Le Secret D'Aya
Je m’installe dans mon fauteuil, observant attentivement Nina, qui fait défiler les différents fichiers en sa possession.
Au bout de quelques minutes, elle arrête ses recherches et se redresse, son regard habituel fixé sur moi.
— La très chère protégée de ton père n’est autre qu’Aya Okada, dit-elle en appuyant sur l’écran.
Une photo de l’intéressée s’affiche… je n’en crois pas mes yeux.
Aya… est-ce la Aya que j’ai connue ? Je scrute la photo. C’est bien mon amie d’enfance.
Malgré son changement physique, je la reconnais.
Mais pourquoi Kazuya aurait-il besoin d’elle ? Comment s’est-elle retrouvée mêlée à ces histoires ?
Nina remarque mon inattention. Je me reprends et lui lance un regard pour qu’elle continue.
— Elle a hérité des firmes et des biens de Chihiro Okada, décédée il y a cinq ans…
Elle est désormais orpheline.
— La vie ne l’épargne pas, dis-je dans un murmure.
— Comme tu le sais, Kazuya est à la recherche de pouvoirs à voler, et il a avec lui le Dr. Bosconovitch, dit-elle en croisant les bras.
— On sait tout ça, dis-je calmement. Ne me fais pas de devinettes, et dis-moi directement quel est son but.
— Patience… il faut que tu comprennes d’où tout cela a commencé, dit-elle en souriant. Bien, reprend-t-elle, le Dr. Bosconovitch travaille sur une machine pour transférer les pouvoirs d’une personne à une autre, sans vraiment réveiller entièrement la puissance du cobaye, dit-elle fièrement.
J’allais lui demander comment elle avait obtenu ces informations, mais elle me devance.
— Disons que j’ai pu accéder à leurs bases de données du labo sans trop de difficultés, dit-elle en haussant les épaules.
Je connaissais son efficacité mais elle dépasse mes attentes dans ces moments-là.
— Je disais donc que pour tester leur prototype, il leur manquait un cobaye avec un minimum de puissance… et… soupire-t-elle. Le fameux cobaye était la mère d’Aya, finit-elle par dire.
Je reste abasourdi. Mon père n’a donc aucune pitié.
Ma colère monte d’un cran, mais je reste serein en apparence.
— J’ai vu son corps dans l’une de leurs capsules, dit-elle en détournant le regard. Ils ont conservé son corps pendant cinq ans, attendant que sa fille prenne la tête des firmes pour pouvoir l’approcher plus facilement. La fusion des entreprises n’est qu’un prétexte et la réception n’est rien d’autre qu’une mise en confiance. Et j’en ai déduit que s’ils ont attaqué la mère, ils pensent que sa fille devrait avoir hérité de sa puissance, dit-elle en me regardant à nouveau. Et je voulais… comment dire ? La tester. C’est pour cela que je me suis introduite à la réception.
— Et alors ? demandai-je, curieux.
— Il ne faut pas se fier aux apparences, dit-elle simplement.
Je conclus qu’Aya s’est démarquée.
— Aya sera la prochaine victime de ton père, mais il y a quelque chose qui me trouble… dit-elle en prenant son menton entre les doigts.
— Et quel est cet autre chose ? demandai-je.
— Dans les dossiers concernant les liens de parenté d’Aya, il est écrit qu’elle a été adoptée par Chihiro… et que la G-Corporation l’ignore. En fait, tout le monde l’ignore, dit-elle, soucieuse. Et ce qui me tracasse, c’est que si Chihiro n’est pas sa vraie mère, de qui a-t-elle hérité ce pouvoir ? Dont ton père veut s’emparer, réfléchit-elle.
— Il ne faut pas que mon père s’approche d’elle, dis-je en serrant les poings.
— Pourquoi ? dit-elle d’un ton neutre.
— Mon père ne court pas après n’importe qui. S’il veut s’emparer de son pouvoir, c’est qu’elle est puissante. Cela sera la fin pour nous… son désir de devenir plus puissant ne s’estompera jamais, dis-je en posant ma tête dans ma main.
— Dis surtout que c’est un obstacle pour toi, dit-elle en se levant.
— Entre autres, soupirai-je.
Elle me regarde pendant quelques minutes, perplexe devant ma justification, puis détourne le regard avant de soupirer.
— Toutes les informations la concernant sont là, dit-elle en déposant la clé.
Je ne dis rien, attendant qu’elle parte discrètement.
Je prends la clé et l’insère dans mon écran…
— Aya, que caches-tu ? je chuchote d'un soupir.
***
Après nous avoir déposées en ville, le reste de l’après-midi est calme. Yuki doit régler ses affaires, maintenant qu’elle est mon bras droit.
J’insiste pour qu’elle loge chez moi, mais elle refuse catégoriquement… aller savoir pourquoi.
Quant à moi, je m’entraîne avec Xiaoyu. Je l’avais invitée à manger. Elle prend une douche pendant que je prépare le repas. Alors que je dispose tous les plats sur la table du salon, Xiaoyu fait son entrée, les cheveux encore humides. Je lui avais prêté des vêtements.
— Wahhhh, je ne savais pas que tu pouvais cuisiner, Aya, dit-elle, visiblement contente.
Je rigole et détache mon tablier. Je l’imite et m’assois pour déguster les plats.
— Tu m’as caché ce talent de cuisinière, dit-elle en reprenant une bouchée.
— Ce n’est pas vraiment quelque chose dont je peux me vanter, dis-je en rigolant.
Le repas se passe dans une ambiance agréable. Nous nous installons dans le jardin pour nous rafraîchir et contempler le ciel tout en discutant.
— Tu m’as dit que ton grand-père pourrait avoir des informations concernant ma mère, n’est-ce pas ? lui demandai-je.
— Je pense, oui. Si tu veux, on pourra le voir, dit-elle en se levant. La semaine prochaine, je me rends chez lui. Tu n’as qu’à m’accompagner ?
— C’est bon pour moi alors, dis-je en souriant.
Après encore une heure de discussion, elle doit rentrer. Je file à mon tour sous la douche et m’enferme dans mes draps.
***
UNE SEMAINE PLUS TARD
Cette semaine a été très mouvementée entre réunions, projets et négociations.
Il m’est arrivé de rester toute la nuit au bureau pour terminer un dossier.
Yuki est partie aux États-Unis pour mettre les choses au clair.
Le Groupe G m’a fait une requête pour avoir accès à des armes. J’étais réticente à partager notre réserve, mais un accord reste un accord. Ils ont pris ce qu’il fallait… je me suis chargée du transfert. Les voir prendre la moitié de mes réserves me donne l’impression de perdre un peu de mon pouvoir.
Je m’étire.
Après avoir entendu le « bip » indiquant que la transaction de données sur ma clé est terminée, je referme la porte derrière moi et sors du bâtiment.
Dès demain, j’aurai plus de temps pour moi… Yuki me remplace.
***
Alors que je viens de sortir de ma douche, la serviette encore sur ma tête, mon téléphone vibre. Je décroche immédiatement.
— J’espère que tu n’as pas oublié pour demain ? rigole-t-elle.
— Non, je te rassure, dis-je en me laissant tomber sur le lit. Je suis plus qu’impatiente, Xiao.
— C’est bon signe alors, dit-elle en baillant.
— J’en connais une qui doit dormir !
— Je suis contente que les examens soient terminés. Je dois avouer que c’est beaucoup plus fatiguant qu’on ne le croit, dit-elle en soupirant.
— Je te le fais pas dire, dis-je en me moquant d’elle.
— Je te rappelle que toi, tu avais quand même une place garantie, pesta-t-elle.
— Mais j’ai quand même étudié, l’oublie pas ! Ce n’était pas si simple.
— N’empêche, ça doit être cool d’être présidente de firmes, dit-elle.
— Oh, crois-moi, ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air, dis-je plus sérieusement. J’aurais aimé être quelqu’un de moins important...
— Moque-toi de moi et ose me dire que c’est aussi nul et chiant que tu le dis ?
— Je dois avouer que certains aspects de ce poste me plaisent, finis-je par dire.
Après quelques minutes de conversation, on se quitte sur un « bonne nuit ». Je sens qu’une longue journée nous attend.
***
LE LENDEMAIN
Je passe la matinée à dormir… j’en avais grandement besoin.
J’avais prévenu Yuki des dernières nouvelles, au cas où elle n’aurait pas encore ouvert le dossier.
Je lui avais précisé que je voulais être en paix un moment, sans vraiment lui expliquer que je voulais continuer mes recherches sur mon frère et souffler un peu.
Après m’être habillée d’un body bleu sans manches et d’un short marron, j’enfile une veste en jean et mes chaussures. Je range mes cheveux en queue de cheval et accroche le pendentif à mon cou. Alors que je fais coulisser la porte d’entrée, un vacarme retentit derrière mon dos. Je me retourne et constate que c’est Xiaoyu et deux de ses amies.
Je m’approche d’elles et les salue.
— Voilà Panda et Alisa, dit-elle en souriant.
— Heureuse de vous rencontrer, dis-je en souriant à mon tour. Xiaoyu m’a beaucoup parlé de toi…
— Heureuse de te rencontrer, Aya-chan, répondit-elle.
— Aya suffit amplement, dis-je à l’attention d’Alisa.
J’étais légèrement surprise. Xiaoyu m’avait dit qu’elle était une androïde, mais je n’en ai vraiment pas l’impression. Elle semble aussi humaine que moi.
Alisa est une jeune fille aux yeux verts et aux cheveux rose pâle. Elle porte sur la tête des fleurs, des chrysanthèmes blancs, et une robe se terminant en jupe rose et bleu foncé. Une de ses épaules est dénudée tandis que l’autre est couverte. La partie rose de sa tenue est ornée de strass, avec un papillon en décoration. Une ceinture grise strassée entoure sa taille. Des strass décorent aussi le dos de sa jupe. Elle porte des gants blancs, des bas noirs avec jarretelle à gauche, un shorty noir sous sa jupe et des bottines à talons blanches avec revers noir.
Quant à Xiaoyu, elle porte un qipao rose sans manches avec plumes blanches aux épaules et un symbole chinois sur la poitrine, un short blanc à motifs noirs sur les côtés, des chaussons roses avec sangles et pompons, ainsi que deux bracelets roses aux poignets.
Je m’accroupis et caresse le sommet du crâne de l’animal domestique.
— Hello toi ! dis-je.
Panda me répond par un grognement. Je rigole et me redresse.
— Alisa et Panda nous accompagnent, dit-elle en montant sur Panda. C’est vraiment loin chez mon grand-père… un endroit près des montagnes. Tu montes ? dit-elle en montrant la place.
Je m’installe délicatement derrière Xiaoyu.
— Je vais vous suivre en volant, dit-elle d'un sourire mécanique.
Des réacteurs apparaissent derrière son dos, et elle s’élève rapidement dans les airs.
— Accroche-toi, Panda ne va pas ralentir, dit-elle en tenant fermement la fourrure de l’animal.
Puis elle fait signe et, soudain, je sens l’air frais caresser ma peau. J’ouvre les yeux pour admirer le paysage qui défile à une vitesse hallucinante.
Au bout d’un quart d’heure, nous arrivons dans une clairière.
Je descends du dos de l’animal, Xiaoyu fait de même. Alisa nous attend déjà.
— Il faut juste suivre le sentier et nous serons arrivées au dôjo, dit-elle en caressant Panda. À tout à l’heure, dit-elle à son attention.
— Bien, allons-y ! dis-je en ouvrant la marche.
Je ne dis rien, une boule au ventre. Le stress.
Au bout du sentier, il y a d’innombrables escaliers. Alisa propose de nous porter pour réduire le temps de montée.
— Voilà ! sourit-elle.
Nous nous détachons d’elle, et je commence à observer l’énorme dôjo… quand une silhouette arrive.
— Grand-père, nous sommes là ! dit-elle en accourant vers lui.