Les Cendres du Phénix

Chapitre 4

2050 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/01/2017 14:05

Gurney poussa la lourde porte qui donnait sur le toit, puis balaya lentement l'horizon du regard. Il ne vit que des tours en cristal vert qui paraissaient froides et inhabitées. La fumée des combats aux alentours noircissait davantage encore le ciel et le chargeait par endroits de nuages de poussières en suspension. Ils étaient cernés, livrés à eux-mêmes, sans possibilité désormais de s'échapper. Son armure si lourde et étouffante semblait aimantée par le sol. Et sa volonté fondait comme neige au soleil. En avait-il à peine pour lui-même et moins encore pour les autres. Lentement, il fit quelques pas qui traînèrent sur le sol. Presque titubant, il laissa s'échapper son blaster du bout des doigts, puis tomba sur les genoux ses mains posées à plat. Il baissa la tête. La sueur dégoulinait. Il ferma les yeux et quelques gouttes d'eau tombèrent. Les Intendants devant lui, ne prêtant guère attention au mercenaire, juraient de tous les noms. Mais lui n'entendait rien, ni le vent qui soufflait fort, ni les autres. Il n'entendait rien, sauf ce bruit qui avait fini par devenir dangereusement familier. Ce bruit aigu, saccadé, qui fendait l'air... Ils étaient là.

Deux boules d'un noir brillant jaillirent de la porte en roulant, renversant les Kerkoidiens qui se trouvaient sur leur passage, avant de s'arrêter brusquement. Gurney déglutit. La dernière chose dont il avait besoin, c'était des droïdes destroyers, les plus formidables et redoutables droïdes de l'armée séparatiste. Les prédateurs mécaniques se déployèrent sur leurs trois pattes pointues et s'enveloppèrent d'un halo bleu bourdonnant. Pris de panique, les Intendants se mirent à courir dans tous les sens en agitant les bras, telles des proies à nu et sans défense.

« À l'abri ! Derrière les conduits d'aération ! » cria Gurney ramassant son arme et s'interposant avec une certaine dose d'inconscience pour permettre aux autres de se cacher. Son instinct de combattant venait de refaire surface pour affronter cette nouvelle menace.

Il n'avait jamais eu affaire à ces droïdes destroyers auparavant. Mais il en avait bien assez entendu lors de ces discussions bien arrosées entre mercenaires. Il savait que ces droïdes étaient pratiquement invincibles au point même de faire fuir les Jedi. Alors lui, que pourrait-il bien faire ? Il n'avait plus de grenade à impulsions électromagnétiques. Et ses tirs de blaster pourtant à pleine puissance se dissipaient instantanément sur les déflecteurs qui entouraient les droïdes. Ces derniers redressaient leur tête et dévoilèrent en lieu et place de leurs deux bras, de redoutables canons jumelés pointés en direction de Gurney. Par réflexe, le Jézarien fit une roulade sur le côté et esquiva de justesse les tirs. Mais il ne fallut qu'une fraction de seconde aux droïdes destroyers pour réajuster leur cible qui était encore au sol. Gurney en mauvaise posture était à leur merci. Sur ses pupilles dilatées ne se reflétait que le visage de la mort.

C'est à ce moment que le soleil se voila et des bruits de moteur résonnèrent au sommet de l'immeuble. Des lasers bleus de haute énergie illuminèrent le ciel et frappèrent de plein fouet le bouclier des droïdes. Bien qu'insuffisant pour transpercer la défense de ces robots tueurs, le mercenaire profita de cette diversion opportune pour se précipiter derrière un pylône. Sauf, il jeta un regard derrière lui.

À l'opposé, l'ombre projetée sur le toit grandissait à mesure que le vaisseau de la SecuriCorp se posait. À en juger par les épaisses traces de carbones et de poussière sur sa coque, il n'avait pas été nettoyé depuis des années. Son apparence peu aérodynamique, anguleuse, presque pataude, rappelait plus celle d'un bantha qu'un engin de transport de troupes et d'exfiltration. Au moins semblait-il avoir pour lui la robustesse et la fiabilité, à défaut du reste. Ils devraient s'en contenter.

Au moment où la porte latérale coulissa, non sans difficulté, les Intendants se précipitèrent vers le transporteur. Il faut croire que la joie d'être bientôt sauvés de cette pétaudière leur avait fait oublier qu'à quelques mètres d'eux se tenaient les redoutables droïdes destroyers.

« Nom d'un wampa... Mais c'est qu'ils veulent vraiment mourir ces abrutis... » jura Gurney toujours à l'abri derrière son pylône. Il plongea la main dans sa sacoche. Il n'avait plus de grenade à impulsion électromagnétique certes, mais il lui restait une bonne vieille grenade fumigène. Les senseurs des droïdes seraient-ils aveuglés par la fumée ? Il n'en savait rien, mais il n'avait plus rien à perdre. Il arma la grenade sphérique et la fit rouler sur le sol en direction des droïdes. Il ne fallut pas longtemps pour qu'un épais brouillard s'installe, presque au point de désorienter Gurney lui-même. Il ne voyait ni les droïdes ni ses compagnons de fortune. C'est à peine s'il distinguait la vague silhouette sombre de ce qui devait être le vaisseau venu les chercher.

Après un bref instant d'hésitation, Gurney se releva et se mit à courir. Tout juste eut-il parcouru quelques mètres, qu'une violente décharge le toucha en pleine cuisse. La douleur fut si forte qu'aucun son ne parvint à sortir de sa bouche. Il s'effondra aussitôt sur le sol à plat ventre, seul, isolé, perdu dans cette brume éthérée.

Au même moment, le dernier Intendant monta à bord de la cabine passager, exténué et dégoulinant de sueur. Il ne savait pas s'il devait être soulagé d'être sur le point de quitter les lieux, ou s'il devait être furieux de ces péripéties indignes de son rang. Dans l'interphone de piètre qualité, une voix saturée se fit entendre. Il la reconnaissait. C'était la même que celle qu'il avait entendue peu de temps auparavant lorsque lui et ses collègues négociaient les moyens de leur fuite.

« Désolé pour ce petit retard messieurs, mais disons que nous avons dû faire un petit détour pour éviter une patrouille aérienne séparatiste », dit le responsable de la SecuriCorp à peine gêné. « Est-ce que tout le monde est à bord ? » Au ton nerveux de sa voix, il était clair qu'il espérait une réponse affirmative, et rien d'autre.

Le dernier Intendant hésita avant de répondre. Il se retourna, mais il ne voyait rien dans cette purée de pois. Sans doute que leur garde du corps avait péri face à ces droïdes ? Ce qui était sûr c'est que ni lui ni ses collègues n'avaient envie de subir un tel sort.

« Tout le monde est à bord. Nous pouvons décoller », indiqua l'Intendant avec un léger pincement dans la voix.

À croire que le pilote avait anticipé la réponse. À peine la phrase terminée, l'engin se hâta de prendre de l'altitude et la porte latérale se referma en un claquement sonore. Pourtant, le pilote ignorait que son collègue gisait à terre.

Gurney était toujours conscient. Il entendit le bruit des moteurs s'intensifier et comprit que le vaisseau était sur le point de repartir. Il devait vite se ressaisir. Son niveau d'adrénaline gonflé à bloc, il s'aida de ses bras pour ramper puis réussit à trouver les ressources pour rapidement se redresser. Faisant abstraction de la douleur, il tenait par miracle sur ses deux jambes et courait. Des traits lumineux déchiraient en lambeaux le voile blanc du brouillard évanescent. Heureusement, les lasers ne le visaient plus. C'était le vaisseau qui était pris pour cible dorénavant.

À mesure qu'il se rapprochait de l'appareil déjà haut dans le ciel, la fumée s'éclaircissait. Le Jézarien pouvait voir à travers la vitre du cockpit le visage du pilote. Gurney cria et lui fit signe avec ses bras. Le voyait-il ? Il fallut de longues et interminables secondes pour que la porte latérale s'ouvrît de nouveau. Alors que le vaisseau en vol stationnaire continuait à essuyer les tirs des droïdes destroyers, un câble métallique en sortit. Son extrémité descendit en se balançant au gré du vent. Elle se rapprocha du mercenaire au sol qui tendait déjà les bras pour l'attraper. Mais soudain, la descente du câble s'arrêta nette. Il était trop court et le transporteur ne semblait pas du tout enclin à réduire son altitude et se mettre de la sorte davantage à la portée des droïdes.

Gurney tenta d'attraper le câble à l'aide de sa détente sèche. C'était peine perdue. L'extrémité du câble devait se trouver à au moins six mètres du sol. Tentant de garder son sang-froid, il se mit à analyser la situation. Autour de lui se trouvaient des conduits d'aération qui pourraient, pensait-il, lui fournir un point d'appui et réduire la hauteur qui le séparait de son salut. L'entreprise semblait hasardeuse. Et la réussite improbable. Mais c'était son ultime chance. Il recula que plusieurs mètres, inspira profondément, puis prit son élan. À cet instant, une sensation étrange parcourut son corps, ses muscles, ses nerfs et son esprit. Était-ce son état avancé d'hypoglycémie ou bien la rage du désespoir ? Toujours est-il qu'il semblait dans un état second, presque en transe. Sa vision se déformait légèrement. Il lui semblait pouvoir distinguer les courants aériens. Tous ses sens étaient en alerte, plus qu'ils ne l'avaient jamais été. Il se mit à courir à toute allure, bondit sur un bloc en plastacier, fit une foulée et poussa de toutes ses forces sur ses cuisses, mollets, chevilles et même les tendons de doigts de pied. Il étira ses bras au maximum de son anatomie. Pendant un bref instant, le temps semblait s'être figé. Les droïdes ne tiraient plus. Le vaisseau ne tanguait plus. Le câble n'oscillait plus. Seul lui semblait porté par un vent invisible. C'est ainsi qu'il se hissa dans les airs, comme aspiré par une tornade.

D'une main ferme, Gurney s'empara du câble qu'il était décidé à ne pas lâcher. Il n'eut pas le temps de réfléchir à sa performance qu'une salve de laser le frôla à l'épaule. Puis il entendit une détonation. Et de la fumée noire s'échappa de la coque du transporteur. Une odeur de brûlée entoura le Jézarien. Le vaisseau perdait de l'altitude. Il venait d'être touché.

« Lâchez du lest ! » hurla une voix dans l'interphone de la cabine passager. « Le générateur principal a été touché. On n'a pas assez de puissance ! »

Les Intendants dans un désordre le plus total saisirent tout ce qu'ils trouvaient sous leur main. Conteneurs, caisses, boites à outils, pièces détachées, jusqu'au moindre boulon, tout fut jeté par-dessus bord. Mais le vaisseau continuait dangereusement à redescendre. Au bout du câble qui frétillait, Gurney continuait à s'accrocher pour ne pas tomber.

« Coupez le câble ! » ordonna le responsable de la SecuriCorp. « C'est notre seule chance de sauver la mission. »

Les Intendants se regardèrent mutuellement. Aucun n'était enthousiasmé à l'idée d'endosser la responsabilité d'abandonner leur garde du corps après tout ce qu'il avait fait pour eux.

« Bon sang ! Coupez-moi ce fichu câble immédiatement ! Qu'est-ce que vous attendez ! » s'époumona la voix dans l'interphone. « C'est lui ou nous tous. On n'a pas d'autre choix. »

Après un long silence, un des Kerkoidiens s'avança puis s'agenouilla au niveau du treuil sur lequel était fixé le câble. Il souleva un clapet et déverrouilla une sécurité. Aussitôt, le câble se dévida à toute allure jusqu'à se détacher de son support. Depuis la cabine passager, le visage de Gurney pris d'effroi et d'incompréhension, disparu en contrebas en une poignée de secondes parmi les droïdes destroyers.

Le vaisseau put reprendre de l'altitude et s'éloigna définitivement de ce lieu dont les Séparatistes avaient pris le contrôle. Les clients étaient sauvés, la mission accomplie. Le reste faisait partie des risques du métier.

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