Evan-escence

Chapitre 3 : J-6

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 18:48

 

Chapitre deux
 
J-6
 
 
 
Le soleil est à son zénith. Il est midi passé.
Certes sur ce bloc rocheux les journées sont courtes mais quand même, Mégane commence à s’impatienter. Toujours aucune manifestation du major Lorne et du reste de l’équipe.
Evidemment, Mégane a cherché à les joindre par radio, mais aucun signe de vie. En désespoir de cause, le lieutenant tente de contacter Atlantis conformément aux ordres du major.
- Atlantis, ici le lieutenant Frès. Ceci est un appel au secours. Atlantis répondez ! 
Son appel reste sans réponse. Impossible de joindre la cité. Il est donc vain d’espérer des secours de ce côté-là. Que se passe-t-il donc vraiment dans le village ? Mégane est tentée d’y aller mais une fois là-bas que fera-t-elle ? Non, le plus prudent est d’attendre encore un peu.
Elle sourit.
Evan n’a jamais été particulièrement ponctuel. Décidément, cet homme aime se faire désirer. La jeune femme rit doucement, un peu, puis fond en larmes.
- Evan ne m’abandonne pas ! 
 
 
 
***
 
 
 
Le major Lorne se sent confus, l’esprit barbouillé et partagé entre plusieurs réalités.
Lorsqu’il analyse l’origine de la sensation ferrique qu’il a dans la bouche, des frissons de plaisir le secouent au plus profond de son être. Le goût du sang est très tenace. Plaisir et dégoût se mélangent pour plus d’onctuosité dans l’âme. Quoi de mieux que le chaud qui se bat avec le froid ?
Par moment Evan a envie de rire. D’ailleurs il lui semble entendre son rire qui se mêle maladroitement à celui de ses compagnons. En d’autres instants il pleure comme un enfant, cherchant en lui le chemin vers la sortie. Dans ces moments-là, il se sent très lasse et son corps libère toutes les souffrances de ses dernières heures.
Le paradoxe est là, entre ce qui est intellectuellement inacceptable mais qui physiquement le rend fort, invincible, et l’éthique de son âme qui le meurtrie et le torture à petit feu.
Visiblement l’un de ses compagnons a cessé de lutter. Il rit à gorge déployée en se dandinant autant que le lui permettent ses liens. Evan et le second soldat sont en lutte constante contre eux-mêmes. Combat qui ne peut mener qu’à la perte d’une partie de leur conscience.
Les poignets toujours liés au dessus de la tête, le major Lorne commence à souffrir de sa position inconfortable. Lorsqu’il émerge de son délire, c’est la douleur de ses bras qui apparaît en premier. Vient ensuite sa gorge qui souffre d’une longue mais fine entaille, comme une coupure faite avec le tranchant du papier. Si fine qu’elle est invisible, si nette et si profonde qu’elle brûle de l’intérieur. Puis c’est tout le corps qui se réveille, endolori par l’odeur psychique du sang. L’air inspiré et expiré semble imbibé du rouge de l’hémoglobine, du sel des larmes et de l’amertume de la peur.
Evan résiste à l’envie de ne plus respirer. Ce serait si simple et cela mettrait fin à tant de souffrances. Il tente un instant de bloquer cet air putride qui veut l’envahir. Le doux visage de Mégane s’impose alors à son esprit. Son visage lisse, lumineux, son sourire parfait et son rire communicatif et enfantin. Ses yeux verts ou bleus selon le soleil qui l’éclaire mais surtout selon son humeur. Mégane, si douce, si tendre et si câline. Mégane si farouche et fougueuse en amour. Des larmes coulent de nouveau sur le visage d’Evan. Il laisse ses poumons se gorger d’air avec la désagréable impression qu’ils se remplissent de sang. Quelque soit l’agonie qui l’attend, le major Lorne veut lutter, pour lui, mais surtout pour elle.
 
- Major ? 
La voix est brisée par la douleur mais surtout par l’espérance qu’elle porte. Evan ne redresse pas la tête. Il n’affronte ni le regard de son ami ni l’image terrible que celui-ci lui renvoie inlassablement en miroir.
- Oui ?
- Est-ce que vous comprenez ce qui se passe ici ? 
La seule réponse qui lui parvient est le grognement mêlé de rire du second soldat.
- Major ! 
Lorne tente de se reprendre mais dès qu’il essaye de concentrer son attention sur le présent, une douleur fulgurante brise ses résistances et le replonge au plus profond de lui-même.
- MAJOR ! 
La voix est impérieuse mais également suppliante. Elle se glisse en Lorne et s’y blottit comme un appel à l’aide. Finalement, c’est bien de cela qu’il s’agit. Un enfant qui pleure son parent car il est le rempart contre le mal. Un soldat qui appelle son chef comme s’il était l’unique détenteur de la solution.
Evan hésite entre rire et pleurer. Quelle solution ? Mourir maintenant ou un peu plus tard ? Agoniser des heures ou se laisser aller vers quelques choses de probablement pire que la mort ?
Les pensées d’Evan vont tour à tour vers Mégane et vers le reste de son équipe. Enfin, le reste de son équipe, une expression qui désigne un seul et unique soldat. Un lieutenant prénommé Mitch qui fait régulièrement partie de la Team Lorne. Deux hommes liés par le respect, l’estime et malheureusement actuellement par la souffrance et l’incertitude.
Lentement, faisant abstraction autant que possible de la douleur qui se joue de lui, Evan redresse la tête et fixe son compagnon d’infortune. Mitch le regarde avec un visage où se mêlent craintes et espoirs. Il a les yeux rougis par des larmes trop acides. Ils sont enfoncés dans un visage terne et gris. La cendre et le feu. Du sang séché forme de grosses croûtes informes dans son cou et sur son menton. Un instant le major se demande s’il s’agit de son propre sang ou de celui de la coupe. Sur ses joues noircies se dessinent des sillons comme autant de rus pour ses larmes.
Voila donc à quoi ressemble un soldat après une telle expérience. Lorne regarde son ami et se voit tel qu’il est en ce moment. Rien ! Une enveloppe charnelle meurtrie, décharnée. Un emballage pour une âme encore plus abîmée.
Abîmée. Jamais mot n’aura autant de sens. Détruite. Plongée dans un gouffre sans fin, dans une douleur psychique infinie.
- Major ? Dites quelque chose ! 
- Quelque chose…
- Ha major, j’ai cru que vous étiez comme… 
L’attention de Mitch se perd dans la contemplation de la bête humaine qui râle à leur côté. Evan ne suit pas son regard. Il fuit cette réalité.
- Non, je suis bien là. Mais franchement je me demande si je ne préfèrerai pas être comme lui.
- Ne dites pas cela ! Le lieutenant Frès va joindre Atlantis et ils nous enverront du secours.
- Oui, dans 23 heures ! Non, je pense qu’il ne faut compter que sur nous.
- Vous avez un plan ?
- Mon plan A : attendre que quelqu’un vienne et improviser.
- Et le plan B ?
- Mourir.
- Bon, alors j’adhère au plan A. 
Tout deux rient, doucement…. bêtement. Un rire libérateur.
Leurs visages sont crispés, leurs sourires forcés, mais ils sont illuminés par quelque chose de nouveau, quelque chose qui emplit la grotte d’une aura positive… la solidarité. Semper fi !
Espoir, union dans l’adversité, autant d’éléments qui boostent les deux atlantes mais que le dieu ne supporte pas et perçoit comme abjecte.
- Je ne peux le tolérer ! 
Le shaman entre dans la pièce. Lorsqu’il pose son regard sur les deux hommes, celui-ci brille de haine. Evan et Mitch ressentent aussitôt une douleur nouvelle, étrange, inconnue jusque-là.
La faim.
La faim qui tenaille le chef et qui les brûle de l’intérieur. Une perception qui les assaille avec d’autant plus de souffrance qu’elle leur jette à la figure une évidence terrible et cruelle. Ils sont liés au shaman et à son dieu sanguinaire. Le chef fixe Lorne et ses pupilles s’illuminent aussitôt. Ce n’est pas uniquement la haine qui brille dans ses yeux. Finalement le chef avait raison. Ils ont bu le sang et maintenant ils forment un tout avec le dieu que vénère le sorcier. Ils sont Lui, ils sont eux, ils sont un tout. L’univers, avait dit le vieil homme avant de plonger de major dans cette tourmente. Alors l’univers est souffrance et cruauté, car en cet instant c’est ce qui se consume aux creux de leur abdomen. Le rejet de leur union, de leur force commune et de tout ce qui faisait leurs valeurs d’être humain.
- Non ! 
Evan crie pour lui-même et pour son soldat, pour sa non-soumission à ce qui ferait de lui un être infiniment plus bestiale et barbare que la pire des créatures féroces.
En écho résonne, le cri de son ami qui s’unie au sien.
 
 
 
***
 
 
 
- Mais qu’est-ce que c’est que tout ce bin’s ? 
L’aura de la téléportation se dissipe à peine et déjà la délicate voix du docteur McKay se fait entendre dans tout Atlantis.
Depuis quelques heures le Daedale a posé ses « amarres » sur la cité Atlante. Les nouvelles recrues ont longé les berges, les yeux pleins d’étoiles. Par prudence, mais aussi par discrétion, il a été entendu que les deux naufragés seraient téléportés directement au sein du bloc médical. Evidement, la présence entêtante de l’encens ne passe guère inaperçue. Le docteur Carson Beckett adresse au docteur Weir un petit signe discret de tête.
- Je vous avais bien dit que Rodney avait retrouvé une forme olympique. 
Elisabeth est d’excellente humeur et la perspective de faire enrager le scientifique, est particulièrement tentante.
- Parfait, il pourra donc repartir en mission dès demain. 
Elle poursuit directement à l’attention de McKay.
- Quel dommage, vous n’aurez pas le temps de découvrir toutes les merveilleuses améliorations que Radek a installées sur le réseau informatique. 
Dans ce jeu de ping-pong parfaitement orchestré, le docteur Beckett n’est pas le plus mauvais des joueurs.
- Oui, il a aussi fait un super travail dans le bloc chirurgical. Figurez-vous qu’il a dévié l’énergie du… 
McKay ne marche pas, il court, il roule, il vole !!
- Quoi ?! Qu’est-ce que vous dites ? Mais ce n’est pas possible, je suis certain qu’il a du mettre un bocson pas croyable dans mes programmes. Elisabeth, je vous en prie, ne me dites pas qu’il a touché à mes ordinateurs ?
- Bien, Rodney, puisque vous me le demandez, je ne vous le dirais pas !
- Non, mais non, ce n’est pas possible !!! 
Sur ces entre faits, le pauvre scientifique aux allures de savant fou pénètre dans le bloc.
- Rodney ! Comme je suis content de vous voir. Durant votre absence, j’ai…
- JE NE VEUX RIEN SAVOIR ! 
Furieux, Rodney accueille le malheureux Radek en expectorant ses mots avec rage. McKay est aussi rouge écarlate que le tchèque est livide, limite ectoplasmique.
- Mais Rodney, je… 
- Y a pas de mais, comment avez-vous pu…
- Mais je n’ai rien fait qui puisse…
- Ce n’est pas ce que j’ai cru comprendre…
Décidément, il sera dit qu’Atlantis ne réussit pas aux scientifiques qui peinent à finir leurs phrases en toute sérénité.
 
Elisabeth et Carson se complaisent dans la contemplation du tableau si étrange et à la fois si prévisible.
Une voix un peu enrouée arrête la joute verbale juste avant la mise à mort de Radek.
-  Bon, maintenant ça suffit. Vous ne voyez donc pas que « les docteurs W, B et associés » se sont liés contre vous ? 
Le visage hilare du lieutenant-colonel Sheppard tranche radicalement avec son ton sévère à la limite de la remontrance. Il poursuit dans cette veine.
-  Elisabeth, Carson, vous devriez avoir honte de vous. 
John hume l’air saturé de fumée.
-  Je ne sais pas ce que l’on fume en ce moment sur Atlantis mais… 
Il continue en riant à chaudes larmes.
-  … mais j’en prendrai bien un peu. 
Les rires emplissent la pièce. La joie des retrouvailles, le soulagement d’une fin, celle d’une aventure plutôt désagréable. Le calme succède au joyeux brouhaha. Elisabeth s’approche de Sheppard et après une très courte hésitation protocolaire, le prend dans ses bras.
- Vous nous avez fait peur !
- Moi aussi j’ai eu peur.
Aussitôt Rodney vient se coller au duo, souriant au docteur Weir.
- Et moi ? Personne ne s’est inquiété de mon état de santé ? 
- Si, moi ! 
Si Zelenka voulait rompre l’étrange atmosphère qui venait de se créer, c’est une vraie réussite. Le fou rire est de retour et avec d’autant plus d’intensité que Radek ne voit vraiment pas ce qui en est à l’origine.
Elisabeth reprend la conversation là où Radek l’a interrompu.
- Je ne m’attendais pas à vous voir en si grande forme John.
- C’est que dix jours de sieste, ça requinque un homme. Mais n’en profitez pas pour vouloir m’expédier à l’autre bout de la galaxie.
- Aucun risque, j’y ai déjà envoyé le major Lorne.
- Ha ? Où exactement ?
- Précisément là où je vous ai expédié la dernière fois que je voulais un peu de tranquillité. 
Sheppard rit de bon cœur, sachant que la boutade n’est pas réellement méchante.
- Et bien, il en fera vite le tour. Il n’y a rien là-bas.
- Détrompez-vous, il semblerait qu’il y ait trouvé quelque chose d’intéressant justement. 
Elisabeth remarque le teint du colonel qui vire légèrement au gris sombre et ses yeux qui se cernent de noir.
- Bon, nous allons vous laisser aux bons soins de Carson et des incantations athosiennes. Reposez-vous et… bienvenu à la maison John ! 
Le docteur Weir quitte l’infirmerie avec Zelenka et McKay qui continuent à se chamailler comme des enfants.
Beckett s’assoit auprès de Sheppard.
- L’infirmière du Daedale m’a dit que malgré les anxiolytiques et les somnifères, vous aviez toujours de forts troubles du sommeil. Compte tenu du contexte (Fanfic : Trafic) c’est plus que normal, mais j’aimerais que vous consultiez le docteur Heigthmeyer. Bon, maintenant allongez-vous et laissez-moi examiner de plus près votre cheville. (Fanfic : Huis-clostrophobie)
-Vous savez Carson, ma cheville, en comparaison de la balle de l’Eagle Desert, c’est de la gnognotte.
- Ha oui, c’est vrai ! Excusez-moi mais je m’y perds. Bon faisons au plus simple. Montrez-moi là où vous n’avez pas mal ! 
Le rire guttural de Carson est si communicatif que Sheppard en oublie ce qui le tracassait deux minutes plus tôt. Qu’était-ce déjà ? Ha ! Oui…
Qu’est-ce qui retient le major Lorne au milieu du grand vide astral ?
 
 
 
***
 
 
 
La douleur disparaît comme elle est venue. Le shaman est plus souriant que jamais. Ses yeux ont repris leur teinte naturelle. Où qu’il soit, son divin, comme il dit, n’est plus en lui.
-  Mon divin avait raison, vous êtes de forts combattants. 
Il désigne du doigt le soldat qui grogne en se rongeant l’épaule.
-  Celui-ci n’était pas prêt, mais vous deux, c’est autre chose. Mon divin va aimer ne nourrir de vous. 
Il s’approche d’Evan et d’un doigt tendu, accusateur, le met au défi.
- Si vous m’aviez suivi de votre plein grès vous ne seriez pas attaché à ce mur. 
Son doigt se rapproche du visage de Lorne puis se pose sur sa joue, dessinant une cassure au milieu des traînées salées.
- Ignobles signes de faiblesse. Intolérable. Inacceptable.
Son regard se plonge dans celui du major. Aussitôt Lorne perçoit la douleur qui revient, doucement d’abord, puis qui enfle en lui avec énergie et brutalité.
- Vous ne devez plus lutter. Résistez et votre souffrance en sera décuplée. Accompagnez-moi.
- Pourquoi moi ?
- Parce que votre sang est riche d’une énergie que l’on maudit. Parce que vous posséder, ce sera comme les posséder, eux ! Parce que vous nous offrez le monde. 
 C’est le second du major qui semble pris d’une soudaine clairvoyance.
- Le gène des anciens ! C’est pour cela qu’il ne nous tue pas… enfin pas encore. 
Le chef ne semble pas prêter attention à ces propos. Son doigt a quitté le visage du major pour s’arrêter au niveau de la plaie qui orne son cou. Avec douceur, presque avec tendresse, il caresse la ligne rouge. Soudain, avec brutalité, il y imprime une pression douloureuse, rouvrant la plaie qui n’en demandait pas tant. Aussitôt le sang se remet à suinter.
Avec répugnance, Lorne sent l’homme qui pose délicatement ses lèvres dans son cou. Une sensation, un souvenir, refait instantanément surface. 
Ce n’est pas la première fois que le shaman boit le sang du major directement à la source. Evan avait senti cette étrange fraîcheur juste avant que l’homme ne lui fasse couler du sang dans la bouche. Une forte nausée le submerge quand il réalise que son propre sang était sans doute mêlé à celui du shaman. Un haut le cœur terrible lui arrache de violents spasmes. Le vieux chef se retire, la bouche ensanglantée et la barbe parsemée de gouttelettes rougeâtres.
 
Le shaman regarde Lorne avec autant de désir que de répugnance. Un peu à contre cœur, il s’éloigne du major pour se rapprocher de son second.
- Tu as raison. C’est dans ton sang autant que dans celui du major Lorne, mais le tien est impur. Il est d’origine artificiel et cela nous ne pouvons le tolérer. 
Comprenant ce que de tels propos sous-entendent, le major attire immédiatement l’attention du shaman sur lui.
- Je boirai votre sang et je me lierai à vous sans contrainte. Détachez-moi ! 
Le vieil homme s’exécute sans difficulté. Il commence à défaire les liens qui retiennent le major prisonnier. Lorne est surpris par l’apparente facilité avec laquelle on le détache. Pourtant le shaman y va de bon cœur, entaillant l’épaisse corde à l’aide de son couteau. Alors qu’il ne reste plus que quelques fibres à sectionner, le shaman effectue de grands mouvements avec sa lame, comme dans une chorégraphie ou une danse rituelle. Puis s’éloignant brusquement de Lorne, le sorcier termine son geste sur la gorge de Mitch. Ce dernier, surpris, n’a pas le temps de prononcer le moindre mot qu’un flot de sang s’échappe de son cou partiellement tranché.
Si Mitch est stupéfié dans sa douleur, ce n’est pas le cas du vieil homme qui bien au contraire ne se prive pas de commenter l’action. Son plaisir transcende bien au-delà de ses mots. Tout en lui n’est que jubilation et extase. Il regarde alternativement Lorne qui se démène comme un fou pour faire céder la corde et le malheureux supplicier qui tente vainement d’interrompre son hémorragie.
Les yeux injectés de sang et brûlants de désir, le shaman s’approche de Mitch. D’une voix douce, presque sensuelle, il lui susurre quelques mots à l’oreille avant de s’esclaffer de joie.
- Désolé mais pour vous, ce sera le plan B ! 
 
L’homme rit encore alors que le major Lorne retrouve enfin sa liberté de mouvement et se précipite sur son ami. Avec délicatesse, Evan plaque ses mains sur la plaie béante de Mitch, tentant vainement d’arrêter le flot continu de sang.
- Mitch n’abandonne pas ! Aide-moi ! Lutte, résiste ! Bordel Mitch !? 
Le shaman fait mine de se désintéresser des deux hommes et se contente de détacher le deuxième soldat qui le suit comme un brave petit toutou.
Mitch regarde fixement Evan, se rattachant à son regard comme à une bouée de secours. Le sang est maintenant plus épais, plus noir, plus terne, exactement comme la lumière qui quitte les yeux du soldat.
Evan sent la vie de son ami qui s’échappe et coule, poisseuse, entre ses doigts. Dans un dernier souffle le soldat tente de donner à son major la dernière étincelle de sa vie. Une dernière action héroïque pour un homme qui aura combattu toute son existence les Goa’ulds puis les wraiths, avant de mourir, stupidement sur un gros caillou désert.
- Evan ! Tire-toi ! 
 
Mourir seul, un beau sacrifice, mais pour un effet nul.
Devant l’unique issue de l’antre, devenue tombeau de Mitch, le shaman se délecte des effluves de la mort. Odeurs, vibrations, sensations réelles ou imaginées, tout est prétexte à la jouissance qu’occasionne la mort du soldat. Mitch est inerte, maintenu artificiellement debout par ses liens. Le major Lorne est face à lui. Il ne lâche pas le cou de son ami. Son visage est ruisselant de larmes. La mâchoire crispée par la rage et la haine, il laisse doucement aller la tête de Mitch. Brutalement, avec l’énergie du désespoir, Lorne se retourne vers le sorcier, prêt à lui foncer dessus et à le tuer à main nue.
Evan est fou de colère et de chagrin, mais cela ne suffit pas, cela ne suffit plus. Le plaisir du shaman est tel qu’il se propage à Lorne, uni contre son grès, au dieu bourreau.
C’est d’abord comme une pointe acérée et chauffée à blanc qui se plante dans son cœur. Une douleur si forte qu’elle ne fait plus qu’un avec l’individu. Une souffrance s’installant à la limite entre l’insupportable et l’orgasmique, entre le mal et le bien.
Evan hurle à en réveiller les morts. Cela est tristement sans effet sur Mitch. Il hurle tant, que le cri se confond à la douleur pour ne plus former qu’un état, une condition d’être.
C’est ainsi que le major Lorne se ressent ou plutôt se perd lorsque le plaisir s’insinue en lui. Un picotement, si léger qu’il faut se replier sur soi pour le découvrir. Un frisson qui enfle en se gorgeant de peur et de passion.
 
Evan, le possédé, se coule aux pieds du supplicié, se vautrant dans le sang qui l’imbibe et le teinte du rouge. Le dieu est orgueilleux. Il aime le rouge qui le symbolise, surtout lorsqu’il emporte avec lui la vie de ses adeptes.
 
Evan, le soldat d’Atlantis, n’est plus qu’une petite particule d’être perdue dans la noirceur de l’homme qu’il est devenu. Une petite bulle de conscience qui se réchauffe à l’étincelle de vie que lui a donné Mitch. Une lueur d’espoir ?
 
 
 

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