Le Secret D'Aya
— Xiao ? Ça va aller ? Tu as l’air déçue de nous voir, rétorque Alisa.
Je secoue les mains, comme pour chasser l’inquiétude qui se lit sur mon visage.
Je laisse un long soupir s’échapper avant de les regarder.
— Je suis contente de vous voir… c’est juste que je suis inquiète pour Aya, dis-je finalement.
— Elle n’est pas là ? demande Lars, surpris. On pensait qu’elle serait avec toi.
— Eh bien… c’est assez compliqué, mais disons qu’elle est à ses bureaux pour régler certaines affaires.
— C’est-à-dire ? insiste Lars.
— Elle veut couper les ponts avec Kazuya… elle a appris certaines choses sur ses agissements, dis-je en passant une main dans mes cheveux.
— Elle sait que c’est son père… ? demande soudain Alisa.
Je secoue la tête négativement.
Elle ignore tout : le lien de parenté qui les unit, le sang qu’ils partagent…
Elle ignore que c’est une Mishima.
Elle ignore que cette famille est maudite.
Elle ignore que ce monstre qu’elle fuit… c’est sa propre famille.
— Eh bien, on doit immédiatement la rejoindre, dit Lars, pour briser le silence pesant.
— Pourquoi ça ? demandai-je, incrédule.
— Aya est vraiment en danger, surtout avec Kazuya dans les parages. Cette proximité entre eux n’est que temporaire. Kazuya ne veut d’elle que pour ses pouvoirs. Il faut
qu’on la mette dans un endroit sûr en attendant que les choses se calment… sachant qu’un autre ennemi potentiel aurait réapparu.
Sa phrase me fige. Kazuya… il en veut à Aya, et non à Jin ? Et cet ennemi… qui est-ce ? Comment peut-il savoir tout cela ?
Il faut absolument la retrouver avant qu’il ne soit trop tard.
— Il faut qu’on aille la prévenir de tout cela, dis-je sérieusement.
— Bien, dit Lars en sortant, suivi d’Alisa et de moi.
***
J’ouvris pour la deuxième fois de la journée mes paupières lourdes.
Le soleil m’aveugla et je refermai immédiatement les yeux.
Je me redressai contre l’arbre sur lequel j’étais allongée.
C’est alors que tout me revint en un éclair : la poursuite, le véritable visage de Yuki, ses intentions, et celles de Kazuya.
J’ouvris à nouveau les yeux et aperçus une silhouette à quelques mètres de moi.
Je me redressai, m’appuyant sur l’arbre, mais mon équilibre n’était pas revenu. La douleur à la hanche persistait, et je remarquai qu’on me l’avait bandée.
Je me détachai de l’arbre pour faire face à l’individu.
— Qui êtes-vous ? dis-je en me faisant de l’ombre pour mieux distinguer l’homme.
— Tu n’as rien à craindre, je ne suis pas là pour te nuire. Au contraire, pour preuve, c’est moi qui t’ai amenée ici, dit-il d’une voix neutre. Nous ne sommes pas loin de la ville, ne t’inquiète pas.
Je soupirai de soulagement.
Je l’observai discrètement. Malgré ses vêtements d’espion, une seule chose attira mon regard : la cicatrice en X qui traversait son visage, fièrement.
La question qui me brûlait les lèvres jaillit.
— Pourquoi m’avoir sauvée ? Et comment avez-vous fait… Enfin, personne n’était au courant que j’étais en danger…
Il croisa les bras sur sa poitrine. Derrière ses lunettes, je devinais son hésitation à me révéler ses secrets.
— Pourquoi je t’ai aidée, cela ne regarde que moi, dit-il malicieusement. Comment j’ai fait ? Très simple : il y avait une fenêtre dans la salle où tu étais enfermée. C’était la seule issue possible à part la porte. Et comment j’ai su que tu étais en danger ? Eh bien… disons que j’ai senti le danger venir vers toi.
Je hochai simplement la tête et esquissai un sourire, comme pour le remercier malgré son indifférence. Ses réponses restaient floues, mais j’avais un instinct : je pouvais lui faire confiance.
— Maintenant que les explications sont faites, tu dois te réfugier dans un endroit sûr, dit-il en s’approchant.
— Un endroit sûr ? répétai-je, abasourdie.
Le ton qu’il employait était dénué de doute ou d’hésitation. Il ne montrait que sérieux et confiance. Je compris alors la gravité de ma situation : j’étais réellement en danger. Et ce danger… il le voyait, lui, mais pas moi. Quelque chose m’échappait.
— Écoute-moi. Je ne peux pas te dire ce qu’il se passe, ce n’est ni le moment ni à moi de le faire. Mais fais-moi confiance. C’est pour toi, pas pour moi. Si tu veux encore vivre quelques bonnes années, tu suivras mes instructions.
— Vous pouvez marcher ? me demanda-t-il.
— Oui… je pense marcher. Je n’ai plus vraiment mal, dis-je, prête à l’écouter.
***
Alors que nous arrivons devant l’immense building, je laisse faire Xiaoyu et Alisa pour essayer de rentrer.
Je reste bien à l’écart, ne voulant pas être remarqué.
La première chose qui me surprend, c’est le nombre impressionnant de soldats postés autour de l’entreprise, comme si une menace allait surgir à chaque instant.
Un mauvais pressentiment me serre la poitrine.
Je sais très bien que si je n’allais pas chercher Aya moi-même, Jin ne le ferait pas.
Hésitation ? Colère ? Je n’en sais rien. C’est un enfant plein de mystère, et chacun de ses gestes semble peser plus lourd qu’il ne le devrait.
Soudain, une voiture entièrement noire glisse jusqu’à l’entrée.
L’individu qui en sort se dirige droit vers l’entrée.
Une colère sourde et une incompréhension m’envahissent. Que fait-il ici ?
Je dois le mettre au courant, coûte que coûte.
***
Depuis que nous avons franchi la porte avec Alisa, je ne fais que taper du poing sur la table, répétant un millier de fois la même chose.
Ils refusent de nous laisser passer, prétextant que la sécurité a été renforcée et qu’aucune entrée n’est permise, sous aucun prétexte.
Je suis déjà venue ici. Ils savent que je sais.
Mais d’après Alisa, dont les oreilles perçoivent des choses que je n’entends pas, Aya n’est pas là.
Je me perds en mille hypothèses. Où diable est-elle ? Avec Kazuya ?
Je ne prends même pas la peine de saluer qui que ce soit et fais signe à Alisa de déguerpir le plancher.
Arrivés à l’entrée, plusieurs soldats surgissent. Un homme entre.
Cet homme.
Celui que je redoute.
Il ne nous remarque presque pas, pas un regard, rien. Il se dépêche de rejoindre l’ascenseur.
Je reste figé quelques minutes, réalisant l’ampleur de ce qui se passe.
Il est là.
Seul.
Pas d’Aya en vue.
Aya n’est pas allée le voir.
Si elle n’est pas avec lui, alors il doit sûrement la chercher.
C’est Alisa qui me tire de ma rêverie en m’agrippant le bras.
C’est vrai. Il faut qu’on la retrouve. Au plus vite.
Avant lui.
À tout prix.
***
Raven.
J’ai enfin pu mettre un nom sur cet espion à l’allure solitaire. Il m’avait indiqué qu’il y avait une base secrète assez loin au nord de la ville, un endroit qui me mettrait en sécurité. Il ne m’accompagne pas ; il devait surveiller mes arrières au cas où.
Je marchais normalement malgré la douleur à la hanche.
— Ce n’est rien… me répétais-je. J’ai survécu à pire.
Mes pensées se tournent automatiquement vers Yûki et ses paroles poignantes, destructrices même. C’est ce qui m’a fait le plus mal.
Je chasse ces pensées en arrivant en ville. Sachant que Yûki a sûrement lancé des avis de recherche à mon nom, je rabats ma capuche sur ma tête et avance entre les foules. Je dois d’abord rejoindre un bâtiment abandonné.
— Le train n’est pas loin de là, m’a informé Raven.
Malgré mon regard baissé et mes pas discrets, les cris, les rires, les pleurs et les discussions des passants ne passent pas inaperçus. Un fin sourire se dessine sur mon visage. Les gens vivent dans l’insouciance de ce qui peut se passer. Ils ne se méfient pas, ils se jettent corps et âme dans leurs relations, que cela réussisse ou non.
Alors que je tourne dans une rue moins bondée, deux soldats portant le signe de Yûki passent devant moi. Je garde mon sang-froid et me rabaisse rapidement, faisant semblant de refaire mes lacets défaits. Ils ne me voient pas et continuent leur chemin, sans se douter de quoi que ce soit.
Je soupire avant d’accélérer le pas vers le bâtiment. Arrivée à destination, je me permets d’y pénétrer et monte les marches jusqu’au cinquième étage. Il est totalement détruit, laissant place à une plateforme ouverte à la vue de tous. Seule la rambarde du balcon est encore intacte. Je sors mon cellulaire qui hiberne dans ma poche depuis un moment. J’hallucine en voyant tous les appels de Xiao et Lars. Personne n’est au courant de ce qui se trame. Je ne devrais pas m’arrêter avant d’être arrivée à destination, mais je dois les rassurer. Enfin, les rassurer malgré cette situation chaotique.
Je n’ai pas beaucoup de réseau, l’appeler ne servirait à rien. Je décide simplement d’écrire en quelques lignes ce que je compte faire.
Ceci fait, je range mon téléphone dans ma poche à nouveau, mais je n’ai pas le temps de me retourner que plusieurs hommes, ou plutôt soldats, apparaissent devant moi.
Je regarde leurs insignes, mais je ne reconnais pas ce symbole. Serait-ce la Zaibatsû ?
Je n’ai plus le temps de me poser des questions qu’ils se rapprochent, de plus en plus nombreux.
Je recule.
Ils pointent leurs armes.
Je recule.
Ils chargent.
Je recule encore, sentant la rambarde sous mes pieds. J’ai atteint le bord. Je les observe un par un, avant de sauter de toutes mes forces sur le train qui passe par hasard en contrebas. Je tombe et roule avant de me redresser avec difficulté. Certains soldats sautent derrière moi ; d’autres échouent. La course poursuite commence, ils tirent à chaque occasion.
Je suis déjà assez amochée pour la journée. La situation commence à m’agacer fortement.
Ne voyant aucun survivant lâcher le grappin, je décide de sauter à nouveau. Je braque mes bras devant mon visage et traverse la vitre d’une usine déserte. Les soldats m’ont presque rattrapée, certains appellent des renforts qui arrivent aussitôt.
La colère me saisit.
— Quand est-ce qu’on va enfin me laisser en paix ?
Je saisis une barre de fer pour me défendre. Les soldats, n’ayant pas d’armes, foncent sur moi. J’esquive leurs coups, mais un d’eux parvient à me retirer ma barrière de protection. Je grogne intérieurement. Ils veulent se battre… alors je vais me battre.
Deux d’entre eux se ruent sur moi en enchaînant les coups. Au début, je me contente d’éviter, mais l’un d’eux me touche la mâchoire. Je riposte sans attendre, frappant plus fort. Je saisis sa tête avec rage et la projette contre son coéquipier. Je continue mon assaut. Coup de pied dans le ventre du premier, roulade et frappe les jambes du second, puis poing dans l’abdomen du voisin.
La colère et la rage m’emplissent.
L’adversaire s’écroule, je frappe en arrière pour assommer celui qui tentait de me surprendre.
Je passe dessus sans gêne, glisse au sol et fais tomber ceux qui sont sur mon chemin. Je m’empare à nouveau d’un soldat. Un frisson me traverse ; pendant une fraction de seconde, je parus absente. À mon retour à moi, je constate que le soldat a la nuque brisée.
— Comment… est-ce arrivé ?
Je me donne mentalement une claque, reprends conscience, prends appui sur ses épaules et saute, propulsant mon pied contre la tête du plus proche. Je me baisse, attrape son pied, tourne sur moi-même et expulse les autres autour. Soudain, d’autres soldats font irruption sur le palier supérieur. Je suis un gibier à leurs yeux. Je fais plusieurs saltos arrière pour esquiver leurs flèches et parviens à une voiture délabrée. Cela ne va pas m’aider. Je repère au loin la barre de fer, et je n’hésite pas une seconde : je sors de ma cachette, saute dessus et dévie les flèches qui continuent leur course.
Malheureusement, je n’intercepte pas toutes les flèches. Trois d’entre elles me transpercent : l’épaule, le côté gauche du ventre et la hanche. Exactement au même endroit. Un gémissement de douleur s’échappe de moi. Je lâche ma protection en voyant les soldats prêts à m’éliminer. Je me relève, et mon regard tombe sur une silhouette plus grande que les autres. Sa coupe de cheveux est improbable malgré son crâne chauve. Je n’ai pas le temps de l’observer, il est le chef, et ses hommes me sautent dessus.
Ils enchaînent les coups. Je les contre malgré la douleur qui ronge ma chair. Je rassemble toute ma colère et, d’un coup de poing, je propulse cinq soldats au tapis. Je saute et m’agrippe au bord du plancher supérieur. Je saute par-dessus, assène un coup de pied à mon adversaire, fonce sur le second et le repousse avec mon poing. Je me dirige vers le vieil homme, envoyant valser ses subordonnés. Arrivée à sa hauteur, je serre le poing et frappe, sans vraiment savoir ce que je fais.
Il recule de plusieurs mètres, bousculant ses soldats, surpris par ma force. Il me regarde, souriant de toutes ses dents. Je ne laisse rien paraître et m’appuie sur mes mains pour le déséquilibrer. Il esquive et me projette à l’étage inférieur d’un seul coup de main. Je tombe lourdement au sol. Mon corps est endolori, fatigué. Je n’en peux plus.
Malgré la douleur, la fatigue et le nombre d’ennemis… je me retrouve seule. Pour la première fois. Mais je ne m’avoue pas vaincue.
Je me relève, le regard plus froid que jamais.
***
—Ne te moque pas de moi, c’est une blague ! dis-je en la regardant droit dans les yeux.
L’ambiance était de plus en plus tendue. Je l’avais rendu ainsi.
—Écoute, de toute façon, elle ne peut pas s’échapper, on devrait rapidement la retrouver…se justifiait-elle avant de soupirer.
Comment diable a-t-elle fait pour la laisser s’échapper ? Je me déplace jusqu’ici pour entendre cela. J’étais vraiment de mauvaise humeur, et à cause de ça, mon humeur était plus qu’exécrable. Ma colère avait totalement pris le dessus ; je devais absolument la retrouver ! Avant qu’un autre le fasse.
—Bon, écoute, tiens-moi au courant des rapports de tes soldats. dis-je en partant.
Ce n’était pas le moment de laisser ma rage se manifester ; j’avais encore besoin d’elle et de tout ce qu’elle possédait.
Mais ma priorité restait claire : retrouver mon cobaye. Je souris à l’idée qu’Aya se cache pour nous échapper.
Je commence réellement à l’apprécier, cette petite. Elle n’est pas aussi faible qu’elle en a l’air, et tant mieux : ça me prouve qu’elle a de la valeur.
Maintenant que les rideaux sont levés et que les secrets sont découverts… que le spectacle commence.
— À toi de jouer, Aya.