Evan-escence

Chapitre 4 : J - 5

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:00

 

 

Chapitre trois
 
J-5
 
 
La nuit commence juste à décliner, emportant avec elle les souffrances passées.
Le major Evan Lorne erre comme une âme en peine. Un zombi titubant sur le sol irrégulier d’une steppe hostile. Son uniforme d’Atlantis est souillé du sang séché de Mitch mais dans la pénombre cela ne se voit pas.
Qu’importe, de toute façon, Evan ne prête guère attention à sa tenue vestimentaire ni à quoique ce soit d’ailleurs. Il se contente d’avancer vers un but qu’il croit indéfini. Par moment une image s’impose à lui, celle qu’un véhicule sombre et pourtant invisible. Alors il change de route, bifurque et va là où il croit devoir aller. Paradoxalement, plus il approche du but et plus ses pas se font lents et résistants. Une partie de lui cherche à fuir cet objectif. Dans ces moments là, Evan exprime à haute voix ses sombres pensées. Il les prononce comme pour s’exorciser.
- Surtout ne pas retourner au jumper, ne pas y aller. Mégane, sauves-toi ! 
Les mots sont chuchotés, à peine audibles, car chaque syllabe déclenche en lui une souffrance à visée purgatoire.
 
 
 
***
 
 
 
Le jumper est bousculé par le vent qui souffle violement depuis que le soleil s’est levé. C’est la seconde journée que Mégane passe seule dans le petit vaisseau. Bien sur, elle a tout tenté pour contacter Atlantis, mais il a bien fallu qu’elle se rende à l’évidence. Aucun signal, aucune onde ne semble pouvoir quitter le sol de ce caillou. Mégane a beaucoup pleuré, maudissant la génothérapie du docteur Beckett qui n’avait pas fonctionnée sur elle, maudissant Evan, le docteur Weir, la Terre entière, l’univers puis encore Evan, Evan et toujours Evan.
Pourquoi l’avait-il laissé seule. Maintenant ils étaient sans doute morts, l’abandonnant à son triste sort dans la solitude. Mégane avait passé les dernières heures de la nuit à échafauder de multiples hypothèses quant à ce qu’il était advenu de ses compagnons. Malheureusement aucune n’était un conte de fée. Et puis finalement, le lieutenant avait cessé de supputer et avait choisi l’attente passive, du moins pour le moment. Elle attendrait tant qu’elle aurait assez de vivres pour le lui permettre, puis elle quitterait la sécurité du vaisseau et alors…
- Alors on verra bien ! 
Allongée sur le dos, à même le sol du jumper, Mégane réfléchit à haute et intelligible voix, espérant que son esprit capterait des idées, des solutions auxquelles elle n’aurait pas prêtées attention.
- Et si je sors chercher de la nourriture et que je rencontre un autochtone ? Bonjour monsieur, enchantée monsieur, qu’avez-vous fait de mes amis monsieur ? Non, ri-di-du-le ! Bon, il me faut des armes. 
Még se relève et commence à organiser un paquetage pour une éventuelle sortie.
- Le plus tard possible. 
Elle imite la voix grave mais douce du major Lorne.
- En dernier recourt lieutenant ! 
Elle reprend sa voix normale mais maîtrise mal le tremblement qui s’y installe à l’évocation d’Evan.
- Ne t’inquiète pas Evan, je prendrai soin de moi, comme tu l’aurais fait si tu étais là. Je sais que tu aurais donné ta vie pour moi et… et c’est sans doute ce que tu as fait. Maintenant, je ne peux pas rester là à attendre de mourir de faim et de soif. Il va bien falloir que je quitte le jumper. Il est inutilisable de toute façon, et ne me demande pas pourquoi, je n’en sais rien ! Il ne marche pas et moi et suis coincée dans ce pot de yaourt sans aucun espoir. 
 
Sa voix se casse sur le mot espoir. En fait, Mégane ne peut imaginer que ses amis et en particulier Evan soient tous mort. Son paquetage s’achève avec l’introduction de grenade et de recharge pour son colt. Ce n’est pas une expédition de survie qu’elle souhaite organiser mais une mission de secours. Soit elle retrouve ses compagnons en un seul morceau, soit elle compte bien montrer aux « méchants » ce dont elle est capable. Consciente du point de non retour qu’elle va franchir, le lieutenant Frès rédige un rapport manuscrit qu’elle laisse à discrétion sur le tableau de bord du jumper. Une équipe d’Atlantis viendra sûrement à leur aide et alors ils sauront où la trouver.
Evidement le plus sage serait de les attendre mais Mégane sent qu’il lui faut agir. A chaque foi qu’elle évoque le triste destin supposé d’Evan, son estomac se noue douloureusement et ses tripes lui disent qu’il est vivant mais a besoin d’aide. Mégane ne peut pas rester plus longtemps sans agir. 
 
Le vent s’est calmé et le soleil en despote, domine de nouveau le ciel bleu du « monde ». Mégane quitte le jumper non sans un dernier regard empli de tristesse puis s’avance vers la forêt clairsemée avoisinante. Quelques arbres forment ainsi un rempart entre le jumper et la clairière où le village est installé. Deux kilomètres maximum, qui séparent Mégane d’une inconnue de taille, son avenir.
- Adieu, jumper. 
Au moment où Mégane tourne le dos au petit vaisseau, une ombre sort des bois. Mégane pose sa main sur son arme et se campe fermement sur ses pieds.
- Qui êtes-vous ? 
L’homme avance en titubant.
- Mégane, sauves-toi ! 
Mégane n’entend pas les mots qui sont prononcés. Elle n’entend et ne voit qu’une chose : Evan, blessé, peut-être mourant, qui avance lentement vers elle. Bouleversée, elle relâche son attention et se précipite vers lui. Elle ne retient plus ses larmes qui coulent rapidement sur ses joues et noient ses yeux dont la teinte était si grise ces dernières heures.
- Oh, Evan… 
Elle le prend dans ses bras, autant pour le soutenir que pour le serrer contre elle avec amour et tendresse.
- Evan…j’ai eu si peur. Je t’aime. 
 
 
 
***
 
 
 
 
- Je peux ? 
La tête d’Elisabeth Weir se dessine dans l’encadrement de la porte. John lui adresse un sourire charmeur qui peine à illuminer son visage. Le colonel Sheppard a les traits marqués par ses dernières mésaventures. De profondes cernes grises donnent l’impression que ses yeux sont enfoncés dans ses orbites. Hormis ces signes évidents de fatigue, les contusions et différentes plaies qui parsèment son corps sont peu visibles sous sa tenue de bloc. Pantalon de pyjama et casaque verts foncés.
- On se croirait dans un épisode d’ « Urgence ». 
Sheppard rit de bon cœur à la boutade d’Elisabeth.
- Oui, c’est vrai, mais c’est plus pratique que nos combinaisons. C’est que j’ai un programme ultra chargé qui nécessite une dextérité hors norme pour l’habillage.
- …
- Changement du bandage de ma cheville, mise au propre du pansement dans mon dos, nettoyer les points de suture sur mon cuir chevelu, pfff… Je crois que Beckett a décidé de m’utiliser comme instrument éducatif pour jeunes recrues infirmières. 
Le docteur Weir s’est assise auprès du militaire. Elle sourit avec spontanéité à l’énumération humoristique des malheurs de son ami.
- Je parie que cela ne vous déplait pas. Tant de jeunes filles innocentes qui découvrent votre corps de guerrier. 
John est interloqué par la remarque d’Elisabeth.
D’un côté il y lit du sarcasme, mais en même temps il y sent une petite pointe de… de quoi d’ailleurs ? De jalousie ? Non pas vraiment, plus de lassitude. C’est donc avec sérieux qu’il reprend la parole.
- Vous savez Elisabeth, ce n’était pas une partie de plaisir sur Terre. Croyez bien que j’aurais préféré rester sur Atlantis. Rodney et moi avons tenté de ne pas franchir la porte sous-marine mais c’était impossible, nous n’avons pas réussi à faire machine arrière (Fanfic : Huis-Clostrophobie).
- Je sais, je sais, ce n’était pas votre faute.
- Ben c’est vrai ! Elisabeth, vous n’avez pas la moindre idée de ce que l’on a vécu là bas. C’était… 
John baisse la tête, cherchant des mots pour exprimer l’inimaginable. Le docteur Weir le prend de court.
- Oh si, nous en avons une petite idée. Le major Lorne a eu des visions de vos péripéties.
- Comment ça des visions ?
- Pas au sens où vous l’entendez John. En fait il a reçu des informations sur ce qui se passait dans la cloche sous marine. Ces informations lui ont été transmises via le jumper. 
 
- C’est impossible ! 
John et Elisabeth se retournent vers l’intrus qui s’est ainsi immiscé dans leur conversation. Rodney rentre dans la chambre du colonel Sheppard en tirant vers lui une potence où se balance un flacon au liquide jaunâtre translucide. Une tubulure relie le médicament au bras du scientifique. Voyant le regard interrogatif du docteur Weir, Rodney entreprend d’expliquer sa présence et celle de la potence.
- Je vous rappelle que je n’étais pas non plus en très grande forme lorsque nous avons quitté Atlantis, le colonel et moi. Carson veut que je suive un protocole antibiotique et que je refasse le plein de vitamines et autres trucs dont je préfère ignorer les noms. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de visions ? Vous saviez ce qui se passait sous l’océan ?
- Non pas exactement, mais le major Lorne a été la proie d’hallucinations. Au départ, nous avons mis ça sur le compte de la fatigue et du stress, mais en fait il s’agissait d’un moyen de communication télépathique. 
Sheppard est tout aussi captivé que McKay.
- Communication entre qui et qui ? Et dans quel but ?
- Nous savons très peu de choses car tout ou presque a été détruit par un virus créé par les anciens. Une sorte d’autodestruction sophistiquée. Ce que l’on sait en revanche avec certitude, c’est que la base où vous étiez transmettait des images via le jumper. Ces images, le major Lorne les a captées par deux fois. 
John et Rodney s’exclament en même temps, mais leurs questionnements ne vont pas dans la même direction.
- Donc vous saviez parfaitement ce qui nous arrivait. Vous étiez au courant pour le wraith, pour le rayon téléporteur ?
- Comment ça le jumper ? Depuis quand le jumper émet-il des signaux télépathiques ? C’est quoi, un programme ? Une I.A. ? Et pourquoi le major Lorne ?
 
Elisabeth aide McKay à s’assoir et temporise d’un geste leur agitation.
- Du calme, pas tout le monde en même temps ! Bon, John. Non, nous ne savions pas exactement ce qu’il se passait, du moins jusqu’à ce que l’on vous retrouve…
- Nous retrouve !! Docteur Weir, je vous ferai respectueusement remarquer que personne ne nous a retrouvés. On s’est débrouillé tous seuls.
- Oui, c’est vrai. Le général Landry ne s’en est toujours pas remis d’ailleurs. Pour préciser et vous répondre Rodney, les informations transitent par le jumper, cela nous en sommes certains. Pourquoi le major Lorne ? Sans doute parce qu’il s’est approché de la porte sous marine avec son jumper, activant un lien entre les deux engins Lantiens. Comme le major était le seul détenteur du gène, je suppose que cela suffit à expliquer qu’il soit le seul à avoir reçu des informations. Quant à leurs interprétations… elles relevaient davantage de délires que de lecture directe. D’ailleurs Evan avait représenté le fameux rayon par l’image d’un cyclope. Rodney, je vous suggère d’en parler avec le docteur Zelenka. Il a disséqué le jumper en long, en large et en travers à la recherche du moindre petit cristal pouvant expliquer ces phénomènes.
- Et ?
- Et il a fait chou blanc.
- Pas très scientifique comme terme.
- C’est vrai mais en tchèque ça fait déjà beaucoup plus technique. 
 
Tout deux s’amusent de la boutade qui simplifie à elle seule une explication longue et d’autant plus laborieuse qu’Elisabeth n’y comprend absolument rien ! Sheppard quant à lui reste pensif.
Imaginer que le major les regardait passivement, alors qu’ils étaient balancés d’un endroit à un autre comme de vulgaires colis, le met légèrement en rogne. Evidement John sait qu’Evan ne pouvait rien faire de plus pour eux et qu’il devait également souffrir de la situation. Finalement ce qui met le militaire en colère est sans doute le fait qu’il y ait eu un témoin de leur calvaire et de leur impuissance.
- Qu’a réellement vu le major Lorne ? 
La question impose aussitôt du silence dans la petite chambre. Sheppard fixe Elisabeth avec un regard de chien battu qui plombe violement l’ambiance bonne enfant. Le docteur Weir perçoit la douleur qu’a du être cette expérience comme si elle était une entité à part entière dans la pièce. Le regard du colonel porte en lui une blessure qui sera longue à cicatriser. Elisabeth sait à quel point les hommes sont orgueilleux et n’aiment pas subir sans agir. L’impuissance est sans doute le pire fléau pour la gente masculine. Mais les femmes sont-elles si différentes ? Au fond, le docteur Weir imagine très bien ce qu’elle ressentirait si elle avait été tour à tour le jouet d’une expérience des anciens puis celui d’un sadique psychopathe.
- Le major Lorne n’a pas compris grand-chose à ce qu’il voyait. Ce n’est qu’après votre spectaculaire arrivé au SGC que ces hallucinations ont pris un sens. Le mieux sera d’en parler avec lui à son retour.
- Quand doit-il renter ?
- Bientôt… 
Elisabeth cache mal ses émotions, et son air sombre inquiète aussitôt le colonel Sheppard.
- Que se passe-t-il Elisabeth?
- Nous avons tenté de joindre le major mais nous sommes sans nouvelles.
- Depuis combien de temps ?
- Deux jours. Il nous a envoyé un message la veille de votre arrivée et depuis c’est le black-out complet.
- Quelle est cette planète dont vous me parliez. Je ne me souviens pas l’avoir visitée.
- Non, vous ne l’aviez pas vu. 
Devant la mine déconfite du colonel, Elisabeth s’empresse de temporiser ses propos.
- Vous avez du passer à côté sans y prêter attention. C’est une planète excessivement petite, de la taille de notre lune terrestre. Lorsqu’il s’en est approché, le major a capté des signes de vie et s’y est donc posé.
- Elisabeth, vous pensez vraiment que l’on aurait pu passer à côté d’une planète ? Aussi petite soit-elle, je vous assure qu’on l’aurait vu. Ce coin paumé était si vide et ennuyeux qu’on aurait même exploré un petit pois, s’il y en avait un. Mais il n’y avait rien ! C’était dans mon rapport.
- Je le sais bien John. C’est pour cela que j’y ai expédié le major. Je voulais l’isoler pour votre arrivée et j’avoue que je n’ai pas cherché plus loin quant il m’a dit avoir trouvé une planète habitée. 
McKay se glisse l’air de rien dans la discussion et comme à son accoutumé, met les pieds dans le plat.
- Pourquoi l’isoler ? 
Le docteur Weir est embarrassée et mal à l’aise.
- Et bien, avant votre départ, vous étiez un peu… heu comment dire… énervé contre le major… pour cette histoire de citron.
- Ha ! Donc vous avouez que c’était bien lui !! 
- McKay !! 
Sheppard stoppe net la mauvaise tournure que prend l’échange entre Elisabeth et Rodney.
- La question n’est pas là. Il faut savoir ce qui se passe sur cette planète. 
Le docteur Weir est penaude et sa voix n’est pas aussi ferme que d’habitude.
- John, la vérité c’est que le major Lorne n’est pas, psychologiquement parlant, en très grande forme. Il culpabilise beaucoup d’avoir échangé sa place avec vous dans le jumper. Et ces fameuses hallucinations n’ont fait qu’aggraver le problème. D’après Carson, le cerveau humain n’est pas conçu pour absorber autant d’informations brutales. Le docteur Beckett et le docteur Heigthmeyer ont soigné le major pour une dépression aussi soudaine qu’intense. Un effet secondaire de sa symbiose provisoire avec le jumper.
- Et vous lui avez confié une mission. Vous avez mis des hommes sous sa responsabilité ? 
Le reproche n’est absolument pas voilé. Elisabeth, touchée dans son amour propre de chef s’emporte et retrouve subitement son intonation ferme et autoritaire.
- Je ne vous permets pas de mettre en doute mes capacités ni celles de nos médecins. Si Lorne est parti en mission, c’est qu’il en était capable et… et… ET…
Sa colère disparaît aussi soudainement qu’elle était apparue.
- Et vous nous avez manqué colonel Sheppard. A part vous, personne n’ose remettre en doute mes décisions.
- Vous oubliez le docteur Kavanagh. 
L’intervention de Rodney fini d’éteindre le feu. Tous les trois s’esclaffent de rire avant de reprendre leur sérieux.
- Bon, Elisabeth, il faut impérativement envoyer un jumper à leur rencontre.
- C’est déjà fait John. D’ici une dizaine d’heures je pense qu’ils seront en approche de cette étrange planète.
- Ce serait bien de ressortir tout ce que l’on a sur cet endroit. Elle me semble vraiment suspecte, cette planète qui apparaît comme par enchantement… ou plutôt par envoûtement ! 
 
 
 
***
 
 
 
- Evan, je t’aime. 
Mégane ne desserre son étreinte qu’en se rendant compte qu’il n’y a pas de réponse en retour. Elle se recule légèrement sans pour autant lâcher le major Lorne. Son regard se porte d’abord sur ses vêtements. Ils sont tellement souillés de sang que l’on dirait qu’Evan s’est roulé dans de la peinture rouge. La vérité n’est pas si éloignée en fait. Pas si éloignée mais tellement plus cruelle. Avec appréhension, Mégane relève davantage son regard et le pose sur le visage du major.
- Oh Evan…  Sa voix se perd, comme une supplique.
Ses larmes de joie en découvrant celui qu’elle aime se transforment aussitôt en larmes de chagrin. Le visage d’Evan est si pale qu’il en est presque translucide. Ses yeux, comme sa peau, sont teinté d’un dégradé de gris, aussi terme et impersonnel que les cailloux qui forment cette planète, aussi insensible et inhumain, que la poussière qui vole autour d’eux.
Réalisant à cet instant que le vent s’est de nouveau levé, Mégane entreprend d’accompagner Evan au jumper. Celui-ci se laisse guider comme un pantin sans vie.
 
A l’approche du vaisseau, le major s’arrête brutalement, manquant faire tomber le lieutenant Frès.
- Mégane, sauves-toi. 
Les mots sont murmurés avec si peu d’énergie que Mégane ne les entend pas. Elle s’approche d’Evan, souriante, heureuse de le voir reprendre vie.
- Evan, je suis si contente que tu sois en vie. J’ai eu si peur. Que s’est-il passé ?
- Mégane, sauves-toi. Laisse-moi. Cours. COURS ! 
Cette fois-ci Mégane comprend d’autant mieux le sens des paroles de Lorne, que celui-ci parait reprendre du poil de la bête. Il a quitté son attitude de zombi voûté et amorphe pour une stature plus ferme, presque raide. Ses yeux aussi semblent reprendre vie. Un bleu acier froid comme le métal.
- Evan, que se passe-t-il ? 
En posant la question, Mégane a tendu le bras vers le major. Celui-ci s’est approché et a pris la main de la jeune femme dans la sienne. Tendrement, Evan se colle à Mégane. Ses yeux sont noyés de larmes. Il ne les retient pas et laisse ses joues de couvrir de nouveaux de sillons salés.
- Evan, pourquoi pleures-tu ? Tu as mal quelque part ? Tu es blessé ? D’où vient tout ce sang ?
La peur que la femme avait ressentie en voyant l’étrange changement d’attitude du major disparaît dès l’instant où Mégane commence à penser à Evan au lieu de penser à elle.
Grave erreur.
Fatale erreur.
 
Le major ne répond pas et se contente de s’approcher davantage encore de Mégane. Il l’a prend dans ses bras et la serre avec l’énergie du désespoir. Mégane ressent aussitôt une chaleur intense au creux de son estomac. Le type même de chaleur qui brûle dans le ventre lorsque l’on est amoureux et que l’on s’unit. Elle laisse aller sa tête contre l’épaule de son homme. Un chaud réconfort pour demoiselle en détresse.
L’étreinte semble durer une éternité avant qu’une toute nouvelle chaleur naisse dans le ventre du lieutenant. Une chaleur dont l’origine n’a rien à voir avec l’amour, bien au contraire.
 
Mégane sent instantanément l’accolade d’Evan s’intensifier, comme si le major ne voulait pas la perdre et la laisser s’en aller. La chaleur aussi s’intensifie, devenant brutalement douleur.
- Evan…
- Mégane, je suis… désolée… je t’aime… Még… 
 
Sur le visage du major Lorne, les larmes coulent sans qu’aucun contrôle ne puisse les retenir. Mégane sent que son corps l’abandonne et lui échappe. Elle tente de s’accrocher à celui qu’elle aime. Elle plonge ses yeux dans ceux d’Evan. Ce n’est malheureusement pas une bouée de secours qu’elle y trouve, mais plutôt une mer déchaînée où Evan et elle pourront s’unir dans la mort.
Mégane est prise d’un spasme violent qui lui arrache un cri de douleur. Sa tête est brutalement rejetée en arrière. Evan l’enlace avec énergie, rapprochant leur visage. La jeune femme est crispée par la souffrance physique que lui occasionne la lame plantée en elle, et sidérée par la nature de celui qui lui vole sa vie.
Evan, l’homme qu’elle aime. Celui qui tient fermement le couteau.
 
La joue trempée du major Lorne se colle contre la nuque de Mégane. Elle sent sa respiration rapide et saccadée. Elle perçoit les sanglots qui secouent le corps de son amant alors même que son propre corps ne réagit déjà plus. Mégane se laisse doucement aller vers le néant, incertain mais indolore. Ses dernières pensées sont pour Evan. Pas celui qui lui fait face mais celui qui est reclus en lui. Sa dernière et plus incommensurable douleur sera finalement le fait de le savoir conscient de son geste et ignorant de son pardon et de son amour.
«  Evan, je sais que tu m’aimes et que ce n’est pas toi qui m’as tuée. Je t’aime. »
Ce ne sont malheureusement que des pensées qui se perdent loin de la conscience du major.
 
Evan lâche le couteau et de ses mains rougies du sang du lieutenant, attrape le visage de celle qu’il aime plus que tout. Les yeux dans les yeux, unis dans la douleur et l’abandon. Mais Mégane ne le voit déjà plus. Le major colle alors sa bouche contre la sienne et l’embrasse en un baiser éternel comme seule la mort sait l’être.
- Je t’aime Még. Je t’aime. 
 
L’embrassade dure un temps infini. Les lèvres de Mégane sont maintenant bleues et froides.
- Que cela cesse ! 
Le cri de rage et de souffrance arrache Evan à la bouche de Még. Son corps inanimé tombe mollement au sol. Evan la regarde avec une détresse inimaginable puis un voile se pose sur son visage. Le major se redresse puis enjambe le corps sans y prêter la moindre attention. Raide comme un I, Lorne pénètre dans le jumper et commence à pianoter sur le tableau de commande. Ses yeux se posent un instant sur le message laissé par le lieutenant Frès. Avec un sourire satanique, Evan déchire le papier.
- Atlantis ! Me voila… 

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