Elf Lost in the North

Chapitre 3 : Enfant de Dragon

6531 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/04/2020 21:42

Je poussai la double porte du fort, et entrai, sous le regard vigilant des gardes, et d’Irileth, que je saluai de loin. Je me dirigeai sans détour vers le bureau de Farengar, et je l’y trouvai en pleine discussion avec quelqu’un. Une femme, à priori, portant une armure noire à capuche, et qui était penchée sur une carte, alors que Farengar lui parlait d’une rumeur qu’ils avaient entendu tous les deux. Ce ne fut que lorsqu’elle me regarda que Farengar remarqua mon arrivée.

-Ah, c’est vous, me dit-il alors que j’approchai. Alors ? Vous l’avez ?

Je crus entendre une note d’hystérie dans sa voix. De toute évidence, cet homme adorait son travail. Je réprimai un sourire, et je sortis la Pierre de Dragon de mon sac. Le visage de Farengar s’illumina encore plus.

-Incroyable ! lança-t-il à sa collègue en prenant la pierre. Vous aviez raison ! Regardez !

-Evidemment que j’avais raison, dit la femme en regardant la pierre. Je vous l’ai dit, Farengar, mes sources sont fiables. Et moi je vois que vous vous êtes trouvé un bon assistant.

-Oui, je le pense aussi, dit Farengar en me regardant.

-Sur ce, je vais vous laisser. Je suis sûre qu’on se reverra, dit-elle en passant à côté de moi.

J’eus à peine le temps d’acquiescer, ne saisissant pas bien ses sous-entendus, et je me tournai vers Farengar, qui regardait la pierre de la même manière qu’un enfant regardait un nouveau jouet. Puis il m’offrit un regard surpris, comme s’il avait oublié ma présence.

-Oh, vous êtes encore là. Vous devriez aller voir le jarl si vous voulez avoir votre récompense. En tous cas, merci, je vais pouvoir avancer dans mes recherches avec ça, ajouta-t-il en regardant encore la pierre d’un air plus que satisfait.

-Je vais faire ça, dis-je simplement.

Mais alors que je me dirigeai vers la sortie de la pièce, Irileth apparut devant moi. Je fus intrigué par le caractère inquiet de ses traits que je n’avais jamais vus perturbés jusqu’à maintenant.

-Farengar, lança-t-elle. Un dragon a été aperçu près de Blancherive.

-Un dragon ? Comme c’est grisant, déclara Farengar de son ton enthousiaste. Que faisait-il ?

-C’est une affaire sérieuse, Farengar, répliqua Irileth d’un ton encore plus sérieux. Le jarl aura besoin de vous, suivez-moi. Vous devriez venir vous aussi, ajouta-t-elle en me regardant.

J’opinai vaguement et suivis Irileth et Farengar dans les quartiers du jarl, où ce dernier regardait une carte avec attention et où nous fûmes rejoints par un garde de Blancherive. Balgruuf releva le regard vers nous, intrigué par le comité qui venait d’arriver dans sa salle privée.

-Irileth ? lança-t-il d’un ton intrigué. Que se passe-t-il ?

-Dites-lui ce que vous m’avez raconté, ordonna Irileth au garde qui nous avait rejoints.

-Monseigneur, commença le garde après une rapide référence. J’étais à la tour de guet ouest, avec mes collègues, quand nous avons vu un dragon.

-Vous a-t-il attaqués ? demanda le jarl d’un ton inquiet.

-Non, monseigneur. Il ne faisait que décrire des cercles au-dessus de nous, mais j’ai cru qu’il allait attaquer. Je crois que je n’ai jamais couru aussi vite.

-Beau travail, fiston, dit le jarl en posant une main rassurante sur l’épaule du garde. Allez donc au mess pour vous reposer et manger un peu.

-Oui, monseigneur, dit le garde en partant.

Je le suivis vaguement du regard, et le jarl reprit la parole, ramenant l’attention sur lui.

-Avez-vous pris des dispositions, Irileth ?

-Oui, mon jarl, répondit cette dernière. J’ai déjà ordonné à quelques gardes de se rassembler près des portes de la ville pour aller mener mon enquête.

-Parfait. Je crains d’avoir encore besoin de vous, camarade, me dit-il. Allez avec Irileth pour voir ce qu’il en est. Comme vous avez survécu à Helgen, vous avez plus d’expérience avec les dragons que quiconque ici.

-D’accord, dis-je en opinant.

-La tour se trouve à quelques kilomètres à l’ouest, me dit Irileth. Nous nous y retrouverons dans deux heures.

Avant d’attendre ma réponse, Irileth partit, et je fis de même. Finalement, les événements avaient pris une tournure inattendue, et c’était pour le mieux. Après tout, si j’étais venu à Bordeciel, c’était pour voir des choses inhabituelles. Autant dire que j’étais servi.

Derrière moi, Farengar était parti pour me suivre, mais le jarl lui demanda de ne pas aller voir le dragon aussi, au grand déplaisir du mage. Je profitai qu’il soit encore près de moi pour lui demander s’il avait de quoi vendre à un adepte de la magie. Il sembla surpris, malgré mon héritage apparent - à moins qu’il ne se soit plus fié à l’épée à ma taille et à l’arc dans mon dos - mais ne fit pas d’autre commentaire, et me demanda de le suivre dans son bureau, là où étaient ses marchandises. Je lui vendis ma tenue de mage abîmée pour en acheter une autre, et achetai également un livre de sort de soin rapide. Après ça, j’étais fauché, mais tant pis. Je me dis tout simplement que je trouverais bien quelque chose à vendre dans mes prochaines aventures.

Ne sachant pas à quelle distance était la tour de garde près de laquelle j’avais rendez-vous avec Irileth, je me mis en route tout de suite après. Il faisait déjà nuit quand je suis arrivé à Blancherive, mais là, il faisait carrément sombre. En dévalant l’escalier de Fort-Dragon, je me demandai pourquoi Irileth n’attendait pas la levée du jour pour aller enquêter sur la tour, mais en arrivant en bas, je devinai que c’était tout simplement parce que, dans ce genre d’enquête, le plus tôt était le mieux, pour des raisons évidentes de disparitions de preuves.

Près de la porte de Blancherive, je vis deux individus encapuchonnés discuter avec le garde de l’entrée. Je n’entendais pas ce qu’ils se disaient, mais on aurait dit, de loin, que le garde commençait à perdre son calme. Plus curieux que nécessaire, je m’approchai pour voir de quoi il était question.

-Je vous dis que je ne sais pas de qui vous parlez ! dit le garde en perdant effectivement son calme.

-Nous ne somme pas venus vous causer des ennuis, dit l’un des deux hommes d’un ton extrêmement poli. Si vous avez des informations, de n’importe quelle nature, nous sommes prêts à les entendre.

-Quand je les aurai, oui. Mais là, je ne les ai pas.

Le garde partit, et l’un de deux hommes poussa un soupir discret. L’autre, le même qui parlait au garde juste avant, se tourna vers moi. Ce ne fut qu’à ce moment là que je vis leur visage, qui me confirmèrent ce que je n’avais que supposé juste avant : ces hommes étaient des Rougegardes. Le premier indice que j’avais eu était le sabre particulier qu’ils avaient à la ceinture, mais cela aurait aussi pu être une coïncidence. Mais le teint foncé des hommes était éloquent.

-Bonsoir, me dit-il, toujours aussi poli.

-Bonsoir, répondis-je. Vous avez un problème ?

-Nous cherchons quelqu’un. Une femme, une Rougegarde comme nous. Nous savons qu’elle se cache dans la châtellerie de Blancherive, et nous souhaitons la trouver le plus vite possible.

-Pour quelle raison ? dis-je d’un ton involontairement méfiant.

-Je crains que ça ne vous regarde pas, pour le moment.

Je fronçai les sourcils. Voilà qui ne m’encourageait pas à leur dire ce que je savais. Même si là, en l’occurrence, je ne savais rien.

-Je n’ai aucune information qui puisse vous aider, dis-je finalement. Désolé.

-D’accord. Si vous savez quoi que ce soit, retrouvez-nous à Rorikbourg. Toute aide sera récompensée.

L’homme inclina la tête, imité par son collègue, et après que j’ai fait de même, ils sortirent de la ville. Au final, je me souvins que j’avais à faire, alors je sortis aussi.

La nuit tombée, je repassai pour ainsi dire en mode Elfe, et remerciai encore une fois ma mère pour avoir amélioré certains de mes sens. La vue en faisait partie. Certes, il y avait pas mal de gardes qui patrouillaient avec des torches, et qui me servaient de repère, mais entre deux torches, j’y voyais aussi bien que je le pouvais. Je demandai d’ailleurs à l’un des patrouilleurs par où se trouvait la tour ouest, et il me l’indiqua gentiment du doigt. Je le remerciai et me remis en route. Une fois assez proche, je remarquai la tour, quasiment en ruines, et le petit groupe de gardes qui semblait converser devant. Je les rejoignis, et Irileth reprit son discours une fois que je fus là.

-Ecoutez, ce n’est pas une mission suicide, dit-elle en me regardant vaguement. Nous sommes juste venus voir ce qu’il en est, alors restez prudents.

-Oui madame, dirent trois des gardes en même temps.

Les deux autres se contentèrent d’opiner, et je fis de même. Nous partîmes en même temps vers la tour, et, alors que je crus voir que le jour commeçait à se lever - j’avais bien dû mettre deux heures pour arriver à la tour - je crus voir quelqu’un près de l’entrée de la tour, caché derrière un petit muret, qui devait être le rebord du petit chemin qui y menait. L’homme se releva en me voyant arriver, et je ne manquais pas la surprise dans son regard.

-Non, retournez-y, me dit le garde en me regardant dans le blanc de l’œil. Il ne doit pas être bien loin. Il vient d’attraper Kroki et Tor, qui essayaient de s’enfuir.

Je fis donc demi-tour vers le reste de mon groupe, et au loin, dans le ciel, je vis une ombre familière. Celle d’un gigantesque lézard ailé.

-Que Kynareth nous garde, le revoilà, s’exclama le garde près de moi.

-Tout le monde à couvert, ordonna Irileth. Et faites en sorte que toutes vos flèches touchent leur cible.

Le dragon fondit sur nous, et nous engageâmes le combat. J’attrapai mon arc, car c’était manifestment la tactique la plus efficace tant que le dragon était dans les airs. Ça, je l’avais compris en même temps qu’Irileth. J’avais une assez bonne vue pour voir qu’une flèche sur deux seulement le touchait, dans toutes celles que je tirais, et le peu qui l’attegnaient ne le faisaient même pas ralentir. Je vis également les efforts conjoints des autres archers, mais c’était comme si nous ne le blessions même pas. Enfin, alors que j’étais à couvert et que je tirai la dernière flèche de mon carquois, le dragon passait juste au-dessus de moi, j’entendis quelque chose.

-Quelle bravoure !

Ce n’était pas un des gardes qui venait de parler. C’était une voix grave et rauque, que j’avais entendue seulement quand le dragon était passé tout près de moi. Etait-ce possible… que ce fusse la voix du dragon ? Déjà à Helgen, j’avais l’impression que le dragon m’avait parlé, et je les avais vus d’assez près tous les deux pour voir que ce n’était pas le même que celui qui nous attaquait maintenant. A Helgen, je n’avais pas compris ce que disait le dragon. Là, je l’avais compris comme s’il parlait notre langue.

Au loin le dragon se posa, et commença à essayer de croquer les gardes qui étaient assez téméraires pour l’attaquer au corps-à-corps. Cette fois-ci, je ne compris pas ce qu’il disait. J’avais seulement capté le mot “Sovengarde“, qui était, je le savais maintenant, l’au-delà Nordique. Quant à moi, j’optai plutôt pour la magie, une méthode de combat à moyenne distance, étant donné que je n’avais plus de flèches. Les gardes reculaient un à un face aux violents coups de dents du dragon, et je me retrouvai seul face à lui, avec le peu de magie qui me restait.

-J’avais oublié à quel point les mortels pouvaient être divertissants.

Le dragon me regardait droit dans les yeux en disant ça. Cette fois, j’étais sûr que c’était lui qui parlait. Plus étrange encore, je le comprenais. Qu’est-ce que ça signifiait ? J’attrapai mon épée à ma ceinture, étant assez proche de la gueule du dragon, et essayai de le frapper, alors que les archers continuaient de faire feu, en faisant attention de ne pas me toucher. Lorsque les dents du dragon approchèrent un peu trop de ma poitrine, la gueule du dragon fut brutalement refermée par une boule de feu. Le dragon prit de nouveau son envol, et je tournai ma tête vers la provenance de l’attaque enflammée. Juste un peu plus loin, il y avait une créature de feu, dont le nom m’échappait, avec une apparence de femme en armure noire, qui flottait en continuant de lancer des boules de feu. Manifestement, cette créature était de mon côté, et je compris lorsque je vis une jeune femme, juste à côté d’elle, habillée d’une robe de nécromancien à capuche et ayant un bouclier attaché au bras droit, qui se cachait derrière un rocher. “C’est une invocatrice“, compris-je. Profitant de la diversion offerte par son assistante, je me dirigeai vers elle.

-Merci, lui dis-je en rengainant mon épée.

-Je vous en prie, me répondit-elle. Mais ça vous dirait qu’on remette les présentations à plus tard ?

-Oui. Bien sûr.

Je récupérai des flèches dans les carquois des quelques cadavres de gardes qui étaient parsemés par-ci par-là, et je ressortis mon arc pour l’occasion, alors que la créature de feu continuait de bombarder le dragon en plein vol. Après une énième flèche dans le cou, tirée par mes soins, le dragon se posa de nouveau, mais près des quelques gardes survivants. J’accélerai pour aller à leur secours, suivi par ma nouvelle alliée apparente, qui, je venais de le remarquer, jetait elle aussi des boules de feu sur le dragon. Je dégainai de nouveau mon épée pour essayer de porter une attaque surprise au monstre, qui était occupé à mastiquer consciencieusement un autre garde, en lui plantant mon épée dans la nuque, entre deux flèches. Etonnamment, cela sembla marcher, car le dragon s’effondra, en rugissant une dernière phrase.

-Dovahkiin ! Non !

Je retira mon arme du corps du reptile, et son cadavre se mit à luire.

-Tout le monde, reculez ! ordonna Irileth.

Je reculai aussi, et toute l’assistance regarda le spectacle. Le dragon se consuma, comme si quelqu’un avait allumé un bûcher dessous, en commençant par les écailles. Puis toute sa chair disparut, ne laissant que ses os. Ensuite, une vague d’énergie m’entoura complètement, et je fermai les yeux par réflexe. J’avais déjà ressenti cette sensation, quand j’étais devant le mur mystérieux des Tertres. Je me sentis revigoré, sur toutes sortes de plans. Aussi, j’avais l’impression d’avoir gagné un nouveau pouvoir, un peu comme quand je lisais un livre de magie. A part que cette impression là, que j’avais maintenant, regorgeait d’une puissance plus réelle, plus concrète, que je ne m’expliquai pas.

Un des trois gardes survivants se planta soudain devant moi, un air plus que surpris sur le visage.

-Je suis sidéré, me dit-il d’un ton qui allait avec sa tête. Vous êtes un Enfant de Dragon.

-Un Enfant de Dragon ? répétai-je. Que voulez-vous dire ?

-J’ai lu quelque chose là-dessus, il y a quelques années, intervint la mystérieuse invocatrice. Selon d’anciennes légendes Nordiques, qui datent de l’époque où il y avait encore des dragons à Bordeciel, les Enfants de Dragon étaient des gens capables de tuer des dragons et d’absorber leur pouvoir.

-C’est ça, confirma le premier garde.

-Je ne sais pas ce qui m’est arrivé, admis-je.

-Je suis sûr de ce que je dis. Essayer de crier.

-Pardon ? dis-je en haussant un sourcil.

-Selon les légendes, seuls les Enfants de Dragon peuvent utiliser les cris sans entraînement.

Un cri, hein ? Je n’avais aucune idée de ce qu’ils me demandaient, mais j’allais essayer. Après tout, j’étais le premier concerné. Si j’étais réellement un… Enfant de Dragon, il fallait que j’en aie le cœur net. Ça jouerait probablement un rôle dans mes aventures à venir.

Un cri, un cri… Je me surpris à repenser à ce que j’avais lu dans les Tertres. Etant donné que c’était là-bas que j’avais trouvé la Pierre de Dragon que m’avait demandée Farengar, il n’était pas impossible que ce lieu en lui-même soit lié aux dragons. Donc cette langue mystérieuse que je n’ai pas réussi à lire à l’époque était la langue des dragons ? Quelque chose avait dû se passer pendant mon combat contre le dragon, vu qu’avant ce jour, je n’avais jamais rien compris à cette langue.

Maintenant que j’avais une meilleure compréhension, j’essayai de visualiser le mur des profondeurs des Tertres. A dire vrai, j’avais seulement retenu le mot qui brillait, car sa lumière m’avait enveloppé d’une manière similaire à la supposée ‘puissance du dragon’ quand celui-ci est mort. Les caractères se gravèrent dans mon esprit, et je réussis à mettre un mot dessus. Un mot qui sortit tout seul de ma bouche.

-Fus !

Au moment où le son sortait de ma bouche, personne ne rata l’onde de choc qui était venue avec. Je pense que, si quelqu’un avait été devant moi, il aurait reculé franchement, voire même serait tombé à la renverse. Je le devinai à la manière dont l’herbe avait bougé, et dont le sol avait légèrement tremblé sous elle. A côté de moi, les gardes étaient admiratifs.

-Je le savais ! Vous êtes vraiment un Enfant de Dragon ! reprit le premier garde.

-Apparemment, dis-je encore un peu secoué.

-Mon grand-père me racontait cette histoire, dit le second garde. L’histoire de ceux qui ont du sang de dragon qui coule dans leurs veines. Comme Tiber Septim lui-même.

Si je me souvenais bien, Tiber Septim était un empereur de Tamriel. Et un ancêtre d’Uriel Septim, l’empereur que ma mère a rencontré il y a environ deux cents ans.

-Je n’ai jamais entendu dire que Tiber Septim avait tué des dragons, releva le troisième garde.

-Il n’y avait pas de dragons pendant le règne de Tiber Septim, dit l’invocatrice d’un ton amusé.

-Mais oui, imbécile ! dit le second garde au troisième. On n’avait pas vu de dragon depuis un éternité.

-Qu’en pensez-vous, Irileth ? demanda le troisième garde en ignorant les remontrances de son collègue. Vous êtes terriblement silencieuse.

Nous nous tournâmes tous vers le garde du corps du jarl, sauf la femme encapuchonnée qui ne compris qu’après de qui on parlait. L’Elfe noire était effectivement silencieuse, et j’avoue que, moi aussi, ça m’intriguait. Elle n’était pas spécialement bavarde, du moins pas le peu de fois où je l’avais fréquentée, mais ce qui venait de se passer méritait sans doute une remarque. Elle regarda les ossements restants du dragon, et se retourna de nouveau vers nous. Je crus qu’elle me regardait, mais je n’en étais pas sûr.

-Non mais écoutez-vous, commença-t-elle. Vous devriez croire en la main qui tient votre épée plutôt que dans les fables et les légendes. Nous avons un dragon mort, ça c’est une chose que je peux comprendre, dit-elle en regardant le cadavre. Maintenant, nous savons que nous pouvons les tuer.

-Vous ne comprenez rien, Irileth, dit le second garde. Vous n’êtes pas Nordique.

-Sachez que j’ai parcouru Tamriel de long en large pendant ma jeunesse. J’ai vu bien des choses au moins aussi exotiques que ça. En tous cas, Enfant de Dragon ou non, je suis heureuse de vous compter parmi nos rangs, ajouta-t-elle en me regardant franchement cette fois. Je vais rester encore un peu ici, au cas où, vous devriez aller prévenir le jarl de ce qui s’est passé ici.

-Bien. Je m’en occupe tout de suite, acquiesçai-je.

Je me remis à trottiner vers Blancherive, alors que le jour se levait, et je vis que l’invocatrice me suivait. Je ralentis, me mettant à marcher, et elle s’adapta à mon rythme de marche. Maintenant qu’il faisait plus clair, je voyais son visage plus clairement. Elle ne devait pas être beaucoup plus vieille que Cédric, quelques mèches de cheveux châtain tombaient devant ses yeux noisette et elle me regardait elle aussi d’un air curieux. Curieux mais souriant.

-Au fait, je m’appelle Catherine, me dit-elle. Et vous ?

-Cole. Et encore merci de m’avoir sauvé.

-Mon atronach et moi vous avons sauvé, me corrigea-t-elle.

-Oui. Certes, dis-je avec un petit sourire

J’avais déjà entendu parler des invocateurs, et du fait que, en général, ils sont très attachés à leurs créatures. Le fait que Catherine souligne que son atronach m’ait sauvé, et surtout le fait qu’elle ait répliqué ça par réflexe, étaient des preuves éloquentes.

-Vous avez aussi à faire à Blancherive ? lui demandai-je soudain.

-Oui. Je voudrais trouver Jorrvaskr, l’endroit où réside les Compagnons. Et j’ai lu que cet édifice se trouve à Blancherive. C’est même le plus ancien bâtiment de Blancherive, à vrai dire.

-Vous adorez lire, relevai-je en me souvenant de ses références précédentes à l’ancien Empire.

-Je suis Brétonne, Cole. J’ai la soif de savoir, et surtout de lecture, dans le sang.

Comme je le disais un peu plus tôt, j’avais été éduqué par une Elfe tolérante, qui m’a appris à ne jamais juger les gens sur les premières impressions, et à avoir une certaine appréhension sur les clichés. Alors ma réponse au fait établi de Catherine partit toute seule.

-Je suis un Haut-Elfe, Catherine. Ça ne veut pas dire que je suis un fanatique du Thalmor, répliquai-je sur le même ton qu’elle.

-Oh. Je n’avais pas remarqué, dit-elle d’un ton étonné.

C’était bien la preuve que les traits Elfiques que Faendal avait vus sur mon visage étaient implicites. Je ralentis un peu pour enlever ma capuche d’apprenti, et ainsi montrer mes oreilles pointues. Catherine fit une tête encore plus surprise, et je remis ma capuche. Je me doutais bien de ce qu’elle se demandait, et elle ne se fit pas prier pour me poser la question, alors que nous approchions de l’entrée de Blancherive.

-Je n’ai jamais entendu parler d’Elfe qui avait les cheveux noirs, nota-t-elle.

-Mon père est un Orc, admis-je. Je tiens mes cheveux et mon physique de lui.

-C’est assez impressionnant, dit Catherine d’un ton admiratif. Avec un tel héritage, vous feriez un super héros de bouquin, ajouta-t-elle d’un ton amusé. Je vois ça d’ici. “Le compromis entre deux espèces qu’à priori tout opposait“.

-Votre point de vue plairait beaucoup à ma mère, dis-je, amusé aussi. Je ne vous dis pas la surprise des parents de mon père quand il leur a présenté son épouse et ses deux enfants.

-Deux ? répéta-t-elle.

-J’ai un frère aîné. Qui a plus pris du côté Orc, quant à lui.

-Et moi, je ne suis qu’une pauvre Brétonne de sang pur et fille unique. Que ma vie est ennuyeuse comparée à la vôtre, dit-elle avec un rire gêné.

-Si vous allez voir les Compagnons, je suis persuadé que cela va changer, dis-je en souriant malgré moi. Au fait, pourquoi allez-vous les voir ?

-Je voudrais entrer dans leurs rangs. Ce ne sera pas facile, en tant que mage convaincue, mais je sais que je peux le faire. J’ai quelque chose à prouver.

-Et qu’est-ce que c’est ?

Nous nous arrêtâmes de marcher, car apparemment, nous étions déjà arrivés. Ou plutôt, je m’arrêtai de marcher quand Catherine s’arrêta. Comme j’avais éprouvé une étrange facilité à lui raconter ma vie, c’était à priori son cas aussi. Elle hésita à répondre à ma question.

-Vous savez, si j’ai ce bouclier, c’est pour une bonne raison, dit-elle en levant son bras droit devant elle. Il représente ma détermination à n’utiliser aucune arme. Les guerriers conventionnels, et surtout la plupart des Nordiques, voient la magie d’un œil méfiant, voire d’un œil agressif. Donc je me suis dit que si j’entrais chez les Compagnons, non seulement je leur prouverai qu’ils ont tort, mais en plus je pourrai moi-même m’améliorer. Vous comprenez ?

-Oui, je comprends, dis-je sans réfléchir. Je suis un mage aussi, alors je ne peux que vous encourager.

-Merci Cole. J’apprécie réellement votre soutien. J’espère qu’on se reverra.

-J’en suis sûr.

Catherine me fit un dernier coucou avant de monter l’escalier qui menait à Jorrvaskr, l’endroit où vivaient les compagnons. Quant à moi, je me remis en route vers Fort Dragon, où j’avais un rapport à faire.

Soudain, alors que je m’apprêtai à pousser les portes du donjon, j’entendis un gros bruit, qui semblait venir de la montagne visible depuis la colline et qui fit vriller mes oreilles. Dans le vacarme, j’entendis un mot. “Dovahkiin“. Ça me fit tilter, évidemment, car c’était le mot que le dragon avait déclamé au moment de mourir. Je me demandais ce que ça singifiait. Je poussai encore une fois la double porte de Fort Dragon pour y entrer. Je passais beaucoup de temps dans ce donjon, dernièrement.

Je montai l’escalier à plusieurs paliers qui menait au jarl, et je vis un homme m’approcher. Je devinai à sa lourde armure et à sa grosse arme qu’il devait sans doute servir de garde du corps au jarl, lui aussi. Cependant, il n’avait pas la même mine méfiante qu’Irileth.

-Vous voilà, vous devez être Cole. Venez, mon frère veut vous parler.

-Votre frère ? répétai-je d’un ton intrigué.

-Le jarl, précisa-t-il.

-Oh. Oui, je viens tout de suite.

Je suivis donc l’homme jusqu’au trône, où l’expression du jarl me disait elle-même qu’il voulait des explications, avant même qu’il n’ouvre la bouche pour parler.

-Alors, que s’est-il passé ? Qu’en est-il du dragon ? me demanda-t-il.

-La tour de garde a été détruite, mais nous avons réussi à tuer le dragon, dis-je. Et il se pourrait que je sois un Enfant de Dragon.

-Un Enfant de Dragon ? répéta le jarl en ouvrant grand le yeux (je vis que son frère et le secrétaire, qui venait d’arriver, faisaient de même). Qu’en savez-vous ?

-Vos hommes m’ont appelé ainsi, admis-je. Je ne suis moi-même sûr de rien.

-Pas que mes hommes, ajouta Balgruuf. Les Grises Barbes semblent penser la même chose.

-Qui sont les Grises Barbes ? demandai-je, de plus en plus curieux.

-Les Maîtres de la Voix. On dit qu’ils vivent reclus en haut de la Gorge du Monde, la plus haute montagne de Bordeciel.

-Et que me veulent-ils ?

-On dit que l’Enfant de Dragon peut concentrer son pouvoir dans un Thu’um, un Cri. Les Grises Barbes pourront vous enseigner ce savoir.

-N’avez-vous pas entendu le bruit assourdissant qui a retenti quand vous êtes arrivé à Blancherive ? demanda le garde du corps.

-Je l’ai entendu. Mais je pensais avoir rêvé, avouai-je.

-Eh bien c’était les Grises Barbes qui vous demandaient de venir au Haut Hrotgar. Ce n’était pas arrivé depuis que Tiber Septim a été convoqué alors qu’il était encore Talos d’Aldmora.

-Talos ? Vous voulez dire comme le dieu ? relevai-je.

-Exact, répondit le type avec un sourire mystérieux.

-Du calme, Harangar, déclara le secrétaire. Qu’est-ce que ces histoires de Nordiques ont à voir avec cette personne ? Il est certainement très capable, mais rien ne prouve qu’il soit un Enfant de Dragon.

-‘Ces histoires de Nordiques’ ? répéta Harangar d’un ton indigné. Espèce d’ignorant pompeux ! Ce sont des traditions qui remontent à la création du Premier Empire !

-Ne soyez pas si dur avec Aventus, Harengar, dit le jarl d’un ton posé.

-Je ne voulais pas vous manquer de respect, confirma Aventus en regardant l’autre. Je me demandais seulement ce que les Grises Barbes lui veulent.

-Ce sont leurs affaires, pas les nôtres, déclara Balgruuf.

Harengar tourna le dos en grommelant. Pour lui l’affaire n’était certainement pas terminée, mais il ne voulait pas contrarier son frère. Et encore moins contrarier le jarl de Blancherive.

-Quoi qu’il se soit passé avec le dragon, cela a éveillé quelque chose en vous, reprit le jarl. Et les Grises Barbes en ont été prévenues. S’ils vous ont découvert comme Enfant de Dragon, qui sommes-nous pour les contredire ?

Balgruuf, marqua une pause théâtrale, mais il était évident que sa question était de la pure rhétorique. Je crus voir Harengar hausser les épaules, et Aventus toussota, et le jarl reprit une nouvelle fois la parole.

-Vous devriez aller au Haut Hrotgar sans attendre, proposa-t-il. Nul ne peut se permettre de décliner une invitation des Grises Barbes. C’est un immense honneur.

-Si vous le dites, dis-je. En tous cas, cette histoire m’intrigue, je vais me mettre en route tout de suite.

Je tournai les talons, mais le jarl me rappela une nouvelle fois.

-Pour vous remercier de tous les services que vous avez rendus à Blancherive, je vous nomme thane.

-Qu’est-ce que cela signifie ? demandai-je, réellement intrigué.

-C’est un rang supérieur donné à une personne de valeur pour la châtellerie, expliqua le jarl. Les gardes pourront parfois fermer les yeux sur les méfaits que vous risquiez de faire, mais n’en abusez pas. Vous pourrez également acheter une demeure dans la châtellerie, pour un prix raisonnable.

-Merci beaucoup, dis-je en faisant une courbette réglementaire. C’est un honneur.

-Merci à vous, Cole, répliqua Balgruuf. J’aimerais que tous les voyageurs qui passent par Blancherive soient aussi serviables que vous.

Je souris discrètement, en m’imaginant le nombre de thanes qu’il y aurait à Blancherive si tout le monde était aussi serviable que moi, et je saluai une dernière fois le jarl et sa garde personnelle avant de quitter le fort.

Il fallait donc que je me dirige vers la Gorge du Monde. J’aurais dû demander au jarl avant de partir, mais il devait être occupé, maintenant. Tant pis, je me débrouillerai. Je passai près de la forge, près de la sortie de la ville, et demandai d’une voix aussi courtoise possible à la forgeronne en plein travail comment aller à la Gorge du Monde. Elle m’expliqua que le moyen le plus simple était de monter les Sept Mille Marches, accessibles depuis la ville de Fort Ivar. Pour cela, je n’avais qu’à suivre les panneaux directionnels qui parsemaient les routes de Bordeciel. Je la remerciai, et, après avoir expliqué poliment que je n’avais besoin de rien d’autre, je fus parti. Je me souvenais qu’il y avait une intersection près des écuries de Blancherive, et j’y vis le panneau qui annonçait Fort Ivar parmi d’autres. Donc voilà, je n’avais qu’à suivre la route.

Pour une fois, la route était calme. Même les loups, qui semblaient très présents dans cette partie de la région, me laissaient tranquille. Je pus manger tranquillement ce qui me restait des provisions que m’avait données Gerdur. Il faudrait donc que je m’approvisionne si possible quand je serai arrivé à Fort Ivar. Je pouvais rester sans manger ou presque pendant un certain temps - entraînement d’Orc - mais je n’avais aucune idée du temps que je mettrais pour arriver à Fort Ivar, ni du temps que je mettrais pour monter les Sept Mille Marches, ni pendant combien de temps les Grises Barbes me retiendraient, alors mieux valait être prévoyant.

Par contre, peu après cette réflexion, j’arrivai à une paire de tours, reliées par un pont de pierre, qui étaient presque en plein milieu du chemin. Je voyais d’assez loin la femme qui était près de l’entrée, et son accoutrement me faisait croire que c’était un bandit, mais je continuai à marcher, l’air de rien, en espérant toujours éviter les problèmes autant que possible. Elle, par contre, ne le voyait pas de cet œil. Dès que je fus assez proche – donc dès que ses yeux humains me virent – elle s’approcha de moi, la hache à la main. Je soupirai légèrement.

-Halte là ! me dit-elle alors que je passais devant elle. C’est un péage, ici. Vous devez payer mille pièces d’or pour passer.

Je me retournai lentement. Le combat était inévitable, comme c’était parti. Si je l’avais ignorée, elle aurait sans doute sorti son arc pour me tirer dans le dos. Je préférais faire face à mes adversaires, tant qu’à faire. Alors je pris une voix calme, tentant une dernière négociation vouée à l’échec.

-Je n’ai pas une telle somme.

-Alors nous prendrons tous vos bien sur votre cadavre ! cracha-t-elle.

Elle fondit sur moi, et essaya de me mettre un coup de hache, mais je dégaînai vite mon épée de ma main gauche, et, alors qu’elle insistait, j’utilisai un petit peu de magie pour lui brûler le visage de ma main droite. Je profitai du fait qu’elle était occupée à hurler et à se tenir le visage pour lui planter l’épée dans la poitrine. Dans la tour, j’entendais que la cavalerie arrivait, et, là encore, la fuite n’était pas le choix le plus judicieux. Je n’avais donc plus le choix, il fallait que je les affronte tous.

Le premier m’attendait dans l’entrée de la première tour, avec une épée à demain. Pendant qu’il était encore loin, je rangeai mon épée pour sortir mon arc et lui tirer une flèche au niveau du visage, mais il l’esquiva. J’évitai à mon tour son coup vertical, et je repris mon épée de ma main libre pour lui planter dans la gorge. Dans l’entrée, il y avait aussi un coffre, avec dix pièces d’or et deux crochets, et sur une table, il y avait trois potions de santé. Bien.

Le second m’attendait en haut de l’escalier. Je rangeai mon arc pour lui balancer une vague de magie, feu plus foudre, et il mit quelque secondes de défense futile pour s’effondrer. Il y en avait un autre en face, dans l’entrée de l’autre tour de l’autre côté du pont, mais il ne bougeait pas. Comme s’il m’attendait. Je sortais de la première tour pour aller à sa rencontre, persuadé qu’il y aurait quelque chose d’intéressant dans l’autre tour, mais je vis une flèche passer à côté de mon épaule, puis une autre près de ma taille. Deux archers. Un juste au-dessus de moi, sur le toit de la première tour, et l’autre en face, derrière la deuxième tour, sur un pan de roc. Je sortis moi aussi mon arc pour m’en occuper, et, juste après avoir eu le plus proche, le bandit en armure de la deuxième tour approcha de moi. Sans doute n’était-il pas d’accord pour que je tue le deuxième archer.

Ce fut à ce moment-là que je compris : c’était lui le stratège de la situation. Son armure en métal tranchait clairement avec les armures en peau ou en cuir que j’avais vues jusque là, donc j’avais pensé à une hiérarchie, mais là, pour le coup, il paraîssait plus intelligent que les autres. Il fonça vers moi à une vitesse hallucinante, pour quelqu’un avec une armure lourde et un marteau de guerre, et je n’eus pas le temps de dégainer mon épée pour parer. Je me protégeai comme je le pouvais avec mon arc, mais il céda, et je pris un coup dans l’épaule gauche, me faisant vaciller sur le pont. Il partit pour me donner un second coup horizontal, mais cette fois j’eus le temps de dégaîner mon épée. J’avais déjà eu un aperçu de la force de mon adversaire, mais j’en pris toute conscience lorsque, même en me protégeant, je chutai du pont. Heureusement qu’il y avait de l’eau en dessous, et que le courant allait dans le bon sens. Je réussis à atteindre une berge, et la tour était assez loin. Moi, je les voyais encore, le chef et l’archer, mais eux ne devaient pas me voir. J’avais perdu mon arc, et mon épée était fissurée, mais au moins, j’étais encore vivant.

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