Le Secret D'Aya

Chapitre 3 : Départ

1056 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 03:43

Cinq ans avaient passé depuis mon premier retour au Japon.


Ma vie s’était enchaînée à un rythme infernal : études, travail, responsabilités… mais surtout des interrogations. Ces questions sans fin qui me rongeaient l’esprit bien plus que la paperasse. Cela faisait déjà un an que j’étais à la tête des firmes aux États-Unis et, à vrai dire… c’était épuisant.

Des rendez-vous interminables, des piles de documents, des accords officieux douteux avec des “grands patrons”, des projets présentés comme utiles mais qui semblaient davantage des pièges énergivores qu’autre chose… Chaque jour, mon énergie s’étiolait.


Pourtant, malgré tout, j’avais toujours gardé du temps pour m’entraîner. Pour rester maître de moi-même, pour me défendre… et, plus simplement, pour me défouler.

Depuis l’enfance, mon frère et moi avions reçu un entraînement très particulier, élaboré par notre mère : le Karaté style Kazama. Un mélange de karaté traditionnel et d’un autre art martial mystérieux, dont elle refusait toujours de révéler l’origine.


Lorsque Jin et moi lui demandions :


Mère, d’où vient la seconde partie de ton enseignement ?


Elle répondait simplement :


D’un grand guerrier dont vous entendrez un jour parler.


Puis elle s’enfermait dans le silence de ses pensées.


Très tôt, Mère dut partir avec Jin, me laissant à Chihiro. J’ai donc perfectionné seule ce qu’elle avait eu le temps de m’apprendre. Mais ce n’était pas suffisant. Alors, pour compléter mon entraînement, j’ai étudié l’aïkido et le karaté traditionnel. En parallèle, j’ai appris à jouer du piano et, surtout, à travailler mon caractère. J’ai tenté de canaliser la naïveté et l’impulsivité de l’enfant que j’étais, pour devenir plus mûre, plus calme, mais aussi plus méfiante… et parfois provocatrice. Cela dit, rien n’était parfait. Au travail, je me maîtrisais. Mais en dehors… il restait des failles.


Depuis que les firmes étaient en ma possession, ma vie avait radicalement changé. Ma liberté était limitée : je devais toujours être accompagnée pour des raisons de sécurité, même si aucun garde du corps ne pouvait rivaliser avec l’enseignement de Mère. En contrepartie, je n’avais plus à me soucier d’argent, d’assurances ou de banques. C’était là l’un des rares avantages tangibles de ma position.



***



Alors que je préparais un retour définitif au Japon, une proposition inattendue arriva. Elle se présenta sous la forme d’une représentante hautaine, envoyée par la puissante G Corporation.


— Vous êtes bien la patronne ? demanda-t-elle sans préambule.


Je hochai simplement la tête.


— Parfait. Nous avons un message de la part du chef de la G Corporation.


Elle me tendit une enveloppe d’un geste sec. J’allais l’ouvrir, mais elle m’arrêta :


— Vous trouverez mon numéro au dos, si vous souhaitez en discuter.


Une poignée de main glaciale conclut l’échange.


À l’intérieur, une proposition : allier mes firmes à la G Corporation. Une offre aussi soudaine que surprenante. La lettre contenait aussi une invitation officielle à une réception, organisée avec d’autres dirigeants.


“Cette alliance ouvrira de nouvelles portes à vos firmes, à condition de nous rester fidèles, quoi qu’il arrive.”


Les termes étaient clairs. Trop clairs. Et surtout… unilatéraux.



***



Quelques jours plus tard, j’avais convoqué un Conseil général avec mes chefs d’entreprises. Yuki, la présidente du conseil d’administration, m’accompagnait comme toujours.

Nous traversâmes les longs couloirs gris menant à la salle du conseil. Devant un miroir, je rajustai mes cheveux noirs, effaçai le dernier sourire de mon visage et fis de mes yeux des abîmes froids et impénétrables.


La salle était vaste, le plafond haut. La plupart des chefs étaient déjà là : de vieux hommes en costume cravate, calvities naissantes, cigares puants à la bouche. Beaucoup d’entre eux n’étaient que des profiteurs, rongés par la corruption et les pots-de-vin. À mon entrée, ils se levèrent. D’un geste sec, je leur ordonnai de se rasseoir.

Yuki distribua le dossier. En bas de la dernière page, une signature attira mon regard : “Mishima”, le “A” final tracé à l’encre rouge.


Après une lecture silencieuse, je lançai :


— Non. Je refuse cette proposition.


Un froid s’abattit sur la salle. Mais les représentants n’avaient pas dit leur dernier mot.


— Madame la directrice, intervint le chef de la Défense Numérique, pourquoi rejeter aussi sèchement une offre qui pourrait nous être bénéfique ?


D’autres appuyèrent, évoquant un vote interne, un référendum. Je laissai éclater ma colère :


— Vous croyez que je vais vous laisser vendre nos recherches au plus offrant ? Que je vais regarder mon entreprise se faire absorber par un groupe dont nous ignorons tout ? Bande d’incapables !


Un silence pesant suivit. Puis j’ajoutai, plus froide encore :


— Le groupe G prétend partager nos idéaux. Mais chaque entreprise qui a accepté une fusion a fini… absorbée. Disparue.


Yuki prit le relais :


— Leur discours est toujours le même. Et toujours, il se termine de la même manière : par l’effacement de ceux qui leur ont fait confiance.


Je conclus :


— Tant que je n’ai pas donné mon accord, rien ne sera signé. Je me rendrai moi-même à leur réception. Et d’ici là, Yuki a autorité en mon absence.

Le conseil fut clos dans le silence.


Le soir, de retour dans mon pavillon, j’accueillis le calme comme une vieille amie. Depuis la mort de Chihiro, la solitude était devenue mon unique confidente.

Je mangeai un bol de ramen en m’affalant sur le canapé. La télévision grésillait en arrière-plan, mais mes pensées dérivaient. L’épuisement m’emporta, et dans mes rêves, je revis Mère… son regard aimant, ses cheveux d’ébène…Le lendemain, je prenais l’avion pour le Japon.


Un tournant décisif m’attendait.

 

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