Evan-escence

Chapitre 5 : J-4

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 16:35

 

Chapitre quatre
 
J-4
 
 
 
 
- Major Lorne, ici Atlantis répondez !  
La voix impersonnelle de l'opérateur radio semble la seule source de vie dans le jumper.
Le petit vaisseau progresse lentement en direction de la porte des étoiles, laissant loin derrière lui « Le monde ». La planète aux allures de caillou géant s'éloigne et devient si petite qu'on pourrait la croire issue d'un cauchemar. Malheureusement le mauvais rêve n'est que réalité et le major Lorne n'est plus qu'un corps inerte avachi sur le sol du vaisseau Lantien. Les paroles émises par la radio bourdonnent dans son esprit jusqu'à titiller l'once de vie qui subsiste encore en lui. Evan lutte pour émerger de l'épais brouillard qui l'enveloppe.
Peine perdue.
Titubant pareil au lendemain de sa terrible cuite avec Ronon, Evan ouvre péniblement les yeux puis étire ses membres, conscient de leur lourdeur inhabituelle.
- Major Lorne, ici Atlantis répondez! 
Engourdi, avec l'étrange sensation d'être rouillé par une trop longue inaction, Evan se redresse et enclenche la communication avec cité Lantienne. Affalé sur les commandes du jumper, il lutte difficilement contre la nausée qui s'assaille. Encore un cuisant échec. Sa vue voilée n'est que parcellaire, et associé à de forts acouphènes, ce trouble ne fait qu'amplifier son instabilité physique et psychique. Lorsque le major entend sa voix déformée, toute sa peau se hérisse, saisie d'une frayeur irraisonnée. Evan prend sur lui et reformule ses mots afin qu'ils soient audibles et un minimum compréhensibles.
- Atlantis, ici Lorne. Je... Que se passe-t-il ? 
 
 
 
***
 
 
 
- Major Lorne, ici Atlantis répondez ! 
Le message est diffusé en boucle depuis des heures. Les opérateurs d’Atlantis ont depuis bien longtemps cessez d’attendre une réponse. Une étrange ambiance règne dans le centre de contrôle. L'euphorie liée au retour du colonel Sheppard et du docteur McKay, ainsi que le joyeux brouhaha des nouvelles recrues du Daedale, a laissé la place à la consternation et à l'angoisse. L’état de santé du colonel est peu réjouissant et le docteur McKay ne cesse de gesticuler en tout sens, maudissant tantôt le docteur Zelenka, tantôt les Anciens. Bref, personne n'ignore que sieur McKay est de retour dans la cité et avec lui sa nombrilite aiguë.
C'est dans cette atmosphère d'après guerre que surgit la voix du major Lorne, d'abord tronquée puis saisissante d'angoisse. Une réponse comme un appel à l'aide... appel malheureusement sans retour. Surpris les opérateurs radio se contentent de se regarder, tardant à formuler la réponse tant attendue.
- Atlantis, répondez bon sang! 
La voix du major est tellement chargée de stress que celui-ci se propage au-delà des ondes à toute personne étant à l'écoute. Un opérateur enfin sorti de sa transe, fait signe à ses collègues de prévenir le docteur Weir. La chef d'Atlantis se précipite aux nouvelles, à la fois rassurée de savoir le major en vie et parallèlement inquiète quant aux explications qui ne sauront tarder à venir. L'attente et les remontrances à peine voilées du colonel Sheppard sur le bien fondé de la mission ont mis ses nerfs à rudes épreuves. Tout comme les autres membres d'Atlantis, le docteur Weir attendait l'arrivée du Daedale avec plaisir. La fin d'une aventure et un probable retour au calme. Mais chassez le naturel et celui-ci revient au galop. Quand ce n'est pas Sheppard, c'est Lorne... décidément les hommes d'Atlantis !
- Major, nous sommes heureux de vous entendre. Cela fait des jours que l'on attend de vos nouvelles. Que s'est-il passé?
- Je l’ignore madame. J'ai l'impression de me réveiller. Pour tout vous dire, je ne me sens pas très en forme. Il me semble que nous venons à peine de quitter Atlantis.
Le major se retourne cherchant une explication du côté de ses coéquipiers mais l'évidence est là. Il est seul... ou du moins le croit-il.
 
 
Le centre de contrôle d'Atlantis est plongé dans la stupeur. Le docteur Weir a été rejoint par les docteurs McKay et Beckett. Le colonel Sheppard, trop affaibli, n'a pas encore l'autorisation de quitter sa chambre d'infirmerie. Evidement cela le met en rogne et Carson doit faire preuve d'un stoïcisme incroyable face aux réprimandes incessantes du militaire, particulièrement de mauvaise foi. Mais tout cela est une autre histoire. En l'occurrence pour l'instant, l'histoire se fait et se défait autour d'un message radio, d’échanges de regards, d’'incompréhension et un terrible sentiment d'impuissance.
 
- Még où es-tu? Mais... qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Atlantis, je ne comprends pas. Je suis tout seul dans le jumper. Où sont-ils passés ? Et... qu'est-ce que c'est que ça ?! Atlantis !
- Major Lorne, calmez-vous et expliquez-nous la situation. 
Elisabeth tente de ramener un calme qu'elle sent incertain. Le lien ténu qui unie la cité au militaire semble si fin qu'Elisabeth craint à tout moment la rupture. Atlantis est en apnée. On entendrait voler une mouche. Y a-t-il des drosophiles dans la galaxie de Pégase ?
- Madame, je... 
La voix tremble et devient de plus en plus aiguë, comme si l'hystérie et la folie venaient de naître dans le jumper.
- Mes mains... mes mains ! Még !
- Major Lorne, Evan, calmez-vous ! Que se passe-t-il avec vos mains ? Où sont les autres membres de votre équipe ? Evan ?! 
La voix neutre de l'opérateur radio interrompt Elisabeth.
- Docteur Weir, nous avons perdu le contact.
- Pouvez-vous localiser le jumper?
- Il est à mi-chemin entre la planète que le major explorait lors de nos derniers contacts et la porte des étoiles. Il devrait être visible par le jumper 8 et l'équipe de secours d'ici six heures tout au plus. Evidement mes estimations n'étant valables que si l'on considère que le major Lorne cherche à rejoindre la porte, ce qui est le plus logique. Si sa trajectoire est toute autre, il nous faudra attendre un nouveau contact pour trianguler sa position.
- Soyez vigilants messieurs. 
 
 
 
***
 
 
 
Le major Lorne est hypnotisé par ses mains. Le silence et la vacuité du jumper glissent sur lui sans l'émouvoir outre mesure, mais le pourpre qui recouvre ses mains capte son attention plus que de raison. Puis lentement, quittant difficilement la vision terrifiante de ses mains ensanglantées, Evan englobe le jumper du regard.
Rien. Personne. Juste lui et le silence mortel de l'espace. Doucement, fuyant ce qu'il sait être inévitable, le major lève ses bras et place ses mains à hauteur de ses yeux. Précis comme dans une expertise médicale, son regard se pose sur ses doigts, ses paumes, ses poignets, puis descend lentement sur ses avant-bras. Du sang coagulé, presque noir, recouvre presque entièrement sa combinaison Atlante. A la couleur, violente, bouleversante, s'ajoute la texture cartonneuse des plaques séchées et raidies. Même l'odeur commence à envahir tous les récepteurs sensoriels du militaire. L'odeur métallique du sang et celle plus acide de la peur. Pris de panique, le major qui jusqu'à présent réagissait avec une extrême lenteur, se met à s'agiter et à tournoyer sur lui-même en se découvrant sous toutes les coutures.
L'intérieur du jumper est similaire à une scène de crime, revêtue d'une parure aux couleurs d'un mauvais film de série B sur la Transilvania et ses célèbres membres.
Il y a un instant le silence et la peur régnaient en maître dans le jumper. Maintenant c'est la folie qui y fait son nid. Absolument méconnaissable, le major Lorne, ou plutôt ce qu'il en reste, se met à bondir d'un côté à l'autre du jumper tel un fauve affamé. Accroupi sur le tableau de bord, il pousse un cri inhumain rappelant davantage une bête enragée qu'un homme sain d'esprit. Pourtant le regard lumineux d'Evan dément formellement l'impression que l'Homme s'est effacé au profit de la Chose. De chaudes larmes coulent sur ses joues alors que brillent dans ses pupilles un désespoir et une peur qui se fondent dans la folie. Fixant toujours ses mains tâchées du sang de celle qu'il aimait, Evan entreprend de se dévêtir, sans douceur et sans égard pour sa combinaison militaire.
 
 
 
***
 
 
 
- Voilà c'est tout ce que je sais pour le moment. 
Elisabeth est assise au bord du lit du colonel Sheppard. Le militaire l'a laissée parler sans broncher et sans émettre le moindre commentaire sarcastique, ce qui en soit suffit à surprendre Elisabeth. En tant que chef d'Atlantis, elle ne peut que se réjouir d'une telle écoute. En tant qu'Elisabeth elle craint pour la santé de son ami. Les médecins ont beau assurer qu'il n'y a aucune séquelle physique au coma du colonel, personne ne peut être formel quant à l'état mental et aux répercussions psychiques des dernières semaines.
- J’entends bien Elisabeth, mais je ne vous demande pas ce que vous savez mais ce que vous en pensez. Je veux un regard « épidermique ».
- Tout cela ne me dit rien qui vaille. Le major Lorne est un homme droit sur qui on peut compter. Jamais il ne mettrait la vie de ses hommes en danger s’il ne pensait pas que cela était nécessaire. Rappelez-vous lors de votre mutation. Il n’a pas hésité à partir en quête des œufs pour vous sauver, mais il a également su faire machine arrière en voyant le prix que cela allait coûter.
- Si cela ne vous ennuie pas Elisabeth, je préfèrerai oublier cet épisode.
- Il ne l’a pas fait de gaîté de cœur, mais c’est un chef d’équipe qui connaît ses limites et ses responsabilités.
- Je n’en ai jamais douté. C’est pour cela qu’il est étonnant et peu probable qu’il ait quitté la planète sans son équipe au grand complet. D’ailleurs j’ai épluché toutes les données auxquelles j’avais accès et je suis formel, cette planète n’existait pas lors de ma précédente visite.
- Mais c’est impossible voyons !
- C’est peut-être un vaisseau.
- C’est petit pour une planète mais pour un vaisseau…il serait incroyablement grand !
- A moins qu’il soit entouré d’une sorte d’hologramme.
- Un camouflage ?
- Pourquoi pas. Quoiqu’il en soit, il faut absolument retrouver le major Lorne puis aller voir de plus prêt ce gros galet flottant.
- N’y comptez pas trop colonel Sheppard !
- Vous n’avez pas envoyé d’équipe de secours ?
- Non, je parlais d’aller explorer cette planète. Vous rentrez tout juste de la Terre et pour le moment vous ressemblez davantage à une pieuvre qu’à un militaire prêt à attaquer un ennemi potentiellement très dangereux. 
Le soupir du colonel Sheppard est si bruyant qu’il se surprend lui-même. Il regarde étonné le docteur Weir puis éclate de rire en levant bien haut ses bras perfusés.
- Attention capitaine Némo, me contrarier pourrait vous valoir toute ma colère !
- Tout doux fac-similé de Kraken. Attendons déjà de voir ce qu’il est advenu du major Lorne et de son équipe. 
 
 
 
***
 
 
 
Un amas de tissus jonche le sol. Des lambeaux jetés ça et là comme on effeuille une Margueritte.
Je t'aime, un peu, beaucoup... et je te tue.
Je t'aime, un peu beaucoup.... et je me tue.
Evan continue sa descente aux enfers, terminant d'arracher ses derniers vêtements mais réalisant du même coup que cela ne le débarrasse pas de l'odeur de la mort. Une odeur entêtante qui colle au derme comme la pire eau de toilette bon marché. Une imprégnation, comme une seconde peau, teinté par la mort de Még, mais aussi par celle de Mitch.
La réalité est plus cruelle encore.
Evan n'est pas seulement responsable de la mort de ses coéquipiers. Il porte en lui le sang du Dieu créateur « du monde », asservisseur d'un peuple qui lui voue un culte sans faille. Evan sent ce fluide glacial et bouillant qui coule en lui. Un flot qui charrie des cris et des larmes. Des sensations qui ne viennent pas se coller à sa peau mais qui naissent dans ses veines et s'en extraient brutalement pour remonter à la surface. Comme autant de bulles d'air noyés de souffrance cherchant à exploser à l'air libre, la mémoire (génétique?) du sang traverse les parois des vaisseaux sanguins et circule dans le flot vital, baignant chaque parcelle de son être de souvenirs aussi rouge que le sang des victimes.
Mitch, Mégane et tant d'autres avant... Evan se sent responsable de tous ces morts, une culpabilité métissée d'un plaisir qu'il ne peut nier.
Ecœuré par cette explosion de perceptions et la jouissance évidente qu'il en ressent, le major Lorne décide de terminer ce qu'il avait entreprit. Doucement, il relève ses mains et les examine de nouveau. Toujours ce rouge et cette suave texture âcre et sucré, effluve d'un bonheur qu'Evan veut rejeter loin de lui. Avec lenteur et application il pose sa main droite sur son coude gauche. Evan réalise parfaitement qu'une partie de son être, celle qui jouit de la situation, lutte contre sa conscience et en reprendra bientôt tout le contrôle.
- Courage Evan. Maintenant! 
Serrant les dents en attente d'une douleur qu'il imagine intense, Evan enserre son bras, se cramponnant jusqu'à se que ses ongles se plantent dans sa chaire. Puis il remonte lentement vers le poignet, labourant sa peau qui se couvre instantanément de son sang, fluide, rouge vif et... envoûté.
Un cri. Bestial, inhumain.
Un être mi homme, mi animal qui s'arrache la peau, croyant retirer du même coup ce qui l'entache.
Ecorché de l'âme.
Mais l'homme n'est pas animal et son action d'autodestruction illusoire et imparfaite, n'a pour effet qu'accroître sa souffrance physique, donnant matière au Dieu pour gagner les rares zones libres dans l'esprit de l'hôte. Une voix terrifiante s'amplifie dans l'habitacle du jumper. Evan l'entend, sans comprendre qu'elle est issue de ses lèvres et de sa bouche déformée d'un rictus terrifiant.
- Je te laisse un petit espace de liberté. T'assouvir n'a aucun intérêt si tu n'as pas conscience de cet état de fait. Cache-toi petit humain. C'est ça, recroqueville-toi comme un petit animal apeuré. Bientôt tes amis seront également miens, et avec ta maîtrise des Lantiens, nous conquerrons l’univers. 
Plus furieux que jamais, le major sombre dans une tourmente de violence contre son propre corps. Une tornade qui ne pourra malheureusement pas s'achever sur la victoire de l'humain. Evan le sait, mais rien ne peut le raisonner. La haine et la peur sont ses uniques moteurs. Une source où s'abreuve le Dieu.
Un délice.
 
Flash
 
- Prends ma main Még.
- Nan, Evan, j’ai la trouille.
- Allez jeune damoiselle. Votre preux chevalier vous protégera.
- Tu le promets ?
- Croix de bois, croix de fer, si je….
- Pitié Evan ! Tu ne vas pas cracher par terre en plus ?! 
Son sourire et ses yeux rieurs contredisent le ton maternant. Malgré sa crainte, la jeune femme tend le bras vers l’homme qui la surplombe. D’une poigne ferme il enserre sa main et la tracte sur la nacelle.
- Allez, courage ! 
De loin les deux silhouettes sont indissociables et ce n’est qu’une ombre unique qui se profile le long de l’enchevêtrement métallique. La lune est pleine et haute. Un décor de rêve pour deux amoureux en quête de sensations fortes.
- Wouaaaaaaa la ville est sublime vue de là haut !
- Je te l’avais dit Még. 
- Le camp parait si petit. Demain nous partirons chacun à nos affectations. Que deviendrons-nous ?
- Deux supers soldats. Je me vois bien général dans une base secrète que mêmes les pontes du Pentagone ne connaîtront pas… et avec une secrétaire vêtue exclusivement d’un tablier en dentelle fine.
- Evan tu exagères ! 
Un petit gloussement puis un gouffre de tristesse.
- Evan, tu sais très bien ce que je veux dire. Je parle de NOUS. De toi et de moi.
-Je sais Mégane, mais que veux-tu que je te dise ? Je ne suis pas prêt à renoncer à mes rêves et je ne veux pas t’imposer un tel sacrifice.
- Je sais Evan, mais j’ignore quel sera le plus grand sacrifice. Te perdre me semble inconcevable mais…
- Mais si tu quittes l’armée, tu passeras toute ta vie à te demander ce que tu serais devenue si ton choix avait été autre. En fin de compte, les regrets et les doutes rongeront notre couple et ce n’est pas l’amour mais la haine qui nous unira. 
La jeune militaire se blottit dans les bras de son chevalier servant.
- Je t’aime Evan. J’espère que nos destins se croiseront à nouveau.
- En l’occurrence le destin se nomme armée de l’air des Etats Unis d’Amérique. 
Leurs lèvres s’unissent.
- Ce jour là, je ne te laisserai plus jamais me quitter. Je t’aime Mégane Frès.
- Je t’aime Evan Lorne !  
 

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