L'ombre du Mal

Chapitre 4 : Retour de l'autre côté

5702 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:59

De l'autre côté, après quelques secondes d'adaptation à la lumière à cause du portail, je me retrouve dans une maisonnette en ruines, sans toiture, sous les étoiles. Un vrombissement proche, ainsi qu'une lumière rougeâtre dans le ciel et une odeur de soufre, m'indiquent que je suis au bon endroit. Je regarde au-dehors par-dessus les briques. Autour de la maison, il n'y a que des dunes. Je souris. Je suis bien à la maison du pendu.

-Saleté de portail! peste une voix dans mon dos. Je ne vois rien!

Je me retourne. Arnael est là et avance à tâtons vers un trou dans le sol. Je l'appelle et il s'immobilise avant de se tourner dans ma direction.

-Lena? ou es-tu ?

-Juste là, répondis-je. Attention! criai-je à Ernaelle qui venait d'arriver.

Elle s'immobilise à son tour, en attendant de voir de nouveau clair. Puis Thalerior sort du portail et ne  bouge pas, la main sur son épée.

-Lena? demande-t-il.

- On est bien arrivés, répondis-je.

- Quel est ce bruit? demande Ernaelle.

- Des usines, lui répondis-je. Elles ne sont pas très loin.

- Qu'est-ce que c'est?

- Le lieu où sont fabriqués certains éléments pour fabriquer des objets, dans ce monde-ci, dis-je.

-Ah.

Arnael sursaute d'un coup.

- Lena, tu n'aurais pas eu un meilleur endroit d'atterrissage? dit-il en désignant le trou devant lui.

- Je ne connaissais pas l'état des lieux, répondis-je.

- Tu n'es jamais venue ici? me demande-t-il, surpris.

- Non. Je n'ai jamais pu. À cause du terminal méthanier, on ne peut plus y accéder que par la plage. Et seulement à marée basse.

- C'est quoi un terminal méthanier? me demande Ernaelle.

- On s'en fiche, lance Arnael, en colère. Tu n'aurais pas pu nous prévenir avant que tu ne connaissais pas le lieu? 

-Stop, intervient Thalerior. Le plus important pour l'instant c'est de savoir ce qu'on va faire.

Il se tourne vers moi.

-Lena, tu as une idée?

- Je pourrais téléphoner à ma meilleure amie pour lui demander de venir...mais je ne suis vraiment pas sûre de sa réponse.

-Téléphoner ?

Je soupire.

- En gros lui parler à distance grâce à un téléphone. J'en ai un chez moi, mais si ça fait trois jours que j'ai disparu dans ce monde-ci, je ne pourrai pas y accéder comme ça...

- Et...on y va comment, chez toi?

- Par la plage. On partira à marée descendante. Ça nous laissera un peu de temps pour trouver un moyen de récupérer mon portable et de parler à Clara.

- Il faudrait un voleur...propose Arnael.

- Et des potions, dit Ernaelle. Une d'invisibilité et une de silence, pour éviter de se faire repérer.

-Bonne idée. Mais qui ira? demandai-je.

-Toi, propose Arnael.

-Je ne peux pas. Si on me voit, vous ne me verrez plus jamais...

- Alors tu iras, Arnael, dit Thalerior.

-Il me faudrait la description de ton portable, me dit-il.

-C'est une espèce de boîtier noir avec un écran et assez petit, dis-je. Il tient dans ma main.

-Heu...je ne suis pas sûr de comprendre...

Je soupire de nouveau avant de fouiller dans les décombres de la maison pour chercher un morceau de bois. À l'aide de ma dague, je sculpte la forme de mon téléphone, d'une taille à peu près bonne, avec les touches et les détails au dos.

-Il ressemble à ça, dis-je quand j'ai fini. Il y a ce symbole dessus, au dos. Et il est entièrement noir. De la même dimension, à peu près. Et dans un matériau appelé plastique.(je prends un morceau de plastique par terre) À peu près la même texture au dos. L'écran est fait dans une espèce de verre sombre. Normalement il y a un câble avec.

-D'accord. Je vais voir ce que je peux faire, me dit-il.

  Après avoir pris trois flacons de potions différents, il me demande la direction de la mer, ainsi que le chemin de ma maison. Je l'accompagne jusqu'à la plage. L'air de la nuit est un peu frais, mais doux. Un léger vent souffle sur la côte. La marée est haute, mais elle ne devrait pas tarder à redescendre. J'enlève mes chaussures et trempe mes pieds dans les vagues. L'eau est froide. Glacée, même. Mais je garde les pieds dans l'eau. Arnael me regarde d'un air amusé.

- Tu ressembles à une petite bosmer qui voit la mer pour la première fois de sa vie, me dit-il.

Je hausse les épaules avec un sourire. Les vagues me lèchent les orteils et le sable sous mes pieds me chatouille. Puis, au bout d'un moment, je  m'assois sur un rocher, les pieds toujours dans l'eau. Le vent agite doucement mes cheveux dorés.

-Il faudrait trouver des vêtements plus discrets, dis-je.

-Où ? me demande le thalmor.

-En ville. C'est notre seule chance. J'en ai chez moi, mais seulement ma taille.

- D'accord.

Le silence retombe en attendant la marée basse. Je distingue la petite cabane entre les collines, au loin. La maison du pendu. Je ne pensais pas que j'y irais un jour. Surtout pour en faire un repaire de thalmors.

Je songe à tout ce qu'il s'est passé ces derniers jours, surtout à Tamriel. Clara me croira-t-elle?

  Le doux son des vagues me berce doucement. Je sens mes yeux se fermer tout seuls. Je m'allonge sur le sable, entre les oyats. J'entends la respiration d'Arnael, tout près. Il fredonne quelque chose. Je le regarde. Il contemple les vagues, le regard vide, perdu dans ses pensées. Puis il tourne la tête vers moi et sourit. Je lui souris aussi, avant de fixer le sable à côté de moi. Au bout de quelques secondes, il s'envole en un petit tourbillon vers les étoiles. Je le regarde et laisse échapper une exclamation d'émerveillement. Arnael rit. Je le regarde. Il a une main levée vers le sable. Ce dernier se regroupe pour former un poisson, puis une étoile, et d'autres formes. Je me met à rire aussi.

-C'est magnifique, dis-je.

- Tu veux faire pareil? me demande-t-il.

- C'est possible?

-Bien sûr ! Au début, tu ne feras voler que quelques grains, mais avec de l'entraînement tu pourrais faire voler toute la plage!

-Vraiment?

Il rit.

-Oui!

-Comment vous faites? demandai-je.

- Commence par te concentrer sur l'énergie en toi. Dès que tu l'auras captée, puise en elle pour rendre tes pensées réelles et faire voler le sable.

  Pendant une heure,je m'acharne sur le sable, mais rien ne bouge. Arnael me dit, alors que je sens la colère m'envahir :

-ne laisse pas ta colère te guider. Repense à ce que j'ai fait, tout à l'heure. Et essaye de retrouver l'énergie qui t'as servie à protéger Thalerior des dwemers.

J'essaye. Je repense à ses dessins de sable dans le ciel, à la peur de voir les dwemers tuer Thalerior, à la détermination qui m'a permis d'utiliser mes pouvoirs ce jour-là... Et je la sens. L'énergie magique déferle en moi comme une vague de puissance. Elle m'envahit, et je sens un léger picotement au bout de mes doigts. Je lève la main en visualisant les dessins d'Arnael. Je ferme les yeux pour mieux les voir. Déjà, juste quelques grains de sable en vol...

-Oui! me crie Arnael. Tu y es!

  J'ouvre les yeux. Devant moi, un tourbillon de sable s'est créé. Le vent s'est levé, aussi. Je sens la magie couler en moi, déferler dans mes veines, prendre la place de l'air dans mon sang, devenir l'élément qui me fait vivre. Le sable semble s'animer, et je lève l'autre main. Le sable et l'eau se mêlent en un ballet aérien merveilleux. Je me mets à rire. Le sable forme un smiley souriant, l'eau forme deux sphères pour les yeux, et le tourbillon s'arrête. Puis des coquillages volent au-dessus de nos têtes, forment des ailes immenses, animées par la seule force de la magie. Le vent se renforce encore et je m'imagine voler pour toucher le smiley de sable. Je pousse un cri de surprise en quittant le sol. Arnael aussi, mais lui reste à terre. Et je sens la peur m'envahir...

 Avant de chuter brusquement, à une dizaine de mètres du sol. Je hurle en imaginant un parachute. Soudain ma chute ralentit et Arnael crie. Je lève les yeux. Un oiseau de sable géant me retient! Il me pose sur le sable avant de tomber en poussière. Arnael se précipite vers moi.

-Tu vas bien? me demande-t-il.

- J'ai cru que j'allais m'écraser, dis-je en tremblant.

-J'ai eu peur aussi, me dit-il. Je ne pensais pas...

-Que j'allais m'envoler ?

- Que tu maîtriserais la magie aussi vite! Et, oui, je ne pensais pas que tu pourrais t'envoler...

Puis il baisse les yeux.

-Je n'aurai pas dû t'expliquer...et encore moins te laisser faire...

-Si,affirmai-je.

-Non. Je n'aurai pas dû...tu as failli mourir...

-Mais je ne suis pas morte, dis-je. Maintenant, allons-y. La mer commence à descendre.

-D'accord.

  Nous commençons à marcher dans le sable en suivant les dunes. Arnael s'est tu et ne semble plus vouloir parler. Il marche à côté de moi, lui sur le sable, moi dans les vagues. Mais son silence est pesant. Je voudrais tant qu'il arrête de s'en vouloir... J'en profite pour le détailler un peu. Il est grand, environ 1,80 mètre, un peu musclé et, je dois le dire, très beau. Ses longs cheveux dorés flottent dans le vent, son visage traduit ses émotions très facilement. La seule chose que j'ignore, c'est son âge. Il ne semble pas très âgé... Mais j'ignore si le temps passe de la même façon pour les altmers que pour les humains. Il finit par tourner la tête vers moi. Je regarde le sable, incrusté de coquillages.

-On est encore loin?

-Je ne sais pas du tout. Je pense qu'on atteindra la digue dans pas longtemps, une demi heure au maximum. À partir de la, je saurai me repérer. Mais je n'ai jamais fait ce trajet à pied...

-Tu ne nous es pas d'une grande aide, là...

-Hey, je fais ce que je peux! Je n'ai que 15ans, je vous signale !

-15 ans? me demande-t-il avec une pointe de moquerie dans la voix. Je pensais que tu en avais moins...

Sans réfléchir, je lève la main. Une vague arrive, passe au-dessus de moi et s'écrase sur lui. Il hurle de surprise, tout en dégoulinant. Je me mets à rire.

-Ah tu veux jouer à ça? me demande-t-il avec colère.

Il lève les bras. Une vague de sable se soulève de la plage, se transformant en géant. Je hurle quand le géant, en obéissant à Arnael, m'attrape et m'entraîne dans les vagues. Je m'imagine le sable se faire désintégrer par les vagues. La mer m'obéit et je tombe dans les vagues en même temps que le géant de sable. Je nage jusqu'à la côte. Arnael me regarde avec un sourire triomphant. Une autre vague s'écrase sur lui, lui faisant boire la tasse. Je me mets à rire. Il finit par venir vers moi à grands pas. Je m'enfuis en courant et en riant toujours, malgré le froid qui commence à me ronger. Arnael me rattrape rapidement et me dit:

-Tu l'auras cherché !

 Il réussit à me bloquer...et commence à me chatouiller. Je n'arrive plus à respirer tellement je ris. Je finis par le supplier d'arrêter. Après m'avoir chatouillé encore quelques secondes, il arrête. Je reste allongée sur le sable, incapable de m'arrêter de rire. Il me faut plusieurs minutes pour me remettre. Quand je réussis enfin à respirer, je lui dis:

-Dans mon jeu, sur la ps3, ils disent que les thalmors sont réputés pour leur capacité à torturer les gens. Je leur donne 100%raison!

Il lève les mains en me disant:

- Tu en veux encore?

-Non! hurlai-je.

Il se met à rire.

-Je crois que j'ai trouvé ton point faible...me dit-il.

Puis me tend la main.

-Allez, viens. On a encore de la route, d'après ce que tu m'as dit.

Il me remet debout et nous reprenons la route en parlant un peu.

  Au bout d'une demi heure, nous arrivons à la digue. Arnael me demande:

- Et maintenant?

-Il faut monter là-dessus et s'éloigner de la mer.

Ce que nous faisons. Mais quand nous commençons à nous approcher des usines, Arnael devient nerveux et je le vois poser la main sur la garde de son épée. Moi-même, je ne suis pas du tout rassurée. Ces usines m'ont toujours fait peur. Mais nous devons passer par là. Nous passons entre elles. Elles sont immenses et vraiment terrifiantes au coeur de la nuit. Instinctivement, je me rapproche un peu d'Arnael.

  Enfin, au bout d'un temps qui me semble interminable, nous nous éloignons des usines. Nous continuons à marcher au bord d'une route. De temps en temps, une voiture passe et fait sursauter Arnael. Au bout d'une dizaine de voitures, j'esquisse un sourire, et il tourne la tête vers moi en me foudroyant du regard. Nous finissons par arriver en ville. Mais il y a encore une passerelle en travaux à traverser,et nous ne pouvons pas passer avec nos tenues actuelles. Je l'entraîne dans une petite rue, avant de foncer dans la direction d'un magasin de vêtements. Ce dernier est fermé.

-Mais qu'est-ce que tu fais? me demande-t-il.

-Je cherche un moyen de trouver de quoi se fondre dans le décor, répondis-je en regardant une fenêtre à l'étage.

- Et ?

-Il faudrait entrer là-dedans.

- Et tu veux faire ça comment?

-Il y a des appartements à l'étage. Il suffirait de passer par une fenêtre là-haut et de descendre à l'intérieur après avoir coupé l'alarme.

-Ton plan semble risqué, me répond-il. C'est trop dangereux. Imagine que quelqu'un soit réveillé ou qu'on coupe mal l'alarme... Nous n'avons aucune chance!

-On y arrivera, dis-je. Au pire on s'enfuit avec une potion d'invisibilité.

Il lève les yeux au ciel et soupire, puis il sort une fiole de sa poche et me la tend.

-Bois ça, me dit-il.

-C'est quoi? demandai-je.

- Une potion de silence. Comme ça on te repérera moins facilement.

-D'accord.

Je bois le contenu. La potion a un goût de miel et de fleur, ainsi qu'une légère touche amère. Arnael en boit une autre. Puis il me demande:

-On escalade?

Je hoche la tête et pose mon pied dans un trou du rideau de métal. Arnael fait de même. Nous escaladons la maison assez vite. Arnael arrive le premier et me fait signe de me dépêcher. Je fronce les sourcils en lui faisant comprendre que je suis plus petite. Il a visiblement du mal à s'empêcher de rire, ce qui m'énerve encore plus. Mais je finis par atteindre le sommet. Une fois en haut, il pose les mains sur la vitre et fait céder le mécanisme. La fenêtre s'ouvre sans un bruit.

  Une fois à l'intérieur, les choses se compliquent. Nous sommes bel et bien dans un appartement, mais nous ne savons pas quelle porte mène au magasin. Arnael fait alors apparaître une ligne bleue sur le sol. Elle se dirige vers la porte de la pièce. Je regarde le sorcier, émerveillée. Il me gratifie d'un sourire en coin avant de me faire signe de le suivre.

  Derrière la porte, il y a un escalier qui mène à l'étage inférieur. En bas, je retiens Arnael, qui se retourne, sourcils froncés. Je lui montre le boîtier sur le mur et il comprend. Je lui demande toujours sans un mot, une petite lumière pour éclairer l'alarme. Il laisse échapper une légère lumière bleutée, semblable à celle qui émanait de sa main la nuit où ils sont venus chez moi. Je contemple sa main deux secondes avant de me concentrer sur le panneau. Je distingue parfaitement le panneau de contrôle de l'alarme, ainsi que le code pour l'éteindre. Mais je n'ai pas le code... Sans lui, impossible de passer! Des chiffres me viennent alors à l'esprit:6,8,9,3,1, ainsi que l'instinct qu'il s'agit du code. Je les tape et le panneau met: "alarme désactivée." je retiens un cri de joie. Cette fois, c'est au tour d'Arnael d'être impressionné. Je le regarde avec un sourire triomphant. Après quelques secondes, il me sourit aussi. Puis nous nous dirigeons vers la porte de magasin. Il s'arrête sur le côté et me fait signe de passer devant lui. Je souris et  ouvre la porte. Nous tombons bien dans le magasin. Il me regarde,l'air perdu. Je lui montre un côté du magasin en lui faisant comprendre de choisir un truc. Il hoche la tête et s'éloigne dans les rayons. Avant qu'il parte, je lui fais signe qu'il a dix minutes pour choisir. Quand à moi, je vais choisir une tenue de mon monde. Je prends un slim noir troué avec un t-shirt noir sur lequel se trouve une rose rouge entourée d'un dragon. Comme chaussures, je prends des bottines noires décorées de morceaux de métal avec un léger talon. Je prends aussi un gilet noir.

  Dix minutes plus tard, je retrouve Arnael, vêtu d'un jean et d'un t-shirt noir. Il a des baskets aux pieds. Je lève les pouces avec un clin d'œil pour lui faire comprendre que c'est nickel. Il semble hésiter, puis me fait signe de le suivre. Je le rejoins dans un rayon gothique. Il me montre un t-shirt avec un ange aux ailes noires avec un air interrogateur. Je hausse les épaule et lui fait comprendre d'essayer. Il me fait signe de me tourner, ce que je fais en contemplant des chaussures à semelles compensées devant moi. Puis il me tapote l'épaule et je me retourne. Il me regarde, un peu inquiet sur son apparence. Et je dois dire que cette tenue lui va très bien. Il doit le comprendre car il me sourit. Je lui tend les chaussures que j'avais vues. Il les essaye. Et la, c'est juste parfait. Puis il m'entraîne vers la sortie que nous avions prise. Avant je le fais passer à la caisse pour retirer les antivols. Et nous des sortons.

  Une fois dehors, il me dit:

- Très joli, ton...

Il pointe mon haut.

-Ça s'appelle un t-shirt, lui dis-je.

-D'accord. Et ça?

-Un gilet.

- D'accord.

  J'hésite quelques secondes avant de dire:

- C'est bizarre de voir un thalmor en tenue gothique...

Il sourit.

-Alors c'est donc ça que tu appelles gothique!

Je hausse les épaules.

-Ça, ce n'est rien, dis-je. La plupart des gothiques ont des piercings, des tatouages et des boucles d'oreilles.

-C'est quoi un piercing?

-C'est comme une boucle d'oreille, sauf que ça peut être partout. Par exemple sur la lèvre, sur le nez...

Il me regarde avec des yeux ronds.

-Je sais, je sais...c'est bizarre.

-Et tu veux en avoir? me demande-t-il.

-Peut-être un tatouage.

-D'accord.

   Le silence s'installe. Je contemple mes mitaines. Puis au bout d'un moment, Arnael dit:

-On devrait peut-être y aller.

-Oui.

Je me lève du mur où je m'étais assise. Arnael est déjà debout. On repart dans la rue. Il fait toujours nuit, mais je sens que le soleil ne va pas tarder à se lever. Nous approchons de la passerelle en travaux. Elle passe au-dessus d'un parc. Nous passons par celui-ci. De l'autre côté, nous arrivons dans une rue proche de la mienne. Je me stoppe net en voyant une voiture de police dans la rue. Arnael me demande:

-C'est quoi?

-La justice de ce monde. Ils doivent enquêter sur ma disparition.

Je frissonne.

-Ça va? me demande Arnael.

-Je... Je ne suis pas sûre de continuer, soufflai-je.

-Je comprends. Dis-moi juste où se trouve ta maison.

-C'est le 26. Vous la trouverez facilement. Mais je ne pense pas que vous pourrez passer par l'entrée. Il doit y avoir des policiers.

-D'accord.

-Ma chambre se situe côté jardin. C'est la fenêtre à gauche quand on regarde la maison. Le volet est peut-être fermé.

-D'accord.

Il sort une amulette de sa poche.

-Tiens, me dit-il. Elle te protégera en attendant que je revienne.

Je repousse sa main.

-Non, répondis-je avant qu'il ne proteste. Je n'en ai pas besoin. Vous, si.

Il me  fixe quelques instants. Puis il me dit:

-D'accord. Si dans deux heures je ne suis pas revenu, retourne voir les autres.

Je ne dis rien. Mais avant qu'il parte, je lui dis :

-Au fait...

Il se retourne.

-Oui?

-Vous pouvez me ramener mon mp3, en plus de mon portable? Il est très fin, long comme un doigt et pas très large. Il y a un écran comme celui de mon portable et le tour et le dos bleu. L'avant, du côté de l'écran, est blanc. Normalement, il y a un fil branché dessus. A un moment, ce fil se divise et au bout il y a des écouteurs. Ce sont des espèces de boules blanches un peu déformées.

-Je vais voir si je le trouve.

-Merci.

Il hésite un instant, puis repart dans la rue. Je le regarde s'éloigner avant de me percher en haut d'un arbre. De là, j'ai une meilleure vue sur la rue en contrebas, et j'aperçois le toit de la cuisine aménagée au-dessus duquel se trouve la fenêtre de ma chambre. Au bout de quelques minutes, j'aperçois une ombre escalader la façade, puis elle disparaît. Je croise les doigts en espérant que tout se passera bien.

   En attendant qu'il revienne, je me perds dans mes pensées en contemplant les étoiles. Je revois la nuit de leur arrivée chez moi, la peur d'être découverte, et la surprise face à Arnael, que je ne connaissais alors pas... puis je repense à son sourire quand il m'a vue utiliser la magie... 

  Je ne vois pas le temps passer. Au bout d'un moment, une main se pose sur mon épaule et me fait sursauter. Je me rattrape de justesse à une branche en criant. Arnael apparait au-dessus de moi, un sourire aux lèvres. Il saute souplement au sol, soit presque vingt mètres plus bas! Il me demande de me lâcher. Je secoue la tête, terrifiée. Il répète sa demande. Je refuse toujours, même si mes doigts sont sur le point de lâcher. Il fait mine de s'éloigner, un objet noir à la main. Je hurle en lui demandant de m'attendre. Il me redit de lâcher la branche. Je tremble et ferme les yeux. Je sens mes doigts lâcher prise et je tombe en hurlant. Mais, au lieu de me fracasser la tête au sol, je sens ma chute ralentir et soudain je sens quelqu'un m'attraper. Quand j'ouvre les yeux, Arnael me tient dans ses bras, un sourire triomphant et en même temps un air soucieux sur son visage. Il me dit:

-Tu vois quand tu veux!

- Vous êtes fou, lui dis-je.

-Peut-être...me dit-il avec un sourire en coin en commençant à s'éloigner dans la rue.

-Je peux descendre? demandai-je.

Il secoue la tête.

- Je te ramène, me dit-il. Tu as assez fait de bruit comme ça.

-Laissez-moi descendre, lui ordonnai-je.

-Quand je serai sûr que personne ne nous suivra.

  Sur ce, il accélère, visiblement décidé à ne pas me laisser poser les pieds par terre. Je le menace. Il se met à rire.

-Tu crois franchement que tu me fais peur? me demande-t-il. Allez, arrête un peu tes bêtises.

-Je sais marcher, lui rappelai-je.

-Je m'en fiche.

Je me vois bien lui coller une gifle. Mais son regard m'en empêche. Au fond de moi, je sais qu'il me lâchera. Et puis, ce serait même agréable, d'être là. Je me calme donc. Je le sens sourire.

-Tu vois, me murmure-t-il à l'oreille, me faisant frissonner au passage.

Il me ramène au parc, où il me  dépose sur un banc. Je le laisse faire. Il s'assoit à côté de moi et sort mon portable de sa poche.

-C'était bien ça? me demande-t-il.

-Super,  dis-je.

Je tends la main pour le prendre. Arnael me le donne. Je l'allume.  Heureusement, je l'avais juste mis en veille. La batterie est encore pleine. Je commence par regarder mes messages. Plusieurs de mes amis ont essayé de me joindre, dont deux par téléphone. J'ai un message sur répondeur de Clara, l'autre d'une amie qui me demande pourquoi je ne réponds plus. J'ai également un mail de cette même personne me demandant des nouvelles. Je soupire. Il est fort probable que je ne les voie plus jamais. Un autre ami me demande les exercices à faire en maths pour...hier?  Je regarde la date sur mon portable. Il  indique le 8 décembre, soit quatre jours après mon départ! Arnael me demande :

- Ça va? Tu m'as l'air soucieuse...et un peu triste aussi...

-Ce n'est rien, répondis-je un peu vite.

-Tu es sûre? insiste-t-il en me forçant à le regarder.

Je sens les larmes monter. J'essaye de parler, mais seul un gémissement sort de ma bouche. Je me mets à trembler. Savoir que ma vie a changé du jour au lendemain, comme ça, et que je ne verrai plus les personnes qui me sont chères...c'en est trop. J'essaye de retenir mes larmes. Arnael s'en aperçoit car il me dit:

-Lena, je sais que c'est dur. Je t'ai proposé de revenir, mais tu as refusé. Mais si tu veux faire marche arrière maintenant, dis-le. Je peux te ramener chez toi maintenant. Je me débrouillerai auprès des autres.

Je hoche la tête doucement. Il me prend dans ses bras et reprend la route en sens inverse. Mais, juste devant la maison, mon ouïe elfique me rappelle que j'ai changé: j'entends les bruits de conversations à l'intérieur des maisons. Soudain, dans ma maison, j'entends une voix dire:

-...soûlante. Maintenant elle fugue...

-Pourtant, il n'y a aucune trace de fugue. Comme si elle avait disparu dans le mur.

-Impossible. Elle n'est pas magicienne, à ce que je sache!

- Pourtant...

- De toute façon, elle a toujours été bizarre. Si elle revient, elle aura ce qu'elle mérite!

Ces mots me font peur. Arnael les à entendus aussi. Il s'arrête net et me laisse glisser au sol. Il me regarde dans les yeux. Ses pupilles sont devenues plus larges. J'y décèle son inquiétude.

-Tu es sur de vouloir y retourner? me demande-t-il.

Je me remets à trembler, de peur cette fois. Je n'ai jamais été à ma place dans ce monde, je le savais. Mon univers avait toujours été composé de livres et d'irréel.  Et là, ces mots... "Elle à toujours été bizarre"... Cette phrase me fait de nouveau trembler. Arnael fronce les sourcils.

-Réponds-moi. S'il te plaît, ajoute-t-il en chuchotant.

- Je...je ne peux pas...plus maintenant.

J'entends clairement dans ma tête une phrase d'une reprise en français d'une chanson de mon groupe préféré. J'adore autant la version française que la version originale. La phrase tourne dans ma tête:" enfin, c'est à toi de jouer, la chute attend le brave...". Les paroles résonnent dans mon crâne, et je sais ce que je dois faire. J'essuie mes larmes et regarde Arnael.

- Je ne peux plus faire marche arrière. J'ai choisi ma voie quand j'ai accepté de vous aider, quand vous êtes venus chez moi.( je réfléchis une seconde) et même avant, quand je suis descendue pour vous épier. D'une manière ou d'une autre, ça remonte même au jour où j'ai commencé à jouer à Skyrim. Et maintenant que je suis en plein dedans, je ne peux plus reculer. Et en y réfléchissant bien, je n'en ai pas envie.

  Arnael semble impressionné. Et je vois une autre lueur dans ses yeux...soulagement? Ou de la joie?

-Alors on y va? me demande-t-il.

-On y va, souris-je.

Et nous repartons sur la route, en direction de la maison du pendu.

 

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