Honneur et Amertume

Chapitre 12 : Elinhir I : La Fin Justifie les Moyens

4619 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/01/2021 16:31

Un doux rayon de soleil filtrait à travers les rideaux translucide de la cuisine. Nora entra, bercée par les chant des alouettes qui gazouillaient dehors. L'une d'elle se posa un instant sur le rebord de la fenêtre ouverte, piqua une miette qui y trainait et s'envola de nouveau en lançant une joyeuse trille.


" Bien dormi ma chérie ? "


Sa mère lui souriait. Ses cheveux grisonnant s'emmêlaient autour de sa tête dans un désordre matinal. Elle lui aurait donné dix ans de moins avec cette coiffure sauvage. Son père surgit de dans son dos. Sa poigne ferme l'épaule de Nora pour la décaler gentiment de son chemin. Il sortait du cellier, les bras encombrés de petit bois qu'il déposa dans la huche près du fourneau. Le lait chauffait lentement, la tisane de sa mère également. Dans une jatte sur le buffet, d'appétissante galette attendaient leur tour de cuisson.

Comme à son habitude, les joues de son pères étaient déjà rasée de près. Il portait déjà ses beaux vêtements de négociant. Un homme matinal et méthodique. Jamais Nora ne se rappelait s'être un jour levée avant lui.


" Bien dormi ma chérie ? "


Les oiseaux chantaient, la bouilloire sifflait. Le vent léger du printemps apportait les effluves de tournesol du champs voisin. Son père chargea une à une les buchettes dans le fourneaux. Quelques braises s'échappèrent sur les dalles de pierre du sol et s'y changèrent en cendre.


" Bien dormi ma chérie ? "


Le souffle glacial du vent fouettait le visage de Nora. Les bottes de fer résonnaient à chaque pas sur le sol de roc et de poussière. La main de son père lui attrapa l'épaule. La poigne de son père secouait son épaule. La poigne d'un individu secouait son épaule. On secouait son épaule.


" Nora Loune ? Loune, vous m'entendez ? "


Nora ouvrit les yeux. Sa mère, son père, la cuisine s'effacèrent.


" Qu'est ce qu'il y a ? " demanda-t-elle en reprenant ses esprit à une vitesse hors du commun. L'agent des lames s'assit sur son lit de camps. Elle n'était pas chez elle, chez ses parents. Les murs nus de sa tente l'entouraient, éclairés par la lumière vacillante de la torche portée par l'un des légionnaire qui accompagnait l'officier qui l'avait réveillée.


" Réunion urgente chez Decianus. Le général requiert votre présence. Immédiatement."

Nora connaissait bien le sens du mot "immédiatement". Elle se contenta d'attraper le ceinturon de son sabre et de le boucler sur le chemin autour de sa chemise de nuit. Elle ne posa pas une question à son escorte, qui ne lui fournirent pas plus d'information. Decianus lui dirait tout, elle le savait.


Le général l'attendait sous sa tente, armé de pied en cap en dépit de l'heure tardive. Divers parchemins s'amoncelait sur la table devant lui. Son long calvaire a travers le désert lors des premiers mois de la guerre n'avait pas entamé son intelligence et sa détermination, mais marqué son corps de lourdes séquelles. Ses pupilles brûlées par le soleil limitaient sa vue considérablement. Il s'en passait pour commander et déléguait la tâche de voir pour lui au préfet Beautemps, son aide de camps. Ce dernier debout près du général, lisait inlassablement à haute voix les documents que Decianus lui réclamait.


Un individu accompagnait Decianus et Beautemps sous la tente. L'homme musclé patientait légèrement en retrait et observait le général méditer sur l'écoute de son courrier. Nora le reconnu dès l'instant où elle franchit le seuil de la tente.


" Siegfried ? " s'écria-t-elle, surprise, en le voyant. Elle s'approcha sans en croire ses yeux. Siegfried voulu lui serrer la main. Nora le salua plutôt d'une franche accolade.


Rien dans son apparence de laissait supposer que Siegfried était un agent des Lames. Il ne portait ni armure, ni sabre akaviroi. Seulement un uniforme et un glaive de légionnaire, lequel arborait les insignes d'une quelconque légion nordique. Mage redoutable, bretteur excellent, d'une taille et d'une force dissuasive, Siegfried servait en tant que garde du corps personnel de l'empereur Titus Mede II. Il n'intervenait habituellement pas lors d'opérations spéciales ou sous couverture. La coupe sanglante opérée par le Thalmor dans les rangs des Lames dès le début de la guerre les avait tous forcé à varier leur portefeuille de mission.


Ni l'un ni l'autre n'étaient si proche que ça, avant la guerre. Ils se côtoyaient de temps à la Tour d'Or Blanc ou au Temple du Maitre des Nuages. Nora voyageait souvent pour ses missions à l'étranger. Elle se trouvait à Hégathe au moment ou le Domaine Aldméri envahi Martelfell. dans le chaos qui suivit, elle pris d'elle-même l'initiative de s'attacher comme représentante de l'empereur auprès du général Décianus. Titus Mede II n'avait entériné son statut officiellement que bien des mois plus tard. 


Si elle calculait bien, cela faisait quatre ans... non, cinq... qu'elle n'avait plus revu ni Siegfried, ni aucun autre membres de son ordre. Elle le connaissait peu mais un simple visage familier la comblait de joie et elle l'accueillie comme le frère qu'il était.


" Comment vont les autres ? " demanda Nora avide de renseignement. Les informations ne filtraient qu'au compte-goutte,Cyrodiil et Martelfell. Il fallait souvent compter des semaines pour transmettre un message du front à Hauteroche, de Hauteroche à Skyrim par navire puis de Skyrim au front de Cyrodiil... si l'information arrivait à passer, elle arrivait bien souvent périmée au destinataire. Et l'hiver bloquant les routes du nord et des montagnes ne faisaient qu'aggraver le problème. " Le capitaine Pyrrhus va bien ? Et Faliden? L'empereur ? "


" Pyrrhus est mort en défendant la Cité Impériale pour permettre la retraite de l'empereur. Mort-d'Ours est à présent notre capitaine. Falinden a été exécuté par le Thalmor en Colovie. L'empereur... eh bien, c'est la guerre. Son empire est à feu et à sang, il a été forcé d'évacuer sa capitale. J'imagine que c'est suffisant pour deviner comment il se porte... Nora, s'il-te-plait, on célébrera nos retrouvailles plus tard. Je suis là pour des affaires urgentes.


Pyrrhus, Falinden... Nora se mordit la lèvre en silence et hocha la tête. Elle se ressaisit immédiatement, tâcha de se montrer professionnelle. Bien sûr que c'était urgent. On l'avait réveillée en pleine nuit. L'empereur avait envoyé un de ses garde les plus proche. Il ne portait pas son uniforme, sa mission devait être absolument officieuse. Pas d'autre officier d'état-major, seul deux agents des Lames et le général Decianus... et son aide de camp, bien sûr, qui ne comptait que pour être les yeux du général...


Trop poli pour les interrompre, Decianus avait observé sans mot dire les effusions des deux agents. A présent, il toussota légèrement pour leur rappeler sa présence et pris la parole pour confirmer ce que Nora devinait déjà. Il fixait un pan de de toile de tente vide par dessus son épaule. Il ne distinguait que sans vraiment voir son interlocutrice :


" Cette réunion n'existe pas. Si la moindre information sur le contenu de cet entretiens fuitait, volontairement ou non en direction des mauvaises oreilles, les conséquences seraient catastrophique, est-ce que c'est bien clair ? Nulle mention des points abordées ne devra être faites en dehors de cette réunion à qui que ce soit, nous compris, à moins je ne vous convoque à nouveau dans un cadre identique. Je partirais du principe que, si fuite d'information il y a, seul l'un de nous ne peut en être responsable. Les mesures nécessaires seraient alors envisagées..."


Son aide de camps pendant ce temps achevait les derniers réglages d'un dispositif d'enchantement disposé tout autour de la tente. Mieux valait faire preuve de zèle et le vérifier à deux fois. Les yeux rivés sur les parchemins de formule, il tournait en rond, marmonnait dans sa barbe et répandait au sol une dose copieuse de sels alchimiques. Siegfried s'agitait nerveusement. Pas étonnant : il ressentait en tant que mage ses pouvoirs s'engourdir et ressentait très probablement une sensation de malaise. Un effet secondaire de l'enchantement. Le sort combinait diverses formules qui visaient à rendre inaudible de l'extérieur les conversations sous la tente et brouiller les dispositifs magiques que des espions pourraient avoir introduits. Siegfried finirait par s'habituer à l'effet et s'en remettrait une fois sorti de la zone d'effet.


Siegfried pris une grande inspiration et se lança dès que Beautemps eut rangé ses parchemins.


" Comme vous le savez, l'état du conflit en Cyrodiil était jusqu'à présent catastrophique. L'ennemi semblait connaitre à l'avance les déplacement de nos troupes, toute prise d'initiative nous était impossible. La raison en est que l'ennemi connaissait effectivement à l'avance le déplacement de nos troupes. Le Thalmor était en possession d'un puissant artéfact daedrique, l'Orbe de Vaermina. Comme une boule de cristal hypertrophiée de diseuse de bonne aventure khajiit, il permettait aux elfes d'espionner en temps réel à peu près n'importe quel événement se déroulant sur le sol de Cyrodiil. "


Decianus de disait rien. Il écoutait en silence et son visage émacié ne montrait aucune forme d'émotion.


" Nos renseignements ont pris connaissance de l'existence de cet artéfact. Les Lames ont monté une opération, avec succès. Tyr est parvenu à détruire l'Orbe de Vaermina au nez et à la barbe du seigneur Naarifin. Cela confirme nos soupçons, le Thalmor collabore avec des forces daedriques. Reste à déterminer si Naarifin a agit seul ou avec l'adhésion d'Alinor mais là n'est pas la question qui nous concerne"


Ainsi Tyr était vivant ? Cet agent des Lames avait disparu en Oblivion au début de la guerre, tous le présumaient mort... Et les renseignements de l'Empire avaient finit par remporter une victoire en aveuglant ceux du Domaine ? Nora flairait le piège. Il ne pouvait y avoir que des bonnes nouvelles, Siegfried finirait fatalement par lui annoncer les mauvaises...


"Sans l'Orbe, " continua son collègue, " nous avons présent le champs libre disponible en Cyrodiil pour contre-attaquer. Voici donc le message oral émis à travers ma voix par l'Empereur Titus Mede II à destination du général Decianus, commandant en chef de l'armée de Martelfell : Nous allons contre-attaquer pour reprendre Cyrdodiil et nous allons frapper fort. Le plan prévoit un encerclement complet des forces aldméri postées en Cyrodiil, puis leur anéantissement aux alentours de la Cité Impérial. Ce sera une attaque surprise de grande ampleur, coordonnée entre l'armée de l'Empereur, celle du général Decianus et une armée venue en renfort de Skyrim, commandée par le général Jonna. L'attaque est prévue d'ici six mois. La date exacte ne dépend que des des considérations logistiques de l'armée du général Jonna et surtout de la capacité de l'armée de Martelfell à se présenter en temps voulu sur le flanc ouest. Il vous faudra abandonner le front de Martelfell pour faire mouvement en Cyrodiil, sans laisser à l'ennemi le loisir de découvrir vos intentions. Une fois cette partie du plan organisée, vous devrez faire parvenir à l'Empereur dans les délais les plus brefs la date exacte à laquelle il vous sera possible d'être en position dans la Grande Forêt, près à lancer l'offensive simultanément avec les autres armées."


Nora admirait Decianus. Wahouh... Comment avait-il fait pour entendre ça et rester aussi impassible, sans rien laisser paraitre de ses sentiments devant l'ampleur du message de Siegfried. Beaucoup d'informations à digérer en peu de temps. Nora ignorait par où commencer, son esprit sautait entre les différents problèmes soulevés par le plan sans parvenir à se fixer sur un seul d'entre eux en particulier.


" Abandonner... Abandonner Martelfell, comment ça ? Genre, abandonner ? Abandonner toute une putain de province? Ça fait quatre ans qu'on se bat pour ce désert de merde , on ne va quand même tout laisser tomber ce qu'on déjà sauvé et reconquis ? "


"Je vois deux options." dit calmement Decianus, après une longue minute pendant laquelle ses yeux morts fixèrent sans cligner la flamme d'une chandelle. " Option une : nous arrivons à prendre de court l'armée de Dame Arannelya et parvenons en Cyrodiil sans que le Thalmor ne se doute de rien. L'attaque surprise est une victoire, les troupes du Seigneur Naarifin capturés et tués pour la plupart à l'issue de la campagne. Il ne reste au Thalmor plus qu'une armée en Martelfell, alors que nous en avons trois ayant opérées leur jonction. A partir de là, nous pouvons gagner la bataille. Nous pourrions alors lancer une nouvelle campagne en Martelfell où nous aurions l'avantage, voir lancer une offensive au cœur du Domaine Aldmeri. En Elsweyr, par exemple. c'est évidemment la meilleure option, celle que nous souhaitons faire se produire. Nous pouvons perdre, aussi. Peut être que l'effet de surprise, même réussi, ne suffira pas à garantir la victoire. Martelfell ne sera pas alors la seule province à craindre une conquête totale...

Option deux : nous échouons à garder le secret, mais dirigeons tout de même notre armée en Cyrodiil. Dame Arannelya se lance à notre poursuite pour nous empêcher notre jonction avec les reste de l'armée impériale. Qu'elle réussisse où qu'elle échoue, elle délaissera ses conquêtes en Martelfell pour contrer le danger qui pèse sur les armées de Cyrodiil. Impossible de prévoir alors une issue à la campagne.


Les territoires de Martelfell sous nôtres contrôle ne courent aucun danger si le Thalmor nous croient encore là pour les défendre. Ils n'en courent pas plus si nous déplaçons le combat vers Cyrodiil. Ce plan a le mérite de placer le sort de la guerre entre les mains d'une bataille finale décisive plutôt que de la laisser s'embourber comme depuis déjà bien trop longtemps dans une guerre d'usure interminable."


Decianus parlait avec de plus en plus d'aise, comme un monologue pour lui-même, à mesure que le fil de ses pensées se dénouait. Ça n'était pas la première fois que Nora le voyait exprimer ainsi son génie stratégique. Elle avait déjà été témoins de scènes où le général dictait sans reprendre sa respiration des plans de campagne sur plusieurs semaines, où il décrivait de mémoire le déplacements des troupes à la légion près. Cette incroyable mémoire avait le don de dérouter les aides de camps préposées à la prise de note, Beautemps excepté.


" Le secret est notre seul véritable atout dans cette offensive, " dissertait Decianus. " Oblitérer l'armée de Naarifin en l'encerclant est chose possible, mais nos chances de réussite diminuent drastiquement nous avons Arannelya dans notre dos pour courir à son secours. C'est vrais Nora, nous saignons depuis quatre ans pour libérer la province. Je suis le premier amer à l'idée de laisser tomber nos efforts et notre revanche. C'est pour mieux frapper ailleurs, plus fort encore. Et mettre un terme à la guerre. C'est aussi ça qui garantira le secret de notre plan : jamais le Thalmor n'imaginera que nous puissions abandonner Martelfell, laisser la province sans défense. Marcher sur Cyrodiil est un mouvement audacieux qui contredit les choix stratégiques que nous avons opéré depuis le début de la guerre. Arannelya sera prise de court. Le secret est notre véritable atout. L'audace et la vitesse seule ne suffisent pas. Nous avons trois mois pour cacher au Thalmor la disparition d'une armée entière..."


Nora restait circonspecte.


" Comment comptez-vous faire ?"


" C'est pour le décider que vous êtes là..." Decianus se tourna vers la carte et pointa du doigt la région entre Skaven et l'Etoile de Dragon. Beautemps se précipita pour l'aider, le général déclina son aide d'un mouvement de doigt. Il avait mémorisé l'emplacement des lieux identifiés précédemment par son ordonnance, et n'avait plus besoin de son aide. " Nous somme ici. Arannelya est un peu plus au sud-ouest. Nous avons six mois pour nous disposer environs... ici. " Ses doigts tatonnèrent sous la vaste carte pour en tirer une plus petite montrant la province de Cyrodiil. Ses yeux blanchâtre la fouillèrent un moment pour trouver ce qu'ils y cherchaient. Beautemps se dévoua et pointa la région de Chorrol :


" Ici, général. Dans la Grande Forêt."


" Merci. Ici, donc. Le plus rapide serait de longer le désert , le plus discret de passer par les collines. "


Nora fronça les sourcils en examinant la carte de la province


" Elinhir est sous contrôle Aldmeri, la cité bloque la route dans les deux cas. Impossible de passer sans l'assiéger, ni de la contourner sans que des éclaireurs ne remarquent le mouvement. A combien d'hommes s'élève la garnison ?"


" Peu, mais l'assiéger prendrait trop de temps et surtout, avertirait dame Arannelya. Même en supposant que la ville tombe avant qu'elle ne brise le siège, nous pourrions dire adieu à notre effet de surprise. Elinhir doit être neutralisée pour que le plan fonctionne. Mais il faudrait s'en emparer par des moyens moins conventionnels... Je fais confiance à vos talents de Lame pour trouver une solution."


Nora promit de réfléchir. Comment prendre Elinhir d'ici six mois sans que le Thalmor ne se mette à suspecter leurs intentions... ?


"Réfléchissez, mais dépêchez vous, Nora. Le temps joue contre nous. Quand à l'armée d'Arranelya, je pense que nous pourrons la leurrer de manière à lui faire croire que nous occupons toujours nos positions après notre départ. Nous laisserons à Martelfell une force restreinte qui simuleront des activités comme si de rien n'était. Les blessés, les éclopés, les trop vieux resteront. Quelques vétérans aussi. Des soldats capable de frapper fort et vite comme s'ils étaient dix fois plus nombreux. Il faudra rejoindre à Cyrodiil à marche forcée, alors personne qui ne puisse nous retarder. Je veux que les nomades alik'r redoublent leur guérilla sur les arrières et les trains de provision des elfes. Il faut les tenir occupé, détourner leurs yeux de la route que nous emprunterons. Nora, concentrez vous sur la prise d'Elinhir, c'est la priorité."


L'esprit de Nora bouillait. La plan de l'Empereur ne la convainquait pas. Elle le trouvait trop brutal, trop risqué. Mais elle n'avait pas le choix, elle devait mettre en œuvre toute ses compétences pour le faire réussir... Par Akatosh, quelle nuit ! Aurait pu-t-elle imaginer apprendre de telles nouvelles en se couchant hier soir ? Nora hésitait. Aller se recoucher, ou rester debout ? Une part en elle lui dictait de prendre le temps de calmer ses émotions pour commencer rationnellement sa phase de réflexion. Une autre lui hurlait de ne pas perdre la moindre seconde. Maudit soit l'Empereur et ses satanés plans...


" Dans combien de temps retourne-tu auprès de l'empereur ? " demanda-t-elle à Siegfried.


" Je n'y retourne pas. Ma mission n'est pas seulement de vous informer du plan d'attaque, mais aussi de vous assister pour le mettre en œuvre et veiller à en garder le secret. Si tu pensais que la prise d'Elinhir était la partie complexe... Moi, je dois purger cette armée de chaque espions aldméri... Sans mettre la puce à l'oreille aux renseignements du Thalmor."


Le soleil se levait. Tant mieux. De la chandelle moribonde de Nora, il ne restait qu'un moignon flasque qui coulait dans une flaque de cire. Nora appuya ses pieds sur la table pour se pencher en arrière sur sa chaise. Elle passa ses mains sur son visage et se frictionna yeux. Ils se fermaient tout seul. Mais pas de sommeil maintenant. Elle se força à les garderlaissa ouvert, perdu dans l'obscurité de ses mains qui lui cachaient la pile de papiers accumulés sur son bureau. Beautemps lui avait fourni avant qu'elle ne se mette au travail toute la documentation nécessaire pour penser à un plan. Des rapports, beaucoup de rapport. Et des cartes. Plus qu'il n'en fallait pour noyer sous la masse d'information le sujet réel de ses recherches. Si un œil indiscret venait à y fourrer son nez, il ne saurait deviner l'opération en cours.


En embryon de plan avait germé dans son esprit, mais elle n'aimait pas les conséquences qu'il entrainerait fatalement. Nora le mit de côté et concentra son esprit à la recherche d'une autre solution. D'une meilleure solution. Le raie de lumière qui filtrait à travers ses doigts l'irritait. Elle les resserra pour la masquer. Il fallait autre chose. Mais l'espionne eut beau chercher, toujours la même idée revenait la hanter. Toujours l'ombre du même plan...


" La fin justifie-t-elle les moyens ? "


Nora n'avait pas postulé pour entrer chez les Lames. Mais quand un officier l'avait approché pour lui dire que son profil intéressait l'organisation, la jeune aventurière qu'elle était avait sauté sur l'occasion. Les candidats se comptaient par dizaine, mais cette année les Lames n'en recruteraient que trois, lui avait-on dit. En poussant la porte du bureau du capitaine, avec qui elle avait rendez-vous pour un entretient individuel, Nora ne pensait pas un seul instant qu'elle puisse pour de vrais faire partie des heureux élus. Elle avait pourtant de la fougue à revendre et s'était bien décidée à donner le maximum qu'elle pourrait offrir.


Le capitaine Pyrrhus lui apparu comme un homme sec mais courtois, qui en imposait beaucoup dans sa somptueuse armure vernie akaviroise. Et les traces d'usures du katana rangé dans le fourreau laqué à sa ceinture prouvait qu'il ne s'agissait pas que d'une arme de décoration, si beau et ouvragé soit-il.


Il lui fit d'abord parler d'elle. Nora se présenta comme une exploratrice, qui avait accompagné nombre expéditions archéologiques à la découverte de tombes et de cités oubliées. Elle mis en avant son ingéniosité, sa détermination et son instinct, assura le capitaine de sa loyauté et de son honnêteté. A l'aise, décontractée, la candidate répondit du mieux qu'elle pouvait à toute les questions que lui posait le capitaine Pyrrhus.


Et puis il lui demanda d'improviser à l'oral une petite dissertation :


" La fin justifie-t-elle les moyens ? " demanda à Nora Grand Maitre de l'Ordre des Lames.


Jamais Nora n'était pas une grande intellectuelle. Elle était intelligente, oui, maligne, avait acquis quantité de connaissances empiriques au gré de ses voyages. Mais scolaire, elle ne l'avait jamais été. Elle laissa donc ses pensées s'exprimer sincèrement, à l'instinct. Son instinct qui ne l'avait jamais trompé. Ses idées désordonnées ne suivaient guère l'académique plan de thèse, antithèse, synthèse, l'exploratrice abordait souvent un point pour revenir dessus quelques phrases plus loin. Quoi qu'il en soit, après plusieurs minutes d'exposé, Nora parvint à la conclusion suivante :


"... Quand à savoir si la fin justifie réellement les moyens, tout dépend en réalité de quelle est la fin et de quels sont les moyens. La difficulté du métier d'agent secret revient donc à juger de la balance entre ses deux éléments, pour trouver la solution correcte au problème donné : les Lames prêtent serment à l'Empereur mais si tenir ce serment revient à trahir l'Empire et ses habitants, alors peut être que la fin ne justifie-t-elle pas les moyens. Je dirais donc que la plupart du temps, la fin justifie effectivement les moyens dans un métier dans un métier comme celui des Lames où un nombre incalculable de vies dépend des choix qui sont fait. Mais si faire ce choix au nom de la fidélité revient à trahir d'autres serments qui nous définissent, alors peut-être mieux vaut-il chercher une autre solution. Tout dépend du contexte, la difficulté du métier résidant je pense, dans la capacité à prendre sous pression des décisions dont les conséquences peuvent se révéler dramatique. Il faut alors garder son sang-froid, et faire preuve tout à la fois d'instinct et d'esprit critique, de pragmatisme et de compassion. "


Nora quitta le bureau et passa les jours suivant repasser l'entretient mentalement, à s'imaginer dire telle ou telle chose à la place d'une autre, à rajouter tel détail qu'elle avait oublié d'aborder. Deux semaines s'écoulèrent sans que personne ne la recontacte. Elle commençait à se dire qu'elle pouvait dès à présent tirer un trait sur sa carrière d'espionne et retourner explorer des ruines antiques. Nora s'apprêtait à quitter l'auberge où elle vivait le temps de son séjour à la Cité Impériale lorsqu'un agent des Lames vint la trouver dans sa chambre. Elle était acceptée.


Sept ans plus tard et après des heures de réflexion, Nora en était venu à la conclusion que peu importe la manière, prendre Elinhir de force attirerait aussitôt l'attention du Thalmor. Jusqu'alors, les efforts de la Légion en Martefell se concentraient principalement sur la côte ouest de la province. Decianus avait raison : faire mouvement vers l'est finirait nécessairement par faire deviner aux stratèges du Domaine leur intention de faire jonction avec Cyrodiil . Et toute les façons qu'elle pouvait imaginer pour prendre la cité par surprise ou la contourner discrètement se heurtaient toujours au même et unique problème : Il suffisait qu'un seul elfe ne donne l'alarme pour que tout soit réduit à néant. Il fallait donc que l'Empire ne soit pas impliqué. Mais si les rougegardes capturaient eux même Elinhir sans l'intervention de la Légion, sans doute les enverrait-il des renforts la reprendre avant que l'armée n'ai eu le temps de passer. Non. L'unique conclusion aux yeux de Nora, c'est qu'il fallait le Thalmor leur donne la ville de leur plein gré, contre la volonté de l'Empire...


Nora avait donné rendez-vous à ses hommes dans la campagne rocailleuse à bonne distance du camps. Ils seraient plus tranquille ici, mais elle insista tout de même pour qu'ils inspectent attentivement les environs s'assurer qu'aucun indésirable ne s'y cachait. Ils revenaient peu à peu de la fouille, prenez place sur les rochers à l'ombre des figuiers et des lauriers-roses. Nora les laissa s'installer, attendit qu'ils soient tous là.


Rachid, le alik'r, jouait avec son poignard. Corin et la bosmer Shiala plongeaient leurs bras dans les branchages du figuier, à la recherche d'une récolte de fruits mûrs. Hadrian et Fabienne montaient la garde un peu à distance, prêt à donner l'alarme au cas où des intrus approcheraient. Ils n'attendaient plus qu'Olrik et Arcturus, qui approchaient tout juste d'un pas tranquille. Quand ils s'assirent, toute l'équipe de Nora fut en place. L'espionne était la tête qui pensait eux meilleurs moyens de nuire au Thalmor. Et eux, ses bras qui permettaient à ses idées de prendre vie.


" Nous allons à Elinhir, " leur annonça-t-elle après un bref instant à chercher les meilleurs mots. " Nous allons soulever la cité contre l'occupant aldmer. "


Nora disait la vérité à ses hommes. Elle leur cacha seulement ce que cette insurrection couvrait. La fin justifiait les moyens...

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