Honneur et Amertume

Chapitre 2 : Hauteroche II : La Mercenaire

6691 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/01/2021 20:53

Un trompe résonna quelque part dans la brume matinale qui baignait la campagne environnant Taillemont, la plus grande cité du royaume breton de Fendretour. Shaiélaè ouvrit les prestement les yeux , comme si elle ne faisait que semblant de dormir en attendant d'entendre ce signal. Elle resta couché sur le dos un instant, immobile, avant de se décider dégager sa couverture. Elle étendit ses muscles en frottant sa nuque endolorie. Les autres personnes avec qui elle partageait sa tente s'éveillaient également, autour d'elle baillant et rassemblant leurs affaires. Les voix d'abord rares et basse se multiplièrent et s'élevèrent, achevant de sortir du sommeil les derniers récalcitrant. Shaielaè plia sa couverture, laça sa chemise, enjamba un corps allongé et sortit de la tente, sa veste de cuir roulé en boule sous son bras.


Le camp prenait vie au dehors. Des silhouettes fourbues et hagardes s'échappaient lentement de leurs tentes et du brouillard. Ses bottes humides de rosées étaient entreposée sous la doublure de toile de la tente. Elle les attrapa en dégageant d'une pichenette la limace qui s'y était logé. La petite elfe sauta une ou deux fois sur place pour chasser les derniers restes de fatigue. Enfin pleinement éveillée et prête pour une journée de plus, elle s'approcha d'un feu de camps que déjà l'on s'affairait à ranimer, les uns soufflant sur les braises froides, les autres jetant des buches empilées à cet effet.


La plupart des mercenaires trouvaient frustrant de vivre ainsi dehors, juste à l'ombre des murailles de Taillemont et des maisons confortable qu'elles protégeaient. Shaiélaè ne partageait pas l'avis de ses nouveaux compagnons d'arme. La vie au grand air lui plaisait. La ville était trop différente de tout ce qu'elle avait connu depuis lors, trop dépaysant. Elle préférait prendre ses repas autour d'un feu de camps que dans une auberge bondée et bruyante, pleine d'étrangers. Là, dehors, elle entendait le vent, le chant des oiseaux, le cris des crapauds. Après une vie passé dans un village minuscule au milieu de la jungle, la ville était trop exotique, intimidante. Elle pouvait s'habituer à la campagne façonnée par l'activité humaine et les près bordés de hais encerclant Taillemont sur plusieurs kilomètre. Elle s'était habitué au climat, humide comme chez elle, mais froid. Le ciel gris au dessus de la tête au lieu d'une voûte infinie d'arbre et de feuille, elle s'y était habituée. La ville, l'angoisse de la foule, les visages inconnus, la labyrinthe des rues dans lesquelles on se perd, ce n'était pas pareil. Jamais elle ne s'y habituerai.


Un feu joyeux crépita bientôt. Le petit groupe rassemblé autour le serrait de près pour chasser l'humidité de la nuit et la fraicheur du matin, évitant soigneusement de se placer dans le sens du vent où flottait l'épaisse fumée grise que le bois gorgé d'eau rejetait. Le camp tout entier était semé de dizaines de feux de camps autour desquels s’agglutinait des grappes humaines. Quelqu'un passa entre eux tirant un ânes charriant de lourds sacs de provisions. On les déchargea. Une voix quelque part réclama une casserole. Une autre assura qu'elles arrivaient. Une demi-heure plus tard, les mains avide faisaient passer les gamelles pleines de tambouille chaude et nourrissante.


Shaiélaè serra son écuelle entre ses mains engourdie. Elle grimaça en en regardant le contenue. Sarrasin bouilli avec du bœuf. Un plat simple, calorique et peu cher, parfait pour une armée de mercenaire affamés. Tous dévoraient leur rations. Sauf Shaiélaè. Elle fouillait son écuelle du bout du couteau, séparant méthodiquement les grains châtain de sarrasin et les filaments brunâtre de viande de bœuf. Deux tas distinct se formèrent de part et d'autre de son assiette. Elle touilla encore un peu le sarrasin à la recherche de morceaux de viande qu'elle aurait pu y oublier et entama son déjeuner.


" Tu fais encore le tris ? Arrête ça, tu va avoir faim ! " gronda Ioreck derrière elle, qui venait de la rejoindre.


Shaiélaè reposa la cuillère de filaments de bœuf qu'elle s’apprêtait à avaler :


" Je fais ce que je veux ! C'est ma culture. Ma religion ! En plus, j'aime pas les végétaux !"


" Ce n'est pas assez pour un déjeuner !" s’entêta son ami. " Regarde, tu as peine trois cuillères de viande. Et c'est comme ça à chaque repas, tu vas te laisser mourir de faim ! Tu dois manger. T'adapter. Regarde les autres bosmers de la compagnie : aucun d'eux ne respecte plus ton Pacte stupide. "


" C'est leur problème. Moi je ne renierait pas mes principes. Et je n'aime pas les légumes... "


C'était la grande détresse de Shaiélaè en terre étrangère. Le Pacte-Vert avait rythmé toute sa vie depuis sa naissance. C'est cet impératif qui forgeait la culture bosmer et régissait chaque aspect de la vie de sa tribu. Ce devoir sacré n'avait plus cours ici. Comment espérer s'intégrer dans la communauté en respectant la voie du Pacte alors que les toiles de tente sont en coton, que l'on brûle du bois pour le feu, que les repas sont à base de céréales ? La petite elfe avait dû consentir à des sacrifice. Mais ingérer un végétal, c'était l'acte le plus tabou qu'un adepte du Pacte-Vert pouvait imaginer. Jamais. Quitte à subir les affres de la faim, jamais elle n'avait ne serais-ce qu'envisagé de franchir ce pas.


Ioreck essaya une nouvelle fois de la convaincre. Il s'inquiétait pour elle. Elle était toute maigrichonne lorsqu'il l'avait rencontrée dans cette forêt. Et elle ne s'était pas épaissie d'un gramme depuis qu'ils avaient rejoint cette compagnie de mercenaires où pourtant la nourriture était abondante. Et son teint était si pâle, maladif... Tout cela à cause de stupides précepte moraux sans aucun sens...


"Tu n'as jamais gouté. Ce n'est pas mauvais, tu sais. Je préfère évidement un bon morceau de gibier grillé mais le sarrasin, c'est excellent... "


" Non, merci. Je sais ce que je fais, ne t'inquiète pas. Je mange quand même. J’achète de la viande lorsque je patrouille en ville. "


" La nourriture est offerte par la compagnie qui nous emploie et tu l'achète avec la solde que tu gagne ? L'argent sert à acheter à boire, pas à manger !"


" C'est ma solde je fais ce que veux ! Et tu fais bien d'en parler... Puisque tu aime tant les critiques, prend celle-là en retour : tu devrais boire un peu moins ton argent, si tu veux mon avis. Il va finir par t'arriver des ennuis un de ces jours... "


Ioreck soupira. Il puisa une cuillère de sarrasin dans son écuelle et la tendit à la bosmer qui refusa, les lèvres hermétiquement pincées. Elle se tourna pour manger en paix, mâchouillant lentement sa maigre ration de viande. Ioreck soupira de nouveau. Ils mangèrent chacun de leur côté, sans parler. Lorsqu'il eu fini, Ioreck se pencha vers son amie et versa sa dans la gamelle sa propre part de viande qu'il avait gardé de côté à son attention. Il se leva et partit rejoindre son escouade.


Le Lynx-Noir, c'est ainsi que se nommait la compagnie de mercenaire qui avait établi son campement sous les murailles de Taillemont. D'anciens légionnaires l'avaient fondé à la sortie de leur service et elle n'avait cessé de se développer depuis. Deux-cent hommes la composaient à ce jour. D'anciens soldats, des repris de justice ou des aventuriers de tout bords et horizons. Ils cherchaient à faire fortune, à fuir un passé encombrant ou vivre une existence pleine de péripétie. Le condottiere à la tête de la compagnie, officier de la légion retraité, dirigeait ce beau monde d'une poigne de fer et faisait régner la discipline. Ioreck et Shaiélaè vivaient depuis trois mois cette vie de mercenaire.


Ioreck n'avait eu aucun mal à se faire embaucher en parlant aux officiers. Il en imposait, avec son arme et sa carrure. Et il avait la recommandation d'un des membre fondateur du Lynx-Noir, comme si cela ne suffisait pas. Le condottiere lui avait bâti un pont en or. Il s'était montré plus dubitatif concernant Shaiéalè. Il n'avait pas besoin de plus d'archer et la petite elfe avait une bien triste mine. C'est bien parce que Ioreck la recommandait qu'ils avaient finit par la prendre. Heureusement, ses talents d'archère ne les avait pas déçus.


Ioreck s'était immédiatement adapté. Il évoluait comme un poisson dans l'eau au milieu des brutes patibulaires qui constituaient l'essentiel de la compagnie. Shaiélaè eu plus de mal. Elle ne cherchait de toute manière pas vraiment à s'intégrer et personne ne venait vers elle, ce qui au fond l'arrangeait. Tout ces individus soulard et bruyant l'intimidaient. Seul Ioreck semblait se préoccuper de la timide petite elfe. Tout deux avaient appris à se connaitre et s’apprécier en voyageant ensemble depuis leur rencontre. Il ne l'avait pas abandonnée à son sort après l'avoir aidée à rejoindre le Lynx-Noir et lui ménageait beaucoup de temps en sa compagnie lorsque leurs devoirs respectif le leur permettait.


Il était temps d'ailleurs pour Shaiélaè de rejoindre son escouade. Elle vida dans un feu le sarrasin qu'elle n'avait pas mangé et partit à sa recherche, dans le large fossé asséché bordant les murailles de Taillemont. C'est là que les archers de la compagnie avaient installé quelques cibles et un atelier de fléchier. Quelques un de ses compagnon d'arme étaient déjà là, à préparer arcs et flèches pour l'entrainement matinal. Shaiélaè s'assit au dessus d'eux, sur le rebord du fossé pour les regarder en attendant que tout le monde soit là. Il y avait un officier, alors elle attacha une corde à son arc en corne et tira une poignée de flèche sur la cible la plus proche. Ces exercices qu'on l'obligeait à faire comme tout le monde l'exaspéraient. Elle tirait à l'arc depuis l'âge de cinq ans et avait rejoint à quinze ans la troupe de guerriers de sa tribu. Elle était la plus précise, la plus rapide de la compagnie. S'entrainer avec les autres, c'était si régressif... Une fois encore elle se contenta de tirer quelques flèches au centre exact de la cible en affichant un flegme manifeste. Le minimum qu'on lui demandait, pas plus.


Le Lynx-Noir comptait une trentaine d'archers. Le fossé asséché résonna bientôt du claquement sec des flèches frappant la paille des cibles alors que tous pratiquaient l'exercice réglementaire. L'officier passa entre les mercenaire pour leur distribuer leurs horaires de patrouille. La compagnie était actuellement en contrat avec le duc de Taillemont. La ville abritait une grande foire qui faisait d'elle pendant un mois la capitale commerciale du nord de l'Empire. Marchands et curieux affluaient en masse des quatre coins de bretonnie et d'ailleurs afin d'y dépenser leur argent, ou d'en gagner. Ils apportaient avec eux les ennuis inévitables : querelles d'ivrognes, désaccords commerciaux, escrocs et pickpocket, bandits de grands chemins attiré par cet afflux de trafic... Le Lynx-Noir avait été embauché pour renforcer la garde pour la durée de la foire. La compagnie jouissait d'une bonne réputation. Elle honorait à la lettre les contrats pour lesquels elle s'engageait et le condottiere refusait de s'engager dans les affaires louches et le banditisme sur lesquels les mercenaires étaient d'habitude peu regardant.


La patrouille à laquelle Shaiélaè fut assignée commencerait sa ronde deux heures avant midi. Elle avait encore du temps à tuer d'ici là. Elle cribla machinalement sa cible de flèche tant que l'officier rodait parmi les archers, puis s'assit sur le rebord du fossé à l'instant même où des affaires l'appelèrent ailleurs. Elle aimait bien regarder d'un œil critique ses compagnons s'exercer. Ils ne tiraient pas trop mal, pour des humains. Mais étaient tous incroyablement lent... Aucun d'eux n'avait l'habileté de tirer plus qu'une flèche toute les seconde et demi. Shaiélaè pouvait en décocher trois dans le même intervalle de temps. Ils utilisaient de longs arcs bretons en if. Plus puissant et d'une bien meilleure portée que l'arc court en corne personnel de la petite elfe. La portée était une donnée sans importance en forêt. Elle avait découvert qu'ici on privilégiait cet avantage, les batailles ayant le plus souvent lieu en rase campagne ou lors du siège de forteresses. Personne ne l'avait forcé à adopter la mode des arcs breton, fort heureusement. Elle n'avait de toute façon pas l'intention de s'y conformer. Un arc aussi encombrant ? En bois qui plus est ? Quel barbarisme...



Brouhaha à la Porte des près, au sud de Taillemont. Bientôt deux heures avant midi, la patrouille était en retard. La foule compacte circulant à l'entrée de la ville n'arrangeait rien. Des voyageurs de passage, des métayers accompagnés de leurs bêtes à vendre, conduisant des charrettes chargées de fruits, de légumes, de vannerie, de charbon, de tout ce que les hameaux des environs pouvaient produire entraient. Les acheteurs les plus matinaux ayant déjà conclu leurs affaires ou ayant trouver l'offre disponible médiocre, les négociants et les curieux pour qui la journée de la veille marquait la fin de leur séjour ici sortaient. Cacophonie d'interjection des charrons, caquètement des volailles dans leurs cages et bêlements des moutons dans les jambes des passants. Blagues et rires des groupes d'amis fêtards, discussions graves et concernées des marchands. Chaque pas de Shaiélaè au milieu de la marée humaine l'arrachait un peu plus au monde simple de la nature pour la projeter dans celui étouffant, aux codes occultes de la vie citadine.


"Dégagez le passage, allez faites place ! " beuglaient les mercenaires en arme en taillant à travers la cohue, repoussant à coup de hampe les badaud trop lent à se décaler. Si la populace s'appliquer du mieux possible en piétinant à satisfaire les ordres des suppléant de la garde municipale, il en allait bien autrement pour les charrette et les bestiaux. Poussée, bousculée, Shaiélaè s'appliquait à suivre le mouvement de ses compagnons du mieux qu'elle pouvait pour arriver en vie de l'autre côté, en lâchant de temps à autres un coup de pieds dans les moutons qui s'obstinaient à se fourrer dans leurs jambes.


Une poignée de gardes surveillait la barbacane marquant l'entrée dans la ville. Les mercenaires reconnurent certains des leurs parmi eux. Comme eux ils portaient un simple tabard frappé aux armes de la cité par dessus leurs tenues de combats habituelles et hétéroclite. Les gardes de Taillemont étaient eux vêtus à l'identique d'une armure de maille, d'un surcot blasonné et d'un casque plat.

Shaiélaè n'avait que trop souvent patrouillé ainsi en ville pour savoir qu'il était inutile d'espérer que le flot de populace se doit fluidifié une fois franchi les portes. Surtout à cette heure, l'embouteillage prenait l'ampleur d'un quartier entier. Oh oui, la foire d'été attirait du monde...


Il s'agissait maintenant d'atteindre la caserne, où ils avaient rendez-vous. Elle était situé sur une colline voisine, à quelques rues seulement de la porte sud. A condition de traverser la foire, évidemment. La foule et les étals envahissaient le moindre espace de la ville, jusqu'au portique de la caserne sous lequel s'était installé un vendeur de bougies. La troupe de mercenaire se retrouva forcer d'enjamber des sacs de cire d'abeille et d'aromates tandis que leur chef se disputait avec le marchand, l'un blâmant l'emplacement inapproprié, l'autre exhibant une autorisation signée par le bourgmestre. Enfin Shaiélaè put respirer une fois dans la cour de la caserne. Déserte. Saturés de travail, les gardes se trouvaient tous déjà en ville à cette heure. Il n'y avait qu'une poignée de fonctionnaire et un officier, ce dernier au moins aussi énervé que leur propre chef pour le retard avec lequel ils se présentaient. Mais pas le temps de bavasser. Une inspection rapide, un court briefing et voilà les mercenaires du Lynx-Noir lâchés en ville avec autant d'autorité que les authentiques garde de la cité. Pas le temps de savourer la calme de la caserne dépeuplée pour Shaiélaè, la voilà replongée dans la touffeur de cet enfer urbain.


La troupe de mercenaires fut divisée en plus petits groupes. Il y avait une grande place non loin, c'est là que Shaiélaè et le sien devaient se rendre. Dominé par la haute silhouette du temple de Mara et les colombages des riches maisons des bourgeois les plus cossus. Plus qu'une zone marchande, c'est là que les saltimbanques et autres bateleurs s'étaient installé pour livrer leurs spectacles de rue. Les charlatans aussi. Il y aurait du travail, il lui faudrait garder les deux yeux ouverts. Cette expérience en tant que milicienne municipale avait appris à Shaiéalaè que les saltimbanques et les pickpocket étaient souvent la même personne. Surtout ces sales kahjiits, les pires de tous. Un autre groupe fût déployé à chaque porte, y relever les gardes comme ceux qu'ils avaient croisé en venant. Deux autres pour la grande place devant le palais où s'étaient installé les marchands d'article de luxe. Les groupes restant se virent attribuer une poignée de rue qu'ils leur fallait parcourir, des croisement stratégique ou des poste d’observations d'où ils se tenaient prêt à intervenir si les gardes en ville requieraient du renfort.


Le brouhaha de la cité doubla encore d'intensité une fois atteint la place du temple. Aux bruits d'animaux, aux discussions, cris, insultes des passants, aux interpellations des marchands se mêlaient à présent la musique, les discours dramatiques des poètes et comédiens, les rires et les applaudissement. Les piques et les hallebardes du guet de la ville dominait la la foule et l'on apercevait parfois au milieu de tout ses visages la tête coiffé d'acier d'un milicien gardant un œil prudent sur son environnement. On trouvait en quantité égale mercenaires et gardes en titre. Il fallut plusieurs minutes pour que les Lynx-Noirs de la patrouille précédente soient tous remplacés par les nouveaux. Les autres gardes ne bougèrent pas, leur relève avait eu lieu un peu plus tôt. Ceux-là regardaient d'un œil méfiant les épées-louée engagés pour les aider. Ils leur faisaient bien moins confiance que le duc qui avait délacé sans trembler les cordons de sa bourse pour assurer la sécurité de sa ville. Le Lynx-Noir était là pour l'argent et aucun de ses membres n'avaient ni l'éthique ni l'honneur d'un milicien. Ils n'étaient à leurs yeux qu'une bande de voyous cupide au mieux, potentiellement voleur ou corrompu. Leur crainte était légitime mais sans motif : le condottiere était un homme d'affaire, pas un voyou. Pour lui le calcul était simple : sa compagnie gagnerait plus d'argent en étant engagée chaque année pour la foire de Taillemont plutôt qu'en gâchant la chance qui leur était offerte avec des extorsions à la petite semaine. Alors les mercenaires avaient été clairement briefé sur la conduite à adopter. Ceux qui se risquaient à commettre un pas de travers étaient très sévèrement châtié... Le type de châtiment qui prouvait que bien qu'homme d'affaire, le condottiere restait avant tout un homme d'action ayant fait de la violence son métier. Et jamais la garde de la ville ne se dérangeait pour soustraire à cette vindicte le malheureux pour le conduire vers une justice plus légitime. Le coupable n'était plus jamais revu à patrouiller en ville. Voilà ce qui comptait, ils pouvaient fermer les yeux sur le reste...


Shaiélaè devait avouer quelle avait plusieurs fois était tentée de "soustraire" un bijou, une breloque à son propriétaire lorsque ses vieilles habitudes de bosmer prenait le pas sur ses nouvelles habitudes de mercenaire modèle. La petite elfe ne pensait pas à mal lorsque de tel pulsions la poussait au jeu. Elle était pleinement consciente qu'ici, ce genre de farces passerait beaucoup moins bien qu'à Val-Boisé. Elle voyait aussi les geste méfiant des badaud à qui elle avait affaire lorsqu'ils se rendaient compte de quel peuple elle était originaire. Leurs yeux suspicieux et leurs doigts serré inconsciemment contre leurs objets de valeurs lui rappelait les préjugé (fondés, certes) qui frappaient les elfes des bois et l'aidait à se retenir de tout geste qui pourrait compromettre sa place dans la compagnie, sa vie et, pire encore selon le condottiere, la réputation du Lynx-Noir.


On avait posté Shaiélaè sous le porche du temple de Mara. Nombreux étaient ceux à venir s'y recueillir : habitués pour qui toute cette agitation ne constituait pas une excuse pour déroger à leurs dévotions, voyageurs désireux de prendre une pause spirituelle, marchands en quête de faveur divine pour leurs affaires, curieux attirés par la beauté et l'histoire du bâtiment... Et pour de nombreux jeunes gens des environs, la foire était pour eux l'une des rares occasion de l'année pour se rendre en ville. Beaucoup en profitaient pour faire bénir leur union devant la déesse-mère de l'amour. Il y avait aussi toute la racaille et c'est eux que Shaiélaè était chargée de filtrer et de surveiller. Aux classiques pickpockets se mêlaient vendeurs à la sauvette et mendiants. Ces derniers se trouvaient bien malgré eux au centre d'une ligne politique contradictoire entre le clergé de Mara et le gouvernement municipal. Les premiers toléraient les gueux au nom de l'amour de la déesse, leur offrant le temple comme asile pour y trouver paix et refuge. Le duc était quand à lui décidé à cacher aux yeux de ses visiteurs la misère de sa ville et ne souhaitait nullement qu'ils y trouve son prestigieux temple transformé en refuge à clochard. Personnellement, Shialéaè ne trouvait nullement que la présence de mendiant enlaidisse la basilique. C'était même plutôt commode, pour ceux qui n'avaient rien. Mais hélas pour les prêtres et les gueux, c'est au duc de Taillemont qu'elle devait sa paye. L'essentiel de sa journée de ronde consista à gérer les protestations des mendiants refoulés comme celle des prêtres outrés par un tel comportement.


" Ce temple est la maison de mère de la bienveillance et de la charité ! Elle te regarde depuis les cieux, garde. Gare à son courroux car les injustes sont toujours punis, dans cette vie ou dans l'autre... " menaçait le vieux prêtre chauve. L'un de ses doigt décharné pointait le ciel, l'autre le nez de la petite elfe. En retrait derrière lui, la vieille estropiée interdite d'entrée par Shaiélaè tournait successivement ses yeux hagards entre elle et le prélat. Un paquet de hardes moisies pendait sous son bras décharné. " Cette femme a toujours été la bienvenue en ce lieu, " continua le prêtre. " En ce lieu saint où de tout temps, elle a trouvé refuge contre un monde hostile qui lui a tout pris. Et tu oserais lui ôter ce refuge, garde ? Honte ! Honte à toi ! "


Shialéaè ne savait que répondre. De tout les prêtres du temple, celui là était bien le plus virulent. Trois heures à peine qu'elle avait pris son tour de garde, elle était déjà exténuée. Elle entendait derrière elle le brouhaha continue des passants insensible à la dispute se déroulant sur le parvis. Comme elle aurait voulu disparaitre dans la foule, se glisser dans son courant comme un chasseur bosmer s’évanouissant dans les broussailles... Le prêtre lui donnait la migraine, à lui faire regretter qu'un pickpocket ne se manifeste là, maintenant, rien que pour lui donner une excuse pour planter là le vieil homme.


" Ce n'est pas moi qui décide, ce sont les ordres qu'on m'a donné. Pas de mendiants dans le temple, voilà," elle répéta simplement pour la énième fois.


"Ah oui ? Et qui les a donné, ces ordres ? Le duc ? Le duc est un homme et la justice divine surpasse la justice temporelle. Ces des Divins que nos humbles dirigeants tiennent leur autorité. Leur seul rôle sur Nirn est d'appliquer la loi divine. Le duc ferait bien de s'en rappeler car ce que les dieux donnent, les dieux peuvent le reprendre..."


Le prêtre s'emportait. Des visiteurs entraient et sortaient de la basilique en jetant des regards curieux aux deux opposants et à la pauvresse objet de cette dispute. Pourvu qu'aucun voleur n'opère pendant que ce vieux sénile me tient la jambe... songeait Shaiélaè. Ce serait l'acmé de cette journée... Et son officier la tuerait s'il apprenait la raison de sa distraction. Pitié... Yffre, Mara, peu importe... Faites que quelque chose éloigne ce prêtre... supplia-t-elle au désespoir.


Pour son malheur et celui de Tamriel, quelque chose arriva.


D'abord, une femme cria. Cela n'attira pas tout de suite l'attention de Shaiélaè. Puis il y eu un mouvement de foule vers l'un des côté de la place. Des discussions animées, des exclamations se propageaient à travers la populace qui soudain avait cessé de prêter attention aux commerces et attractions de la foire. Le vieux prêtre se tût, conscient que quelque chose d'anormal se déroulait et s'éloigna voir la source du remue-ménage. Shaiélaè chercha du regard ce qu'il pouvait bien se passer. Déjà d'autres gardes se précipitaient pour encadrer le rassemblement. Elle courut les rejoindre, hurla comme eux des ordres pour exiger le calme et la dispersion du troupeau.


" C'est la guerre ! " cria un adolescent au visage mi-apeuré, mi-excité qui bouscula Shaiélaè sans y prêter plus attention pour rejoindre son groupe d'amis tout aussi interloqués. Elle ne comprit pas ce qu'il voulait dire.


"La guerre ! La guerre !" était un mot qu'elle entendait partout dans la bouge des gens qui propageaient la rumeur dans les rues adjacentes.


" Quelle guerre ?"


Les gardes eux-même avaient momentanément oublié leur devoir et restaient là interdit au milieu de la foule, béat de surprise ou discutaient avec animation avec leurs voisins.


La foule s'était rassemblée autour d'un homme en armure grise blasonnée d'un dragon losange. Ce devait être un cavalier de la légion impérial. Son visage tachait d'afficher une expression neutre qui peinait à dissimuler sa vive fatigue et son évidente inquiétude. Pressé de toute part, l'homme était prié de répéter le contenu de son message pour ceux qui ne l'avaient pas entendu. Il s’exécutait du mieux qu'il pouvait entre deux respirations. Shaiélaè du s'approcher encore pour en entendre le contenu, brouillé par les voix de toute part crachant en boucles des mots tel que "guerre", "Thalmor", "malheur", "gloire à l'Empire"... Ils la laissaient de marbre. Ces mots ne signifiaient rien pour elle. Tout juste ils attisaient sa curiosité.


" Les armées du Domaine Aldméri ont déjà franchit la frontière et percent à l'heure qu'il est à travers Cyrodiil et Martelfell. C'est leur ambassadeur qui a déclaré la guerre à notre empereur. Il a établit des exigences intolérables auxquelles Titus II n'a évidemment pas cédé. C'est alors qu'il a découvert la bâche du chariot qui l'accompagnait, exposant les têtes tranchées de tout les agents de l'Empire agissant sous couverture sur les terres du Domaine. Et presque aux même moment, leurs armées cachées dans les forêts de Val-Boisé marchaient sur nos forts frontaliers. ! Je n'apporte pas d'ordre pour le moment, je ne suis que le messager de cette nouvelle. Mais chaque citoyen et citoyenne doit se tenir prêt à accomplir le devoir qu'on attend de lui. De plus amples informations émaneront des autorités militaires compétente dans les jours qui suivent"


Shaiélaè prenait peu à peu conscience du tumulte. La guerre... Plus que la nouvelle irréelle de la déclaration, de l'avancée lointaines de troupes d'invasion, c'était l'ivresse de la foule qui lui donnait la pleine mesure de l’événement auquel elle assistait. Les pleurs des uns, les murmures d'excitations des autres. Les prières, les cris guerriers à la gloire de l'empereur. Les regards remplis d'appréhension et ceux de défi...


Puis Shaiélaè se rendit compte qu'elle était en territoire ennemi... Rouge de honte, elle arrangea fébrilement ses cheveux pour y dissimuler ses oreilles pointues d'elfe. Val-Boisé appartenait au Domaine Aldméri. A aucun moment pourtant elle n'avait ressenti le moindre sentiment d'appartenance à cette nation auparavant, lorsqu'elle était encore membre de son village. Elle appartenait à la tribu, voilà tout. L'alliance politique unissant aux altmers le roi de Val-Boisé n'avait pas l'ombre d'une incidence pour ceux qui vivaient aussi reculés au fond de la jungle. Jamais la tribu n'avait payé le moindre impôt à un quelconque Domaine et de toute manière, aucun percepteur n'était jamais venu le réclamer. Seules les lois de la tribu et les traditions bosmers s'appliquaient au fond de la jungle. Et si les kahjiit étaient l'égal des elfes pour le roi Camoran et le Thalmor, on continuait tout de même au fond de la jungle à leur faire la guerre chaque été.


Si elle connaissait de réputation la rivalité des deux puissances, elle ne l'avait jamais constatée.Ce n'était rien de plus genre de nouvelles que les siens apprenaient de loin en loin à l'occasion d'échanges avec l'extérieur. Elle était surprise de réaliser qu'ici, c'était une réalité tangible. Ce n'était plus le village et la forêt des alentours qui comptaient, avec sa routine, ses chasses, ses soucis quotidiens coupé monde sans la moindre espèce d'importance. Non. En fait, c'était le petit monde de la tribu qui vivait dans une petite bulle abstraite. Pour les habitants de Tamriel, savoir qu'une nation rivale existait, c'était apprendre à vivre avec une menace supplémentaire au dessus de la tête. Un savoir mortifère. La réalité.


Non, Shaiélaè n'appartenait pas au Domaine. Pas plus qu'elle n'appartenait à l'Empire. Hauteroche avait beau l'avoir accueilli après qu'on l'ai chassé de chez elle, elle s'y sentait comme une nomade. Une étrangère de passage qui aurait tout aussi bien pu se trouver ailleurs. Elle se sentait elfe, en revanche. Et le Thalmor incarnait la suprématie elfe contre l'empire bâti par les humains. Déjà et plus que quiconque, Shaiélaè avait au fond d'elle l'intuition que ce conflit était plus que l'opposition de deux nations rivales se disputant un continent. C'était une guerre raciale. Elfes contre hommes. Elle cherchait honteusement à cacher aux yeux de tous les attributs l'identifiant comme appartenant à cette race. Elle craignait le regard que chaque passant posait sur elle. L'un d'eux allait la reconnaitre, c'est sûr. Et commencerait sa guerre ici et aujourd'hui en nettoyant la ville d'une vermine elfe venue l'envahir. Peu importe si partout dans le pays, des elfes citoyens de l'Empire depuis parfois des générations se préparaient eux aussi à défendre leur foyer contre l'ennemi de l'étranger.



Shaiélaè rentra en début d'après-midi au camp du Lynx-Noir, après que la patrouille suivante ne les aient relevé. Son arc en bandoulière, chacune de ses mains était prise par une brochette de saucisse qu'elle tenait précautionneusement. Elles les avait acheté dès son service achevé, avec sa propre solde. L'une, diminuée de plusieurs bouchées était pour elle. Elle l'avait demandée spécialement sans moutarde ni épices au vendeur. L'autre était pour Ioreck, pour le remercier de la viande donnée ce matin. La petite elfe espérait que son ami soit déjà rentré de sa patrouille quotidienne sur les routes menant à Taillemont... Les saucisses, c'est meilleur chaud.


Le nordique était là, effectivement. Et il avait fait le plein d'alcool. Une outre à moitié pleine passait de mains en mains entre lui et plusieurs de ses compagnons. Leurs visages déjà rouges et leurs gestes mal coordonné témoignaient de la baisse significative du niveau de l'outre. Juché sur un tonneau, un orque beuglait de manière incompréhensible en brandissant tel un étendard une toile de tente grossièrement peinte du dragon impérial.


" Tout ce dont cet Empire a besoin c'est d'une bonne guerre !" hurla un autre soudard titubant en brandissant un toast. " Ça fait les pieds et ça forge le caractère ! MORT AUX ELFES !!! "


"MORT AUX ELFES !!" répondirent d'une seule voix le reste des buveurs, chacun se resservant une rasade.


Shaiélaè restait à distance. Elle ne préférait pas se mêler aux compagnons de Ioreck lorsqu'ils étaient dans cet état. Leurs éclats de voix ne tardèrent toutefois pas à rameuter des officiers déterminé à mettre un terme à ce désordre. Ioreck ne tarda pas à s’éclipser discrètement avant que les sanctions ne tombe. Il alla le plus naturellement possible rejoindre la petite elfe à l'écart de l'attroupement.

" Tu as vu ? C'est la guerre, " annonça-t-il sur un ton aussi tranquille que s'il commentait la météo. Shaiéalaé bougonna :


" Oui, j'ai cru entendre une ou deux personnes le mentionner aujourd'hui..."


" Je compte m'engager. Il y a des rumeurs qui courent dans le camp, que le Condottière réfléchirait à résilier le contrat avec Taillemont pour offrir les services de la compagnie à la Légion. Il parait que les officiers vont se réunir en conseil d'ici la fin de la semaine pour en débattre. S'ils décident de rester à Taillemont, je quitterais le Lynx-Noir. D'une manière ou d'une autre, je me battrais pour l'Empire."


" Mort aux elfes, donc ? "


Le visage du nordique rougit par l'alcool s'empourpra d'avantage :


" Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, " il bafouilla. " On pensaient aux elfes du Domaine, tu le sais bien ! Que tu le veuille ou non, nos adversaires appartiennent à cette race. On est capable de faire la différence entre un bon et un mauvais. Même si notre langues simplifient nos pensées... Tu sais bien que je ne te ferais pas de mal. Personne ne te fera de mal. Eh merde ! Par Talos ! tu te doute bien que ce n'était pas sérieux. Rien que de belles paroles de soldats se motivant pour la guerre, hein ?


Il sonda le visage de son amie mais ne trouva aucune expression laissant penser qu'elle goutait la plaisanterie. Ce n'était que le premier jour de la guerre. Nul ne savait jusqu'où pouvaient aller les paroles pour peu que la situation du front s'aggrave, que le moral des citoyens ne se détériore et qu'ils ne se mettent à chercher des coupable... Elle l'avait bien vu lors des raids mené de part et d'autre de la frontière séparant le kahjiit des elfes de bois. D'innombrables bosmers avaient trouvé la mort de la main des hommes-chats pour le simple fait d'être né des elfes des bois. La petite elfe n'osait imaginer ce que pouvais donner une telle haine animale à l'échelle d'un continent.


" Désolé, " finit par admettre Ioreck. " Je ne voulais pas te blesser. Ni t'effrayer. "


" Je n'ai pas peur ! " protesta la petite elfe outrée.


" Que comptes-tu faire, toi ? "


En fait, elle avait menti : elle était morte de trouille. Quelle énergie, quelle force colossale fallait-il pour mouvoir vers la guerre un continent entier, la presque totalité du monde connu ? Comment des batailles se ayant lieu dans des contrées aussi lointaine que Leyawiin ou la Colovie pouvaient-elles influencer leurs vies aussi loin au nord, à l'autre bout du monde? Elle pour qui la guerre s'était toujours résumé à quelques dizaine de guerriers se pourchassant mutuellement dans un labyrinthe de jungle, la taille des peuples, des armées, des territoires en présence dépassait son entendement... Shaiélaè pensa à sa famille. Là-bas dans la forêt, ils ne savaient surement pas que la guerre grondait autour d'eux. Ne le sauraient jamais, et s'en fichaient. Mais peut être qu'un jour, elle les rattraperais. Et l'une ou l'autre des armées brûlera son village natal, pour une guerre qui n'était pas la leur.

Cette peur d'un vide immense et inquiétant s'étalant au dehors des frontière rassurante du connu lui rappelaient un événement qui lui était arrivé dans sa plus tendre enfance. Elle n'avait alors pas plus de quatre ans et ne s'étaient jamais éloigné bien loin des huttes tressées dans les arbres formant le village où elle était née. Ce jour là, son père l'avait emmenée pour une promenade. Ils avaient marché longtemps, tout l'après-midi en fait. Si bien que la nuit était déjà tombée depuis longtemps lorsqu'ils parvinrent à une clairière située au sommet d'une colline. Là, Shaiélaè avait découvert le ciel nocturne et sa myriade d'astres. Depuis toujours qu'elle avait vécu dans la forêt, avec la canopée pour seul plafond. Pour seule limite à son champs de vision. Jamais elle ne s'était imaginé qu'il puisse y avoir autre chose au delà, quelque chose d'aussi étranger à son univers familier de branches et de feuillages : une infinité d'étoiles pointillant l'obscurité nocturne. Elle en avait ressenti ce jour là une frayeur indicible existencielle. Pendant de longue semaine, la petite elfe n'osa à nouveau regarder vers le ciel. C'était exactement cette frayeur qu'elle ressentait à l'instant.


Elle tendis une saucisse à Ioreck.


" Je ne sais pas. Je m'habituais tout juste à la routine de Taillemont..."


Ils mangèrent leur saucisse côte à côte. Shaiélaè aurait préférer qu'ils parlent d'autre chose que la guerre mais Ioreck ne semblait pas prêt à se détourner de ce sujet de conversation. Dans son enthousiasme, il ne remarquait pas non plus la mauvaise volonté que mettait son amie à répondre à cette discussion.


" Ma sœur va s'engager, je pense. Mon père est trop vieux pour se battre et mes frères trop jeune. Je ne compte plus à cause de mon exil, alors c'est elle qui portera à la bataille l'honneur de notre famille. Comment se passe le recrutement chez les elfes ? Sur le volontariat ou la conscription ? "


Shaiélaè l'ignorait. Pas plus qu'elle n'avait la moindre réponse aux questions qu'il lui posa sur les généraux à la tête de l'armée du Domaine ou ce qu'elle pensait du rapport de force.


" Les lois du Thalmor ne portent pas aussi loin dans la jungle, " consentit-elle à lui expliquer pour dissiper le malentendu. " Elles n'atteignent pas les tribus aussi éloignées des grandes villes que la mienne. Nous faisons parti du Domaine... sur les cartes et les documents officiel, c'est tout. Même les paroles du roi Camoran sont sans valeur de par chez nous. Nous ne suivons que les lois de la tribu, la tradition et le Pacte Vert. "


Le grand gaillard nordique se renfrogna, déçu du peu d'informations que son ami pouvait lui partager.


" Tu n'est pas du Domaine, alors. Et ta tribu t'a bannie. Alors qu'es-tu, pour cette guerre ? Que comptes-tu faire, toi ?"


La petite elfe leva les yeux, scandalisée. Elle évoquait toujours "son village" "sa tribu" "nos traditions" comme si elle en faisait toujours parti. Elle ne parlait jamais de son expulsion. Comme si en cessant d'en parler, ca serait comme si ça n'était jamais arrivé. En fait, elle ne se souvenait même pas d'en avoir parlé à Ioreck... Mais s'il parlait crûment, il avait raison. Ce n'était plus son village, sa famille. Aujourd'hui elle n'avait plus que Ioreck. Ioreck et les Lynx-Noir.


" Je m'engagerais si tu t'engage. Si la compagnie se bat pour l'Empire, je ferais pareil. "

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