Le Secret D'Aya
Je m’étais détendue en marchant à travers la forêt. Quel bien ça faisait… loin de tout ce chaos, loin des mensonges et des rancunes.
Je comprenais maintenant pourquoi ma mère aimait tant la nature : calme, paisible, reposante.
Mais je n’avais pas envie de rentrer à la maison.
Mes pas me conduisirent vers le lycée abandonné, où j’avais découvert un vieux piano dans une salle encore épargnée par la poussière du temps. L’instrument, en bon état, m’avait tout de suite attirée. Quelques partitions laissées là m’avaient permis de rejouer, d’oublier. Je m’assis, soupirai doucement, puis mes doigts se posèrent sur les touches. Je me laissai emporter. Tant, que je ne remarquai pas tout de suite la présence d’une personne derrière moi… Pourtant, son aura, oui, je l’avais ressentie.
Une aura bienveillante.
Alors, je continuai de jouer, refusant de rompre ce moment.
Quand mes mains frappèrent la dernière note, je refermai délicatement le couvercle du clavier et me levai. Un homme se tenait là. Dans la vingtaine, peut-être plus. Ses cheveux bruns aux mèches blondes lui donnaient un air singulier. Ses yeux clairs, eux, semblaient percer à travers moi. Son apparence m’était étrangement familière… Comme un écho lointain que je n’arrivais pas à saisir.
Il portait une chemise noire ornée de motifs blancs aux épaules et aux bras, et un pantalon immaculé où deux lions étaient brodés.
Il applaudit doucement, un sourire franc aux lèvres. Je me sentis rougir, un peu gênée.
— Vous jouez merveilleusement bien, me complimenta-t-il.
— Merci beaucoup, dis-je en m’inclinant.
— Tu es bien Aya Okada ? demanda-t-il d’une voix douce.
— C’est bien moi. Et vous ? répondis-je en souriant.
— Disons que je suis… comment dire ? fit-il en se grattant la nuque, embarrassé.
Je ris. Je ne savais pas pourquoi, mais il m’inspirait confiance.
— Quelque chose que vous ne pouvez pas dévoiler, n’est-ce pas ?
— Effectivement… soupira-t-il. Disons simplement que nous sommes proches. Et je vous protégerai, dit-il avec la fermeté d’un soldat.
— Soyez à l’aise, rigolai-je. Je suis enchantée de vous connaître… ?
— Lars, répondit-il en s’inclinant à son tour.
— Si je peux me permettre… quel âge avez-vous ? demandai-je, curieuse.
— Ça vous intéresse à ce point ? rit-il.
— Vous paraissez jeune. Et puis, inutile d’être aussi formel avec moi, répondis-je en haussant les épaules.
Son rire résonna franchement.
— 28 ans.
— J’en ai 20, répondis-je en riant. Finalement, il n’y a pas tant de différence.
Je m’approchai de lui.
— Venez chez moi, ce sera plus confortable pour discuter que dans ce lycée abandonné.
— Je ne voudrais pas déranger, je vous…
— Pas de formules toutes faites, le coupai-je avec un sourire.
— J’ai du mal, rit-il à nouveau.
— Eh bien, vous êtes forcé de me suivre, dis-je en le tirant par le bras.
Il protesta, mais je réussis à le pousser jusqu’à la maison. Bien sûr, il refusa d’entrer, craignant de gêner. Alors je lui fis la morale, avec ce sérieux mêlé d’entêtement qui me caractérisait. Finalement, il céda. Son aura était claire : exactement comme celle de Xiaoyu. Bienveillante, chaleureuse.
Après l’avoir installé au salon, je préparai le thé et quelques douceurs. Quand je revins, je remarquai son regard scrutateur qui parcourait la pièce.
— Quelque chose ne va pas ? demandai-je.
— C’est juste que… pour une directrice de grande firme internationale, tes choix en matière de maison m’impressionnent, avoua-t-il avant de porter sa tasse à ses lèvres.
Il avait parlé trop vite et s’était brûlé la langue.
— Mais-, dis-je en lui tendant un verre d’eau fraîche. Il faut attendre que ça refroidisse un peu !
Il éclata de rire.
— Ce n’est pas drôle de se brûler la langue, insistai-je en souriant malgré moi.
— Disons juste que je suis content que tu sois… comme ça, dit-il en souriant.
— Comme ça ? Tu t’attendais à quoi ?
— À une fille recluse dans un immense manoir, entourée de gardes du corps, avec un fichu caractère…
Je ris doucement.
— Eh bien non. Je déteste les manoirs, c’est froid, inutile. J’aime les maisons traditionnelles, chaleureuses. Les gardes du corps, je n’en ai pas besoin. Je sais me défendre.
Et puis, je préfère sourire que me renfermer. Le reste… je l’ai hérité de ma mère.
— Je vois ça, répondit-il avec douceur. Tu es vraiment une bonne personne.
— Comme vous. Enfin… toi, rectifiai-je. Je ne sais pas pourquoi, mais je te fais confiance. Si tu étais quelqu’un de mal intentionné, tu aurais déjà essayé de soutirer des
informations ou de me défier. Tu n’as fait ni l’un ni l’autre. C’est moi qui t’ai presque forcé à entrer, rigolai-je.
Il allait répondre, mais on frappa à la porte.
— Tu attendais quelqu’un ?
— Non, personne…
Quand j’ouvris, je le vis.
Jin.
Mon visage se ferma aussitôt.
— Qu’est-ce que tu viens faire ici ? demandai-je froidement.
— Te parler, dit-il, sérieux.
— Je suis occupée. Laisse-moi en paix, répliquai-je en voulant fermer.
Il bloqua la porte de son pied. Je soupirai de lassitude.
— Tu n’as toujours pas compris ce que ça veut dire ? Casse-toi, répétai-je avec colère.
— Je veux juste te parler, Aya.
— Je ne suis pas d’humeur.
— Qu’est-ce que… commença Lars en apparaissant.
Leurs regards se croisèrent. L’air s’électrifia instantanément.
— Jin, ça suffit ! répétai-je sèchement.
— Tu lui as dit ? demanda Jin à Lars, ses yeux lançant des éclairs.
— Non. Et ce n’est pas à moi de le faire, soupira Lars.
— Vous… vous vous connaissez ? balbutiai-je, interdite.
— Ce n’est pas toi qui avais dit de la protéger ? répliqua Jin, en entrant sans ménagement.
Je m’interposai aussitôt, dos à Lars, face à Jin.
— Va-t'en ! articulai-je.
Il me fixa longuement, hésitant, puis finit par se détourner.
— On se reverra, lança-t-il à Lars, avant de franchir le portail.
Je refermai la porte, le cœur battant, puis me retournai vers Lars.
— Je peux savoir comment vous vous connaissez ?
— … Je suis le capitaine de la Tekken Force, finit-il par répondre, les yeux fuyants.
— Tekken Force ?
— Je ne veux pas en parler, Aya. Pas maintenant.
Je me mordis la lèvre, frustrée, mais je n’insistai pas.
— Ce n’est pas grave. Merci d’être venu, en tout cas… même si lui a tout gâché.
— Ne t’inquiète pas. Je ne vais pas te déranger davantage.
Il se leva, prêt à partir. Je me sentis déçue.
— Tiens, dit-il en me tendant un petit papier. C’est mon numéro personnel. Au moindre problème, appelle-moi.
— D’accord… merci, dis-je en souriant.
Quand il franchit le portail, un poids se fit sentir. Comme si l’ombre des Mishima s’était encore approchée d’un pas.
Bureau de Jin.
— Pourquoi es-tu allé la voir, si ce n’était pas pour lui dire la vérité ? cracha Jin, les nerfs à vif.
— Ce n’est pas à moi de le faire, répéta Lars calmement. Je voulais seulement m’assurer qu’elle allait mieux. Elle s’est blessée, tu sembles l’oublier.
— Une excuse ?! gronda Jin.
Il le saisit par le col, ses yeux étincelants d’une rage contenue.
— Redescends sur terre, grogna-t-il.
— Au lieu de me faire la morale, commence par arranger les choses avec elle, répliqua Lars en le fixant droit dans les yeux. Si tu veux vraiment sa confiance, prouve-le.
Jin le relâcha brutalement, fulminant. Un mot inaudible franchit ses lèvres avant qu’il ne quitte la pièce.
Lars soupira. Son regard s’assombrit.
— Ils sont si différents… comme le Ying et le Yang, murmura-t-il.
Une voix familière résonna derrière lui.
— Et pourtant liés par le même sang.
Il esquissa un sourire amer.
— Oui… mais j’espère de tout cœur qu’Aya ne tombera pas dans le piège des Mishima.
***
Jin entre dans sa chambre coléreux. La porte claqua derrière lui. Le silence retomba, lourd et oppressant. Il fit quelques pas, le visage crispé, et s’affala sur sa chaise. Ses poings se crispèrent sur les accoudoirs.
— Pourquoi… murmura-t-il pour lui-même, le regard fixé sur le vide.
Chaque mouvement d’Aya, chaque mot échangé avec Lars, le frappait comme un rappel cruel de ce qu’il avait perdu… ou de ce qu’il n’avait jamais osé protéger.
Son cœur se serra à l’idée que quelqu’un d’autre, Lars, pouvait désormais gagner sa confiance. Lars… son oncle, dont il ignorait les véritables intentions. Et pourtant, la sincérité qui émanait de cet homme contrastait violemment avec la froideur de Jin.
Il passa une main dans ses cheveux, essayant de chasser cette colère et ce sentiment d’impuissance. Mais plus il essayait, plus il sentait le poids du passé, de sa famille, et de ses propres erreurs.
— Elle… elle me fuit, pensa-t-il. Et pourtant, je sais qu’elle a besoin de moi.
Il se leva brusquement et se dirigea vers la fenêtre, scrutant la forêt où il avait laissé Aya quelques heures plus tôt. Le vent fit trembler les feuilles, comme si la nature elle-même murmurait des avertissements.
— Qu’est-ce que je suis devenu… ? murmura-t-il.
Il serra les poings si fort que ses articulations blanchirent. Son visage était dur, fermé, mais son regard trahissait une tempête intérieure.
— Elle est fragile… et moi… je n’arrive pas à lui parler, continua-t-il à voix basse, presque pour lui-même.
Chaque seconde passée loin d’elle lui semblait une éternité. Il voulait la protéger, mais chaque geste risquait de la repousser davantage. Et l’ironie de la situation le frappait : il savait que sa propre famille, les Mishima, étaient la plus grande menace pour elle… et pourtant, il devait jouer le rôle de celui qui pouvait tout contrôler.
Jin se laissa tomber contre le rebord de la fenêtre, le regard perdu dans la forêt. Il ferma les yeux et respira profondément.
— Je trouverai un moyen… murmura-t-il, plus pour se rassurer que pour se convaincre. Je ne la laisserai pas tomber.
Le vent s’engouffra dans la pièce, comme pour balayer ses pensées, mais la détermination de Jin était désormais gravée dans son cœur. Il savait que le lendemain serait un test… et que tout pouvait basculer à tout instant.