au tableau étrange que Chi'ta contemplait. Elle entra véritablement en transe, et se tournant vers Mère Taava, elle leva la tête vers elle et lui dit avec enthousiasme :

- C'est merveilleux, Mère Talia. Toute cette chaleur, toute cette joie ! Comme les Fedraniens sont heureux de vivre !

- N'est-ce pas ? J'adore voir ainsi s'épanouir mes enfants.

- Comme je vous comprends ! Voyez-vous, je suis très sensible aux émotions. Certains n'ont absolument pas la moindre empathie, mais moi, c'est le contraire ! Quand je suis devant des gens tristes ou agressifs, j'ai le moral qui en pâtit, mais quand je partage autant de chaleur, je… je ne contiens plus mon enthousiasme !

Et c'était vrai. La petite Drall était absolument radieuse, respirait à pleins poumons, comme si la joie des Fedraniens était directement son oxygène. On avait installé les autres invités sans façon sur les peaux, au milieu des Fedraniens. De grands plateaux garnis de nourriture succulente circulaient à travers tout le réfectoire. Bientôt, des musiciens montèrent sur une estrade, et se mirent à jouer de la musique entraînante avec leurs instruments faits en carapaces, en ossements, en cornes et en autres matériaux naturels. La plupart des Fedraniens se levèrent, firent quelques pas vers le centre de la salle, et se mirent à danser.

Morgreed dévorait de joyeux appétit le contenu de toutes les assiettes qui passaient devant lui. Canderous le chambra gentiment.

- T'as pas peur d'éclater, mon gros ?

- Mhh… Dois prendre des forces… pour demain. Si on doit marcher dans cette poudre, je dois m'y préparer physiologiquement. Et puis, t'as vu mon corps ? À ton avis, combien de tonnes de mangeaille je dois engloutir pour le maintenir en forme ? Je prends soin de moi !

- Tu parles ! Hé !

Une petite jeune femme venait de passer autour du cou du mercenaire un collier fait avec des dents de fauve, et dit avec un grand sourire une longue phrase que Canderous ne comprit pas. Devant ses yeux hagards, elle éclata de rire.

- Elle espère que le Grand Chasseur du Ciel aux cheveux de corde tressée reçoive la force des fauves contenue dans leurs dents, traduisit Lah-Köl.

- Vraiment ? C'est si vache que ça, un pèlerinage, sur ce glaçon ?

- Pour un guerrier solide, fort et vaillant comme vous semblez l'être, ce ne sera pas une épreuve insurmontable.

Le mercenaire se tourna vers la petite femme, et eut un sourire qui se voulait éclatant.

- Merci, ma mignonne ! Je tâcherai de te le rendre quand je n'en aurai plus besoin !

Elle rit davantage, et reparla à toute vitesse. Canderous se prit au jeu. Bombant fièrement le torse, il frappa du poing sa poitrine en disant d'une voix gutturale :

- Canderous !

Riant plus fort, la Fedranienne fit le même geste et répondit :

- Caya !

- Enchanté, ma belle. Holà ! Hé hé !

Caya venait de prendre le mercenaire par le bras, le fit lever, et l'entraîna dans la salle, le forçant à danser. Canderous remarqua que la petite Chi'ta était déjà en train de battre la mesure au milieu des Fedraniens.

- Pourquoi me gêner ? Si ça se trouve, demain soir, je serai mort dans un glacier !

Et le mercenaire, emporté par le feu de l'action, se joignit aux danseurs. Caya l'aida à reprendre les mouvements en rythme. L'alcool lui montait un peu à la tête, mais ses folles années de jeunesse l'avaient habitué à faire la fête. Il rit davantage en voyant que Liam s'était lancé, ainsi que Taava. Morgreed ne voulait pas abandonner son repas, quant à Dankin, comme à son habitude, restait dans un coin de la pièce, appuyé contre le mur, à regarder la scène sans mot dire.

Le lendemain matin, ils s'étaient levés tôt pour préparer leur voyage. Pour la sixième fois, Liam vérifia le sac, pour être sûr qu'il n'y manquait rien. En le voyant faire, Taava fit une petite moue.

- T'en fais pas, va. On ne part que pour une journée, normalement.

- Ouais, mais s'il y a un problème qui nous oblige à marcher plus longtemps ?

- On n'arrivera à rien avec des « mais si », Liam.

Chacun se prépara à sa façon à affronter les basses températures. Les deux padawans s'aidèrent mutuellement, attachant les fermetures dorsales, ajustant les courroies. Canderous ressemblait à un moniteur d'école de ski, avec son bandana coloré et ses lunettes fumées. Dankin passa juste un manteau et mit des lunettes étanches.

Morgreed, de son côté, avait passé près d'une demi-heure à mettre tout un attirail de fourrures rembourrées, en terminant par des bandes de tissu épais enroulées autour de ses jambes, de ses bras, de sa tête. Il avait dû trouver des fournitures de grande taille, sans se soucier de l'harmonie des couleurs. Quand il ajusta ses énormes lunettes de protection, il avait du mal à marcher, et se balançait lourdement d'un pied sur l'autre, mais la vue de son propre reflet dans une glace l'amusa.

Quand ils furent prêts, ils sortirent du temple. Il faisait un temps radieux, et pas un nuage n'obscurcissait le ciel. Tous les Fedraniens étaient rassemblés sur les marches, et chantaient joyeusement. Une fois de plus, Liam avait la petite impression qu'il allait au-devant de gros ennuis, et que les Fedraniens ne s'en rendaient pas compte. Canderous rajusta le collier de dents par-dessus son manteau, et resserra les lanières du sac à dos du groupe.

- Bon, quand faut y aller…

Et le pèlerinage commença.

D'après Mère Talia, il n'y aurait pas de difficulté pour trouver le chemin tout ce qu'il y avait à faire était d'aller tout droit. Les deux premières heures se passèrent sans accroc. Habituée aux tunnels chauds de Drall, Chi'ta n'avait jamais vu autant de neige. Les montagnes scintillaient, le vent sifflait, la poudre blanche craquait sous les bottes, et un tel spectacle émut la jeune Drall. Canderous montra quelque chose du doigt : c'était une immense chauve-souris au pelage blanc, qui faisait au moins huit mètres d'envergure. Elle vola silencieusement d'un sommet à l'autre. Les padawans en restèrent bouche bée.

Un peu plus tard, ils furent confrontés à leur premier obstacle : un grand gouffre dont le fond était hérissé de pointes rocheuses. Il y avait cependant un pont naturel formé par une coulée de glace, recouvert de neige, qui avait l'air praticable. Chi'ta s'en rapprocha, et la regarda avec attention.

- Cette passerelle de glace n'a pas l'air très solide.

- Il vaudrait mieux que l'on passe un par un, alors. Qui se lance le premier ?

Liam n'hésita pas longtemps.

- Moi, je veux bien. Il faudra que l'un d'entre nous se dévoue, autant que ce soit l'un des plus légers.

Il s'approcha du pont naturel, posa un pied sur la surface glissante. Un petit craquement retentit. Tout le monde retint son souffle. Il posa son deuxième pied, puis commença à avancer. De petits craquèlements retentissaient sous les pas de l'adolescent, mais il parvint de l'autre côté. Les autres applaudirent.

- Bon, au moins, elle a l'air de tenir.

- J'y vais ! décida fermement Chi'ta.

La jeune Drall ferma les yeux et se laissa guider par la Force. Elle passa le pont à son tour, bras tendus, sans la moindre difficulté. Ce fut à peine si la passerelle bougea sous son léger poids. Taava se lança à son tour, un peu moins sûre d'elle. Arrivée à mi-chemin, elle ralentit. Puis elle respira plus lentement, et franchit les derniers mètres.

Canderous fit la grimace. Il se doutait que les choses ne seraient sans doute pas aussi simples. Quand il s'avança, il sentit d'entrée que la glace bougeait. Serrant les dents, il avança pas à pas. Il perdit l'équilibre, et pencha dangereusement sur la gauche. Tous retinrent leur souffle. Liam avait même tendu les mains en avant, prêt à lancer la Force vers le mercenaire pour l'aider à se rétablir. Canderous leva les bras.

- Non ! Non… J'apprécie ton aide, mais tant que tu ne seras pas sûr de toi à cent pour cent, je ne veux pas que tu te reproches d'avoir raté ton coup.

- Tu es sûr que ça va ? héla Morgreed. Tu veux qu'on te lance une corde ?

- Ne t'en fais pas, j'y arriverai.

Courageusement, le mercenaire continua sa route, et avança jusqu'au bout. Il rejoignit Liam, lui tapota l'épaule, conciliant. L'adolescent était blanc comme un linge.

- Je… je ne voulais pas…

- T'inquiète, je sais. Dankin, tu viens ?

Conscient de la lourdeur de sa masse musculaire, le Togorien décida d'adopter une autre méthode. Il se mit à quatre pattes, répartissant ainsi son poids sur plusieurs points d'appui. Ce fut un peu long, mais efficace.

Restait Morgreed. Celui-ci savait déjà que ça n'allait vraiment pas être facile.

- Je ne marche pas à quatre pattes, moi !

- Tu préfères qu'on te laisse là ?

Le Barabel maugréa en voyant l'air catégorique du mercenaire, et s'engagea. Dès le deuxième pas, la glace craqua brutalement, et un pan tomba.

- Mince…

De plus en plus contrarié, Morgreed avançait, chaque fois qu'il posait les orteils sur la surface polie, des bruits crépitants de sinistre augure éclataient dans les six paires d'oreilles. Il n'était plus très loin des autres qui l'encourageaient, quand le bruit redoubla de violence, et toute la passerelle bougea.

- Et puis merde !

Oubliant toute prudence, Morgreed fonça, et ferma son esprit pour faire abstraction de l'horrible crissement qui résonna dans tout le canyon. Alors qu'il sentait le sol s'échapper sous ses pieds, il bondit aussi loin qu'il put, et s'écrasa le nez dans la neige. La passerelle s'effondra dans le gouffre. Il se releva maladroitement, gêné par ses fourrures.

- Ca va être coton, pour le retour, maintenant ! constata Canderous.

- On verra bien, on trouvera peut-être un autre chemin.

Et le petit groupe reprit son chemin à travers les montagnes. Une heure plus tard, la montagne cessa de scintiller. L'atmosphère déjà très froide se rafraîchit davantage. Dankin renifla bruyamment, et souffla d'irritation en tournant la tête vers le ciel. De gros nuages gris cachaient le soleil. Très vite, les six compères furent pris dans une tempête de neige.

Liam paniquait presque. Il se tourna vers Canderous.

- Qu'est-ce qu'on fait ? Un abri ?

- Bonne idée. Rassemblez de la neige, faites des blocs, on va construire un igloo !

Immédiatement, ils se mirent au travail. Canderous et Morgreed laissèrent tomber les sacs à dos, et aplanirent, compactèrent la neige à un endroit dégagé, loin des flancs de montagne.

- Ce ne serait pas mieux de rester à l'abri près d'une paroi ? demanda Chi'ta.

- S'il y a une chute de neige, on aura moins de chance de se faire emporter, expliqua Taava.

Dankin et Liam avaient déjà fabriqué quelques briques, quand l'adolescent s'arrêta subitement. Il venait d'avoir une impression bizarre. Le Togorien s'approcha de lui.

- Liam… sentir… danger ?

- Je ne sais pas, Dankin. Tu n'as rien entendu ?

- Vent et neige… gêner… Dankin, répliqua-t-il d'une voix puissante.

Ils reprirent leur ouvrage, quand une fois de plus Liam entendit – ou crut entendre – un son. Bien sûr, avec le vent qui soufflait furieusement aux alentours, ce n'était pas étonnant mais, il ne pouvait pas l'expliquer, il sentait que ce son-là n'était peut-être pas simplement le blizzard. Le mercenaire passait justement devant lui.

- Hé, Canderous !

- Ouais ?

- Tu n'entends rien ?

- Ben, pas facile avec le vent de cette fichue tempête !

Liam écouta encore. Il ne demanda rien à Morgreed, pensant à raison que le Barabel n'aurait pas l'ouïe assez fine. Comme le vent se calmait un peu, Canderous, intrigué par la question du jeune homme, se rapprocha de lui.

- Pourquoi tu demandes ça ? s'enquit le mercenaire.

- J'ai cru entendre quelque chose, je me demande si… Attends un peu ! Écoute !

Canderous tendit l'oreille, et son rythme cardiaque s'accéléra. Il avait effectivement entendu quelque chose en avant, sur la gauche, en direction de la crête. Non, ce n'était pas le vent qui avait fait ce mugissement. Rassemblant à toute vitesse ses souvenirs concernant les dangers des planètes glaciaires, il se rappela progressivement des anecdotes qu'il avait pu entendre, et tout à coup, comprit dans quel pétrin ils étaient tombés. D'un geste, il sortit sa vibro-lame double flambant neuve.

- Oh putain, c'est la merde ! Rassemblez vous !

Chi'ta ne bougea pas. Droite comme un I, ses yeux étaient hallucinés. Morgreed se rapprocha d'elle, s'apprêtant à la rappeler à l'ordre, quand elle poussa un petit cri suraigu.

- Ils sont là ! Regardez !

Les grondements se répercutaient maintenant de tous les côtés. Morgreed passa un bras autour de la poitrine de Chi'ta, la souleva par les aisselles, et recula vivement vers les autres. Puis il la relâcha, et empoigna sa vibro-hache. Il ne les entendait pas bien, mais grâce à sa vision thermographique, à présent, il pouvait vaguement les voir. La neige se souleva par endroits, et l'horreur commença. Horreur pour Liam et Chi'ta qui n'avaient jamais eu à faire face à ce genre de situation.

Devant eux se dressait une immense créature. Vaguement anthropoïde, cet énorme animal à la fourrure blanche mesurait près de trois mètres cinquante de haut. Liam eut du mal à discerner clairement la forme qu'il voyait, mais il distingua des crocs aiguisés comme des couteaux, de longues griffes sans doute plus coupantes que des rasoirs, et une lueur incroyablement agressive dans les deux petits yeux noirs qui surplombaient la tête. Le monstre poussa un nouveau rugissement, long et terrible, et l'adolescent entendit clairement un autre cri derrière lui. Deux autres de ces créatures étaient arrivées à revers, chacune par l'une des deux crêtes. Chi'ta comprit qu'ils étaient en grand danger quand elle reconnut les êtres, dont elle avait étudié le comportement dans les livres de zoologie. Les six comparses étaient maintenant encerclés par trois wampas, ces grands primates, redoutables prédateurs des planètes neigeuses. Leurs cris, facilement confondus avec le sifflement du vent, et leur pelage blanc comme la neige, garantissaient la surprise sur leur territoire. En outre, ils étaient assez malins pour coordonner leurs attaques et piéger leurs proies.

Le plus grand des wampas, énorme, terrifiant, poussa derechef un cri mêlant colère et sauvagerie. Morgreed brandit sa fidèle vibro-hache, et se précipita vers le monstre en gueulant encore plus fort. Il envoya un puissant coup de hache à la hauteur des genoux du monstre. L'arme s'arrêta sur la jambe de la créature, et le Barabel grimaça sous le choc, comme s'il venait de la planter dans un grand arbre. Le wampa hurla de douleur en s'écroulant maladroitement sur l'arrière-train, le sang giclant sur sa fourrure.

Taava visa l'un des monstres velus, et ouvrit le feu. Le wampa grogna plus fort, et avança à pas lourds vers la jeune Togruta. Taava mitrailla, mais ne parvint qu'à brûler la fourrure blanche de la créature qui était sur elle. Celle-ci balaya l'air de sa patte énorme, et l'envoya rouler dans la neige. Puis elle l'attrapa par la jambe, et la traîna vers les hauteurs.

Canderous s'était jeté sur le troisième wampa. Le primate envoya en travers de la figure du mercenaire une terrible baffe, faisant glisser ses griffes de haut en bas. Canderous sentit une brûlure lui lacérer le visage. Redoublant de rage, l'Humain taillada l'un des genoux de la bête, qui perdit l'équilibre. Puis le mercenaire balança sa vibro-lame Jengardin vers la poitrine velue. Le wampa tomba de tout son long sur le dos. Emporté par le feu de l'action, Canderous grimpa sur son adversaire et plongea son arme dans la gueule écumante, avec un ricanement bestial.

Liam regarda autour de lui en vitesse. Il vit alors l'un des gros blocs de neige solidifiée pour l'igloo. Il tendit la main et commença à le soulever à la hauteur de son visage, mais alors qu'il allait le lancer dans la direction de l'un des monstres, il vit subitement le bloc se gorger de sang, tandis qu'un son strident fit grincer ses tympans. C'est alors qu'il se rappela que le Côté Obscur pouvait se manifester par une telle utilisation de la Force. Il paniqua.

Bon sang, qu'est-ce qu'ils disent à l'Académie, déjà ? « Un Jedi se sert de son pouvoir pour la défense, jamais pour l'attaque ». Mais pourtant, je dois les aider ! Ces monstres vont nous dévorer !

Il se résigna à utiliser des moyens plus risqués, mais autorisés. Il tira de sa ceinture son sabre-laser, et courut près de Chi'ta, qui avait fait de même. La jeune Drall pointa son arme vers l'anthropoïde qui enlevait Taava. Les deux padawans se précipitèrent vers le wampa. Chi'ta contourna la créature, et agita son sabre devant lui en sifflant. Ca marcha, et le prédateur s'arrêta, hésita, puis lâcha la jeune Togruta et avança vers Chi'ta. Elle recula, mais surprise par la hauteur de la neige, trébucha et tomba dans la poudre blanche de tout son long. Elle se voyait aplatie comme une crêpe sous l'énorme patte velue qui s'avançait vers elle, quand Liam s'élança, et taillada à tour de bras dans le dos de la bête. Des lambeaux de chair brûlée et de fourrure noircie volèrent dans tous les sens alors que le wampa mugit de douleur. Il n'eut pas le temps de se retourner. La colonne vertébrale débitée, il bascula lentement en avant, menaçant de s'écrouler sur la petite Chi'ta. Heureusement, celle-ci eut le réflexe de rouler le plus loin possible sur le côté, évitant de justesse l'énorme masse blanche qui s'écroula dans un grand bruit feutré.

Le wampa qui se bagarrait contre Morgreed s'était relevé, et revint à l'assaut. Quelque chose fit exploser son flanc dans une grande lumière verte. C'était l'un des carreaux explosifs de l'arbalète Wookiee de Dankin. Un deuxième carreau lui réduisit l'épaule en bouillie. Le Barabel rugit de satisfaction, et envoya un coup de vibro-hache entre les deux yeux du fauve, fendant le crâne de long en large. Le wampa tomba sur le côté. Morgreed prit appui sur le corps inerte pour dégager son arme plantée dans le crâne puis, voyant qu'il n'y avait plus de danger, se lécha les babines.

- Bien ! Grand temps d'avaler un bon steak !

Ayant dit, il coupa l'une des jambes de la créature à grands coups de hache, s'assit par terre, et mordit à belles dents dans la viande encore chaude.

- T'as le don de choisir le meilleur moment, toi ! protesta Canderous en lui donnant un léger coup de pied dans le fessier.

- Son sang va réchauffer le mien, expliqua Morgreed entre deux bouchées. Hé, mec, il t'a pas loupé la face !

Canderous fouilla rapidement dans son sac à dos, en ressortit une trousse de secours, et se badigeonna le visage au désinfectant. Puis il s'approcha de Taava, qui était toujours dans la neige, et l'examina sommairement. Heureusement, elle n'avait pas de blessure sérieuse ou de fracture, le rembourrage de ses vêtements et la neige avaient amorti les chocs. Tout au plus, elle devait avoir quelques ecchymoses. C'est pourquoi il se détourna rapidement d'elle.

En se sentant palpée, la jeune Togruta reprit peu à peu connaissance. Elle distingua le mercenaire se rapprocher de l'un des monstres, et de se pencher vers sa gueule…

- Oh, Taava ! Comment vous sentez-vous ?

Taava se releva péniblement, et remarqua Chi'ta à ses côtés, assez inquiète.

- J'ai connu pire, petit bouchon. Allez, on doit y retourner, la tempête se calme.

Et c'était vrai. La neige avait cessé de chuter, et l'horizon était à nouveau dégagé. Les six compères purent reprendre leur route.

Plusieurs heures s'étirèrent, froides et pénibles. Liam n'en pouvait plus. Il jeta un regard vers Morgreed. Celui-ci, bien que très grand et costaud, était d'origine reptilienne, et la température de son sang avait également baissé. Mais s'il souffrait le martyr, il n'en montra rien, et continuait à avancer courageusement. Taava, encore affectée par la gifle du wampa, n'arrivait plus à marcher, et défaillit. Dankin la rattrapa de justesse, et la porta sur son dos.

Épuisée mais encore consciente, Chi'ta était la plus affectée. Drall était un monde relativement chaud, et les Dralls ne quittaient pas leurs villes aménagées dans des tunnels souterrains quand l'atmosphère se refroidissait. Certains hivernaient, même. Elle n'était donc pas habituée à affronter un tel climat. De plus, elle était la plus petite, et la neige lui arrivait presque au nombril. Elle trébucha et s'étala de tout son long dans la neige. Liam courut vers elle. Affolé, il la frictionna, la secoua, elle répondit faiblement par des murmures inintelligibles. Morgreed s'approcha, et d'une main il avait attrapé la jeune fille par le ceinturon et l'avait jetée sur son épaule avant de continuer sa marche.

Combien de temps cela dura, Liam ne put le dire, trop concentré sur le rythme qu'il devait suivre. Il remarqua juste que tout s'assombrissait autour de lui. Le ciel était complètement dégagé, mais la nuit commençait maintenant à tomber, et la température ambiante avec.

- On peut souffler cinq minutes ? demanda le Barabel.

Le petit groupe s'arrêta, et Morgreed posa délicatement Chi'ta sur le sol. Celle-ci avait repris conscience, et se releva. Taava avait aussi récupéré, et soufflait. Canderous ne tint plus. Il se mit à flanquer de grands coups de pied dans la neige.

- Satanés Fedraniens, et leurs superstitions de malheur ! Maudits soient-ils !

- Hé, respecte donc les coutumes de ceux inspirés par les Jedi, grogna Morgreed.

- Tu parles ! On voit bien que ce ne sont pas eux qui sont maintenant dans la merde jusqu'aux sourcils, eux sont habitués.

- Notre voyage doit être vu comme un pèlerinage sacré, Canderous. Qui sait ce qui se serait passé si nous étions venu avec le vaisseau ?

- Quoi donc ? Le ciel se serait fendu en deux ? Une énorme statue de leur dieu de la guerre nous aurait attaqué ? Ou nous aurions tous été changés en rats womp ? Me fais pas marrer, j'ai les lèvres gercées !

- Au lieu d'insulter les serviteurs de la Force, aide-moi à construire un abri.

- Va te faire voir, lézard bouffi !

Morgreed se dressa d'un bond, et se planta devant Canderous, le menaçant de toute sa hauteur. L'humain soutint le regard du Barabel, et fit un petit signe, l'encourageant à porter le premier coup. Dankin s'interposa, faisant face au Barabel en grondant, alors que sa fourrure se hérissait de colère. En comprenant que les choses pouvaient très vite dégénérer, Liam se jeta entre le Barabel et le Togorien, en levant les bras.

- S'il vous plaît, les gars ! Un peu de calme !

Il y eut un instant de flottement durant lequel aucun des quatre protagonistes ne bougea, puis finalement Morgreed fit une grimace de dépit et tourna le dos au Togorien. Canderous se calma, et marmonna une vague excuse. Chi'ta s'était éloignée, et cachée derrière une colline. Liam suivit ses traces, et la trouva assise par terre, le visage enfoui dans ses mains.

- Je t'en prie, Liam… ne me regarde pas, je suis ridicule.

L'adolescent s'assit à ses côtés, sans la regarder.

- Ne t'en fais pas, moi aussi, j'en ai ma claque.

- Je… je ne pensais pas qu'on nous enverrait dans un milieu aussi hostile.

- Un vrai Jedi doit être capable de faire face à toutes les situations. Quand nous serons rentrés à Yavin IV, les autres seront impressionnés en entendant nos aventures.

Liam aperçut alors du coin de l'œil quelque chose qui le fit d'abord plisser les yeux, puis un petit sourire lui vint aux commissures, un sourire qui s'épanouit franchement. C'est à peine s'il entendait Chi'ta gémir :

- On ne s'en sortira jamais. Nous allons finir gelés sur cette planète, et la neige sera notre linceul. On n'y arrivera pas.

- Au contraire… Nous avons déjà réussi.

La jeune Drall releva la tête, la fourrure de son visage perlant de larmes.

- Comment ça ?

- Regarde, là !

Liam montra du doigt quelque chose qui brillait derrière une dune de neige. Puis il prit Chi'ta par la main, l'aida à se lever, et tous deux firent le tour de la crête, pour tomber devant un spectacle d'une rare beauté.

Ils se trouvaient dans un canyon dont les parois se rejoignaient quelques centaines de mètres plus loin, fermant la Route du Veilleur. Devant eux se dressait une immense tour, entièrement composée de cristaux de toutes les formes, de toutes les tailles. Ce conglomérat mêlant verre, glace et diamant réfléchissait la lumière du soleil. Plusieurs pointes de stalagmite pointaient fièrement sur le sommet de la structure. Une immense porte à double battant semblait dormir, attendant qu'un pèlerin l'eût franchie. Le vent faisait tinter les cristaux, et les petites clochettes d'acier accrochées ça et là sur la structure.

- Si ça, c'est pas le Tombeau du Veilleur, alors…

- On a réussi.

- Ouais, tu vois !

- C'est… beau.

- Merveilleux.

- On a réussi !

Chi'ta éclata de rire, un rire de joie et de soulagement. Oubliant sa fatigue et ses inquiétudes, elle poussa Liam dans la neige, et se roula elle-même dans la poudre blanche et fraîche, sans cesser de rire et de répéter « On a réussi ! On a réussi ! » Liam ne s'en tint pas là. Il confectionna rapidement une boule de neige qu'il lança en riant toujours sur Chi'ta. Celle-ci ramassa de quoi faire un projectile deux fois plus grand. Alors qu'ils allaient se mettre de la neige plein les vêtements, une grosse voix gronda, roulant sur les parois du canyon.

- Ah, ils ont bonne mine, les padawans !

Ils s'arrêtèrent net. Morgreed les contemplait, mains sur les hanches, avec un sourire ironique. Taava restait sidérée devant le Tombeau du Veilleur. Canderous et Dankin se frappèrent la main, en signe de victoire.

- Je ne peux pas croire qu'on ait pu y arriver !

- Bah, c'était pas si difficile, finalement !

Il y eut un court silence gêné. Canderous continua :

- Ben ouais ! Imaginez que ce qu'on s'est tapé, ce n'était que le hors d'œuvre !

- Il y aurait d'autres épreuves là-dedans ?

- Et pourquoi pas ?

- Je préfère ne pas y penser… allez, on n'a pas fait tout ce chemin pour rester plantés devant cette tour. Entrons !

D'une démarche résolue, la jeune Togruta s'approcha. Devant la double porte cyclopéenne, elle se craqua les doigts, et frappa trois coups. Pendant une demi-minute, il ne se passa absolument rien, on n'entendait que le son du vent soufflant à travers la gorge du Veilleur.

- Oui ? Euh…

- Il y a peut-être une porte de derrière, non ?

Subitement, les deux battants de la lourde porte s'ouvrirent lentement, dans un grondement formidable qui résonna à travers toute la vallée. La petite bande grimpa vite les marches de roche blanche, et franchit le seuil. Une fois à l'intérieur, les portes se refermèrent derrière eux, et aussitôt ils ne ressentirent plus du tout l'effet du froid.

- Quel est ce lieu ? demanda Canderous. Dans quoi vous m'avez encore entraîné ?

- C'est étrange, murmura Taava.

- Au moins, c'est chauffé ! s'exclama Morgreed avec soulagement.

Ils étaient dans une immense salle circulaire, complètement dépourvue du moindre meuble. Les murs, le sol et le plafond étaient immaculés et brillaient comme des miroirs. Des fourrures blanches recouvraient les dalles sur lesquelles marchaient les six compagnons. Curieusement, ils se sentaient bien, tous les six. Au loin, une voix masculine de ténor chantait inlassablement une étrange chanson. Chi'ta reconnut, ou crut reconnaître, la chanson que chantait parfois Dame Liryl. En dehors de celle donnant vers l'extérieur, il n'y avait pas de porte visible, mais tous contemplèrent quelques minutes la paroi qui leur faisait face.

Sur le mur éclatait une imposante mosaïque. Elle représentait un homme géant, torse nu, bâti comme une montagne. Ses jambes fléchies et les pointes de ses pieds tournées vers le bas donnaient l'illusion qu'il planait à quelques centimètres au-dessus du sol. Sa crinière blonde flottait au vent, et des rayons de lumière dorée sortaient de ses yeux et illuminaient le ciel. Plusieurs mosaïques étaient disposées en caractères écrivant un texte en basic :

DUNCAN BLACKSTORM

Notre Héros et Sauveur

RECONNAISSANCE ETERNELLE DU PEUPLE DE FEDRANA

- Eh ben… murmura Liam.

- Tu vois, Liam, être Jedi a des avantages. Quand tu mourras, tu auras droit à tous les honneurs. Tu auras une tour entière pour toi tout seul, et un peuple vantera tes exploits pendant des siècles ! rigola Morgreed.

- Allons, un peu de respect, intima Chi'ta avec un ton plus navré que mécontent. Vous parlez du Maître de Liam.

- Tu as raison, Chi'ta… Je ne devrais pas rire d'un Jedi aussi héroïque.

- J'aurais aimé le voir en personne, grogna Canderous. Faire un bras de fer avec ce mec, ça m'aurait plu. Même si l'artiste a dû un peu exagérer, il avait l'air balaise.

- Ce ne sont pas ses muscles qui m'interpellent, répliqua Taava, mi-figue mi-raisin.

- Oh ho ho ! On a des idées ? ironisa Canderous.

- Pas celles que tu penses, mâle au crâne. Regarde dans sa main gauche.

En effet, la représentation du Jedi tenait dans sa main gauche une épée, dont la pointe de lumière violette était tournée vers le sol. Des rayons lumineux jaillissaient du pommeau, tels des lasers.

- C'est bien un sabre-laser.

- La poignée semble bizarre, murmura Chi'ta. Elle n'a pas l'air métallique, comme celles des sabres-lasers ordinaires. Et puis, qui sait si cette arme n'est pas capable d'émettre des éclairs ?

- Oh, à mon avis, cela reste imagé, répondit Taava, sceptique. Mais la meilleure façon de s'en assurer, c'est de la récupérer.

- Oui, mais comment ?

Il n'y avait rien qui ressemblait de près ou de loin à la tombe elle-même. En regardant mieux, Liam remarqua un petit quelque chose. La mosaïque de Duncan Blackstorm était encadrée par deux colonnes. Sur la colonne de droite était vissée une plaque en or sur laquelle était gravée une inscription. Et sous la plaque, il y avait une petite cavité ovale. Chi'ta se rapprocha, et lut à voix haute :

- « Seule l'âme du Jedi pourra ouvrir le chemin. »

- C'est un truc de Jedi, ça, marmonna Canderous. Sans moi.

- Tu pourrais nous aider un peu ! reprocha Taava.

- Tu déconnes, poupée ? Mon job est de vous protéger, pas d'user mes neurones à jouer aux charades !

La jeune femme Togruta marmonna quelque chose dans sa langue natale, que Chi'ta devinait ne pas être une politesse.

- « Seule l'âme du Jedi… »

- « … le chemin. »

- Qu'est-ce que qui représenterait votre âme, à vous, les Jedi ? T'as une idée, Liam ?

- Ben, i peu près autant de réponses à cette question que de Jedi en activité.

- Dans ce cas, il faudrait une réponse qui convienne à tout le monde.

- Ben… ouais. Quel pourrait être le point commun de tous les Jedi ?

- J'ai peut-être une réponse !

Chi'ta tira de son ceinturon son sabre-laser. Elle essaya de faire rentrer l'embout dans la cavité, sans succès. L'ouverture était trop étroite.

- Oh, ça me donne une idée !

Avec précaution, Liam dévissa le manche de sa propre arme. Il s'assit un peu à l'écart, démonta proprement l'outil, et en extirpa le cristal bleuté dans lequel était concentrée l'énergie de l'arme. Il approcha la lentille convexe de l'ouverture, elle s'y adapta parfaitement. Aussitôt, de petits crochets jaillirent de la paroi pour maintenir le cristal, et la mosaïque toute entière se mit à bouger. En quelques secondes, dans un grand concert de raclements, tous les petits octogones sculptés et peints changèrent de place, s'écartèrent, révélant un couloir sombre, immaculé.

- Très impressionnant ! siffla Morgreed. Bon, j'ouvre la marche !

Il tapota sa vibro-hache et s'avança. Mais il n'avait pas fait un pas au-delà du seuil de la porte qu'il fut brutalement rejeté en arrière. Étonné, le Barabel voulut recommencer, mais une fois de plus, une force mystérieuse le repoussa. Canderous essaya à son tour, et ne passa pas davantage. Chi'ta s'avança.

- Laissez-moi essayer !

Lentement, elle s'approcha du porche, et s'engagea dans le couloir, sans la moindre difficulté. Liam la suivit.

- C'est évident, seuls les Jedi peuvent emprunter ce passage, constata Taava.

- Je ne suis pas rassuré, si je dois vous laisser seuls… Qui sait quels trucs tordus cette tombe peut cacher ?

- Ne vous en faites pas, maître Morgreed, tout se passera bien.

- S'il y a un problème, hurlez ! ironisa Canderous.

Sans y prendre garde, les deux padawans s'engagèrent dans le long couloir. Une lumière tamisée était produite par les dalles du plafond. Le couloir tournait, comme une spirale, jusqu'à une grande plate-forme de bois et de cordages. Ils prirent place dans l'ascenseur, et Liam, plus grand que Chi'ta, tira la corde qui pendait au plafond. Un gong sonna, et ils se mirent à descendre.

Alors que la plate-forme s'enfonçait lentement dans les profondeurs du Tombeau, Liam se surprit à regarder sa voisine avec une insistance qui ne lui était pas coutumière. Il repensa à son rêve, et au jour où il l'avait surprise en pleine méditation.

Elle est mignonne, pour une Drall… Je me demande ce qu'elle pense de moi ?

L'ascenseur s'arrêta devant un couloir sombre et étroit, seulement éclairé par des cristaux lumineux incrustés dans les murs, terminé par un petit escalier raide. En bas de l'escalier, Liam distingua un grand caveau éclairé par d'autres cristaux émettant de la lumière aux quatre coins de la pièce. Les deux padawans s'avancèrent, et descendirent les marches.

Au centre de la pièce, il y avait une grande table basse de marbre blanc. Plusieurs objets personnels ayant appartenu au Jedi étaient rangés dessus ses vêtements pliés soigneusement, quelques bijoux, sa carte d'identité, ainsi que d'autres petits cadeaux offerts par les Fedraniens – poteries, couverture brodée, collier de dents de wampa. Mais surtout, au milieu de la table, posé sur un socle finement taillé dans du cristal, sommeillait le sabre-laser. Le manche semblait sculpté dans une sorte d'ivoire comme les vertèbres d'une colonne osseuse aux os triangulaires. Et au fond de la pièce, enchâssée dans un cercueil de cristal pur posé contre le mur, se tenait la dépouille de Duncan Blackstorm. Le corps nu et rasé de près selon les rites funéraires fedraniens était intact, à l'exception d'une vilaine blessure cautérisée au niveau de l'estomac. Les Fedraniens avaient également épargné son impressionnante chevelure blonde. Son anatomie puissamment musclée était parfaitement conservée, et son visage aux yeux clos était figé dans une sérénité absolue. On aurait pu croire, en le regardant, qu'il allait se réveiller.

En voyant le visage serein de son mentor à travers le cristal limpide, Liam tomba à genoux. Il sentit les larmes chatouiller ses joues, et se retrouva bientôt appuyé contre le cercueil de cristal, posant ses mains dessus comme pour lui communiquer un peu de chaleur.

- Oh, Maître… Si seulement j'avais pu être avec vous, cette fois ! Les choses auraient peut-être été différentes. Vous seriez en vie aujourd'hui.

- Ou tu serais mort avec lui.

Liam tourna la tête vers sa condisciple.

- S'il ne t'a pas appelé, c'est qu'il n'avait pas envie de te mêler à ça, tu ne crois pas ? Un Jedi Noir capable de résister à deux Jedi expérimentés est sans doute trop fort pour toi ou moi. Il t'aurait occis sans le moindre effort.

Liam baissa les yeux, n'osant plus regarder le cercueil de cristal. Il sentit la petite main de Chi'ta sur son épaule, et la serra de sa propre main, captant ainsi une chaleur réconfortante.

- Tu as raison, Chi'ta. C'est que… la dernière fois que je l'ai vu, il partait justement pour cette mission. Je n'ai pas pu assister au cérémonial funéraire.

- Il avait l'air d'être une force de la nature.

- Oui, il était très costaud, même pour un Humain. Mais il utilisait sa force pour protéger ceux qui en avaient besoin.

- Comme toi ?

L'adolescent réfléchit quelques instants, inspira, et répondit d'une voix détachée :

- J'ai été élevé par un gang de vauriens, des bandits qui vivaient de vol, de racket et de trafics. Ils étaient basés dans les niveaux inférieurs de Coruscant, et remontaient souvent quelques étages plus haut pour détrousser les touristes. J'ai été l'un d'entre eux. Mon père est un faussaire qui séjourne régulièrement en prison, et ma mère une prostituée alcoolique. Quand je vivais parmi ces gens-là, je n'ai tué personne, même si certains de mes amis avaient déjà tué avant l'âge de treize ans. Par contre, j'ai beaucoup volé, j'ai menacé, j'ai arnaqué, j'ai emmené des gens dans des traquenards où ils se faisaient détrousser ou tabasser, parfois les deux. J'aurais pu continuer comme ça pendant longtemps et devenir un caïd, ou me faire égorger par un rival, quand cet homme est arrivé. J'avais essayé de lui voler son argent au comptoir d'un bistrot, il s'en était aperçu, en fait il m'avait surveillé depuis mon entrée dans la cantina. Il faut dire qu'il avait tout de suite vu que j'étais un Jedi – enfin, que j'en avais le potentiel. Il m'a proposé de m'apprendre ce qu'il savait de la Force, j'ai accepté. Il m'a emmené loin de toute cette merde, et a commencé ma formation. Trois ans ont passé, on a ensuite été à mi-temps dans l'Académie pendant encore trois ans, et puis… la suite, tu la connais.

Chi'ta prit son temps avant de répondre.

- Je suis… très touchée, Liam.

Et c'était vrai. En regardant le visage de la jeune fille, Liam perçut un petit éclat cristallin qui perlait au coin de son œil.

- Je… oh… il ne faut pas pleurer. C'est pas la peine.

- Au contraire. Je viens juste de percevoir ton « moi » le plus authentique. Je sais que c'est vraiment toi. Et j'aime beaucoup ce « vraiment toi ».

Cette fois, Liam sentit les deux mains de la jeune Drall, une sur chaque épaule. Il se releva, et se dirigea vers la table basse.

- Bien. Nous avons un travail à faire.

Il tendit la main vers l'étrange sabre-laser, et le saisit délicatement, pour le porter à la hauteur de son visage. Il l'examina, mais éprouva une gêne. Sa main était parcourue par une sorte de léger fourmillement… qui s'amplifia, encore, encore et encore, remonta le long de son bras. Chi'ta s'affola :

- Liam ? Liam, qu'est-ce qui t'arrive ? Liam !

Mais l'adolescent n'arrivait pas à répondre. Il était complètement paralysé. Sa vue se couvrait d'un voile opaque. Il eut vaguement le temps de percevoir Chi'ta se précipiter vers lui, et saisir à son tour le manche d'ivoire.

Puis soudain, sans transition, il se retrouva au milieu d'un furieux combat. Il comprit rapidement que son esprit n'était plus dans le corps frêle et mince d'un garçon de quatorze ans, mais dans celui d'un colosse aux muscles d'acier tendus par des nerfs aussi solides que des câbles de remorquage. Il tenait le sabre-laser étrange. Il était Duncan Blackstorm. Et le Jedi se battait furieusement contre un géant encore plus costaud que lui, un furieux combattant aux traits que l'adolescent ne connaissait que trop bien. Liam sentit une sueur froide : c'était le Seigneur Daymon Thorn !

Les contours étaient flous, le temps s'écoulait plus lentement, mais cela ne diminuait en rien la violence générale de la scène. Liam vit que le sabre-laser au manche d'os luisait d'une étrange lumière crue, violacée, et fendait l'air avec des sifflements aigus bien différents des vrombissements habituels de ces armes. Le combat était d'une violence extrême, et Thorn frappait de toutes ses forces, mais avec une rapidité telle que Duncan avait bien du mal à parer les coups. Il esquiva de justesse un éclair projeté par le Seigneur Noir, et tenta une botte en tournoyant sur lui-même. Malheureusement, Thorn anticipa la manœuvre et, faisant un pas en avant, feinta et transperça de la pointe lumineuse de son sabre-laser le nombril du Jedi. De sa force colossale, il le souleva tel un animal embroché sur une pique à un mètre du sol, puis le repoussa de sa main libre, le jetant par terre. La voix d'une femme, affolée, retentit en écho, à moitié étouffée par le sang qui battait dans ses tympans.

- Nooon ! …ooon ! …oon ! …on…

Déjà le rouge du sang obscurcissait son regard. Par les yeux de Duncan, Liam vit Thorn éteindre son arme et faire demi-tour vers la porte. La main gantée de son mentor agonisant se releva péniblement dans la direction du Sith qui trébucha et tomba à la renverse. Celui-ci rampa jusqu'à l'ouverture, mais Liam vit encore la main gantée se diriger vers le panneau de contrôle de la porte, qui implosa. Le court-circuit referma la porte… sur les cuisses de Thorn qui n'avait pas eu le temps de la franchir complètement, coupant net les deux jambes. Puis la main de Duncan retomba, et ses paupières s'affaissèrent.

La dernière chose qu'il vit fut le visage de Talia, inondé de larmes, qui serrait sa main contre sa joue. Il n'éprouvait plus aucune sensation, sinon un froid glacial, de plus en plus envahissant…

- Duncan… can…an… am… iam… Liam… Liam !

Quand il rouvrit les yeux, tout était terminé. Ce n'était plus le visage blond et triste de Mère Talia qu'il voyait, mais le petit minois duveteux de Chi'ta, qui passait de l'inquiétude au soulagement. Elle serrait entre ses doigts la main de l'adolescent. Il sentit que sa main libre était crispée sur quelque chose qu'il lâcha aussitôt. Le sabre-laser de Duncan roula sur le sol.

- Chi'ta…

- Oh, Liam ! Tu… ça va ?

- Oui, merci. Et… toi ?

- Plus ou moins, oui… Je n'avais jamais éprouvé une telle expérience.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Quand tu as attrapé le sabre, tu étais comme paralysé. Je l'ai pris à mon tour pour te libérer de son emprise, et nous avons eu cette… cette vision ensemble.

- Tu as vu ça, toi aussi ?

- Par les yeux de Mère Talia.

La jeune Drall aida l'adolescent à se relever.

- C'était bien Blackstorm, n'est-ce pas ? L'homme dans lequel j'étais, moi ?

- Oui. Je crois que nous avons assisté à ses derniers moments…

- Alors c'était Daymon Thorn ! Quand je pense qu'il a proposé que je me joigne à lui ! Désormais, je n'y penserai même plus. Il est hors de question que je m'associe avec l'assassin de mon bienfaiteur !

- Encore heureux, ça m'aurait fait mal ! plaisanta alors une voix grave.

Les deux padawans sursautèrent. Le spectre de Duncan Blackstorm était tranquillement assis sur la table, habillé de son long manteau de cuir par-dessus un gilet antiblast, d'un pantalon brun et de chaussures coquées. Liam tomba derechef à genoux.

- Maître !

- Salut, Liam ! Bonjour, jeune fille.

Chi'ta s'agenouilla prestement à son tour. Le spectre transparent leva les bras en signe de lassitude.

- Allons, relevez-vous tous les deux. Pas de manières, je ne suis pas un roi.

- Maître, je… pourrez vous un jour me pardonner ?

- Mais de quoi, bon sang ?

- J'ai échoué. Je n'ai pas su venir à temps pour vous aider. Je… je n'espérais pas pouvoir vous dire à quel point j'étais désolé, mais maintenant je peux. Maître, je… je suis désolé.

Sous le coup de l'émotion, Liam ne retint plus ses larmes. Le spectre se leva, s'accroupit près de l'adolescent et fit mine de passer un bras réconfortant sur son épaule.

- Allons, tu n'as rien à te reprocher. Je ne voulais pas te mêler à ça. Daymon Thorn ne t'aurait pas épargné de toute façon. Tu aurais été sa première victime. Je ne voulais pas qu'il te tue, ou pire encore, qu'il te convertisse. Les Sith malins sont toujours en quête de chair fraîche, tu le sais. Mais tu as su trouver la résolution pour lui résister. Tes Maîtres de l'Académie ont bien complété ton entraînement.

- J'ai eu beaucoup de chance.

- Ta chance est en partie d'avoir rencontré des amis sur qui compter, je parie.

Chi'ta n'avait pas osé bouger, ni prononcer mot pendant ces « retrouvailles ». Duncan Blackstorm se releva, et la regarda.

- Je vois que tu t'es trouvé une jolie petite camarade de classe. Qui êtes-vous, mademoiselle ?

- Euh… Chi'ta Koskaya, Maître.

- Appelez-moi Blackstorm, je ne suis pas un maître.

- Liam m'a un peu parlé de vous… vous êtes un héros, pour lui.

- J'ai juste eu le privilège de le rencontrer, il a donné un nouveau sens à notre vie, à Talia et à moi, en ce sens c'est plutôt moi qui lui suis redevable.

Liam se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux. Duncan Blackstorm s'appuya nonchalamment contre le cercueil de cristal.

- Trêve de blabla. Moi, j'ai tout mon temps, mais vous, vous n'êtes sûrement pas venus pour admirer le mobilier ou mon corps de rêve. Pourquoi êtes-vous ici ?

Chi'ta trouvait un peu déstabilisant de voir le même humain à la fois nu et mort dans un cristal, et habillé et plaisantant sous forme fantomatique, mais reprit de l'assurance.

- Nous sommes venus de la part de Maître Skywalker. Il nous a demandé de récupérer votre sabre-laser.

- Vraiment ? Que veut-il en faire ?

- Il veut pouvoir fabriquer des armes à partir de cette technologie.

Le spectre ouvrit de grands yeux, surpris et méfiants.

- Quelle est cette lubie ? Skywalker veut équiper en masse une légion ?

- Maî… enfin, Duncan, articula Liam, nous avons affaire à quelque chose de très inhabituel, et de très dangereux.

- Des formes de vie particulièrement agressives qui sont immunisées contre les armes conventionnelles, précisa Chi'ta. On les appelle les Précurseurs.

- Ah oui ? Jamais entendu parler. De quoi s'agit-il ?

- Une race très évoluée qui a été anéantie il y a quatre mille ans par une catastrophe à l'échelle galactique. Leurs esprits sont restés en catalepsie, mais ils se sont réveillés, il n'y a pas très longtemps. Et les seuls contacts que nous ayons pu avoir avec eux ont été pour le moins violents. Ils ont d'abord atomisé un vaisseau, puis quand nous en avons croisé un, il a tenté de nous tuer puis s'est enfui, et impossible de l'arrêter. Il semblerait qu'ils aient des pulsions négatives à évacuer.

- Après avoir dormi quatre mille ans ? Je croyais que la nuit portait conseil.

- Ils n'ont pas dormi, ils ont souffert le martyr. Ils ont vu leur civilisation s'effondrer sans pouvoir faire quoi que ce soit pour changer le cours des choses.

- Ils sont devenus des monstres transis de haine et de colère.

- Cette rage est peut-être la seule chose qui leur maintient un semblant de conscience. Il n'y a sans doute plus moyen de les raisonner depuis longtemps.

- Notre seule solution est d'utiliser cette arme, qui est probablement d'une technologie similaire à la leur. Peut-être qu'elle marchera contre eux.

- C'est possible, acquiesça Duncan. C'est vrai que ce sabre-laser est encore moins banal que ceux homologués par l'Académie.

Liam l'avait ramassé, et regardait la poignée d'os sous tous les angles.

- Comment l'avez-vous eu, Duncan ?

- C'est mon propre Maître qui me l'a donné juste avant de disparaître. Lui aussi a été tué par un Jedi Noir, un petit mégalomane qui s'appelait Lamarr. Tu vois, nous avons perdu tous les deux notre mentor à cause des Sith.

- Qui était votre Maître ? s'enquit Chi'ta.

- Je l'ignore… enfin, disons que je connaissais seulement son nom, il s'appelait Ageer. Il n'était pas humain, pour sûr. Je me souviens qu'il était très digne, doux, mais que sa bonté était ternie par une grande tristesse… et une terrible peur. Je n'y croyais pas vraiment, en fait il prenait des drogues en cachette. D'ailleurs, un jour, il a disparu, et je ne l'ai retrouvé que des années plus tard, juste à temps pour le voir se faire sabrer par cette petite ordure de Lamarr. Mais je pense qu'il a fui pour me protéger de quelque chose qui lui faisait vraiment peur. En fait, je crois qu'il avait peur que je découvre qui il était vraiment.

- Peut-être qu'il savait quelque chose sur les Précurseurs, suggéra la jeune Drall. C'est lui qui vous a appris ce chant ?

- Vous voulez dire, la chanson que je chantais à votre arrivée ? Oui, c'était ce qu'il chantait pour restaurer sa sérénité, il m'a appris à mieux me contrôler.

- C'est étrange, nous avons été récemment mis en présence d'une personne qui connaît le même chant.

- Si c'est le cas, peut-être connaît-elle des choses qu'Ageer connaissait ? Peut-être qu'elle l'a eu comme Maître, elle aussi. Vous devriez lui demander.

- Qu'est-ce que ce sabre-laser a de particulier ? interrogea Liam.

- Le cristal qui le fait fonctionner semble très réactif aux flux de la Force. En fait, ce qui le rend particulier, c'est sa résonance avec l'énergie vitale. Sa lame ne réagit qu'avec la vie. Elle n'entame pas les matériaux inanimés comme les métaux, la pierre ou les armures, mais peut détruire les êtres vivants jusqu'à leur psychisme – oui, même les fantômes. Si vos « Précurseurs » sont si immatériels, peut-être que ceci peut les ramener à la dure réalité et les détruire pour de bon. Cependant, je me suis rendu compte que cette résonance canalise deux fois plus rapidement le Côté Obscur. Autrement dit, le Côté Obscur aura deux fois plus d'emprise sur celui qui l'appelle en faisant usage de ce sabre. Si vous deviez brandir cette arme un jour, je vous en conjure, utilisez-la à bon escient.

Liam s'éloigna de Chi'ta de quelques pas, tendit le bras en avant, et appuya sur le bouton de mise en marche. L'effet fut différent de celui d'un sabre ordinaire. La plupart des sabre-lasers se déployaient de manière « télescopique », la lame avait l'air de sortir de la poignée. Or, ici, c'était plutôt comme si une colonne de fumée mauve et noire prenait forme et se solidifiait entre l'extrémité de la poignée et un point invisible un mètre vingt plus loin. Il flottait autour de cette lame si particulière une sorte de distorsion, comme si c'était le voile de la réalité elle-même qui se déformait sous l'action de l'arme. Comme il l'avait vu pendant sa vision, la lame faisait un sifflement aigu quand il brassait l'air.

- Je ne vous avais jamais vu l'utiliser quand nous étions ensemble.

- Je ne m'en servais qu'en cas d'urgence. Daymon Thorn était une urgence.

Liam relâcha le bouton. La lame s'estompa en une demi-seconde.

- Vous êtes un héros, pour ce peuple. Un dieu, même.

- Je sais. Et Talia est leur grande prêtresse.

- Ca doit être grisant d'être un dieu.

- Je trouve ça plutôt gênant. Tu vois, ma femme a… comment dire… elle a été très affectée par mon décès. Alors, maintenant, elle cherche une sorte de rachat, de rédemption. Je n'ai jamais voulu tout ça. J'aurais préféré qu'on m'enterre sous une stèle toute conne avec juste mon nom dessus. Mais les Fedraniens, qui sont des gens charmants, ont eu besoin de s'accrocher à quelque chose. Talia a eu ce besoin, elle aussi. Je crois qu'elle a pété les plombs, mais je préfère qu'elle s'accroche à ce rêve où elle ne nuit à personne plutôt que de risquer de la voir basculer du Côté Obscur par manque de stabilité.

- Bon… Je… nous devons y aller. Nous avons une mission à accomplir.

- Je comprends très bien. C'est gentil d'être passé.

Les deux padawans se retranchèrent vers la plate-forme élévatrice, mais le spectre de Duncan rappela l'adolescent :

- Liam, j'ai une dernière chose à te demander. Talia et moi n'avons pas pu avoir d'enfant, mais si j'avais eu un fils, j'aurais aimé qu'il te ressemble. Je te demande, donc, pour tout l'amour de l'Univers, ne cherche pas à me venger ! Que personne ne soit tué au nom d'une vendetta que je ne souhaite pas ! Ne pourris pas ta vie en voulant exterminer tous les Jedi Noirs en souvenir de moi, et surtout pas Daymon Thorn ! Je ne te le souhaite pas, mais peut-être qu'un jour, tu le croiseras à nouveau. Dans ce cas, ne laisse pas la colère enserrer ton cœur, ce serait aussi suicidaire que de lui présenter ta gorge. Rappelle-toi : il n'y a pas d'émotion…

- Il y a… la paix.

- Bien… Il n'y a pas de mort ?

- Il y a la Force.

Blackstorm eut un sourire satisfait.

- Maintenant, les enfants, allez, et que la Force soit avec vous.

Les deux padawans se dirigèrent vers la sortie, mais avant de franchir la porte, Chi'ta se retourna et demanda au spectre :

- Y a-t-il un message à transmettre à Mère Talia ?

- C'est gentil, mais ce ne sera pas nécessaire. Ma femme vient me voir une fois par mois, en pèlerinage solitaire.

Chi'ta acquiesça, et reprit son chemin. Le chant s'éleva à nouveau, et résonnait encore alors que la plate-forme était remontée.

Les autres attendaient, détendus. Ils avaient enlevé leurs fourrures, et s'étaient confortablement installés dans la grande salle.

- Alors ? Vous avez trouvé quelque chose ?

L'adolescent montra l'étrange poignée osseuse.

- Je préfère ne pas l'allumer. D'après Duncan, il…

- Comment ça, « d'après Duncan » ? Tu veux dire que vous l'avez vu ?

- Oui. On a vu son spectre.

- Cette tour est hantée ! Allons bon ! s'exclama Canderous.

- Dans les lieux imprégnés de Force, les Jedi défunts peuvent communiquer avec les vivants, expliqua Chi'ta.

- Et donc Duncan m'a déconseillé de m'en servir sans une bonne raison.

- D'accord, d'accord. Et maintenant ?

- Ben… maintenant, on n'a plus qu'à repartir dans l'autre sens.

- On peut peut-être attendre demain ? Il fera plus clair et moins froid, traverser la montagne de nuit serait du suicide.

- Ouais… ici, c'est chauffé, on est à l'abri des wampas, tout va bien. Je vote pour.

Et sans attendre de réponse, le Barabel s'allongea de tout son long sur le sol, et s'endormit presque instantanément. Les autres se regardèrent silencieusement, puis l'imitèrent l'un après l'autre.

- Un autre en voilà un autre en voilà un autre en voila…

Une voix formidable, tonitruante, réveilla le jeune Liam. Il entrouvrit les yeux, et bondit sur ses pieds quand il constata qu'il n'était plus du tout sur Fedrana. Il se tenait sur la place déserte d'une sorte de ville à moitié en ruines, au milieu d'une immense plaine bosselée de collines verdoyantes. D'immenses coupoles dorées scintillant de mille feux sous un ciel vert émeraude. Dans les cieux, de grands oiseaux translucides, élancés, volaient gracieusement sans bruit. L'adolescent regardait tout autour de lui. Au loin, un chant résonnait. Des chœurs de voix d'enfants chantaient la chanson de Dame Liryl. Liam se sentait bien. En sécurité. Parmi des êtres qui ne lui voulaient que du bien. Il chercha Chi'ta du regard, espérant la retrouver, et partager avec elle cette sensation de bien-être.

Liam entrouvrit les yeux, l'esprit encore brumeux. Il sentait quelque chose de chaud contre son dos. En tournant lentement la tête, il comprit que c'était Chi'ta, profondément endormie, qui s'était blottie contre lui. Il ne sut pas trop que faire, puis, très doucement, ramassa son manteau rembourré qu'il utilisait comme oreiller, et le posa sur le dos de la jeune Drall, avant de se rendormir.

Quand Morgreed se réveilla, il remarqua que tous les autres étaient déjà debout.

- Allez, c'est l'heure de repartir !

Le Barabel se releva en grommelant, et se rhabilla péniblement.

- J'espère qu'on n'aura pas encore droit à une tempête, je suis pas d'humeur !

- Comment on va faire pour franchir la crevasse, à votre avis ?

- Bah, on trouvera un moyen de faire le tour, ou bien…

Canderous avait prononcé cette phrase tout en ouvrant la grande porte, et s'était arrêté net en voyant la Comète posée devant le Tombeau. Dans le cockpit, le petit visage ridé de Lah-Köl leur sourit amicalement.

- Ah, il nous a bien eu, ce petit rigolo ! jura Canderous.

- Allez, il est venu nous chercher, c'est sympa !

Tous montèrent à bord. Canderous s'en prit au Fedranien.

- Le « Chemin Sacré de l'Esprit de Lumière »… tu parles !

- Entretenir les traditions est préserver la culture, et notre identité, mais les Grands Conteurs perdent souvent de vue le côté pratique des choses. Je suis cependant très honoré de voir en bonne santé ceux qui ont vu et parlé au Veilleur.

- Tout l'honneur est pour nous, Lah-Köl. J'espère seulement que sur cette planète, les wampas ne sont pas une espèce protégée !

Taava reprit les commandes du vaisseau, et la Comète décolla. En moins d'un quart d'heure, ils étaient revenus au temple de Narasamu. La piste était déserte, mais quand les passagers descendirent, Lah-Köl courut à travers les couloirs du temple en criant d'une voix enjoué quelque chose dans sa langue, que les autres interprétèrent comme un appel aux réjouissances devant le retour des pèlerins. Mère Talia arriva, entourée de Fedraniens.

- Ainsi, le Veilleur a accepté de vous recevoir.

- En effet, « Maman », répliqua Canderous. Bon, nous allons vous laisser.

- Nous devons repartir vers Yavin IV.

- Et accomplir votre destinée… je comprends.

Tous les Fedraniens s'étaient réunis autour de la piste d'atterrissage, et chantaient des chants d'adieu. Avant de monter, les six camarades firent un dernier petit salut. Caya sauta au cou de Canderous et lui embrassa bruyamment la joue. Le mercenaire éclata de rire, et sortit de sa poche le collier de dents. Il le mit dans la main de la jeune femme, et dit à l'adresse de Lah-Köl :

- Dis-lui que grâce à moi, ce truc est deux fois plus chargé d'énergie qu'avant !

Lah-Köl traduisit, et la jeune Caya rit davantage quand elle remarqua qu'il y avait sur le collier une nouvelle dent toute neuve.

Corran Horn, le professeur de Chi'ta, finissait de lire le document imprimé. C'était la première fois que Canderous, Taava, Morgreed et Dankin voyaient le professeur de Chi'ta. Corran Horn était un homme entre deux âges, vêtu d'une bure verte autrefois caractéristique des Jedi de Corellia. Il avait le front dégagé, le nez fin, les cheveux roux, un léger bouc, et de grands yeux verts, signe d'une vue excellente qui lui avait sans doute sauvé la vie plus d'une fois quand il était pilote. Il faisait plutôt « mentor spirituel », et Canderous le voyait bien volontiers formant de futurs diplomates, et non pas de redoutables guerriers. Le mercenaire songea avec amusement :

Décidément, les Jedi que je croise se succèdent et ne se ressemblent vraiment pas !

Maître Horn leva les yeux du document, et de petites rides, signes d'un sourire, apparurent aux coins de ses yeux.

- Impressionnant rapport, Chi'ta.

- Je vous remercie, Maître Horn.

- C'est dommage pour Akanseh. Il était excentrique, mais pas méchant.

- Il n'a pas eu beaucoup le temps de souffrir, si ça peut vous consoler, Dame Halbret, répondit Morgreed.

- Et puis, c'est pas faute d'avoir essayé de le sauver, ajouta Canderous. Votre élève a fait tout ce qu'elle a pu, mais la blessure était trop grave.

- Il y a eu une sacrée fusillade, si l'on en croit les informations locales.

- On n'est pas responsables ! C'est le R.A.J. qui a provoqué tous ces dégâts.

- Il faudra surveiller les actions de ce groupe. Même s'ils combattent l'Empire comme nous, leurs méthodes sont à revoir, observa Katarn.

- Il y a quand même une chose qui me préoccupe un peu, padawan Kincaid, observa Mara Jade. Pour récupérer Akanseh, vous étiez prêts à louer les services d'une esclavagiste. Généralement, les Jedi évitent de recourir à ce genre de méthode…

- On a voulu la jouer soft ! Je parie que d'autres padawans auraient voulu tout casser dans le tribunal pour l'évacuer !

- Faire appel à ce genre d'individu reste quand même une entorse à nos principes, même légère. Vous devez faire attention à bien choisir vos collaborateurs. Les Jedi confirmés prennent toujours garde à s'associer avec des personnes qui partagent leurs convictions, expliqua Horn.

- Les Jedi confirmés auraient eu assez d'entraînement pour convaincre un juge de relâcher le prisonnier, que ce soit avec ou sans la Force, Maître Horn ! Ni moi, ni Chi'ta n'avions les moyens de raisonner tout le tribunal ! En plus, ce n'était pas une vraie esclavagiste, mais une libératrice !

- Heureux hasard, padawan, rétorqua Mara Jade avec un petit sourire inquiétant.

- L'essentiel est d'avoir les données, non ? Oh, Maître Jade, vous n'allez pas nous coller en retenue ?

- Et puis, ne nous dites pas que vous saviez qu'il était en taule ! intervint Canderous. S'il avait été en liberté, on n'aurait pas eu à le tirer de tout ce merdier. Ou alors, si vous étiez au courant mais que vous n'avez rien dit, alors permettez-moi de trouver vos méthodes d'enseignement vachement perverses !

- Allons, allons, calmez-vous, monsieur Tal, répliqua Katarn. D'accord, il est de notre devoir d'analyser et de noter le travail de nos élèves quand ils sont encore en formation, mais nous reconnaissons que les deux tâches qui vous ont été attribuées ont été beaucoup plus difficiles que prévu. Nous ne savions pas que le docteur était en prison. Et pour ce qui s'est passé sur Fedrana, croyez bien que tout n'était pas prévu non plus. Le pèlerinage, la tempête, les wampas… Si j'avais su qu'il y aurait eu autant de complications, j'y serais allé moi-même ! Ce genre de péripéties est le pain quotidien d'un Jedi aguerri, mais le danger était bien réel pour deux padawans, et vous avez su employer vos talents pour vous en tirer.

- On n'y serait pas arrivé sans les autres, précisa Liam.

- Sa modestie est admirable, mais c'est vrai que pour deux gamins à peine sortis de leur école, ils ont assuré. Ne les grondez pas pour cette histoire avec l'esclavagiste, de toute façon c'était mon idée, et je suis prête à en assumer la responsabilité.

- Laissez, mademoiselle Taava, répondit Corran Horn. Vraiment, c'était du bon travail, sur toute la ligne.

- Tenez, il y a encore autre chose. En gage de bonne foi, Thila nous a laissé ceci.

Chi'ta sortit alors de sa sacoche la broche ornée d'une pierre précieuse. La réaction de Jessa Halbret fut très violente. Brusquement, la femme pâlit, puis eut un hoquet de plus en plus prononcé. Elle gargouilla :

- Non… Nooooooon !

Puis le maître Jedi sortit de la pièce en courant. Mara la poursuivit.

- Jessa !

Les Maîtres Skywalker et Katarn n'avaient pas bougé. Katarn avait l'air navré, tandis que Skywalker était resté impassible. Horn s'était levé, visiblement inquiet. Chi'ta était bouleversée, et Liam n'en menait pas large.

- Pardonnez-moi, Maître Horn, je… si j'avais su…

- Je n'en doute pas, Chi'ta.

- Qu'est-ce qui lui a pris ? demanda Canderous. Elle a un problème avec DarkStryder, ou bien ?

- C'est un peu difficile à dire. Kyle, Corran, vous croyez que… ?

- Ben, au point où nous en sommes…

- On en a déjà parlé, il me semble, non ?

- Parlé de quoi ? insista Canderous, l'œil chargé de soupçons.

Luke Skywalker prit un air encore plus grave qu'à son habitude.

- Ce que je vais vous dire ne devra pas quitter cette pièce. J'ai votre parole, à tous ?

Des petits signes de tête, des silences soulignés de regards éloquents répondirent à cette question.

- Bien. Vous savez déjà que Jessa Halbret a fait partie de l'expédition de l'Étoile Lointaine. C'est au cours de cette expédition qu'elle a découvert qu'elle était sensible à la Force. Et en fait, pendant cette expédition, elle a… probablement été soumise à des expériences. Je ne connais pas les détails, mais en gros, on a mêlé son ADN à celui des créatures de Kathol. Du coup, cela a créé une sorte de lien entre elle et les Précurseurs, lien qui se traduisait par des hallucinations, des cauchemars à base d'araignées géantes qui tentaient de la dévorer, et des hommes-insectes qui l'invitaient à les rejoindre. Les artefacts de leur technologie agissaient comme un canal direct. Et je suppose qu'en voyant le cristal de cette broche, elle a reconnu un de ces moyens de communication.

- Toutes ces peurs, toute cette folie… elle pensait que tout serait terminé après la mort de DarkStryder, mais maintenant, si ses craintes se réalisent, tout va recommencer, résuma Horn.

- DarkStryder est mort ? demanda Morgreed.

- Ma foi, peu d'êtres vivants survivent à l'impact d'une navette impériale sur le crâne, ironisa Katarn.

- S'il s'en est sorti, pas grave, je corrigerai le tir, ricana le Barabel en tapotant sa vibro-hache.

- Il y a cependant quelque chose de particulièrement déplaisant, reprit Skywalker. J'ai lu quelques rapports classés hautement confidentiels. En fait, vous avez vu, à plusieurs reprises, que le problème provient du secteur de Kathol.

- Oui, et donc ? demanda Taava.

- Eh bien, nous savons pourquoi le secteur de Kathol est devenu la Faille de Kathol. Les Précurseurs étaient technologiquement particulièrement évolués, vous le savez. Ils avaient construit un énorme portail en orbite autour de leur planète.

- Ouah… souffla Canderous.

- Et le moteur de ce portail a été détruit pendant la grande bataille à laquelle a participé l'ancêtre de Maître Halbret. Cela a provoqué la déchirure dans la trame même de l'univers, que nous connaissons sous le nom de « Faille de Kathol ».

- Et… ? éructa Morgreed en se grattant la nuque.

- Le Seigneur Thorn essaie de maîtriser des forces dont il ne mesure probablement pas l'étendue. S'il veut construire une arme avec des cristaux katholiens, il risque de s'en servir à outrance pour faire régner sa loi dans le secteur Tapani pour commencer. En soi, ce sera déjà une grande menace, car il disposerait de moyens bien plus évolués que la plupart des peuples. Mais il y a pire j'espère me tromper, mais j'ai peur qu'il y ait un problème de fonctionnement dans cette « Sphère À Torpilles Avancée » qui provoque une catastrophe…

- Une catastrophe du genre « Faille de Tapani » ?

- Oui, Corran.

Personne n'ajouta mot. Chacun médita sur les conséquences désastreuses qui pouvaient découler de la situation actuelle si personne ne faisait rien. Enfin, Liam s'écria :

- Nous devons faire quelque chose ! L'empêcher de mener son projet à terme !

- Il faut agir, en effet.

Après avoir parlé, Skywalker se leva.

- Liam, pourriez-vous me remettre le sabre-laser de votre Maître ?

- Tenez.

L'adolescent donna l'étrange poignée d'os au Maître Jedi. Celui-ci recula, et l'alluma. Une nouvelle fois, la lame de brume apparut en sifflant. Skywalker brassa l'air de gauche à droite, observant en détail le moindre mouvement. Il donna sans hésiter un grand coup de cette arme dans l'un des fauteuils… qui resta absolument intact.

- C'est vraiment une technologie surprenante…

- Redoutable contre les adversaires équipés d'armures ! observa Katarn.

- J'ai l'impression que cette arme agit en fait uniquement sur le plan spirituel. C'est comme ça que même les fantômes peuvent être affectés, supposa Horn.

- Mais cette lame est énergétique, elle pourra arrêter l'énergie des autres sabre-lasers ou des tirs de fusil blaster, constata le Maître.

- Le prix de cette efficacité est très lourd à payer, Maître Skywalker. Le spectre de Duncan Blackstorm nous a prévenu que le Côté Obscur risque de s'emparer plus facilement du détenteur de cette arme.

- En effet, Chi'ta, je sens une résonance très accrue. Je pensais fabriquer d'autres exemplaires de cette arme, mais maintenant, je suis moins convaincu. A mon avis, son usage est trop hasardeux pour nous. Je vais quand même l'étudier. Je vais la dissimuler dans un lieu connu de moi seul, comme ça, je serai plus tranquille.

Skywalker éteignit le sabre, et regarda la jeune Drall d'un air interrogateur.

- Vous avez vu Blackstorm, dites-vous ? Vous ne l'aviez pas noté dans le rapport…

- J'ai préféré ne pas écrire cette information, au cas où quelqu'un d'indiscret aurait lu ce rapport sans votre consentement. Je serais navrée de vous avoir offensé.

- Ce n'est pas grave, poursuivez, je vous prie.

- Il nous a parlé de la façon dont il a eu ce sabre-laser. Un souvenir de son propre Maître, un certain Ageer.

- Ageer… ce nom ne me dit rien.

- Vous devriez peut-être vous renseigner sur lui.

La douce chaleur de Dame Liryl irradia alors qu'elle entrait dans la pièce. Encore une fois, Chi'ta entendit au loin la chanson qu'elle avait encore entendu dans le caveau du Veilleur. Surmontant sa timidité, la jeune Drall osa :

- Dame Liryl, est-ce que je peux vous demander… où avez-vous appris ce chant ? Le chant merveilleux qui vibre dans la Force autour de vous, et qui apporte paix et tranquillité à votre entourage ?

- Vous parlez du Chant de la Sérénité, jeune Chi'ta ?

- C'est ainsi que s'appelle cette chanson ! Que c'est beau…

- J'utilise ce chant comme vecteur de la Force.

- Nous avons récemment rencontré quelqu'un… quelqu'un qui connaît aussi ce chant. Le chevalier Duncan Blackstorm. Le connaissez-vous ?

- Non, jeune Chi'ta, je regrette.

- Il nous a dit l'avoir appris auprès d'un non-Humain nommé Maître Ageer, avec tout le reste de son savoir.

- Maître Ageer ? répondit Dame Liryl avec surprise.

- Ce nom vous est familier, n'est-ce pas ?

- Oui, en effet. Avant de devenir la Dame de la Sérénité, j'ai suivi les enseignements de Maître Ageer. C'est bien lui qui m'a appris le chant de la Sérénité. Il est cependant possible qu'il ait transmis son savoir à d'autres personnes. Ce chevalier est probablement un autre de ses élèves. Mais il ne m'a jamais parlé de lui. Et il ne m'a jamais dit où il avait trouvé ce sabre-laser.

- Il l'a peut-être construit lui-même avec une technique inconnue ?

- Possible.

- Mes analyses nous le révéleront peut-être. Allez, je propose que nous nous en tenions là pour le moment, il commence à se faire tard.

- Tenez, Maître Skywalker, je vous remets cette broche.

- Merci, padawan Koskaya.

Les membres de l'assistance sortirent l'un après l'autre de la salle de cérémonie, à l'exception de Kyle Katarn qui consulta à nouveau son bloc de données, et Liam Kincaid qui attendit le départ des autres pour lui parler.

Chi'ta déambulait dans les couloirs de l'Académie, impatiente de retrouver ses amis, pour leur parler de l'expérience qu'elle avait vécu sur Fedrana, au milieu des habitants. Elle entendit la voix claire de Dame Liryl l'appeler.

- Chi'ta, s'il vous plaît ?

- Oui, ma Dame ?

- Pourriez-vous me tenir compagnie ? J'ai besoin de me confier à une bonne amie.

- Je suis très honorée que vous me considériez comme telle, ma Dame.

- Où pouvons-nous nous entretenir discrètement ?

- Allons au jardin, c'est la porte juste à notre droite.

Un instant plus tard, elles marchaient sur un petit chemin de pavés bien entretenu.

- Alors, comment puis-je vous servir, ma Dame ?

- Je vais retourner avec vous sur Procopia, et donner ma réponse à Don Nycator de Mecetti.

En repensant à leur dernière conversation sur le sujet, Chi'ta sentit son visage se renfrogner de tristesse.

- Vous avez donc bien réfléchi à votre décision…

- J'aimerais cependant vous en parler.

- J'apprécie votre confiance, mais ne pensez-vous pas que Dame Taava soit mieux placée que moi pour évoquer ce sujet ? Elle a sans doute une meilleure connaissance que moi en la matière de mariage.

- Non, vraiment, je… Taava est forte et digne, mais elle ne peut percevoir certaines choses que nous voyons, nous autres.

- C'est rapport à la Force ?

- En quelque sorte.

Le temps était magnifique. La nuit s'annonçait belle, et la jeune femme huma avec délice le parfum des fleurs.

- Vous avez beaucoup de chance d'étudier les voies de la Force dans un cadre aussi agréable.

- Drall est toujours dans mon cœur, mais mon esprit trouve le repos chaque fois que je me promène dans les jardins de l'Académie.

Un instant plus tard, les deux femmes étaient assises sur un banc de pierre.

- Je sais que je prends la bonne décision, Chi'ta, mais elle me fait peur.

- Vous, peur ? Vous qui êtes la Sérénité même ?

- Vous pensez qu'aucune émotion ne peut m'atteindre ? demanda la jeune Humaine avec un petit rire triste. Désolée de vous décevoir, mais comme vous, j'éprouve des sentiments des joies, des peines… et parfois, il m'arrive d'avoir peur !

- Et de quoi avez-vous donc peur ?

- Je… je sens que quelque chose ne colle pas avec Don Nycator de Mecetti.

Chi'ta fit bouger son nez, anxieuse.

- C'est-à-dire, ma Dame ?

- Je ne l'ai vu que quelques fois, mais pour ces rares fois, en sa présence, j'ai eu comme… une impression bizarre.

Sous le coup de l'inquiétude, les oreilles de la petite Drall se rabattirent.

- Ah oui ? Voudriez-vous dire qu'il serait sensible à la Force, lui aussi ?

- Je ne sais pas… ce que j'ai ressenti, ce n'était pas ce que je ressens avec vous ou votre ami Liam.

- Moi, je n'ai rien senti, alors que j'ai été tout près de lui. Même si je ne suis qu'une padawan, j'aurais forcément éprouvé quelque chose directement lié avec la Force. Comme ce fut le cas avec Dame Decrilla. Or, j'ai éprouvé de l'indisposition vis-à-vis de Don Nycator de Mecetti, non pas à cause de la Force, mais de par son caractère, et ça, j'en suis certaine. Pas de noirceur liée au Côté Obscur.

- C'est justement ce qui m'inquiète, Chi'ta. Je ne sens rien de ténébreux envers Don Nycator de Mecetti. Je me sens même attirée par lui. Je ne l'aime pas, je sais qu'il n'est pas prêt à endosser les responsabilités que sa Maison s'apprête à lui transmettre, j'aimerais n'éprouver que de la pitié pour lui, mais quelque chose me pousse vers lui… je n'arrive pas à l'expliquer. Et ce n'est pas tout, parfois, j'ai des visions. Je vois de lourdes menaces peser sur Procopia, des créatures haineuses projeter de tous nous anéantir… et j'ai le sentiment qu'il y a un lien avec lui.

- C'est pour cela que vous voulez l'épouser, n'est-ce pas ? Ce n'est pas seulement pour redonner de l'espoir à l'univers, ou tempérer ses envies de guerre ?

- Non, en effet. Je ne sens pas le Mal en lui, mais sous ses airs de maître de Maison, il est complètement perdu. Le voir ainsi me fait de la peine, et j'ai envie de l'aider.

- Croyez-vous qu'il acceptera votre aide ?

- Le fait de me demander ma main est un premier pas. Je me demande s'il ne sent pas également quelque chose. Peut-être qu'il espère justement que je puisse le soutenir. Enfin, si je ne fais pas un raisonnement erroné.

Pendant cette conversation, Dame Liryl était restée absolument maîtresse de ses émotions. Chi'ta la regardait, à la fois terrifiée et admirative.

- Dame Liryl, vous êtes la femme la plus dévouée aux autres et la plus courageuse que j'aie côtoyée. Je n'espère pas être un jour votre égale, mais je ferai tout mon possible pour vous ressembler.

- C'est très gentil, ma jeune amie. Je puis déjà vous assurer que pour le courage, vous êtes bien mon égale.

Soudain, les deux filles entendirent au loin des éclats de voix, provenant d'une fenêtre.

- Que se passe-t-il ?

- Je l'ignore, ma Dame. Nous devrions peut-être…

Le ronronnement d'un moteur bruyant l'interrompit, alors qu'un petit véhicule aérien de modèle T-16 Skyhopper frappé aux couleurs de l'Académie passa au-dessus d'elles, fonçant vers la forêt de Yavin.

- Il est arrivé quelque chose !

- Je le sens, Chi'ta. Je le sens.

Chi'ta courait déjà à travers les bois, à la poursuite de l'aéroplane.

Quelques minutes plus tôt…

Resté près de la porte, à quelques mètres de Katarn, Liam avait longtemps hésité avant de parler. Le maître était tellement concentré sur son bloc de données qu'il semblait n'avoir pas eu conscience de la présence de l'adolescent. Au bout de quelques longues minutes, ce dernier trancha le silence.

- Comment va Maître Halbret ?

- Elle s'en remettra. Tant qu'elle ne retourne pas dans la Faille…

- Vous y croyez, vous, à cette histoire de risque de Faille de Tapani ?

- J'envisage toutes les possibilités, en espérant que la bonne ne soit pas la pire.

- Bon…

Liam hésitait.

- Vous avez quelque chose à me dire ?

- Oui, Maître Kyle.

- Je vous écoute.

- C'est à propos de mon Maître. Je… je crois savoir qui l'a tué.

- Ah oui ?

- Au Tombeau du Veilleur, il s'est passé autre chose qui ne figure pas dans le rapport. Quand j'ai pris le sabre-laser d'Ageer, j'ai eu une vision. J'ai vu comment Duncan a été tué, et qui l'a fait. C'était Daymon Thorn !

Kyle Katarn digéra le coup, impassible.

- Êtes-vous sûr que ce n'était pas encore une illusion suggérée par le Côté Obscur ? Comme dans la Chambre du Conseil sur Procopia ?

- Non, j'en suis certain. D'abord, Chi'ta a vu la même chose que moi. Ensuite, le spectre de Duncan Blackstorm m'a confirmé cette version des faits, et m'a recommandé de ne pas se monter la tête contre lui.

- Il a bien raison.

- Mais ça n'a pas l'air de vous surprendre ?

- Non, en effet. Liam, j'ai quelque chose à vous avouer, moi aussi.

- Quoi donc ? demanda l'adolescent, craignant de deviner ce que Katarn allait dire.

- Vous ne m'avez rien appris, Liam. Depuis le début, je savais que Daymon Thorn est l'assassin de Sire Blackstorm.

L'électrochoc attendu.

- Que… vous… mais…

- J'ai lu le rapport de « Mère » Talia avant de vous le remettre, après l'avoir un peu « épuré ». Le nom de Daymon Thorn figurait bien dessus.

- Pourquoi… pourquoi vous ne m'avez rien dit ?

- Parce que vous n'étiez pas prêt à recevoir cette information.

- Pas… prêt…

- Cette information ne vous concernait pas.

L'étonnement fit place à une violente poussée d'adrénaline.

- Pas concerné… ? Mon Maître, mon mentor, celui qui m'a tiré du caniveau, sauvagement assassiné, et je… je ne suis pas concerné ?!

- Vous n'étiez vraiment pas prêt à l'entendre, et quand je vois votre réaction, je pense que vous n'auriez pas dû l'apprendre, il était encore trop tôt.

- Pas dû l'apprendre… Alors, c'est ça ? Vous me l'avez caché… et peut-être que vous nous cachez d'autres choses que ça vous dérangerait de nous voir apprendre.

- Liam, vous vous faites des idées.

- C'est bien ça ! Nous sommes juste vos chiens que vous envoyez dans les pattes de vos ennemis pour les affaiblir ! Vous effacez ce qui pourrait ébranler votre autorité ! Voilà au moins un point sur lequel Daymon Thorn avait raison !

Kyle Katarn s'était levé d'un bond.

- Liam, vous ne devez jamais penser ça !

- Et merde ! Je ne vois pas pourquoi je vous écouterais encore ! La seule personne qui me voulait vraiment du bien, c'était Duncan Blackstorm, et vous l'avez laissé crever ! Vous l'avez abandonné !

- Non, ça ne s'est pas passé comme vous dites !

Le ton de Liam montait, à tel point que Luke Skywalker, Jessa Halbret et Mara Jade étaient entrés, intrigués. L'adolescent sentait son visage prendre feu.

- Ah, vous voilà au grand complet ! Je ne comprends pas pourquoi je vous écoute encore, alors que vous êtes des menteurs, et des manipulateurs !

- Mais de quoi parlez-vous ? demanda Maître Jade, qui prenait un air indigné.

- Vous croyez peut-être que je suis un crétin naïf ? Pendant que j'étais avec mon vrai Maître, j'en ai appris de bien belles sur votre compte ! J'ai consulté certains dossiers très chauds de l'Empire. Katarn, agent d'infiltration exemplaire pour le compte du COMPORN. Et vous, colonel Jessa Dajus, des Services Secrets Impériaux, vous pouvez être fière de vos états de service ! Et que dire de vous, Mara Jade, ou plutôt je devrais dire « La Main de l'Empereur » !

- Liam… hasarda Maître Halbret.

- Non ! Je ne veux plus avoir à faire avec aucun de vous ! Plus rien !

Liam, fou de colère et de chagrin, recula vers la porte. Mais en voyant Luke Skywalker s'en rapprocher, il regarda les alentours comme un animal traqué, et quand il vit la fenêtre ouverte, il sauta sans hésiter du haut du premier étage. Grâce aux enseignements de la Force, il se reçut en souplesse, sans se faire le moindre mal. Katarn se pencha à la fenêtre.

- Liam, attendez !

- Non !

Luke avait posé sa main sur l'épaule de Katarn.

- Kyle, laissez-le.

- Il risque de faire une bêtise ! Regardez !

Liam avait sauté dans un petit appareil, un T-16 Skyhopper. Le petit module décolla.

- Et maintenant ? demanda Kyle, contrarié.

- Ne vous en faites pas. Ce n'est qu'un petit planeur, il ne peut même pas quitter l'atmosphère avec. Il ne pourra pas aller bien loin, encore moins si le réservoir de carburant n'est pas rempli. De toute façon, s'il ne revient pas de lui-même, nous le retrouverons facilement avec la balise de l'appareil. Nous devons laisser passer sa rage. Si nous l'avions retenu de force, il aurait pu devenir vraiment dangereux et blesser quelqu'un, vu l'état dans lequel il était.

- Et s'il se plante dans un arbre ?

- Alors il n'y a plus qu'à espérer que le système de mousse antichoc soit efficace.

Liam s'était posé dans une clairière, au milieu de la forêt de Yavin IV. Sa colère était un peu radoucie, mais sa tristesse avait grandi. La rancœur avait fait place à la déception. Il était descendu de l'aéroglisseur, et s'était traîné hors du vaisseau, pleurant toutes les larmes de son corps. Ses repères étaient tous en train de s'effondrer.

Il réalisa qu'il se trouvait devant un grand lac, que la lune faisait luire de mille éclats. En face de lui, sur l'autre rive, il distingua vaguement la forme sombre d'un grand bâtiment. Il éprouva une sensation similaire à celle qu'il avait ressenti dans le Tombeau du Veilleur. Le lieu était sans doute puissamment chargé en énergie de la Force.

Mais il n'y prenait pas garde. Brisé, las, il se laissa tomber dans le lac, les yeux vers le ciel. Le contact de l'eau tiède fit frissonner son corps meurtri par la circulation accélérée du sang. Les étoiles brillaient, quelques-unes filantes striaient le ciel. Des lucioles papillonnaient, illuminant la surface de miroir de l'eau de myriades de petits éclats lumineux. Et l'adolescent n'entendait rien d'autre que le clapotis des vaguelettes sur son corps. Au bout d'un temps qu'il ne put définir, le courant le rejeta sur la terre meuble. Il ne bougea plus. Les yeux fermés, il surveillait sa respiration, tentant de la réguler. Puis il se releva, et s'assit sur le bord du lac. Son cerveau était en ébullition.

Trahi par mes soi-disant Maîtres… Pourquoi ces vieux salauds ont fait ça ? Après tout ce que j'ai fait pour eux et leur putain d'Académie de mes fesses !

- Il faut les comprendre, mon petit.

Liam ouvrit les yeux en reconnaissant la voix qui lui avait parlé.

- Maître Duncan…

Le spectre du chevalier Jedi était bien assis à côté de lui.

- Comment êtes-vous là ?

- Tu vois ce bâtiment, en face ? C'est un ancien temple Massassi. Il regorge d'énergie mystique, et le lac avec. Comme la Force est très présente dans cet endroit, je peux me matérialiser ici.

- Je sais pourquoi vous êtes là… je me suis un peu emporté.

- T'inquiète pas. À ton âge, à ta place, j'aurais agi comme toi. Peut-être même que je l'aurais encore plus mal pris.

- Ils savaient. Ces hypocrites savaient depuis le début, ils ne m'ont rien dit !

- Ils ne sont pas hypocrites, mon petit. Ils ont peur.

- Peur ? Mais de quoi ? Ils sont assez forts pour se défendre, non ? Si un de leurs élèves pète un plomb, ils peuvent le contenir !

- Ce n'est pas pour eux qu'ils ont peur, mais pour leurs élèves. Toi compris.

- Tous de sales bâtards d'Impériaux… Je ne veux plus leur servir de clébard.

- Il ne s'agit pas de leur « servir de clébard », comme tu dis. D'accord, ils ont été Impériaux. Mais ils se sont repentis, chacun à leur façon. Il y a des gens très bien qui ont fait partie de l'Empire. Il y a Katarn, Jade, Halbret… et même moi ! Oui, moi, Liam. J'étais à peine plus âgé que toi quand j'ai fait mes premières armes. J'avais été emprisonné pendant quelques mois par des non-Humains particulièrement agressifs et assoiffés de conquête. Je ne savais pas alors que je comptais des Jedi parmi mes ancêtres, mais eux l'avaient vu, ils voulaient étudier les Humains sensibles à la Force, et je leur ai servi de sujet. Quand j'ai été libéré, c'était par les forces impériales. J'ai voulu alors contribuer à l'ordre universel, et traquer la racaille extraterrestre. Je me suis engagé à l'issue de ma thérapie. J'ai été soldat de choc, avec l'armure, la formation, et tout le tralala, et j'ai même gagné quelques galons. Heureusement, j'ai été formé sur une planète assez isolée, où l'entraînement n'était pas trop abrutissant, et je n'ai pas subi un endoctrinement aussi radical que sur Coruscant ou Carida. Un jour, j'ai participé à un raid sur un monde désertique très riche en minerais, sur un village de civils. Rien que des femmes, des vieillards et des enfants. L'Empereur avait voulu « serrer un peu la vis » pour mater les révoltes. Au fond de moi, tout hurlait, me disant que j'étais devenu un massacreur, comme les non-Humains qui m'avaient retenu captif. Les villageois se sont bien défendus. À la fin de la bataille, plus aucun ne respirait. Quant à notre unité, elle ne comptait plus que moi et mon supérieur. J'ai fait ce qui me semblait le plus sensé : j'ai abattu mon chef, j'ai habillé un corps avec mon armure avant de le brûler, et j'ai déserté. J'étais complètement paumé, je ne savais plus ce que je voulais, ni comment me rattraper. C'est là que j'ai rencontré Ageer.

- Alors, ça s'est fait comme moi… Un Jedi est venu de nulle part, et vous a montré la voie à suivre. Mais je… je ne sais pas si je peux continuer sur cette voie-là.

- Bien sûr que si. Nous avons tous nos faiblesses, nos moments de doute. Mais je peux t'assurer que ces Maîtres Jedi pensent vraiment ce qu'ils disent quand ils prétendent vouloir t'aider.

- Je suis vraiment désolé.

- Ce n'est pas à moi que tu dois le dire, répondit le spectre avec un petit sourire. Je dois te laisser, maintenant. Je sens une présence, quelqu'un vient par ici. Une jeune personne qui s'inquiète beaucoup pour toi.

- Une… jeune personne ?

- Je sens qu'elle tient à toi, plus peut-être que tu ne le crois. Allez, je te laisse, mais nous nous reverrons sûrement. N'en veux pas au Conseil des Jedi, et bon courage.

Et le spectre s'effaça. Un instant plus tard, Liam entendit un petit bruit de pas dans l'herbe. Il eut un petit sourire en voyant arriver Chi'ta. La jeune Drall s'assit près de Liam, sur une souche d'arbre, les mains posées sur le bois derrière elle. Elle ne dit rien, se contenta de balancer lentement les jambes d'avant en arrière. Ce fut l'Humain qui parla le premier.

- T'es fâchée ?

- Non. Je ne t'en veux pas. Je n'en veux à personne. Je n'en ai jamais voulu à personne. Personne ne m'a fait autant de mal qu'à toi. Je ne pense pas seulement à Daymon Thorn. La vie n'a pas été facile, pour toi.

- J'aimerais que tout change.

- Mais tu as déjà bien changé. Tu fais tout pour agir de manière respectable.

- Engueuler le Conseil des Jedi quand ils ont voulu me protéger, c'était respectable ?

- Il y a quelques années, tu aurais pensé avoir eu raison face à une bande de vieillards séniles et incompréhensifs. Aujourd'hui, tu penses avoir mal agi, et tu estimes qu'ils ont préféré te cacher la vérité sur l'identité de l'assassin de ton Maître pour que ça ne te détruise pas complètement. Rappelle-toi quand nous étions à bord du Gantelet, tu penses que tu aurais eu la moindre chance contre Thorn si tu t'étais jeté sur lui en voulant venger Sire Duncan Blackstorm ?

- Non, je ne crois pas.

- Tu vois que tu en as fait, des progrès.

L'adolescent sourit encore, commençant à comprendre.

- Chi'ta, je… merci.

- C'est un plaisir.

- Est-ce que… quand nous étions dans l'ascenseur vers le Tombeau du Veilleur, j'ai pensé à quelque chose. Est-ce que… est-ce qu'un Drall t'a déjà dit…

- Que ?

- Je ne sais pas comment les Dralls le pensent, et comment ils le disent, mais moi, en tout cas, je te trouve très mignonne.

Chi'ta ouvrit d'immenses yeux surpris au suprême degré.

- Moi ?

- Ben… oui.

- Moi ? Mignonne ?

- Je… j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

L'adolescent paniquait.

- Non, non ! C'est un joli compliment ! Mais… sur Drall, à part mes parents qui me voient comme leur fille… personne ne m'avait jamais dit ça.

- Pas même un des tiens ?

- Personne d'autre. Jamais.

- Ah… je… bon.

Chi'ta se leva, et tendit la main à son condisciple.

- On doit y aller, maintenant, il se fait tard.

Skywalker eut un petit sourire lorsqu'il entendit le bruit du T-16 Skyhopper se poser dans la cour. Puis, au bout d'une minute, on frappa à la porte.

- Entrez.

Liam s'assit, tout penaud, devant le Maître Jedi.

- Maître… j'aimerais vous présenter mes excuses pour ce que j'ai dit.

- Oh, on a connu pire, vous savez, mais je suis heureux de vous l'entendre dire. Votre colère s'est apaisée, je le sens. D'autres aussi jeunes que vous ont été dans des situations similaires, mais ils ont été moins forts. Certains ont été consumés par le Côté Obscur, d'autres sont morts.

- J'ai revu Duncan, près du temple.

- Pas étonnant. Les temples Massassi sont de véritables nexus de Force.

- Il m'a tout expliqué. Et j'ai compris. Si vous n'avez rien dit, c'était pour moi bien, n'est-ce pas ?

- À moi non plus, ça ne me plaît pas, mais c'est souvent nécessaire. Les padawans sont très fragiles, aussi bien face aux Sith que face à leurs propres réactions. Parfois, nous sommes obligés de leur dissimuler certaines choses, car nous savons pertinemment que ces « choses » peuvent les atteindre au plus profond de leur âme. Puisqu'on en est là, je peux même vous dire que ça m'est arrivé. Mon Maître Obi-Wan Kenobi m'a jadis caché une information similaire à celle que nous avons préféré vous taire, et j'ai appris ce secret au plus mauvais moment, cela a failli me coûter la vie. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je dirai juste que je comprends parfaitement votre ressenti. Quant à vos excuses, elles sont acceptées.

- Merci, mais… pourquoi vous me racontez ça ? Cette histoire, avec votre Maître ? C'est… vachement personnel, non ?

- Parce que vous avez affronté des épreuves particulièrement ardues pour un enfant de votre âge, mais vous avez résisté, et qu'en cela, vous êtes un padawan exceptionnel. Nous avons confiance en vos capacités. Je peux vous dire qu'à votre âge, moi, les dangers que j'encourais se limitaient aux grains de sable qui grippaient les articulations des droïds agricoles de la ferme familiale. Vous avez tenu tête à des Impériaux, à la fange politicienne de Procopia, et à un Jedi Noir. Pour un adolescent de quatorze ans, ça fait déjà beaucoup.

- Si j'avais su devant Thorn, j'aurais sans doute mal agi, et je ne serais plus là pour en parler. Je comprends, maintenant, et je l'accepte.

- Et maintenant, vous êtes prêt, déclara la voix réjouie de Kyle Katarn.

L'adolescent tourna la tête, et vit dans l'encadrement de la porte les trois autres Jedi du Conseil, souriants.

- Maîtres, je…

- Inutile, répondit Halbret en levant une main indulgente. Allez, le Maître Skywalker a raison, vous avez vécu des moments très durs, ces derniers temps. D'après ce que nous a raconté Kyle, vous avez eu plus que votre part de frayeurs entre Vilhon, Norphair et Fedrana. Quant à moi, je vous dois des excuses aussi si j'ai pu vous effrayer par mes réactions vis-à-vis de la technologie DarkStryder. Allons tous nous coucher, nous allons avoir besoin de toutes nos ressources.

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