Evan-escence

Chapitre 6 : J-3... J Zéro le contact

Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/03/2009 22:39

 

Chapitre cinq
 
J-3
 
 
 
 
- Atlantis, nous avons le jumper du major Lorne en visuel. Il semble dériver, et le major ne répond à aucun de nos appels.
- Voyez-vous des mouvements dans le jumper ?
- Non madame. Nous allons tenter de nous rapprocher au plus près. Voila, nous surplombons la vitre du jumper et… Ah, quelle horreur !
- Major que se passe-t-il ? Que voyez-vous ?
- Pas grand-chose à vrai dire, la vitre est parsemée de traces rouges. On distingue nettement la forme d’une main et… je pense que c’est du sang, docteur Weir.
- Bon, prenez le jumper en charge et revenez immédiatement ici.
- Bien madame. Le remorquage ne devrait pas être trop compliqué. Nous serons à la porte dans huit heures.
- Parfait, nous serons prêts à vous accueillir. 
 
Elisabeth Weir quitte précipitamment le centre de contrôle pour rallier au plus vite l’infirmerie.
- Docteur Beckett !
- Docteur Weir ? 
Le médecin délaisse provisoirement une série de bilans et examens pour porter toute son attention à Elisabeth.
- Que se passe-t-il docteur Weir ? Vous semblez inquiète.
- Effectivement Carson. Le jumper du major Lorne a été pris en remorque sans qu’aucun signe de vie ne se manifeste à l’intérieur. Cependant, d’après l’équipe de secours, il y a des traces de sang sur les parois des tableaux de commandes. 
Carson ne peut réprimer une grimace. Il referme brutalement le livre ouvert devant lui.
- Il faut isoler le jumper dès son arrivée et mettre tout l’équipage en quarantaine.
- C’est effectivement comme cela que je vois les choses Carson. 
 
 
 
***
 
 
 
- Major Lorne, m’entendez-vous ? Ici jumper 8, nous sommes en approche. Major Lorne, Evan ?! 
 
La silhouette est étendue sur le dos, ses yeux grands ouverts paraissent fixer un point au plafond. La voix en provenance des hauts parleurs glisse sur elle sans pénétrer le moins du monde dans son esprit. Celui-ci s’est fait si petit et si faible. Un mince rempart contre la douleur physique du corps meurtri et la souffrance psychique des réminiscences du passé. Manipulés par l’entité démoniaque, les souvenirs du major Lorne affluent en un flot incessant de renseignements. Le Dieu y puise la connaissance de la cité des Anciens mais aussi ceux de la Terre. Ah que la pêche est miraculeuse ! L’univers qui s’étend à ses pieds est encore plus vaste qu’il ne l’imaginait.
Mais en attendant de conquérir les mondes qui s’offrent à lui, le Dieu profite de l’esprit de son hôte. Celui-ci regorge de trouvailles qui sont autant d’amusement pour jouir impunément de son pouvoir divin. Farfouillant de façon aléatoire dans les souvenirs de Lorne, le Dieu en extrait quelques fragments. Les réactions de l’hôte à la stimulation sont parfois intéressantes, souvent jouissives, mais surtout très instructives pour la suite des événements. Certains stimulent la souffrance occasionnée par la mort de la jeune femme. Jamais le Dieu n’avait trouvé moyen si efficace pour ébranler un être humain. Ce spécimen est pourtant vigoureux et intelligent, rien à voir avec les autres hères qui vivent sur « le monde ». Cet homme est un guerrier rompu à l’art du meurtre, mais étrangement une certaine idée utopique de respect de l’être s’y associe. Comme cet humain terrien est curieux. Un luxe de petits détails qui s’entrechoquent dans son cerveau et qui pèsent inlassablement le pour et le contre, le bien et le mal… une éthique dans la guerre qui arrange bien les affaires du Dieu. Lui qui n’en a aucune, trouve en cette moralité un pouvoir d’action sur l’hôte. En attendant l’arrivée dans la cité des Anciens, le Dieu cimente ses bases en s’abreuvant à la source.
 
Flash
 
Lorne se méfie de ses êtres étranges qui lui rappellent les aliens du film « Enemy mine ». Une belle histoire d’amitié entre un terrien et un « lézard » humanoïde. Ces lézards là, Evan n’a pas trop envie de les côtoyer davantage. Pourtant le docteur Jackson semble très lié à l’un d’eux. Heureusement d’ailleurs, parce que sinon leur vie ne vaudrait pas tripette. L’image du jeune soldat sacrifié par les Unas s’inscrit encore et encore dans la mémoire de Lorne. Tout comme la première fois, sa réaction viscérale tend à faire remonter son estomac à la surface. Une terrible crampe plie le major en deux. Des spasmes douloureux secouent toute sa personne, pour le plus grand plaisir du Dieu qui par la souffrance accède aux sensations du corps. Après une dizaines de minutes, Dieu se lasse de son petit jeu sadique et se concentre sur ce qui semble être une information fort intéressante.
La planète… son nom est inconnu mais l’hôte a encore en mémoire les glyphes qui montrent le chemin. Le gisement de Naquadah y est exploité par ces étranges créatures primitives. Un gisement très important et de grande qualité, le jeu en valait la chandelle pour les terriens. C’est aussi le cas pour l’entité qui se réjouit d’avoir pour hôte une telle mine d’informations.
Lorsque Atlantis sera sien et avec elle la Terre, Dieu ira faire un petit tour sur les planètes de la galaxie Tau’ri. Celle-ci parait être un lieu idéal de villégiature…du moins pour un siècle ou deux.
 
 
***
 
 
Le major Lorne se relève difficilement. Des crampes douloureuses naissent au creux de son estomac et remontent rapidement vers ses extrémités. Navigant péniblement dans une nébuleuse où réel et imaginaire sont unis, Evan s’avance vers l’écran holographique du jumper. Celui-ci s’illumine à son approche. Des données en Lantiens apparaissent, incompréhensibles, inexploitables. Lorne les regarde, hypnotisé par le mouvement vertical des symboles.
Seul l’un d’entre eux lui est connu : Danger.
Pour le Dieu en revanche, chaque ligne, chaque expression a un sens et celui-ci ne lui plaît guère. Une mise en garde contre lui-même et ses semblables, si tant est qu’il y en ait. Dieu ignore s’il est l’unique spécimen survivant de son espèce et cela l’indiffère, tant que l’on n’empiète pas sur son territoire.
Dieu est furieux contre ce qui défile devant les yeux de son hôte.
Comment et pourquoi de telles choses sont apparues ainsi ? Des souvenirs comme autant de flashs refont surface dans l’esprit du major (Fanfic : Huis-Clostrophobie). Une connexion avec le jumper, une activation qui le lie avec la base de données des Anciens. Le major ne semble pas comprendre ce qu’il voit et les implications de telles connaissances, mais ce ne sera sûrement pas le cas de toutes les personnes présentes sur Atlantis, en particulier de ce docteur Weir et du terrien dénommé Daniel Jackson.
Non seulement les Lantiens les avaient isolés et bannis sur un gros rocher mais voila qu’en plus ils avaient laissés derrières eux des mises en garde. Cette ingérence était vraiment inadmissible ! Sous le couvert du corps humain d’Evan, le Dieu libère toute sa fureur contre les Anciens. Un geste inutile et futile qui déchaîne une colère trop longtemps refoulée.
Malgré son corps douloureux, Evan s’avance davantage encore vers les commandes du jumper puis donne des coups de poings enragés sur tout ce qui se présente devant lui.
Le temps n’a plus de prise sur l’hôte et son parasite. Quelques minutes, quelques secondes, cela n’a guère d’importance. Un maelström de violence qui ne prend fin qu’avec l’apparition presque surnaturelle du jumper dans le champ de vision du major Lorne. Ce dernier s’arrête net, suspendu entre la réalité du Dieu et ses souvenirs qui tentent de le ramener vers un présent plus véridique. Les mains posées sur la vitre, Evan se laisse bercer par la vision qui doucement, presque imperceptiblement, lui redonne le goût de la lutte. Ses amis sont là, dehors, venus le chercher et l’extraire de l’enfer.
I-nac-cep-table !
Dieu n’est pas d’accord pour laisser le major interférer dans ses plans. Sa colère n’est pas tendre avec ses hôtes, cela le major Lorne ne l’ignore pas. Et comme Dieu n’est pas patient, il se charge de se remémorer au bon souvenir d’Evan.
La décharge électrique qui ébranle le corps du militaire n’est rien en comparaison du châtiment psychique. Avec violence, le corps du major Lorne est propulsé loin de la vitre pour finalement s’écraser le dos contre la porte du jumper. Evan reste ainsi, inerte en apparence mais sacrément secoué dans son âme. Avec plaisir, Dieu s’y plonge et y revit encore et encore ce qui semble être le moment le plus pénible de la très courte vie de l’humain.
Une petite voix émerge des lèvres craquelées d’Evan. Une supplique au cœur d’un sanglot.
- Mégane, pardonne-moi ! 
 
 
 
***
 
 
 
Le vortex inonde la cité Atlante de son aura bleuté. Pas un bruit, excepté celui de la vague qui émerge brutalement de l’anneau. Tout le monde retient sa respiration lorsque les deux jumpers franchissent l’horizon des évènements.
Le docteur Weir contrôle la situation du haut de la rambarde alors qu’en dessous, le docteur Carson Beckett est sur le pied de guerre. Comme toute son équipe, il est équipé d’une combinaison le protégeant contre un éventuel agent infectieux et pathogène.
Le jumper 8 largue l’amarre retenant le vaisseau du major Lorne puis décolle à la verticale et quitte les lieux par l’ouverture béante de la cité. Seul subsiste au centre de la plateforme le jumper de Lorne.
Avec une lenteur majorée par sa tenue, aussi encombrante qu’inesthétique, le docteur Beckett enclenche l’ouverture manuelle du petit vaisseau Lantien.
Aussitôt la cloison s’anime et la porte descend lentement avant d’entrer en contact avec le sol.
Bang ! La porte touche le sol d’Atlantis.
Bing ! Une forme roule le long de la cloison avant de s’étaler au pied du jumper.
Carson et son équipe, surpris, font un bond magistral, digne des premières vidéos lunaires. La stupéfaction autant que la consternation fige les différents protagonistes. Que ce soit au sol ou dans la salle de contrôle, le silence règne de nouveau en maître.
Carson pensait avoir vu le pire ou presque depuis son arrivée dans la galaxie de Pégase, mais le tableau qui s’offre à lui en cet instant lui prouve le contraire.
Le major Evan Lorne est étendu inerte, apparemment sans vie. De loin, sa tenue semble rouge et noire. Pourtant en s’approchant, il devient évidant pour Carson qu’Evan est entièrement nu. Une fine pellicule de sang partiellement séchée et encroûtée le recouvre tel un linceul morbide.
Avec délicatesse et respect pour ce qu’il croit être le cadavre d’un ami, le médecin s’agenouille et cherche les constantes du militaire. La surprise se lit sur son visage quand il trouve un pouls, certes faible et filant, mais bien présent.
Le major Lorne est vivant !
 
 
 
 
J Zéro
Contact
J Zéro
 
- Et qu’en pense Carson ?
Sheppard est assis au bord de son lit. Cela fait trois jours que le major Lorne est de retour dans la cité. Trois jours durant lesquels la rumeur ou plutôt les rumeurs, ont envahi Atlantis avec d’autant plus d’ampleur qu’aucune hypothèse ne semble émerger des examens du docteur Beckett. Le seul effet potentiellement positif pour le colonel Sheppard est que les quelques Athosiens présent dans la cité ont un peu oublié les bougies et l’encens pour s’attarder à l’étude du cas « Lorne ».
 
Elisabeth est pensive.
- Il n’en sait pas plus qu’il y a trois jours. Le major Lorne est dans un coma inexplicable. 
Cette simple évocation fait grimacer Sheppard qui se remémore sa douloureuse expérience personnelle. Loin d’être dupe, Elisabeth poursuit comme si de rien n’était.
- L’analyse du sang retrouvé sur le major ainsi que dans le jumper confirme nos pires soupçons. Il s’agit bien du sang du major Lorne, des lieutenants Mitch Kalaghan et Mégane Frès. Aucune trace du troisième homme d’équipage. Evan montrait également de nombreuses blessures défensives, en particuliers aux mains.
Sheppard écoute attentivement les informations fournies par Elisabeth Weir. Jusqu’à présent, le colonel n’a pas réussi à extorquer la moindre donnée au docteur Beckett qui se retranche derrière le sacro-saint serment de confidentialité et une petite phrase très agaçante du style : « on en reparlera quand vous serez en état colonel et gnagnagna et gnagnagna ».
Heureusement, Elisabeth est tenue au courant et lui fait part de tout ce qu’elle sait, soit pas grand-chose.
- Le plus étrange, c’est que les cellules épithéliales retrouvées sous les ongles du major Lorne sont… les siennes. Il semblerait que le major soit à l’origine de ses propres blessures. Rien que d’y penser…
- Evan se serait automutilé ?
- Aucune plaie n’est mortelle mais il est comme un écorché vif. On dirait qu’il a cherché à arracher chaque fragment de sa peau.
- Peut-être qu’elle le démangeait ?
- La douleur ? Oui, Carson a émis cette hypothèse, mais cela reste une supposition parmi tant d’autres.
 
Elisabeth reste dubitative. Sheppard est tout autant plongé dans un océan de perplexité. Ce qui se trame dans son esprit tourmenté est loin de ce que laisse paraître le colonel Sheppard, culpabilité, sentiment d'impuissance...
Leur silence est interrompu par l’intrusion de Carson dans la chambre de Sheppard.
- Colonel. Docteur Weir.
Sheppard présente son plus beau sourire au médecin.
- Carson ! Je suppose que vous venez me libérer de tous ces tubes.
Sheppard lève ses bras, exhibant ses perfusions. Son simulacre de chien battu s’agrémente d’un œil larmoyant et d’un mouvement de sourcils à la Teal’c.
- Colonel, je vous ai déjà dit que je ne vous autoriserai à quitter ce lit que lorsque votre état de santé le permettra. Quant à vos perfusions, c’est grâce à elles que vous gardez la faculté de me sourire aussi bêtement.
- Docteur, vous n’êtes pas drôle du tout ! Je me sens super bien, mais j’ai des crampes à force de rester inactif. Allez, doc, soyez chic, donnez moi une permission. Allez, juste quelques heures !
Carson secoue doucement la tête comme le ferait un père face aux bêtises incessantes de son fils.
- Cela suffit colonel, je ne reviendrai pas sur mes conclusions. Docteur Weir, j’aimerai vous parler des derniers bilans du major Lorne.
- Je vous écoute Carson.
Le médecin hésite un instant puis se lance, conscient que le colonel Sheppard est tout autant en droit de connaître le devenir de son major que le docteur Weir.
- Les dernières constatations ne montrent aucun changement. Le major est toujours dans le même état neurovégétatif. Tant que je n’en trouverai pas la cause, je ne peux malheureusement rien faire pour lui. Son coma est pourtant relativement léger, comme un sommeil profond. Lorne réagit aux stimuli et montre même des signes de réveil imminent, mais à chaque fois, rien ne se produit et il replonge dans son état de catatonie.
 
Sheppard, bougon, ne peut s’empêcher d’intervenir en râlant.
- Vous le chouchoutez de trop, lui ! Balancez-le au dessus de la jetée, dans l’océan Lantien et on verra si la belle au bois dormant continue d’attendre son prince. Dix contre un qu’il ouvrira les yeux plus vite que ça !
- John, vous êtes insupportable !
- Je sais. Pardonnez-moi Elisabeth, Carson, mais j’en ai marre ! Je n’en peux plus de rester allongé. Le Daedale puis Atlantis…
 
Un enfant capricieux n’aurait pas fait plus pitoyable grimace.
Joignant les mains en une ultime tentative de prière, John met un genou à terre, aux pieds de Carson.
- Je vous donne mon skate et...heu...non, je vous le prête un mois. Et j’éloigne Rodney de vous pendant …deux semaines !
Elisabeth est hilare.
- Vous avez un profond sens du sacrifice colonel Sheppard.
- Disons qu’à force de pratiquer, je maîtrise le McKay sans trop de problème.
L’entrée de l’intéressé dans l’infirmerie met le holà à la plaisanterie. Un très lourd silence s’installe entre les différents protagonistes. Evidement, le mutisme soudain de ses amis éveille en Rodney les pires soupçons. Il en faut peu pour titiller son côté paranoïaque et pour une fois, cela se justifie.
- Mouais…je dérange sans doute.
Ne laissant pas le temps à Sheppard de répliquer, ce qu’il aurait évidement fait avec délice, McKay interpelle Elisabeth et commence à lui expliquer le pourquoi de sa venue, oubliant totalement la présence de Sheppard.
John s’enfonce dans son lit, disparaissant presque entièrement sous sa couverture. Personne ne semble lui prêter la moindre attention. Elisabeth et Rodney discutent des coutumes Athosiennes et d’un problème informatique dont il n’a que faire… quant à Carson, le traître, le lâche, il a profité de l’entrée de Rodney pour filer à l’anglaise.
Sheppard doit-il prendre cela pour une acceptation tacite de son contrat… liberté contre Rodney ?
 
Alors que la discussion entre Rodney et Elisabeth lui parvient de façon étouffée par l’épaisse couette hospitalière, un plan s’organise dans l’esprit machiavélique du colonel Sheppard. Réprimant une soudaine envie de rire, il émerge de sa carapace et interrompt impunément McKay et Weir.
- Elisabeth, j’aimerai avoir la permission d’étudier davantage les rapports envoyés par Evan avant leur disparition, ainsi que mon ancien compte rendu d’expédition. Avec l’aide de Rodney et de ses supers technologies, on trouvera sûrement une explication à l’apparition soudaine de cette planète. Il y a forcement une logique à cela. N’est-ce pas Rodney ?
- Oui, bien sur. Peut-être qu’avec des spectrographes lumineux, des photomètres et des…
- Voila, il faudrait installer tout cela ici et joindre l’intelligence de Rodney à mes déductions heu… de fin limier. Carson. Carson !
Sans porter la moindre attention à Elisabeth qui sourit, prouvant qu’elle n’est pas dupe, et à Rodney qui pour une fois est complètement largué, John interpelle le médecin. Celui-ci tarde à répondre mais voyant l’obstination du colonel, Beckett ne peut faire autrement que revenir auprès du trio maléfique.
- Cessez de hurler colonel, il y a d’autres patients ici.
- Oui, acceptez mes excuses Carson. Je voudrais chercher une explication à l’état du major. Le docteur McKay va m’y aider…
Carson se retourne vers Rodney qui hausse les épaules en un geste d’impuissance. Sheppard poursuit avant que McKay ne brise son si joli plan d’évasion.
- Rodney va installer ici ses ordinateurs pour que l’on analyse et reproduise avec exactitude les dernières heures du major et de son équipe. Pourriez-vous libérer heu…Rodney, les deux bureaux là devraient suffire, n’est-ce pas ?
- Et bien….
- Oui, voila, je pense que ce sera parfait. Quand pouvons-nous commencer à travailler Carson ?
- Mais… Ecoutez John, ne croyez pas que je sois dupe de vos manigances…
- Oh, Carson, qu’allez vous croire ?!
- Je ne veux pas transformer mon infirmerie en champs de bataille pour militaires en manque d’actions. Vous avez gagnez cette bataille mais pas la guerre.
- Je n’en demandais pas tant docteur.
- Bon, on laisse les cathéters en place pour vos injections et vous revenez dormir ici toutes les nuits. Je vous donne une permission de sortie certes, mais avec des horaires stricts.
9 heures/20 heures, pas une minutes de plus.
Carson regarde sa montre puis enchaîne avec autorité.
- Il est 18 heures. Pour ce soir, cela vous laisse deux heures avant le couvre-feu.
- Oui papa !
- Au moindre écart, je vous colle sur un brancard avec tellement de capteurs que vous ne pourrez même plus bouger le petit orteil. Me suis-je bien fait comprendre ?!
- Yes daddy !
- Et emmenez McKay avec vous. Je ne veux pas être envahi par des appareils qui vont parasiter et saturer tous mes moniteurs !
Sur ces mots Carson, se retire et disparaît loin de la jubilation extravertie de Sheppard. Elisabeth se contente d’hocher la tête. Ce n’est ni la première fois ni la dernière qu’elle assiste à la supériorité masculine en matière de stratégie infantile. Mais il faut bien avouer qu’avec les hommes, ce genre d’astuce marche extrêmement bien. Peut-être y a-t-il matière à faire une étude anthropologique ?
 
Alors qu’une infirmière s’atèle à déconnecter les perfusions des cathéters, Rodney McKay se tourne vers le docteur Weir.
- Je crois que je n’ai rien compris à ce qui vient de se passer. Je me trompe où John vient de se servir honteusement de moi ?
- Je dirais plutôt qu’il a su habilement exploiter vos talents naturels à envahir l’espace de votre présence physiques et psychique.
- Hum…c’est un compliment ça ?
 
Ne retenant plus les larmes qui lui brûlaient le coin des yeux, Elisabeth prend le bras du docteur McKay et l’entraîne avec elle loin de l’infirmerie. Son rire est partagé entre le franc fou rire face à la moue surprise de McKay et le laisser-aller dépité devant une situation finalement extrêmement triste. Avec une empathie qui ne lui ressemble guère, Rodney remarque aussitôt le voile de chagrin qui passe fugacement sur le visage du docteur Weir.
- Qu'y a-t-il Elisabeth?
- John n'est pas vraiment dans son état normal...
- Franchement je ne vois aucune différence, il est toujours aussi sarcastique, voir cassant.
- Justement. En de telles circonstances, il est étonnant qu'il soit si blessant, car c'est vraiment ce qu'il est en ce moment. Et puis avec vous, John se sent en sécurité. Vous avez traversé tant d'épreuves ensemble qu'à vous deux, vous formez une sorte d'unité qui le rassure. Avec nous son regard est tout autre. D'après Carson, il souffre d'un stress post traumatique qui l'isole du monde extérieur. Il se sent exclus de la cité d'Atlantis.
- Elisabeth, vous savez pertinemment que pour John, Atlantis est sa famille.
- Précisément ! Il se dévalorise et se rend insupportable car il méprise ce qu'il est devenu. Il nous retourne contre lui dans une attitude d'auto destruction. Pourquoi pensez-vous que le docteur Beckett le garde à l'infirmerie? Actuellement le colonel Sheppard est sous fortes doses d'anxiolytiques et d'antidépresseurs. Cela le désinhibe un peu mais nous permet en même temps d'avancer. Sa permission était prévue mais Carson attendait le meilleur moment. Le petit délire de persécution de John a juste devancé l'appel. Il faut être patient Rodney, et  espérer retrouver notre colonel John Sheppard rapidement.
-Sarcastique.
-Agaçant.
-Le cœur sur la main.
-Tendrement attachant.
 
** Un ange passe **
 
- Bon, venez avec moi Rodney, je vais mettre à votre disposition tout ce que j’ai sur l’expédition du major Lorne. Le colonel Sheppard a raison sur un point au moins, il est capital de connaître précisément ce qui s’est passé sur cette planète.
- Et pour mon problème de données inaccessibles.
- Ha oui, c’est vrai. On verra cela plus tard. L’urgence pour le moment c’est Lorne et non les lubies des Athosiens.
 
 
 
***
 
 
 
Enfin libre !
Sheppard admire son poignet qui ne présente plus qu’un pansement occlusif sous lequel se planque le dernier vestige de son médical emprisonnement. Soucieux de son apparence mais également désireux de faire disparaître toutes traces d’une quelconque médication, John entoure ses poignets de ses habituels bandages noirs. Sexy et pratique, le summum de l’homme moderne.
Avant de rejoindre McKay auprès de ses ordinateurs, Sheppard décide de rendre visite au major Lorne et de voir de lui-même l’étendu des dégâts. Bien que prévenu de ce qui l’attendait, le colonel ne peut s’empêcher d’être surpris. Il pensait trouver une momie et au lieu de cela il trouve une sorte de petit igloo en toile fine et transparente dont émerge la tête livide d’Evan.
Une voix féminine fait sursauter Sheppard.
- Les plaies cicatriseront plus vite à l’air libre. Nous avons mis une toile sur des arceaux afin de le préserver de tout contact physique. Après trois jours, ce n’est plus si moche, mais je suppose que cela reste extrêmement douloureux. Du moins s’il était conscient. A priori il n’est pas contagieux, vous pouvez vous approcher colonel Sheppard.
John se retourne vers l’infirmière qui lui adresse un sourire forcé puis se retire pour leur laisser plus d’intimité.
- Merci.
Un simple mot puis un petit geste de la main et Sheppard prend son courage à deux mains pour affronter la vision de son ami. Un ami, c‘est bien ainsi que John voit le militaire allongé devant lui. Atlantis est immense mais en deux ans, chacun de ses membres a eu plus que l’occasion de prouver son courage et sa loyauté envers ce qui forme une grande famille.
John examine le visage figé d’Evan. Ses yeux semblent enfoncés dans ses orbites. Ses lèvres sont craquelées, laissant ça et là apparaître une fine touche de rose/rouge là où seul un vieux gris bleuté semblait s’être installé. Vraiment une sale mine !
Quant au reste, n’en parlons pas. John se souvient d’un reportage sur les grands félins. Ce qu’il voit devant lui ressemble à s’y méprendre aux restes d’un festin royal !
Sheppard tente de sourire à cette évocation ridicule mais si réelle.
Silencieusement, avec beaucoup de respect, mais aussi une pointe de chagrin et d’humilité, le colonel se met au garde à vous et adresse à son subordonné un salut militaire.
Sheppard quitte l’infirmerie sans ajouter le moindre mot. L’infirmière et le docteur Beckett le suivent des yeux puis s’échangent un regard lourd de sens.
 
 
 
***
 
 
 
Lorsque le colonel Sheppard rejoint McKay, celui-ci est encore en grande conversation avec Elisabeth. John reprend sa prestance habituelle et son ton sarcastique.
- Ben dites donc ! Vous êtes inséparables tous les deux ! Aurai-je loupé quelque chose durant mon incarcération ?
La boutade fait un flop tant la tension est palpable du côté de McKay. Le docteur Weir quant à elle, se contente d’un signe de tête que l’on pourrait traduire par : Chut Rodney est concentré !
- Que se passe-t-il Rodney ? Vous avez déjà trouvé quelque chose ?
- Concernant le major Lorne… non, mais concernant le problème que j’avais DEJA soumis au docteur Weir…SI !!!
Inutile d’être un détective hors paire pour comprendre que le docteur McKay est effectivement en colère.
- Si vous m’expliquiez de quoi il s’agit ?
- Quand je suis venu vous voir à l’infirmerie, c’était pour vous signalez un problème informatique qui…
- Oh, Rodney, je suis déçu, je pensais que vous veniez prendre de mes nouvelles ?
- John !!
Le cri est simultanément émis par Rodney et Elisabeth. Tous deux se regardent puis fixent le colonel qui s’enfonce dans un fauteuil et fait semblant de fermer sa bouche à clé.
McKay poursuit donc, certain de ne plus être interrompu.
- La base de données des Anciens n’était plus totalement accessible. Des renseignements, à priori sans grandes importances, ont subitement été bloqués par un mot de passe. Cela n’a pas semblé vous inquiéter plus que cela mais…ne m’interrompez pas Elisabeth… mais maintenant ce n’est plus quelques données mais toute la base de renseignements qui est contrôlée par ce mot de passe. De plus il semblerait qu’un individu ait farfouillé dans les dossiers de certains membres du personnel. Le votre entre autre colonel Sheppard. Et le mien.
Bon, alors, qu’en pensez-vous ?!
- Heu, je peux parler ?
- John, ça ne m’amuse pas. Vous ne semblez pas vous rendre compte de ce que cela veut dire.
- Cela signifie qu’il y a quelqu’un ici qui prépare un mauvais coup.
Sheppard reprend sa position décontractée avant de poursuivre avec son éternel mou d’adolescent.
- Mais vous allez trouver le code d’accès et déjouer une fois de plus les plans des méchants. Pas vrai Rodney ?
- Pas si simple. Il s’agit d’un code alphanumérique à six entrées. Le nombre de possibilité est…
- Non insurmontable pour un esprit comme le votre.
- Evidement, mais cela prendra un temps fou !
Sheppard regarde sa montre puis se lève rapidement.
- Bon, ce n’est pas tout ça, mais mon temps de liberté étant compté, je souhaiterai en profiter un maximum. Oh, hé ! Me regardez pas comme ça tous les deux ! Je n’ai mangé que d’horribles trucs aseptisés ces dernières semaines. Mon cerveau fonctionnera mieux après un bon gueuleton.
- Je vous accompagne.
- Ah non, Rodney. L’ordinateur a besoin de vous et moi j‘ai besoin d’air.
Le docteur Weir ne peut s’empêcher d’ajouter un petit commentaire, mais le militaire est déjà loin et seul le regard étonné de Rodney lui répond.
- Un sacré sens du sacrifice. Pauvre Carson, il a fait une bien mauvaise affaire.
 
 
 
***
 
 
 
Finalement le colonel Sheppard s’est contenté d’un bon sandwich au poulet avant de rejoindre l’infirmerie. Sagement il a tendu son bras à l’infirmière qui y a branché une perfusion… encore une !
Tenant une potence mobile d’une main, John quitte sa chambre pour celle plus intimiste du major Lorne. Silencieusement, il s’assoie au sol, dos callé contre le lit, le regard perdu sur ses chaussures. Un peu par bravade, à moins que ce ne soit un moyen d’exorciser ses craintes, Sheppard s’adresse à Lorne avec un naturel déconcertant.
- Pourquoi faites-vous semblant de dormir ?
- Parce que cela m’évite de répondre à des questions auxquelles je ne sais que dire.
Sheppard sursaute, mais tente aussitôt de cacher sa surprise pas un léger soupir. La voix de Lorne est d’un calme surprenant compte tenue de la situation. Sheppard n’ose pas se retourner et la discussion qui s’en suit a un petit goût d’étrange, voire même de surnaturelle.
- Depuis quand êtes-vous réveillé ?
- Depuis…maintenant. Je ne sais pas. J’ai entendu votre question et j’y ai naturellement répondu. C’est bizarre comme situation, non ?
- C’est le moins que l’on puisse dire. Ecoutez Evan, j’ai conscience que cela doit être difficile et même douloureux mais… de quoi vous souvenez-vous ?
- A propos de quoi ?
- De votre expédition, de la planète que vous avez visitée et… de la disparition de votre équipage.
- …
- Evan ?
- Je ne me rappelle de rien.
- Quels sont vos derniers souvenirs ?
- J’ai pris une cuite avec Ronon lorsque nous vous avons cru disparus sur Terre. Après, tout semble n’être que brume. Vous avez survécu, ça je le sais, et puis votre présence l’atteste. McKay et vous avez eu maille à partir avec quelqu’un sur le Daedale, mais bon, ça ce n’est pas extraordinaire… bref, j’ai l’impression que tout ce qui s’est passé depuis est un peu comme mes visions dans le jumper , un doux mélange de réel et d’imaginaire.
 
Sheppard se laisse le temps de digérer ces informations.
Petit un, Ronon et Evan ont pris une cuite en apprenant son décès. Est-ce pour fêter l’évènement ?
Petit deux, le major Lorne a un sacré trou dans le cerveau, vu le temps qui s’est écoulé entre leur sortie des eaux terriennes et leur retour sur Atlantis.
Petit trois, Evan n’a pas conscience de la disparition de Mégane. Comment lui annoncer une telle nouvelle ?
 
Alors que John cherche ses mots afin d’expliquer au mieux, ou du moins de la façon la moins pire, la situation actuelle au major Lorne, celui-ci s’agite sous ses arceaux. Sheppard n’y prête pas particulièrement attention. D’une part il met tout cela sous le coup de la douleur que doit découvrir Evan, d’autre part il se sent envahi par une agréable béatitude. Finalement Carson avait raison, ses deux heures de liberté l’ont épuisé.
Bonne analyse, mais insuffisante malheureusement. Si Evan prend effectivement conscience de son état physique, c’est avant tout pour laisser sa place à l’entité qui attendait patiemment le moment le plus opportun. Celui où Sheppard serait à sa portée.
 
Merci petit humain de m’avoir donné accès à tant d’informations. Grâce à toi, je pensais conquérir l’univers. Mais maintenant, tu m’offres sur un plateau la possibilité d’être bien plus. Je vais assouvir ma vengeance, notre vengeance. Merci petit humain. Tu auras été mon catalyseur et ton ami sera l’instrument de ma grandeur. 
 
Evan pousse un gémissement légèrement étouffé. Sheppard laisse tomber sa tête en arrière sur le bord du lit.
- Vous avez mal n’est-ce pas ? Vous voulez que j’aille chercher l’infirmière ? Elle est rudement mignonne.
- Non, ce ne sera pas nécessaire. Il y a tellement d’antalgique dans ma perfusion que je ne sens quasiment rien. Et vous colonel Sheppard, qu’y a-t-il dans votre perfusion ?
- Je n’en sais rien. Un peu de trucs et beaucoup de machins, histoire d’avoir une excuse pour me garder ici.
- Et bien moi, je sais ce qui coule actuellement dans vos veines colonel. Une bonne dose de barbiturique, de quoi assommer un éléphant. Ne le prenez pas mal, mais avec vous, il vaut mieux prendre ses précautions.
Sheppard est soudain très inquiet. De tels propos ne sont pas du tout coutumiers du major Lorne. Du moins de celui qu’il croyait connaître. L’inquiétude du colonel va croissant lorsqu’il découvre avec stupeur que ses membres refusent de lui obéir.
- Venez avec moi colonel.
Avec frayeur, le colonel sent que la situation, mais surtout son corps, lui échappe.
Une impression de déjà vu. Une angoisse oppressante. Sans qu’il puisse réagir, Sheppard voit le major se lever, s’habiller puis s’approcher doucement de lui.
- Bois ! 
A la peur fait place l'horreur, lorsque Sheppard découvre la main ensanglantée du major. Il croit en cet instant avoir découvert le comble de l'écœurement, mais il se trompe. Avec répugnance il lutte contre le fluide qui force ses voix respiratoires puis sombre dans l'abîme où l’entité l’attend.
 

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