Le Secret D'Aya
— Réveille-toi ! lança Xiaoyu en m’arrachant ma couverture. Marmotte, va !
Je grognai. Vraiment, j’aimerais éviter ce genre de réveil.
— Allez, debout ! Midi est déjà passé, dit-elle, les mains sur les hanches. Je t’attends en bas.
— J’arrive, j’arrive…, soupirai-je en m’étirant longuement.
Un bâillement m’échappa alors que je quittais mon lit. La nuit dernière m’avait lessivée. J’avais passé des heures à pleurer, repensant à ce frère… cet abruti… qui m’avait repoussé sans la moindre hésitation.
— Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça…? marmonnai-je en attrapant des vêtements.
Après une bonne douche, je mis un temps fou à replacer mon bandage. Mais j’y parvins seule — comme une grande fille. J’enfilai ensuite un débardeur, un jean et une veste assortie. Un coup de brosse dans mes cheveux, et mon regard se posa sur mon bureau.
Mon sac.
Je fronçai les sourcils. Je n’avais aucun souvenir de l’avoir déposé là… encore moins de l’avoir ramené avec moi.
Je suis presque sûre de l’avoir fait tomber… dans son bureau.
Un frisson me parcourut. J’enfilai mes baskets et descendis rejoindre Xiaoyu.
— Ah, bah ce n’est pas trop tôt ! Tu sais quelle heure il est ? Quatorze heures ! me réprimanda-t-elle avec un sourire.
— J’avais besoin de repos, répondis-je en faisant la moue. Dis-moi… Jin est venu, n’est-ce pas ?
— Oui. Hier soir, soupira-t-elle. Il a déposé ton sac. Il voulait te parler.
— Tss… Qu’il aille au diable, murmurais-je en ouvrant le frigo.
— Ne dis pas ça, insista Xiaoyu en s’approchant. Il n’est pas du genre à exprimer ce qu’il ressent. Il a du mal.
— Je sais… soufflai-je, découragée. Bon, je sors.
— Tu ne viens pas avec moi et Alisa au parc d’attractions ? demanda-t-elle, debout dans l’encadrement de la porte.
— Profite de tes vacances. Moi, je n’en ai pas, lançai-je en riant. À tout à l’heure !
Je lui fis un signe de main, refermai le portail derrière moi et partis en direction du bâtiment du groupe G.
Un taxi me déposa à l’entrée. Je levai les yeux vers le complexe, un sourire en coin.
— Et si je ne rentrais pas par l’entrée…? soufflai-je, malicieusement.
***
— Alors ? demanda Kazuya, le menton appuyé sur son poing.
— J’ai encore tenté de négocier avec ce Maeda… mais il refuse ! s’énerva la voix féminine en face de lui.
— Nous avons été imprudents, répliqua-t-il froidement. Et tes larbins sont inutiles.
— Tss ! siffla-t-elle. Ne m’associe plus jamais à eux. Maeda a dû payer un espion de premier ordre pour réussir à nous voler les données du labo. Nous devons les récupérer.
C’est alors que Kazuya laissa échapper un léger sourire.
Il avait senti quelque chose.
Cette aura… familière, obsédante.
Et soudain, une silhouette franchit la barrière du balcon d’un bond agile.
Son regard s’assombrit.
Bien… quelle agilité. Elle a escaladé tout le building.
— Que…? balbutia-t-elle, stupéfaite.
***
J’avais décidé d’éviter tout le personnel.
Et puis… un peu d’escalade ne me tuerait pas.
Je bondis par-dessus la barrière dans une acrobatie parfaitement maîtrisée. À ma grande surprise, je me retrouve sur le balcon du patron.
Évidemment… il fallait que ce soit le plus haut. Leurs dos tournés, j’ouvre discrètement la fenêtre et entre tranquillement dans la pièce.
Anna sursaute, mais Kazuya, lui, savait déjà que j’étais là.
— Bonjour, dis-je avec un sourire insolent, leur adressant un signe de la main.
— Que fais-tu ici ?! gronda Anna, furieuse.
— Vous êtes de mauvaise humeur… je me trompe ? répondis-je, provocatrice.
— Petite peste… siffla-t-elle.
— Je peux toujours partir, lançai-je en me dirigeant vers la porte.
— Ne fais pas l’idiote, dit Kazuya avec un léger sourire carnassier.
Je perds mon air moqueur et m’avance vers son bureau. Je jette le carton d’invitation devant lui. Il ne prend même pas la peine de le regarder : il sait parfaitement ce que c’est.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? demandai-je, sérieuse.
— Je préfère ton sourire à ce masque de gravité, répondit-il d’une voix suave.
— Je ne suis pas venue pour sourire. Expliquez-moi votre but… et ce que vous attendez de moi.
— Tu ne manques pas d’audace, ricana-t-il.
— Vous non plus, je pense, dis-je en souriant au coin. Gonflé, n’empêche… Pourquoi m’inviter à une fête dans ce manoir ? Pourquoi vouloir que je prenne votre place ?
— Tu n’es pas si bête que je le pensais, rétorqua Anna en croisant les bras.
— Vous devriez vous méfier des apparences, chère Anna. Je ne dévoile pas mes secrets si facilement.
— Ça suffit, trancha Kazuya d’un ton sec, empêchant toute querelle inutile. Aya… tu es d’accord qu’une collaboration entre nous reste possible ?
J’hoche la tête malgré moi.
— Alors si je demande ton aide, tu ne dois pas refuser. Inversement, si tu as besoin de moi, je t’aiderai.
Je regrette aussitôt mon assentiment.
— Allez droit au but, dis-je brusquement.
— J’ai besoin de toi comme espionne.
Je le fixe, interloquée. Anna claque des doigts, et un écran s’allume derrière moi.
— Une sorte de ninja-espion a dérobé des données cruciales dans notre laboratoire, expliqua-t-elle. Des données essentielles à la finalisation de notre projet. Autrement dit… le mode d’emploi de notre machine.
Les images s’affichent : une silhouette masquée, agile, insaisissable.
— Cet espion travaille pour Maeda, continua-t-elle, le directeur de la Meada Compagnie. Autrefois partenaire, il a retourné sa veste. Il a sûrement l’intention de garder ces données pour lui… ou de les vendre au plus offrant.
Je croise les bras.
— Et en quoi cela me concerne ? Vous n’avez qu’à négocier… ou lui reprendre par la force pendant sa petite fête.
— Nous avons tenté, répondit Kazuya d’un ton glacial. Mais il a refusé toute offre. Alors, il ne reste qu’une option : récupérer ce qui nous appartient.
— Vous n’avez pas besoin de moi pour ça. Votre chère Anna sait très bien se faufiler et frapper, non ? dis-je en haussant les épaules.
— Il connaît Anna. Il ne la laissera jamais approcher. Quant à moi… je préfère ne pas risquer de me montrer.
— Comment avez-vous eu ce carton d’invitation, alors ?
Kazuya esquisse un sourire énigmatique. Je n’aime pas ça du tout.
— Tu iras à cette fête, dit-il, le ton redevenu sérieux. Anna sera ton garde du corps. Tu devras infiltrer son bureau et récupérer les données. Et si possible… découvrir ce qu’il comptait en faire.
Il s’approche légèrement, son ombre se projetant sur moi.
— Ne te fie pas aux apparences. Maeda sait se défendre. Tu ferais mieux d’être en forme. La fête a lieu demain soir.
— Je peux toujours refuser ? lançai-je, excédée. On dirait que vous me traitez comme une soldate… Ne vous méprenez pas si j’échoue.
Je tourne les talons et ouvre la porte.
— Tu n’échoueras pas, dit-il d’une voix grave. J’ai confiance en toi.
Je reste figée une seconde, surprise par ses mots, avant de claquer la porte.
Qu’est-ce qui m’avait pris de venir ?
Je savais que, de toute façon, ils auraient fini par me trouver. Et cette carte d’invitation… elle a piqué ma curiosité plus que je ne voulais l’admettre.
Alors que je sortais du bâtiment , mon cellulaire vibra. Je consulte et constate qu'ils sont vraiment sérieux.
Je pris un taxi.
— Déposez moi près du sentier qui mène à la forêt, s'il vous plait.
— Bien sûr mademoiselle. répondit il avant de démarrer
Ils ont réussi à rassembler tout ce qu’il fallait savoir sur ce Maeda :
Un homme dans la trentaine, dirigeant d’entreprises spécialisées dans l’électronique. Officiellement, un visionnaire. En réalité, un opportuniste sans scrupules. Il avait déjà trahi et escroqué plusieurs sociétés, mais parvenait toujours à retourner la situation à son avantage, comme si rien ne pouvait jamais vraiment l’abattre.
Côté vie privée ? Rien de solide. Pas de femme, pas d’attaches… seulement une réputation de séducteur invétéré, un Don Juan qui consommait les relations comme il consommait ses affaires. Un sourire amer me vint aux lèvres.
Super. Le genre d’homme qu’on ne peut pas simplement sous-estimer…
***
Je refermai la porte derrière moi et m’avançai vers le bureau.
— J’ai de mauvaises nouvelles, dis-je en le regardant droit dans les yeux.
— J’écoute, répondit Jin d’un ton grave, presque ennuyé.
— Je crois savoir qui a attaqué le dôjô de maître Wang.
Il releva brusquement la tête, son regard perçant, sombre.
— Qui ?
— Heihachi… soupirai-je.
Un silence lourd tomba. L’air dans la pièce sembla se figer. Jin serra les poings, ses traits crispés par une colère contenue.
— Il ne manquait plus que lui… gronda-t-il.
— Ses hommes ont tenté de capturer Aya, repris-je en soupirant. On devrait la mettre en sécurité, la ramener près de nous. C’est plus prudent.
Il ne répondit pas tout de suite, songeur, les yeux dans le vide.
— Il s’est passé quelque chose… quand elle est venue te voir ? demandai-je calmement.
— Il l’a juste réprimandée et lui a ordonné de rentrer chez elle, dit soudain Nina en s’avançant de l’ombre du bureau.
— Elle ne nous écoutera jamais, soupira Jin. Elle n’en fait qu’à sa tête. Elle ne voit pas la gravité de ses actes.
— Peut-être que si tu lui avais parlé plus posément, tu aurais eu une chance de la convaincre, répliquai-je, les bras croisés.
Nina intervint froidement :
— Les mots ne suffisent plus. Si nous attendons, Heihachi atteindra son objectif avant nous. Ce plan, il le prépare depuis des années.
Jin fronça les sourcils, son regard s’assombrissant davantage.
— As-tu trouvé quelque chose sur ses origines ? demanda-t-il.
Nina serra les lèvres.
— Rien. Les archives sont muettes. Tous les fichiers la concernant ont été supprimés. Elle seule connaît la vérité sur ses parents.
— Pas sur son père… murmura Jin en se levant. Mais pourquoi cacherait-elle l’identité de sa mère ?
— Peut-être pour se protéger… ou pour dissimuler autre chose, intervint Lars en s’approchant. Dans tous les cas, il faut la ramener. Si on veut éviter le pire, on doit la protéger avant tout. Son passé… on l’éclaircira plus tard.
Sans un mot, Jin sortit de la pièce, Nina à ses côtés.
Je soupirai.
— Tu as tout entendu ? dis-je en me tournant vers la fenêtre ouverte.
Une ombre s’y détacha. Raven.
— Depuis cette forêt, répondit-il. Cette fille… elle possède de véritables pouvoirs. Comme l’a dit maître Wang, ses dons rappellent étrangement ceux d’une autre Kazama.
Je le fixai, surpris.
— Tu veux dire… Asuka Kazama ? La cousine de Jin ?
— Exactement. Et tu sais comme moi que seuls les Kazama héritent de ce pouvoir.
Un silence pesant s’installa.
— Tu insinues donc… qu’Aya pourrait être une Kazama ?
— C’est une hypothèse, dit Raven en croisant les bras. Mais plus j’écoute vos échanges, plus j’y crois.
— Explique, demandai-je, intrigué.
— Jin a grandi avec elle. Depuis sa naissance, Aya a été confiée à une tutrice : Chihiro Okada. Mais son amie de toujours n’était autre que Jun Kazama… sa mère. De plus,
Aya est née le même jour que Jin, au même endroit… à quelques minutes d’écart.
Je restai figé. Les pièces du puzzle s’imbriquaient, formant une vérité dérangeante.
— Comment as-tu eu toutes ces informations ?
Raven esquissa un léger sourire.
— Secret professionnel. Mais je crois bien que Jin ignore tout. Aya lui cache qu’elle est sa sœur.
— Tu penses qu’elle sait, au moins, qui est Jin ?
— Oui. Sinon, pourquoi serait-elle revenue ici ? Elle aurait poursuivi sa vie en Amérique, loin de tout ça. Mais sur le reste de sa famille… je doute qu’elle sache.
Je grimaçai.
— Collaborer avec son propre père sans le savoir… c’est grotesque.
— Je pense que c’est sa mère qui lui a demandé de taire la vérité, répondit Raven.
— Pourquoi ?
— Aucune idée. Pour l’instant.
Je me pris la tête entre les mains.
— C’est bien plus complexe que je ne le croyais…
— En tout cas, reprit Raven, elle n’a rien du caractère de son frère présumé. Et ça ne devrait pas te déplaire… d’avoir une nièce.
Je laissai échapper un bref rire amer.
— Si elle n’est pas comme ce crétin de Jin… alors oui, ce serait une bonne nouvelle.
— Tu n’as qu’à aller la voir, répondit Raven en disparaissant dans l’ombre.
Je restai seul.
Et plus j’y pensais, plus je me disais que ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée.