L'ombre du Mal

Chapitre 7 : Retour à Tamriel

4537 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:15

Je sais que je suis encore vivante grâce aux voix autour de moi et aux doigts d'Arnael entre les miens. J'entends Clara paniquer puisqu'elle ne voit plus rien, Thalerior pester contre le portail et Ernaelle essayer d'expliquer à ma meilleure amie qu'elle n'a rien à craindre. Arnael respire assez bruyamment et je sens mes poumons brûler.

-Lena? me demande Arnael.

- On a réussi, soufflai-je.

Je commence à voir de nouveau. Mais la peur me reprend: le portail est encore ouvert!

-Il faut refermer le portail! criai-je.

Ernaelle est déjà au panneau de commande. Je la vois manipuler quelques boutons, puis je l'entends jurer.

-Quelque chose le bloque ! me crie-t-elle.

Soudain, dans un flash aveuglant, quelqu'un apparaît dans l'embrasure du portail. Ce dernier se ferme immédiatement derrière. Instinctivement, je sors mon arc et le bande. Une de mes  flèches cloue l'homme au mur par l'épaule. Deux secondes plus tard, une autre cloue l'autre épaule au mur, l'empêchant de bouger. J'entends Arnael marmonner un sort. L'homme se retrouve désarmé. Il crie. Un mot de la part de Thalerior le rend muet. Clara le regarde avec peur. Quand à Ernaelle, elle est en train de lire un petit carnet en cuir, les sourcils froncés.

-Comment se fait-il qu'il soit arrivé ici? demande Thalerior.

- Quand j'ai essayé de refermer le portail, répond Ernaelle, il ne répondait pas. Apparemment, il ne se ferme que quand il n'y a personne dedans.

-On en découvre tous les jours, avec ce truc...marmonne Thalerior.

Puis il se tourne vers Clara.

-Alors c'est toi l'amie de Lena.

Elle hoche la tête, visiblement encore aveuglée par le portail.

-Elle t'as dit pourquoi tu es ici?

-C'est à cause d'un parchemin, non?

Il sourit.

-Je vois que tu n'as pas perdu de temps, me dit-il. Très bien. Nous allons nous occuper de ça tout de suite.

-Et lui? demande Arnael en pointant l'homme du doigt.

-Oh...je l'avais oublié...dit Thalerior d'un ton qui laisse entendre le contraire.

Il le regarde, puis agite la main et lui demande:

- Qui êtes-vous?

- Agent Bernard, de la gendarmerie nationale. Relâchez-moi immédiatement.

Thalerior se tourne vers moi.

-Je n'ai pas bien compris...

-La police de notre monde, expliquai-je.

-D'accord.

-Vous risquez d'avoir de gros ennuis, pour enlèvement et menace envers un représentant de la loi! crie le gendarme, un peu effrayé.

-La loi? rit Thalerior. Vous êtes entrés sans permission dans cet endroit. Vous risquez de mourir pour cela.

- J'ai le droit d'enter ici pour vous arrêter pour enlèvement d'enfants !

-Ces jeunes filles sont ici de leur plein gré. N'est-ce pas, mesdemoiselles?

Clara et moi hochons la tête.

-Elles ont donc fugué ! reprend l'agent. Vous êtes complices de fugue! Que voulez vous en faire? Des soldats? 

Thalerior rit.

- Elles ne savent pas se battre! Lena sait utiliser la magie, mais sur un champ de bataille elle ne vaut rien. Il leur faudrait un certain nombre d'années d'entraînement avant qu'elles ne sachent manier une arme à peu près convenablement.

- Alors que leur voulez vous? Les tuer? Vous servir d'elles? 

Il se retrouve aussitôt avec une dague sous la gorge.

-Quoi que vous pensiez, ces jeunes filles sont venues ici pour nous aider à terminer nos recherches. Nous ne leur ferons aucun mal. Elles ont voulu venir ici. Si elles veulent repartir, elles le pourront. Mais pour le moment, elles resteront en vie, avec nous. Et si vous tenez à la vie, sachez que ce n'est pas un bon plan d'insulter les représentants de la loi de ce monde-ci.

L'agent de police le regarde, puis dit:

-Ce monde-ci? Qu'entendez-vous par là ?

-Nous ne sommes plus sur terre, dis-je. Nous sommes dans des ruines, à Tamriel.

-Jamais entendu parler. Arrêtez vos idioties. Il n'existe aucun autre monde vivable.

Je soupire. Il est vraiment buté !

Les thalmors ne disent rien. Au bout de quelques plaintes de plus du gendarme, Arnael demande:

-Qu'est-ce qu'on fait, chef?

Thalerior réfléchit et dit:

-Envoyez-le dans un cachot. Il pourra peut-être nous servir plus tard.

-Non, intervins-je. Renvoyez -le d'où il vient. S'il vous plaît, ajoutai-je devant le regard négatif de Thalerior.

-Et pourquoi?

   Je les entraîne à l'écart de l'agent.

-Il leur portera un message. Aux autres. Pour lui, nous sommes des fugueurs, des assassins et des criminels. Mais certains pensent que des êtres venus des étoiles ont déjà mis les pieds sur terre. C'est ce que vous êtes, en réalité, pour eux. Faisons-leur croire que ce portail mène à votre planète, loin dans une autre galaxie, et que vous nous avez enlevées pour étudier les humains. Bien sûr, pour eux, vous nous avez injecté une drogue qui nous rend totalement inoffensives et qui vous aura permis de nous attraper. Mais avant, faisons croire à cet  agent que vous êtes vraiment des aliens. Quand il portera le message de l'autre côté, ils prendront peur.

Clara rajoute:

-Et puisque Lena est devenue physiquement différente en passant le portail, vous pouvez prétendre avoir conçu des enfants sur notre planète et que vous êtes venus nous chercher...

Je lui souris.

-Bonne idée! Comme ça, ils arrêteront de nous chercher et nous lâcheront quand on y retournera!

Le chef des thalmors se gratte le menton, un peu sceptique.

-Et qui vous fait croire que ça marchera?

- Le dieu technologie, répondis-je. Ils n'ont jamais vus de tels portails. Et encore moins de machine capable de changer le temps à volonté.

-Des êtres des étoiles magiciens...songe Arnael. Étrange, non?

- Mais si vous réapparaissez et qu'à chaque fois que le portail apparaît un "humain" disparaît, ils finiront par y croire, surtout si certains de ces humains reviennent en délirant et en racontant que les extraterrestres existent...

Là, Thalerior semble plus impressionné.

-Pas mal...me dit-il. On peut essayer. Et surtout, il faudra un moyen de voir si ça marche...et sans les rendre fous...

-On verra, me répond-il.

Puis il se redresse.

-Donc, nous le gardons. Sans discussion.

   Il se tourne vers Arnael, qui se redresse également. Il lui donne un ordre dans leur langue étrange et Arnael va décrocher le prisonnier pour l'emmener ailleurs.

-Qu'avez-vous dit? demande Clara.

-Il va l'emmener dans une chambre surveillée étroitement après l'avoir débarrassé de ses affaires actuelles, répond Thalerior. Il ne faut pas qu'il garde une arme sur lui.

Il marque une pause, puis demande avec surprise:

-Au fait, vous ne parlez pas elfique?

-Non, répondis-je, un peu penaude...

-À partir de demain, vous allez l'apprendre. Compris?

-Oui, chef! répondons-nous  en chœur.

Puis il dit:

-Maintenant, allez vous reposer. Lena, tu as déjà une tente. Quand Arnael va revenir, demande lui le chemin.

-D'accord.

-Et toi, dit-il à ma meilleure amie, un soldat t'en prépare une. Arnael t'y conduira aussi.

-Bien, répond mon amie.

-En attendant, restez avec Ernaelle. J'ai des choses à faire.

Et il s'en va. Clara regarde autour d'elle, puis se frotte les yeux.

-Alors c'est vrai...murmure-t-elle. Nous sommes bien à Tamriel...

-C'est dur à croire, hein? lui dis-je.

-Et pas qu'un peu.

-Au fait, dis-je. Tu as l'air pâle...

-Moi?

-Oui, pas moi!

-Remarque...

-Quoi?

-ta peau a légèrement foncé.

-Je sais. Mais moi je suis devenue une elfe. Toi non. Alors...

Je regarde ses yeux. Ils sont étranges, presque noirs.

-Clara...dis-je.

-Oui?

-Tes yeux...

-Quoi?

-Ils virent au rouge, je crois.

-Impossible.

    J'appelle Ernaelle. Elle s'approche de nous et me demande:

-Oui?

-C'est moi qui ai des visions ou ses yeux changent de couleur?

Elle la regard est pousse un cri. Clara demande, inquiète :

-Quoi?

-Tu as raison...ils sont rouges, lâche Ernaelle.

-Et? demande Clara.

-Ouvre la bouche, ordonne Ernaelle.

Clara s'exécute. La thalmor pousse un cri quand elle voit les dents de mon amie: ses canines ont au moins doublé de taille!

-Clara...

- Oui?

Ernaelle me regarde. Elle a l'air d'être sur le point de tomber dans les pommes. Elle murmure:

-Reste avec elle et ne bouge surtout pas. Je vais chercher Thalerior.

   Elle s'en va. Clara me demande:

-Mais qu'est-ce qu'il m'arrive?

-Je crois que tu t'es transformée...

-En quoi?

-En vampire.

Elle me regarde, incrédule.

-C'est possible? demande-t-elle.

-Faut croire, répondis-je.

-Je me demande comment réagira Steven...dit-elle.

-En admettant que tu lui reparle un jour, il ne te croira pas.

-Possible. De toute façon, je voulais te dire hier qu'on ne se parlait plus. Il me fait la tête parce que j'ai parlé avec quelqu'un qu'il aime pas.

- Pfff...fis-je. Comment tu fais pour rester avec un idiot pareil?

- Comme je te l'ai dit, je ne suis plus avec.

Je lève les yeux au ciel.

-Au fait... me dit-elle.

- Oui ?

-Ce thalmor, là...

-Qui ça?

-Celui qui est venu avec toi tout à l'heure.

-Arnael?

-Oui. Il est  magnifique, non?

-On parle de moi?

Je me retourne en sursaut. Il est derrière moi, un sourire espiègle sur le visage.

-Navré de vous interrompre, nous dit-il en posant les mains sur mes épaules, mais je n'aime pas trop qu'on parle de moi dans mon dos... Même quand il s'agit d'anges aussi merveilleuses que vous deux, ajoute-t-il avec un clin d'œil.

Il fait mine de s'incliner, me faisant rougir et arrachant un rire à Clara.

-Quoi? nous demande-t-il. Dans votre monde, personne ne s'incline devant les belles damoiselles?

Je me mets à rire aussi. Il se reprend aussitôt :

-Ah non, c'est vrai! Dans votre monde, ils enlèvent les jolies filles sans leur accord!

J'éclate de rire, Clara avec moi.

-Ça dépend lesquels, dit-elle. Certains nous fichent la paix, d'autres sont plutôt collants...

Arnael se met à rire aussi.

-Je vois...dit-il. Si j'ai bien compris, ceux-là étaient plutôt des exceptions qui ne pensent qu'à une chose...

- Embêter leur monde, termine Clara.

Arnael siffle. Je souris.

- Tu es bien polie, jeune fille...lui dit-il. Je n'aurai pas utilisé ce terme là...

J'ai du mal à imaginer le thalmor dire quoi que ce soit de grossier. Il me regarde et sourit. C'est vrai qu'il est très beau...

   J'entends des pas dans le couloir pendant que Clara répond à Arnael.

-Et bien, demande une voix, que se passe-t-il ici?

Thalerior se tient dans l'embrasure de la porte. Ernaelle est derrière lui un sourire aux lèvres. Arnael se tait aussitôt et demande d'une voix de professeur à Clara:

- Et donc, ils ne connaissent pas la galanterie, la bas?

Clara et moi éclatons de rire en même temps. Arnael nous regarde d'un air mi étonné, mi amusé. Thalerior soupire et Ernaelle rit également.

-Arnael, lui dit-il, tu n'as rien d'autre à faire?

-Je devais venir chercher notre chère amie Lena, lui répond-il. Et quand je suis arrivé, ces deux jeunes demoiselles parlaient de moi!

Thalerior sourit.

-Je vois... Arnael joue les séducteurs... Je vais devoir le surveiller de près...

Nous nous mettons à rire, sous le regard choqué d'Arnael. Thalerior rit.

-nNe t'inquiète pas, je ne le ferai pas! Par contre, si Ernaelle a raison, dit-il en se tournant vers Clara, toi, tu risques de finir dans un cachot...

-Pourquoi? demande Arnael, soudain sérieux.

Il ne répond pas et examine ma meilleure amie, qui n'a pas l'air d'apprécier. Quand il voit ses dents, Thalerior pousse un cri.

-Tu avais raison, dit-il à Ernaelle.

-Je suis un vampire? demande Clara.

Thalerior hoche la tête. Ma meilleure amie semble un peu effrayée mais elle se reprend vite.

-Nous devons nous assurer que tu ne tuera personne, lui dit-il.

Clara pâlit encore plus. Le thalmor la rassure:

-Ne t'inquiète pas. Nous voulons nous assurer que tu seras capable de te maîtriser.

Clara, quand à elle, est terrorisée.

-Et si j'apprends à me contrôler? demande-t-elle.

-Nous verrons si tu progresse ou pas. Mais avant nous devons voir si tu en es capable ou non.

Ma meilleure amie hoche la tête. Le thalmor claque des doigts. Une dizaine de soldats entrent dans la pièce, arme au clair. Je m'inquiète de la suite. Arnael passe un bras protecteur autour de mes épaules et m'entraîne un peu plus loin.

   Le chef des thalmors dégaine une dague et dit à Clara :

-Je vais volontairement faire couler mon sang. Je suppose que tu n'as encore jamais chassé ?

-Non, dit-elle.

-Je m'en doutais, reprend le chef. Donc, si tu bois mon sang, je ne t'en voudrais pas. Mais il faudra que, quand je te le dirai, tu sois capable de t'arrêter.

-Je vais essayer...murmure-t-elle.

Il me regarde.

-Cette fois, si ça dégénère, tu ne feras rien, me dit-il. La dernière fois je m'en suis voulu de t'avoir plongé dans un coma. Ne recommence plus. Tu es déjà assez épuisée comme ça.

Je hoche la tête. Je regarde le chef des thalmors poser la dague sur son poignet et l'enfoncer dans sa chair. Le sang commence à couler.

   Clara se métamorphose sous mes yeux: ses yeux virent au rouge complet et un grognement animal sort de sa gorge. Elle se jette sur le poignet de Thalerior, qui la laisse faire en lui rappelant:

-N'oublie pas...

Au bout d'environ trente secondes,il lui dit:

-Arrête.

Il doit répéter l'ordre trois fois et menacer ma meilleure amie pour qu'elle lâche son poignet ensanglanté en grondant. Un soldat pose la main sur son épaule et ferme ses doigts autour de son bras pour l'empêcher de lui sauter à la gorge. Le chef des thalmors attend qu'elle soit redevenue un peu plus normale avant de lui dire:

-Pas mal. Je m'attendais à pire. Mais je pense que tu dois avoir encore soif...

Les yeux de ma meilleure amie virent au rouge vif. Le thalmor sourit.

-Je te trouverai des proies. Pour le moment, tu vas aller te reposer un peu, d'accord?

Elle grogne. Un des soldats la relève et lui parle comme à une petite fille. Il la conduit dans le couloir.   

  Les autres soldats vident les lieux sur un ordre de leur chef. Ce dernier murmure un mot et la plaie se referme toute seule. Ernaelle est toujours là. Elle semble inquiète.

- Où l'avez vous emmenée? demandai-je.

-Nous avons installé des chambres dans une partie sécurisée des ruines. Elle est là-bas. Ne t'inquiète pas pour elle. Tout ira bien.

Arnael me suit vers Thalerior.

Il semble un peu pâle.

-Chef ? demande Arnael. Vous allez bien ?

Thalerior passe la main sur son visage.

-Je suis juste un peu fatigué, rien de très grave.

Il me regarde de nouveau, puis s'adresse à Arnael.

-Elle a besoin de repos aussi. Emmène-la à sa tente.

Puis il ajoute avec un soupir:

-Et par pitié, remettez-moi une tenue normale.

Je souris.

-De là d'où je viens, c'est normal! lui dis-je.

-Tu m'as compris. Maintenant, allez-y.

   Nous sortons dans le couloir. Je sens l'air frais de la nuit sur ma peau. À côté de moi, Arnael est silencieux. Quand nous sortons à l'air libre, je m'aperçois que nous ne sommes pas passés par la porte habituelle.

-Où sommes-nous ? demandai-je à Arnael.

-Tu voulais voir la forêt, me répond-il avec un léger sourire. T'y voila.

Je souris aussi. Les arbres bruissent doucement au-dessus de nos têtes. Il fait bon, dans l'air nocturne. Étrangement, cette forêt inconnue ne me fait pas peur. Comme si je l'avais déjà visitée. Arnael ne semble pas non plus très attentif au danger. J'en déduis que cette forêt n'est vraiment pas dangereuse. Elle semble même plutôt protectrice.

   Au loin, j'entends le chant d'une cascade ainsi que le chant d'oiseaux nocturnes. Je m'émerveille de la  nouvelle finesse de mes sens. Je vois clair dans l'obscurité. J'entends le bruit des rongeurs qui courent dans l'herbe, près de nous. Je sens le parfum de milliers de choses différentes et inconnues m'assaillir les narines.

   Arnael m'emmène jusqu'à une cascade. Il s'assoit sur un rocher et me demande:

- Alors comme ça, ton amie me trouve beau?

-Apparemment, dis-je.

Il contemple la surface de l'eau avant de me demander d'un air curieux:

- Elle dit ça de tous les garçons qu'elle croise?

Je ris.

-Non, c'est même rare qu'elle dise ça!

Il sourit à son tour. Je m'assois sur la rive, les pieds dans l'eau du lac au pied de la cascade. L'eau est si claire qu'elle laisse voir le fond, et plus loin dans le lac elle réfléchit les étoiles. Je regarde le ciel. Les deux lunes sont apparues. Arnael me dit alors:

- Tu es vraiment exceptionnelle, tu sais...

Je regarde le sol, incapable de répondre. Je l'entends se lever et venir vers moi. Il soulève doucement mon menton en s'accroupissant à côté de moi. Ses yeux dorés brillent étrangement au clair de lune. Clara a a raison: il est magnifique.

-Je le pense vraiment, tu sais. Tu es exceptionnelle.

Je me sens rougir. Il sourit.

- On ne te fais jamais de compliments?

-Si...répondis-je, mais je n'ai pas l'impression de l'être tant que ça...

- Et pourquoi?

-Vous possédez aussi des pouvoirs magiques, répondis-je, vous savez bien manier les armes et vous avez l'air très intelligent...

Je soupire en ajoutant:

-Je ne vois vraiment pas en quoi je suis exceptionnelle.

Il me prend dans ses bras.

- Déjà pour ça.

Il caresse mes cheveux.

- Tu es différente des autres elfes que je connais. Tu es belle, mais pas d'une beauté immortelle comme la plupart des elfes d'ici. C'est comme si la pureté et la beauté de ton coeur et de ton âme se réfléchissaient sur ton visage. Déjà avant que tu ne passes le portail, tu étais différente. Et même maintenant que j'ai vu d'autres habitants de ton monde je te  considère comme la plus exceptionnelle d'entre eux. Pas parce que tu as accepté de nous accompagner, mais parce que je vois au fond de toi. Et ce que je vois est si beau que je comprends pourquoi tu as eu l'impression de ne pas être à ta place dans l'autre monde. Ton cœur est pur. Le portail n'a fait que révéler ta véritable nature. 

Il soulève doucement mon visage pour me regarder dans les yeux.

- Je t'admire pour ce que tu as fait. Pas seulement parce que tu as aidé Thalerior ou pour tes pouvoirs, mais pour ton courage et ta force mentale. Je n'aurai jamais su faire ce que tu as fait.

Je me laisse aller contre lui en essayant de démêler mes émotions. Je sais qu'il est sincère, mais je ne sais pas pourquoi il me dit ça, et surtout pourquoi maintenant. Mais sa franchise me rassure, car je sais que j'ai au moins un ami en lui -peut-être plus-, et que je peux vraiment lui faire confiance.

-Pourquoi me dites-vous ça? lui demandai-je.

Il arrête de me caresser les cheveux pendant quelques secondes avant de me dire:

- Je ne sais pas. Peut-être parce que j'avais envie d'être franc avec toi après tout ce que tu as fait, peut-être parce que je n'aime pas voir ton hésitation quand on te dit quelque chose. Je vois que tu as besoin qu'on te guide et qu'on t'aide. Tu n'as pas beaucoup confiance en toi, je me trompe?

Je secoue la tête.

-Il faudra que tu apprennes à avoir confiance en toi.

Je ne dis rien. Après quelques secondes de silence, il reprend:

- Et une dernière chose: arrête de me vouvoyer. J'ai horreur de ça. Tu le diras aussi à ta meilleure amie. 

Je souris.

-D'accord, lui répondis-je simplement.

Il arrête de caresser mes cheveux pour me serrer doucement dans ses bras. Je me sens tellement bien, près de lui...

Soudain, j'entends un petit gémissement.

-Tu as entendu? lui demandai-je.

-Entendu quoi? me demande-t-il.

Le son revient, il semble provenir d'un ravin, non loin de là. Arnael l'entend aussi, cette fois.

-Qu'est-ce que c'est? me demande-t-il.

-Aucune idée, dis-je après un troisième cri.

Je me penche au-dessus du gouffre. Il n'est pas très profond, une dizaine de mètres au maximum. Et là, je reste bouche bée. Un cadavre de licorne se trouve étendu, le flanc lacéré par des traces de griffes terrifiantes. Je sens une nausée monter en moi. Arnael pousse un cri de surprise et de dégoût.

-Qu'est-ce qui a bien pu faire une chose pareille? demande-t-il.

   Un bruit de sabots résonne derrière nous, ainsi qu'une voix:

-Qui êtes-vous?

Je me retourne brusquement. Derrière nous, des hommes à moitié chevaux nous bloquent au bord du ravin.

-Heu...dis-je. Je m'appelle Lena, et lui Arnael.

-Que faites-vous ici? demande le plus grand des hommes-chevaux.

-Nous nous promenions, répond Arnael.  

En bas, un petit gémissement résonne. Je me retourne et pousse un crie de stupeur. Un bébé licorne est allongé au sol, à côté du cadavre!

- Ça fait deux jours qu'elle est là, dit l'homme-cheval. Nous aimerions savoir quelle bête a fait ça. Et libérer ce petit. S'il reste là, il va mourir rapidement. Il est déjà très faible.

   Je me relève. Arnael me demande:

-Que fais-tu?

-Je vais le chercher.

Je commence à descendre la roche, un mètre à la fois. Quand je suis à environ un mètre du sol, je saute. Aussitôt, un grognement retentit. Arnael crie. Une créature terrifiante se jette sur moi. On dirait une espèce d'énorme scorpion. Deux falmers l'accompagnent. Je dégaine mon arc et abats les deux falmers d'une flèche. Mais il reste l'insecte géant. Il crache une matière gluante qui m'atterris dans le dos. Je crie. Un éclair frappe la bête à la carapace quand Arnael saute dans le trou et hurle:

-Lâche-la!

Le monstre se tourne vers lui, me laissant le temps de dégainer mon épée. Arnael fait apparaître une créature de feu, la même que Thalerior quelques jours plus tôt. J'attaque la bête en prenant mon épée à deux mains. Arnael me hurle:

-Recule! C'est un chaurus!

Je ne l'écoute pas. Je réussis à trancher une des pattes du monstre, qui hurle de douleur en se tournant vers moi. Je sens aussitôt une douleur fulgurante au niveau des côtes et m'effondre au sol, incapable de bouger. J'entends Arnael hurler mon nom avant de sombrer dans l'inconscience. 

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