La Légende du Phénix Bleu [Twilight Princess]

Chapitre 38 : Confidences

5230 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 31/03/2021 19:27

Le trajet depuis la citadelle jusqu'au domaine Zora dura plus longtemps que prévu pour Epon. La jeune hybride, bien que chevauchant sa jument éclatante, avançait lentement dans la plaine de Lanelle. Malgré son désir de retourner dans son village pour revoir son peuple, l'élue de Nayru semblait angoissée. Elle craignait que ce ne soit la dernière fois qu'elle puisse s'y rendre. Même si elle ne laissait rien transparaître, elle sentait l'énergie du Phénix Bleu gagner en force au plus profond de son être. Ce n'était qu'une question de temps avant que cette créature ne prenne totalement le dessus sur elle.

La princesse aux cheveux bleus poussa un profond soupir, à la fois pour évacuer cette anxiété, mais aussi parce qu'il y avait quelque chose qui l'embêtait un peu. Après avoir stoppé la cadence d'Hydrie, elle leva les yeux au ciel d'exaspération et parla à voix haute:

 

« Tu comptes rester cachée encore longtemps dans mon ombre, Midona ? »

 

Celle-ci, étonnée, sortit de l'ombre de la plus jeune:

 

« Oh. Tu savais que j'étais là ? Depuis quand ?

– Depuis l'instant où j'ai quitté la taverne de Telma, lui répondit la demi-Zora en la regardant d'un air un peu blasé. Je ressens ton énergie depuis tout à l'heure. Mais j'espérais que tu me lâches en cours de route pour retourner auprès de Link. C'est lui qui t'a demandé de m'accompagner ?

– Tu n'y es pas du tout, ma grande ! C'est moi qui suis venue de mon plein gré. »

 

Ce fait surprit Epon au plus au point. Pourquoi la princesse du Crépuscule avait-elle choisi de rester en sa compagnie plutôt qu'avec tous les autres à la capitale ?

 

« Si je te dis que c'est parce que je suis très curieuse à ton sujet, est-ce que tu me croirais ? lui demanda la twili avec un sourire malicieux.

– Je crois surtout que tu n'as pas compris que je voulais m'éloigner de tout le monde.

– Justement, c'est l'une des choses qui m'intrigue chez toi, affirma Midona en croisant les bras. Que tu veuilles revoir ton peuple après tout ce que tu as enduré jusque là, je comprends totalement. Mais pourquoi t'isoler de la sorte ? J'aurais trouvé plus logique que tu restes avec tes amis pour vous remonter mutuellement le moral. »

 

L'élue de Nayru ne répondit pas et détourna le regard, l'air maussade. La souveraine de l'autre monde avait raison sur certains points. Seulement, après la rude bataille qu'ils avaient tous livrés au royaume du Crépuscule, après les psysalis vécus par certains, et en apprenant ce qui était arrivé à Bohdan, Epon n'avait simplement pas envie de rendre la situation encore plus dramatique en révélant les craintes qui la tiraillaient. Du moins, pas pour l'instant. Elle n'était pas encore prête à le faire.

Son interlocutrice ne la lâchait pas du regard, mais elle ressentait clairement que la plus jeune était intérieurement torturée. Et visiblement, celle-ci ne semblait pas disposée à révéler quoi que ce soit sur la raison de son étrange attitude. Estimant qu'elles perdaient toutes les deux leur temps au milieu de la plaine, la plus grande des princesses proposa à l'autre de continuer leur route jusqu'au domaine Zora. Chose qu'Epon accepta, même si elle aurait préféré que personne ne l'accompagne.

 

 

 

Arrivées à destination au nord de la plaine de Lanelle, et après que la princesse du Crépuscule se soit réfugiée une nouvelle fois dans l'ombre de la bleue, cette dernière attacha son cheval à l'entrée de son village avant d'avancer. Comme à son habitude, le domaine Zora était sublime à voir avec ses cascades majestueuses et son architecture atypique se démarquant de celle des autres villages d'Hyrule. Mais les marques de la bataille que ce lieu avait enduré étaient toujours présentes. Plusieurs zoras avaient perdu leurs proches. Et les soldats hyliens ou humains chargés de la surveillance du lieu sous ordre de Zelda, avaient vu leurs camarades se faire tuer de façon atroce par des monstres sous le contrôle de Leviah.

En repensant à cette dernière, Epon poussa un profond soupir. Elle songeait au fait que toute cette catastrophe aurait pu être évitée si la route de l'élue de Farore n'avait jamais croisé celle d'Alvaro.

Alvaro...

Repenser au violet suffisait à énerver la demi-zora au plus haut point. Elle avait tellement la rage que son aura du phénix bleu était en train de se manifester sans même qu'elle ne s'en rende compte.

 

« Epon ? l'appela alors la voix de Finiel qui l'avait aperçue et qui s'approchait d'elle. Tu es revenue ! »

 

Le zora avait l'air heureux de la revoir mais afficha un air inquiet en remarquant l'émanation céruléenne entourant sa protégée. Celle-ci fit disparaître aussitôt son aura avant de se tourner vers son garde personnel et de lui adresser un léger sourire.

 

« Bonjour Finiel. » se contenta d'elle de dire sans bouger de sa position, ce qui étonna énormément le plus grand. D'ordinaire, à chaque fois que sa princesse s'absentait du domaine, la première chose qu'elle faisait à son retour était de sauter joyeusement dans les bras du zora. Mais aujourd'hui, la réaction de l'hybride était bien moins chaleureuse et joviale.

 

Cela peinait un peu Finiel, mais le zora préférait se dire qu'après tout ce qu'il s'était passé et tout ce qu'elle avait vécu, Epon ne pouvait pas être aussi joyeuse qu'à son habitude même si elle le désirait. Il préféra passer outre et se rapprocher de la jeune fille en lui souriant:

 

« Je suis content de te revoir en un seul morceau. Mais tu es revenue seule ? Où sont Link et Gray ?

– À la citadelle, répondit la plus jeune. Ils vont bien, ne t'inquiète pas. Ensemble, nous avons réussi a gagner une bataille. Mais une autre nous attend prochainement. Et celle-ci pourrait bien être décisive pour Hyrule. Si je suis revenue, c'est pour... »

 

Revoir son peuple une dernière fois. C'était ce qu'elle s'apprêtait à dire, mais elle n'y parvenait pas. Révéler cela de manière aussi brusque ferait probablement de la peine à Finiel, et c'était une chose que l'élue de Nayru ne désirait pas. En se rendant compte de ce pessimisme qui la rongeait, Epon poussa un nouveau soupir. Cela ne lui ressemblait pas d'être aussi fataliste. Après tout, peut-être qu'elle pourra revoir son peuple une nouvelle fois si elle et ses compagnons sortaient victorieux de leur combat final. Mais il y avait ce phénix bleu en elle...

 

« Epon ? l'interpella Finiel qui attendait la fin de sa phrase.

– Non, oublie ce que je viens de dire, finit par répliquer la bleue. Je suis venue en me disant que ça me ferait de bien de tous vous revoir. »

 

Le zora demeura silencieux. Il savait très bien qu'elle lui cachait quelque chose. Mais connaissant l'entêtement d'Epon, celle-ci n'allait rien lui dire s'il se mettait à la questionner sur ce sujet. Néanmoins, cette humeur morose de la princesse ne l'arrangeait pas: Il voulait lui parler des problèmes internes à leur peuple et des aînés zoras qui prétendaient qu'elle n'était pas digne de succéder à Rutella en tant que reine de ce peuple. Mais lui dévoiler de telles nouvelles ruinerait définitivement le moral de l'hybride. Préférant finalement s'abstenir pour le moment, il proposa à la jeune fille de l'accompagner jusqu'à ses appartements pour s'y reposer. Proposition qu'Epon accepta sans problème.

 

 

 

Plusieurs heures s'étaient écoulés depuis. Link, Gray et Iria, afin de se changer les idées, avaient décidé de sortir par la porte sud de la citadelle. Voulant s'éloigner de l'agitation de la ville, ils s'étaient rendus au bord d'une falaise en dessous de laquelle on pouvait entrevoir la rivière Zora se jeter dans le lac Hylia à l'ouest de leur position. Le soleil se couchait, rendant le panorama autour d'eux magnifique. C'était un spectacle à la fois apaisant et éblouissant. Mais bien que le trio s'était rendu dans ce lieu précis pour se détendre, ils ne parvenaient pas à oublier la menace planant actuellement sur tout le royaume. De plus, chacun avait ses préoccupations personnelles.

Link n'arrêtait pas de penser à Epon. Avant le départ de la demi-zora, il avait senti que quelque chose clochait chez elle. Il se demandait aussi ce que Midona pouvait bien faire avec elle en ce moment. Iria, elle, s'inquiétait pour son père. Elle priait de tout coeur les déesses pour que Zelda parviennent à le guérir et à lui rendre son apparence normale. Quant à Gray, ses pensées étaient tournées vers le mystérieux individu qui avait révélé la potentielle cachette de leurs ennemis. Bien évidemment, lui et Iria avaient parlé de tout cela à Link, et celui-ci estimait que c'était une piste à explorer pour retrouver Gilgamesh et Alvaro. Mais l'élu de Din se posait énormément de questions vis à vis du vieillard qui leur avait donné cette information.

Qui était-il ? D'où sortait-il ? Que faisait-il seul au sud de Latouane ? Et surtout, comment avait-il survécu à toutes ces épreuves ?

 

« Pourquoi était-il aussi terrorisé, lorsque je me suis approché de lui ? » se demanda l'homme en noir, le regard perdu. Il était tellement concentré dans sa recherche de potentielles réponses à ses interrogations qu'il n'avait pas remarqué Link et Iria lui faire signe.

 

« Hé Gray ! l'appela l'homme en vert, parvenant enfin à capter son attention.

– Quelque chose a l'air de te préoccuper depuis tout à l'heure, lui parla ensuite l'adolescente. Tu t'inquiètes pour Epon ? »

 

Le plus âgé des trois afficha un léger sourire sans pour autant regarder ses compagnons. Il y avait une part de vérité. Tout comme Link, Gray se faisait également du soucis pour l'hybride. Mais le vieillard qu'il avait vu précédemment avec Iria et Jehd hantait tout autant son esprit.

 

« À vrai dire, je pense surtout que la fatigue et tout ce qui se passe en ce moment joue beaucoup sur mon mental, finit-il par confier.

– Ça se comprend, affirma Link en observant le ciel crépusculaire. Personnellement, j'ai toujours du mal à digérer ce que j'ai pu voir dans les psysalis d'Epon et de Leviah...

– Pauvre Epon, murmura alors Iria d'un air attristé. Elle a été forcée de d'ôter des vies pour survivre et elle a perdu son père et sa mère. Tout ça à cause d'Alvaro qui cherchait à réveiller la créature dont vous m'avez parlé en elle. Quant à Leviah, qui aurait cru qu'elle avait sombré dans la folie à cause de ce même type ?

– J'ai croisé pas mal de salopards au cours de mon voyage, répliqua le héros d'Hyrule, mais Alvaro est de loin le pire de tous. J'en viens même à me demander s'il n'est pas encore plus dangereux et perfide que Gilgamesh.

– Gilgamesh est également un connard. » trancha Gray en serrant ses poings et ses dents de colère. Après ce qui était arrivé à Gabriel, l'homme en noir ne pouvait pas penser le contraire. De plus, le faucheur était la personne à la tête de leur groupe d'ennemis. Même s'il n'avait pas commis d'actes aussi immondes qu'Alvaro, il était très loin d'être innocent concernant tous les malheurs que connaissait Hyrule ces derniers temps.

 

Mais ce que l'élu de Din ignorait, c'était que le ton catégorique et glacial employé dans cette simple phrase avait troublé les deux plus jeunes, qui le regardaient à présent d'un air interloqué. Ce ne fut qu'au bout de plusieurs dizaines de secondes, pendant lesquelles régnait un silence pesant, que l'argenté s'en rendit compte. Face aux airs presque ahuris des deux Toaliens, il secoua brièvement la tête en s'excusant:

 

« Désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris de dire ça comme ça...

– Ce n'est pas grave, assura Link avec un léger mais triste sourire. Et puis, ce n'est pas comme si tu avais tort après tout. »

 

L'homme en noir poussa un profond soupir avant de leur tourner le dos. Ce genre d'attitude ne lui ressemblait pas et il était le premier à le reconnaître. Seulement, il y avait quelque chose au fond de lui qui lui faisait atrocement mal depuis ce qu'il avait vécu au royaume du Crépuscule. C'était peut-être à cause de ce sentiment qu'il réagissait ainsi.

 

« Je... pense que je vais faire un tour en ville. Seul. On se rejoint à la taverne de Telma plus tard ? » demanda-t-il aux deux autres. Ces derniers s'échangèrent un regard avant d'acquiescer, se disant que le plus grand se sentirait probablement mieux en faisait cela. Ce fut ainsi que Gray se sépara d'eux en se dirigeant vers l'entrée de la citadelle.

 

« J'ai connu Gray plus joyeux que ça... commenta Iria dont la peine se ressentait dans sa voix.

– Après avoir perdu Gabriel et revécu le massacre de son village à travers une psysalis, le voir heureux aurait été étonnant.

– Prions les déesses pour que lui, Epon, mon père, et tout ceux qui souffrent à cause de nos ennemis aillent mieux. » proposa Iria.

 

Mais à son étonnement, Link refusa:

 

« Je ne pense pas que prier servira à grand-chose. De toute manière, à quoi bon prier des déesses qui nous torturent ?

– Link ? »

 

Son amie d'enfance était stupéfaite par une telle réaction de sa part. Certes, les déesses élisaient des personnes pour protéger ou détruire Hyrule, mais était-ce une raison suffisante pour arrêter de les vénérer ? Après tout, il s'agissait de divinités ! Même si leurs décisions et choix pouvaient paraître injuste auprès de certaines personnes, c'était tout de même à elles que l'on devait les terres sur lesquelles Hyrule prospérait !

 

« Je pensais exactement comme toi au début, lui avoua le jeune homme en la regardant. Mais en voyant tout ce qu'elles font subir à Epon, à Gray, à Leviah... Et même à moi et à Zelda ! Nous portons chacun une Triforce et pourtant nous n'avions rien demandé à personne. J'ai tendance à croire que ces déesses ont créer la vie pour mieux la manipuler afin de se divertir, quitte à nous faire tous souffrir. Et c'est assez difficile de les prier en repensant à tout ceci. »

 

Iria demeura bouche bée. Elle ne reconnaissait plus ses amis. Epon... Gray... Link... En si peu de temps, leur voyage les avaient tellement changés ! La jeune bergère regrettait de ne pas être restée à leurs côtés pour s'imaginer ce qu'ils ressentaient réellement, et connaître la raison de tous ces changements en eux. Il était facile pour elle de prétende que prier les aiderait à avancer, car elle n'avait rien vu de ce qu'avait vécu ses trois amis. Mais contrairement à eux, les déesses ne l'avaient pas choisie pour une quelconque mission, ce qui faisait qu'elle ne pouvait pas totalement les comprendre. Même si elle était surprise de le voir parler ainsi, elle savait plus ou moins pourquoi Link réagissait de cette façon. Toutefois:

 

« Si nous ne pouvons même plus nous fier aux déesses, à quoi pouvons-nous nous accrocher ?

– À nous-mêmes, répondit Link en la regardant dans les yeux. C'est à nous d'arranger les choses de nos propres mains, au lieu de prier en espérant un miracle qui n'arrivera probablement jamais. Et puis les déesses ont confié des pouvoirs à certains d'entre nous. Raison de plus pour en profiter, et leur montrer que les populations qu'elles ont crées sont capables de préserver leur lieu de vie. »

 

Là, Iria reconnaissait son ami d'enfance ! Celui-ci, malgré le côté cynique qu'il avait développé, gardait tout de même ses convictions et sa volonté de protéger Hyrule malgré tout. Et cela rassurerait la Toalienne, qui avait eu peur pendant un instant d'avoir perdu le Link qu'elle avait toujours connu. Le jeune homme avait réussi, en quelques mots, à lui redonner espoir. Et pour cela, elle lui adressa un petit sourire rempli de gratitude.

 

 

 

Au même instant, Gray parcourait les ruelles de la capitale qui se faisaient de plus en plus vides en cette fin de journée. Quelques torches disposées aux murs des maisons étaient allumées pour apporter de la lumière dans certains quartiers assombris par la disparition du soleil. Le jeune homme était revenu auprès de la demeure de Jehd. Il voulait revoir le vieillard qui leur avait révélé la possible cachette de leurs ennemis. Il avait quelques questions à lui poser. Malgré l'heure assez tardive, l'élu de Din ne pouvait pas s'en empêcher. Pour une raison qu'il ne connaissait même pas, il devait l'interroger encore une fois, lui parler à nouveau.

Inspirant un bon coup, il toqua à la porte. Celle-ci s'ouvrit quelques instants plus tard, laissant apparaître Jehd qui affichait un air surpris, tant il ne s'attendait pas à le revoir ici.

 

« Gray ? fit l'homme aux lunettes. Je ne pensais pas que tu serais revenu. Tu as besoin de quelque chose ?

– Désolé de te déranger, s'excusa l'argenté un peu gêné. J'ai... quelques questions à poser à la personne que tu nous as présentée cet après-midi. Est-ce que je peux ?

– Je suis vraiment navré, mais il est parti il y a un peu moins d'une heure. »

 

Quoi ? Jehd avait laissé cet individu partir ?!

 

« Il voulait s'en aller aussitôt après votre départ à toi et à Iria, expliqua celui-ci en réajustant sa monture au dessus de son nez. Mais dans son état, je ne pouvais pas le laisser se mettre en danger. J'ai réussi à le convaincre de rester pendant une bonne partie de l'après-midi. Malheureusement, alors que je m'étais absenté un instant pour me ravitailler en provisions, il est parti en me laissant une lettre.

– Une lettre ? Que disait-elle ? »

 

Jehd l'invita à rentrer chez lui afin de lui montrer le fameux message dont il parlait. Celui-ci semblait avoir été écrit dans la précipitation si l'on se fiait à l'écriture hasardeuse à certains endroits. Mais le texte restait tout de même lisible.

 

« Pardonnez-moi, mais je ne peux pas rester ici, lut l'argenté. J'espère toutefois que vous vous rendrez à l'endroit que je vous ai indiqué et parviendrez à résoudre ce mystère. Je suis certain que vous y arriverez. Ne vous inquiétez pas pour moi. Encore merci pour votre accueil. Et pardon de vous avoir dérangés... »

 

Le message ne s'arrêtait pas là. Il y avait une ligne juste en dessous, mais elle avait été raturée. Néanmoins, en plissant un peu des yeux, on pouvait déceler le début de la phrase cachée:

 

« J'aimerai aussi que vous disiez à ... »

 

Le reste était illisible.

 

« J'avoue être également curieux à ce sujet, commenta alors Jehd face à la perplexité du plus grand. De qui parlait-il ? Et que voulait-il qu'on lui dise, exactement ? Je regrette vraiment de ne pas l'avoir correctement surveillé. Je suis vraiment désolé.

– Ne t'excuse pas pour ça, ce n'est pas toi qui l'a poussé à partir après tout. » le rassura l'élu de Din sans lâcher la lettre du regard. Il remarqua alors quelques points translucides sur le papier en lui-même, juste à côté de la ligne rayée. C'était comme si quelques gouttes d'eau l'avait éclaboussé.

 

« Ce serait... des larmes ? réfléchit intérieurement Gray dont l'étonnement se lisait facilement sur son visage.

– Si je peux me permettre, l'interpella l'hylien à lunettes, quelles étaient les questions que tu souhaitais lui poser ? Peut-être que je peux répondre à certaines d'entre elles à sa place ? »

 

Mais l'homme en noir secoua négativement la tête:

 

« Ce n'était pas spécialement en rapport avec son témoignage. C'était plutôt d'ordre personnel. Je doute que tu puisses apporter des réponses là-dessus.

– Je... vois. » fit le plus jeune, un peu surpris de l'attitude de l'autre qui décida finalement de partir après cela. Après avoir salué Jehd, Gray quitta sa demeure et reprit sa marche en direction du quartier où se trouvait la taverne de Telma.

 

« Bon sang, mais qu'est-ce qu'il m'arrive... Je ne connais pas cet homme, alors pourquoi être aussi curieux et soucieux à son sujet ? » pensa-t-il en se pinçant l'arête du nez tant il était confus par toute cette affaire. Puis, il s'arrêta de marcher, réalisant qu'il ne faisait que se voiler la face depuis plusieurs heures. Il savait pertinemment pourquoi il réagissait de cette manière: Il espérait que ce vieillard soit Gabriel. Même si cela pouvait paraître absurde au premier abord, il priait pour que son meilleur ami ait survécu à leur affrontement au Crépuscule d'une manière ou d'une autre. Mais en pensant à une telle éventualité, l'élu de Din n'était-il pas dans le déni ? En vérité, il avait encore du mal à accepter la mort du blond et imaginait tous les scénarios possible afin de croire à sa possible survie.

 

« Je suis vraiment idiot... se dit-il en serrant ses dents de frustration. J'ai vu Gaby chuter de mes propres yeux dans le vide. Je lui ai donné le coup fatal moi-même. Pourquoi serait-il encore vivant ? »

 

Le jeune homme se sentait perdu et n'avait qu'une seule envie dans l'immédiat: crier un bon coup pour évacuer ce mélange de colère, de tristesse et de frustration qui sommeillait en lui. Mais les habitants de la citadelle risqueraient de le prendre pour un fou s'il le faisait. Préférant ne pas craquer une seconde fois comme lorsqu'il l'avait fait suite à la perte de son ami d'enfance, Gray reprit sa route.

 

 

 

Suite à cela, la nuit était tombée dans tout le royaume. Dans ses appartements royaux, Epon venait de s'asseoir sur le bord du lit en poussant un léger soupir. Elle avait congédié Finiel qui avait passé une bonne partie de l'après-midi avec elle, afin de se retrouver un peu seule. Ou presque. Midona, toujours cachée dans son ombre depuis tout ce temps, venait d'en sortir pour apparaître devant la bleue. Puis, elle observa la chambre de celle-ci:

 

« C'est plutôt joli, même si c'est pas vraiment mon style !

– J'avais presque oublié que tu étais là... plaisanta la demi-Zora en la regardant. Pourquoi m'avoir accompagnée jusqu'ici, finalement ?

– Il me semble te l'avoir déjà dit, affirma Midona en s'approchant de la harpe qui trônait au milieu de la pièce pour y jouer quelques notes au hasard. Je suis curieuse à ton sujet.

– Ça, je l'avais compris. Mais en quoi ? »

 

La princesse du Crépuscule ne savait pas par où commencer. Déjà, comment un humain et un zora avaient pu avoir un enfant ensemble ? Ensuite, comment Epon avait-elle connu Link ? Aussi, comment cela se faisait-il qu'elle ne s'était jamais montrée lorsque Link et Midona s'étaient rendus au domaine Zora avant et après que la région de Lanelle ait été envahie par le Crépuscule six mois auparavant ? C'étaient les trois questions prioritaires que la femme aux cheveux flamboyants désirait poser à la plus jeune. Il y en avait beaucoup d'autres, mais elle se disait que ce n'était pas une bonne idée de harceler la bleue avec une avalanche d'interrogations.

 

« On n'a jamais voulu m'expliquer comment j'étais née, répondit cette dernière. J'avais beau poser la question à mon père, à ma mère, à Finiel ou à d'autres zoras, aucun d'entre eux n'a pu ou n'a voulu m'expliquer concrètement comment ça a été possible.

– C'est déjà assez étonnant de voir un humain et une zora ensemble...

– Mes parents s'aimaient malgré les différences raciales, raconta Epon, le regard perdu dans un coin de la chambre. Je ne vois pas en quoi c'est étonnant. D'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi cette relation était mal vue par certains. Généralement, ces mêmes personnes pour qui une telle union gênait me considéraient, et me considèrent peut-être encore aujourd'hui comme étant une abomination. »

 

Cette phrase étonna Midona qui avait délaissé la harpe pour observer sa propriétaire un instant, avant de rigoler:

 

« Ksh ksh ksh ! Des abominations, j'en ai vu pas mal au cours de ma vie. Si tu en es vraiment une toi aussi, alors tu es de loin la plus mignonne d'entre elles ! »

 

L'élue de Nayru ne s'était pas attendue à ce compliment, et encore moins fait d'une telle façon. Mais son homologue féminin était parvenue à la faire sourire grâce à cela.

 

« Blague à part, fit Midona en reprenant un minimum son sérieux. Je veux bien qu'une progéniture moitié humaine moitié zora soit inattendue et un peu choquante, mais de là à dire qu'il s'agit d'une abomination...

– Les gens se méfient généralement des choses qu'ils ne connaissent pas en les qualifiant de bizarre, en les méprisant ou en les ignorant. J'en ai pas mal souffert étant plus jeune. Aujourd'hui, je suis au dessus de tout ça, même si je sais pertinemment que certains zoras ont encore du mal à accepter mon hybridité ou mon statut de souveraine. »

 

La princesse à la chevelure de feu observa la plus petite avec une certaine compassion. Cette fille en face d'elle était si jeune, et pourtant elle devait à la fois assumer la responsabilité de son peuple et endosser un lourd fardeau, tout en supportant la perte de sa famille et le mépris que lui vouaient certains à cause de ses origines.

Histoire de changer de sujet et de parler de choses moins déprimantes, Epon répondit à une autre des interrogations de la plus âgée:

 

« En ce qui concerne la raison pour laquelle vous ne m'aviez jamais vue auparavant Link et toi, c'est sans doute parce que j'étais plongée dans un assez long coma.

– Ah oui ? »

 

La demi-Zora expliqua qu'elle se trouvait en amont de la rivière zora en compagnie d'enfants de son peuple, lorsqu'elle avait aperçu le ciel s'obscurcir, probablement suite à l'invasion du Crépuscule à cette période.

 

« Finiel, qui était avec moi à ce moment là, m'a raconté qu'il avait combattu une ribambelle de monstres apparue au même instant. Malheureusement, et seul étant donné que j'étais inconsciente, il n'a pas pu sauver les enfants qui étaient avec nous et s'est fait gravement blessé. Il a tout juste pu me ramener dans ma chambre. Suite à cela, le domaine Zora tout entier s'est retrouvé emprisonné dans la glace, probablement à cause d'une malédiction tombée sur nous.

– Je me souviens de ces enfants zoras... répliqua Midona. Avec Link, nous les avions rencontré à la citadelle. L'un d'entre eux était d'ailleurs tombé très malade et nous avons dû l'escorter au village Cocorico pour le faire soigner.

– J'ai effectivement eu vent de tout ça à mon réveil. J'ignore pendant combien de temps j'ai perdu connaissance, mais j'ai pris un certain temps à m'en remettre.

– Je comprends mieux pourquoi nous n'avons pas pu te rencontrer... »

 

La souveraine de l'autre monde avait l'air songeur. Elle se demandait comment son voyage aux côtés de Link se serait passé s'ils avaient rencontré Epon à cette période là. Peut-être que l'hybride les auraient accompagnés ? Cela aurait été intéressant à voir et amusant à vivre, selon elle.

 

« Pour ce qui est de ma rencontre avec Link, c'est du pur hasard, expliqua ensuite la bleue. Je l'ai rencontré à la source de l'esprit de Firone alors que je comptais me rendre à un temple situé dans cette même région. D'ailleurs, j'ai eu beaucoup de chance de l'avoir croisé. Sans la lanterne qu'il m'a offerte, jamais je n'aurais pu atteindre ma destination. »

 

Un tendre sourire s'était dessiné sur les lèvres de l'élue de Nayru tandis qu'elle se remémorait ce jour-là. En la voyant ainsi, Midona sourit de manière malicieuse en lui faisant un clin d'oeil complice:

 

« Tu as un faible pour lui, avoue-le.

– Euh... Il est vrai que j'ai une certaine admiration pour lui, mais ça s'arrête là. » répondit la demi-Zora avec un sourire niais qui trahissait sa gêne devant une telle affirmation.

 

« Parce que tu as un faible pour Gray ? la taquina gentiment la plus grande.

– Non plus.

– Tant mieux ! Ça me laisse le champ libre. Ce Gray est un charmant jeune homme, après tout.

– Qu... Hein ?! » fit Epon qui avait cru mal entendre. La princesse du Crépuscule avait vraiment l'intention de séduire Gray parce que celui-ci lui plaisait ? Devant sa tête complètement ébahie, Midona rit aux éclats:

 

« Ksh ksh ksh ! À voir ta réaction, cette perspective n'a pas l'air de t'enchanter !

– Je... n'ai pas dit ça ! C'est juste que je ne m'attendais pas à ça de ta part !

– Voyons Epon, je te fais marcher ! rigola la twili. Bien qu'il soit vraiment séduisant, cet humain ne m'intéresse pas plus que ça. Je veux bien te le laisser. Je suis même prête à t'encourager si tu souhaites sortir avec lui !

– Mais qu'est-ce que tu racontes ?! Je ne veux pas sortir avec Gray ! » s'exclama la jeune fille, les joues légèrement empourprées. Sa réaction fit rire encore plus son interlocutrice qui semblait prendre un certain plaisir à la taquiner de cette façon. La mine maussade de la demi-zora s'était évaporée suite cette plaisanterie, et Midona en était bien contente.

 

En dehors des appartements de la princesse des zoras, Finiel, adossé à la porte, affichait un tendre sourire aux lèvres. Il avait tout entendu de la conversation entre les deux jeunes femmes. Et même s'il était étonné dans un premier temps par la présence de la twili, le garde personnel d'Epon avait bien compris que celle-ci ne voulait aucun mal à sa protégée et qu'elle cherchait au contraire à l'apaiser et à lui faire oublier tout ce qu'elle avait vécu jusque là.

 

« L'entourage d'Epon me surprendra toujours... » pensa-t-il en se décollant de la porte pour s'en aller, estimant que sa présence auprès de l'hybride n'était pas nécessaire dans l'immédiat.

 


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