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Chapitre 2 : Corpus novum

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Dernière mise à jour 10/11/2016 09:47

 

Chapitre un
Corpus novum
 
 
 
 
 S’extraire de la nébuleuse.
Le colonel John Sheppard émerge lentement de la pénombre. L’esprit cotonneux, il cherche à reprendre conscience de l’instant présent. Ses paupières sont collées, comme scellées dans leur immobilité. Difficilement, il arrive à les entrouvrir mais le malaise qui l’assaille est trop fort, trop puissant. Au moindre mouvement, le paysage semble partir en vrille dans plusieurs sens à la fois. Un peu perdu et déboussolé, le colonel cesse de lutter pour bouger. Le calme revient dans son esprit et son estomac plaintif se tranquillise aussitôt.  Sheppard tente de remettre de l’ordre dans ses pensées et ses souvenirs.
«La porte… On a franchi la porte vers la mystérieuse planète. Pourquoi est-ce que je ne peux pas bouger ? Où sont Teyla, McKay et Ronon ? ….
Bon, chaque chose en son temps. Respirer, d’abord respirer.»
Le colonel prend de grandes inspirations. Il sent son torse se bomber étrangement, mais l’air qui parvient à ses poumons est vivifiant. Tout doucement, avec précaution, il bouge la tête d’un côté puis de l’autre. La sensation est étrange. Un curieux étirement de sa nuque, de son dos. Il perçoit chaque mouvement comme la découverte d’une nouvelle parcelle de son corps.
Un frisson sur son cou entraîne un petit picotement au niveau du bas de son dos. Etrange… ou plutôt…
« Etranger »
C’est le terme qui vient à l’esprit de John Sheppard quand il cherche à comprendre ce qu’il ressent.
« Dire que j’avais promis à Elisabeth d’être prudent. Je ne sais même pas ce qui s’est passé. »
 
John tente une nouvelle fois d’ouvrir les yeux. Des contours se dessinent devant lui. Il voit le sol d’abord. Tout près de lui, collé contre sa joue. Il est couché par terre. Son regard s’éloigne, l’accommodation est lente et curieuse, inhabituelle.
Son angle de vision est très large, plus de 250°. La porte des étoiles est justement dans cet angle qui ne devrait pas s’offrir à lui. Sheppard sent ses poils se hérisser sur tout son corps. Jamais une expression n’aura aussi bien décrit ce qu’il ressent à cet instant. John réprime la terreur qui s’insinue en lui. Ne pas se laisser gagner par la peur. Rester maître de soi.
La porte…se concentrer sur la porte.
Elle est inactivée. Pas l’ombre d’une présence vivante. Où sont ses coéquipiers ?
John tourne la tête à la recherche de ses amis.
Vertiges et nausées.
- Etonnante sensation. Je ressens bizarrement mon corps.
- Normal, c’est le mien ! 
 
Sheppard est surprit par cette curieuse pensée qu’il vient de formuler. Son malaise s’accentue. Serait-il en proie à la folie ?
Concentrant toute son énergie, le colonel arrive à se redresser et à se mettre en appuie sur ses genoux et ses mains. Il respire calmement, se sent mieux. Plus de vertiges, plus de pensées parasites délirantes.
Sa vue s’affine. A quelque pas de lui, deux masses non définissables semblent s’agiter.
Peut-être Teyla, McKay ou Ronon. John ouvre la bouche pour appeler ses amis.
-  Houuuuu… 
Un cri, ou plutôt un hurlement plaintif couvre le son de sa voix. Sans aucun doute un animal sauvage qui rode autour de lui.
- Houuuuu… 
Le cri vient d’une des deux masses. Celle-ci avance vers lui. Les contours se précisent et Sheppard distingue nettement une sorte de chien. Plus vraisemblablement un loup. L’animal s’approche encore. Sheppard s’apprête à reculer quand il réalise, stupéfait, que son regard et celui de l’animal sont au même niveau.
Un loup géant ?!
 
Le colonel recule de quelques pas puis s’arrête net.
Une idée saugrenue, complètement délirante vient de s’imposer à lui. Sheppard se souvient qu’il ne s’est pas relevé. Il est toujours en appuie sur ses genoux et avant-bras. Cela explique cette vision étonnante à l’approche du loup. Cette situation logique pose plus de doutes et d’angoisses qu’elle ne rassure le colonel.
Comment se fait-il qu’il ait réussi à reculer dans cette inconfortable position ?
Ses vertiges et ses nausées reviennent au galop. Pas besoin de bouger pour que se déclenchent ces malaises. Ils ne sont plus physiques. C’est l’âme de Sheppard qui vacille. C’est sa conscience qui bourdonne et s’affole.
Sheppard croit avoir deviné l’origine de ses étourdissements, de son étrange acuité visuelle et de ce drôle de picotement qui se poursuit maintenant bien au-delà de son épine dorsale.
- Non, ce n’est pas possible ! 
Son esprit a formulé ainsi sa crainte et sa voix l’a portée haut et fort.
Mais ce n’est pas ces sons là que Sheppard entend. Il entend une fois encore le cri plaintif du loup…son cri !
 
Le second loup est tout près maintenant. Sheppard n’a plus peur. Que pourrait-il lui arrivé de pire ?
- Colonel, c’est vous ? 
Derrière le hurlement, John entend les mots tels qu’ils auraient dû être.
- Teyla ?
- Colonel, je suis soulagée de vous entendre…et de vous comprendre.
- C’est une conversation surréaliste. Est-ce que vous entendez ces hurlements ?
- Bien sur. Ces hurlements, comme vous dites, c’est nous qui les émettons. 
Teyla et Sheppard se regardent droit dans les yeux. Des yeux sombres et noirs comme la nuit. Ils découvrent dans le regard de l’autre, la crainte qu’ils s’inspirent mutuellement. Le silence semble durer une éternité. Sheppard rompt le premier le lien invisible qui le liait à Teyla. Il s’assoit sur son train arrière. Lentement le colonel porte son attention à ce qu’il peut voir de son propre corps.
Teyla se  « couche » à ses pieds.
- Colonel, savez-vous ce qui s’est passé ?
- Quelle horreur !!! Colonel est un mot affreux en langage loup !
Pitié appelez moi John, ça écorche moins les oreilles et puis franchement colonel, pour un loup, c’est ridicule !
- Ok John.
- Et puis levez vous. Qu’est ce que vous faite allongée sur mes pieds ?
- Heu…Je n’en sais rien, je suppose qu’il y a en nous une part de l’animal. 
- Oh non, c’est vraiment un cauchemar ! 
Sheppard ne prête pas attention à la deuxième masse qui avance subrepticement vers lui.
- Colonel ?
- Non, ça suffit, je ne veux plus entendre ce son. McKay est-ce que c’est vous ?
- Qui voulez-vous que ce soit ?
- Et Ronon ? Où est-il ?
- Il était derrière nous, lorsque nous avons franchi la porte. Il a sans aucun doute vu ce qui nous est arrivé. Il aura donc préféré rester sur Atlantis. Franchement j’échangerai bien ma place avec la sienne.
- Et que nous est-il arrivé selon vous McKay ?
- A première vue, je dirais que nous nous sommes transformés en loup. 
- Merci Sherlock Holmes ! Et avez-vous une idée de la façon dont cela c’est produit et surtout, surtout…COMMENT redevenir NORMAL ?!! 
 
McKay ne répond pas et s’éloigne en trottinant vers la porte. Il en fait le tour à deux reprises puis s’arrête à côté de la console de commande. Il la renifle, pousse un petit cri et marque délicatement son territoire.
Sheppard furieux fonce sur lui et le bouscule avec violence.
- Mais qu’est ce que vous faites idiot ? Vous êtes un homme, pas un loup !
- Désolé, je n’ai pas réfléchi. J’ai senti votre odeur sur la console et naturellement j’ai…
- Je sais très bien ce que vous avez fait. Epargnez nous les détails. 
Sheppard regarde le loup-McKay avec incrédulité puis réalise soudain l’étrangeté des propos de ce dernier.
- Comment ça mon odeur ?
- Oui, il suffit de renifler un peu partout autour de la porte et vous constaterez que vous avez marqué votre territoire partout ici ! 
McKay et Teyla regardent Sheppard avec pitié.
Celui-ci paraît complètement perdu.
- Mais c’est du délire ! Je n’ai pas bougé d’ici ! A moins que…
- A moins que quoi col… John ? 
 Même dans le hurlement de McKay, le sarcasme est perceptible.
- A moins que ce ne soit pas moi, enfin pas vraiment.
Rodney, vous avez supposé que nous nous étions transformés en loup ? Et si ce n’était pas le cas. Si nous avions été transférés dans le corps d’un loup déjà existant.
- Oui, au point où nous en sommes, tout est possible. Mais que seraient devenus nos corps ?
- Oh non…. 
Sheppard se laisse tomber sur le flanc. La queue entre les pattes arrière et les oreilles légèrement recourbées, il pousse un petit hurlement.
- Le poème des Anciens nous mettait en garde de ne pas oublier nos corps de l’autre côté. 
Teyla s’approche doucement de John-le-loup. Son cri est chaud aux oreilles de Sheppard. Elle le questionne sur le poème et sur ses implications futures.
- Qu’est ce que le poème disait d’autre, John?
- Le danger est dans le corps abandonné,…Oublié de l’autre côté,… L’esprit s’il n’est pas monté,… De sa moitié restera privé
Teyla secoue tendrement la nuque de Sheppard du bout de sa truffe.
- John, il faut agir. Si nous restons là sans rien faire, il est évident que nous serons coincés dans ces corps pour toujours. Je pense que ni vous, ni McKay, ni moi n’avons envie de rester des loups. A votre avis, que voulaient dire les anciens par : « l’esprit s’il n’est pas monté » ?
- D’après Elisabeth, ils parlaient de l’ascension. 
McKay intervient à son tour.
- Ce n’est pas logique. Une fois ascensionnés, ils n’avaient que faire de leurs enveloppes charnelles. De plus, dans l’ascension le corps et l’esprit ne font qu’un. Il doit s’agir d’autre chose. 
 
 
***
 
 
Bip… bip… bip…
Seul le bruit des scopes retentit dans l’infirmerie de la cité. Le docteur Carson Beckett est endormi à son bureau. Un amas de paperasse en tout genre lui sert d’oreiller.
Silencieusement, Elisabeth Weir s’approche de lui. Elle pose délicatement sa main contre l’épaule de Carson.
- Carson ?
- Hum ? Excusez-moi docteur Weir, je m’étais assoupi.
Carson a bien du mal à émerger de son rêve. Il ouvre avec difficulté ses yeux cernés de lourdes poches sombres. Elisabeth lui laisse le temps de sortir complètement de son sommeil. Elle s’assoit auprès de lui puis le questionne sur la situation.
- Il n’y a pas de problème Carson, nous sommes tous épuisés. Avez-vous de bonnes nouvelles ?
- Non, j’en suis navré. Ils sont tous les trois dans un état neurovégétatif. 
Carson réprime un sanglot, traduisant toute la fatigue et la peine qui l’assaillent en ce dur moment.
- Leurs électroencéphalogrammes sont pratiquement plats. Il y a quelques influx nerveux disparates, sans aucune cohérence entre eux. Pourtant, aucun de leurs organes n’a été touché. Leurs cerveaux n’ont pas été irrigués durant le court laps de temps qu’a duré l’arrêt cardiaque. Cependant, et grâce à votre code bleu, cela n’a pas été suffisamment long pour expliquer la moindre séquelle. Je ne m’explique pas la situation, mais elle est claire et irrévocable. Tant qu’ils restent branchés à nos machines, ils continuent de respirer et d’oxygéner leur cerveau.
Mais les faits sont là Elisabeth…
Ils sont dans un coma stade 4 dépassé. Il n’y aura pas de retour !
Elisabeth se laisse aller sur le dossier. Dans la pièce attenante, les trois corps reposent, comme endormis. Leurs visages sont paisibles.
Le docteur Weir se lève et doucement, presque maternellement, s’approche tour à tour des trois Atlantes. Elle pose la main sur celle de McKay. Pas l’ombre d’une réaction. Cette main si agile sur un clavier d’ordinateur reste inerte.
- Rodney… 
Juste à côté, Teyla a l’air de dormir. Ses traits sont plus reposés que jamais. Loin des tourments de son peuple, l’athosienne semble en paix.
Elisabeth se penche vers Teyla et pose respectueusement son front contre celui de l’athosienne.
- Teyla Emmagan, fille de Tagan… 
Lentement, le docteur Weir s’éloigne de la jeune femme inconsciente et s’approche du colonel Sheppard. Elle s’assoit sur son lit, comme si elle s’apprêtait à lui faire la conversation… Et c’est exactement ce qu’elle fait.
Beckett la regarde raconter à Sheppard les avancés dans sa traduction et les petits problèmes quotidiens qu’elle doit affronter depuis son absence. Le docteur  referme la porte de l’infirmerie, laissant Elisabeth seule avec les trois corps sans âmes.
 

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