Quelle journée !

Chapitre 2 : Stratégie

1588 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/08/2020 18:56

Enfin de retour à Alexandria. La prochaine fois, il faudra vraiment planifier des haltes pour le retour, genre laisser des maison inexplorées exprès, les 7 heures de route, c’est vraiment trop, même si chacun s’alterne derrière le volant.


Quand tu passes la grande entrée, il est déjà tard. Il fait encore jour, juste le temps de rejoindre les habitants pour le repas du soir avant de se coucher, chacun dans sa chambre.


Tout le monde est ravi. La réserve de conserves a bien meilleure figure et les filles s’éclatent avec leurs nouvelles robes et jeans.

Tu te tiens un peu en retrait, le précieux sachet en plastique caché dans la poche avant de ton pantalon. Tu n’en as parlé à personne. Très égoïstement, tu as décidé que ce serait ton petit secret. Ton petit secret dont tu ne tarderais pas à profiter, seule, à l’arrière de la maison, un soir où tout le monde serait déjà endormi. Mais avant, il te fallait trouver des feuilles, et des clopes.


Depuis ton arrivée, tu le regardais, discrètement, pendant que tu t’occupais des tomates ou des courgettes. Lui, là, le grand motard au gilet en cuir. Daryl. Tu le voyais de temps à autres, mais c’était un baroudeur, toujours en route sur sa moto. Tu le voyais arriver et repartir et à chaque fois qu’il apparaissait, tu ne pouvais empêcher tes yeux de le fixer. Il avait ce quelque chose. Cet air qui te faisait complètement oublier les tomates et les radis. Et régulièrement, tu l’apercevais sur le porche de la maison de Carol, en train de fumer tranquillement sa clope. Dieu sait où il arrivait encore à en trouver.


Et il y avait Negan. Celui-là, ça faisait un moment qu’il te cherchait. Mais Lucie t’avait expliqué qu’il avait passé bien quelques temps dans une cellule dans une cave. Elle ne t’avait pas raconté ce qu’il avait fait pour y être enfermé aussi longtemps, mais tu avais très bien compris qu’il valait mieux pas l’approcher de trop près. C’était le paria du village, celui dont on ne prononce pas le nom et à qui on ne parle surtout pas, sauf pour lui indiquer les quantités de terreau à apporter au jardin. Mais bon dieu qu’il était attirant. Il te faisait te sentir comme un moustique abruti : irrémédiablement attiré par la lumière qui va le griller vif. Et il le savait le salaud. Il avait toujours un compliment pour toi, que tu tentais de balayer d’un revers de la main mais malgré tout, ça faisait toujours son petit effet. Résultat, pour éviter les emmerdes, tu l’évitais lui. Comme la peste.


Ca faisait tellement longtemps que tu n’avais pas fumé que, depuis l’expédition, tu ne pensais plus qu’à ça. 

Ce soir-là, tu retournes dans ta chambre, planques ta trouvaille et fonce au lit après une douche. On ne se rend pas compte à quel point une nuit sur un vrai matelas est jouissive tant qu’on en pas été privé pendant une semaine.


Le lendemain, te revoilà au jardin. Après avoir récolté une dizaine de plants de carottes, tu lèves la tête et tu le vois, sur son porche habituel, en train de bichonner son arbalète, une clope au bec. Daryl.


Tu ne lui as jamais vraiment parlé, à part un bonjour et un pardon une fois où vous vous étiez bousculé. Il était taciturne, intimidant, un vrai loup solitaire. Mais tu sentais qu’il était du genre gentil. 


Autour de toi, tes compagnons de jardinage sont tous affairés à un coin du potager. Tu poses doucement ta pelle.


“Salut.”

- ‘Lut.” 

Ce maigre mot pique étrangement ta nuque. Sa voix, grave mais légère, rêche et douce à la fois.

“Je peux t’aider ?

- Euh… oui… euh… j’oserais te demander une clope?”


Il a l’air surpris et te regarde un moment, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose. Alors que tu commences à paniquer, sans raison, il lâche son arbalète et plonge sa main dans sa poche arrière, sort son paquet et te tend une cigarette.


“Merci beaucoup!

- Pas de quoi. Tu veux peut-être du feu aussi ?

- Non merci, c’est pas pour tout de suite.

- Et tu trouveras où du feu, quand ce sera le moment ?

- J’improviserai. Merci encore et bonne journée !”


Tu tournes les talons, marchant un peu trop vite vers ton potager et tes carottes. Tu te retournes après avoir repris ta pelle et il est toujours en train de te regarder, interrogatif.


Tu reprends ton travail et tu n’y vas pas de main morte. Toutes les carottes sont récoltées en moins de deux. Mauvaise idée, tu te retrouves avec une après-midi à ne rien faire.


Le temps s’étire. Pour tromper l’ennui, tu te promènes dans tout le village. La réserve est fermée, l’infirmerie est déserte, tous les enfants sont à l’école et les habitants ont apparemment tous choisi ce jour pour faire le ménage.


Sauf Negan. Tu le vois en tournant dans la rue principale, il est assis sur un banc. Le mieux serait de faire demi-tour mais tu t’ennuies tellement que même lui pourra faire passer le temps plus vite. Et avouons-le, un petit compliment gratuit, même si sans doute ostensiblement graveleux, c’est toujours bon à prendre.


“Hé mignonne !”


Tu baisses les yeux et tu sens ton visage chauffer immédiatement. 


“Alors comme ça on fume ?”


Ta journée commence à très mal tourner. Comment il sait ? La cigarette, planquée dans ton soutien-gorge, pèse soudain une tonne. Tu te sens coupable comme une gamine .


“Euh… ouais, ça m’arrive…

- Tu veux en griller une ?

- Non merci, je la garde pour plus tard.

- Sûre ? Je t’en file une pour plus tard si tu veux.”


Sa façon de dire pour plus tard était lourde de sous-entendus. Tu prends sans doute la pire décision depuis que tout ce merdier a commencé et tu t’assieds à côté de lui.


“Je t’ai vu aller en taxer une au rebelle. T’étais dans tes petits souliers ma jolie. T’aurais pas quelque chose à me dire ?”


Cette fois tu t’empourpres pour de bon. Un peu trop vite, tu prends la cigarette qu’il te tend et la plantes entre tes lèvres, un peu trop serrées. Le silence se prolonge et tu finis par lever la tête. Il te dévisage avec un petit sourire entendu. Son regard ne te lâche pas et tu te sens à deux doigts de craquer.


“Tu aurais peut-être du feu ?

- Mais évidemment mon chou mais j’aimerais bien savoir ce que tu caches d’abord.”


La panique te gagne. Son regard t’empêche de réfléchir correctement et tu es très mauvaise menteuse, encore plus sous la pression. Tu reprend la cigarette entre tes doigts et les mots sortent de ta bouche sans pouvoir les retenir.


“J’ai trouvé de l’herbe.”


Ses sourcils se lèvent, ses yeux s’agrandissent et il part dans un rire tonitruant.


“Tu déconnes !

- Non…

- Mais c’est la meilleure nouvelle de l’année ça ma jolie !”


Soudain, tu sens son bras sur tes épaules et sa main se pose juste à côté de ton cou. Ca faisait très longtemps que personne ne t’avait touché, tu te sens un peu mal-à-l’aise mais tu ne le repousse pas. Après quelques secondes, tu sens la chaleur de sa peau et, indéniablement, ça te fait de l’effet.


“Alors, c’est quand qu’on se la fume ? J’espère que c’est de la bonne au moins !

- Euh… je sais pas.”


Tu commences à bégayer, ce qui le fait rire encore plus fort. Il sort son briquet et l’allume. Tu ramènes la cigarette à tes lèvres en tremblant et t’approches de la flamme. Il recule son bras, te forçant à te pencher un peu trop de son visage. Tu recules en aspirant ta première bouffée et tu commences à tousser, ce qui le fait à nouveau rire.


“Ca faisait aussi longtemps que ça ?”


Chacune de ses phrases est lourde de sous-entendus. Tu hoches la tête, peinant à retrouver ton souffle.


“Ce soir, quand tout le monde sera couché, on se retrouve en bas de la tour de garde. J’aurai tout ce qu’il faut pour rouler. Ca marche ma jolie ?

- O… oké…”


Il se lève, se retourne, te lance un clin d’oeil qui te remet dans tous tes états et descend la rue, démarche chaloupée à souhait et disparaît derrière la dernière maison. Tu prends une nouvelle bouffée de la cigarette qui s’est déjà consumée à moitié toute seule, tousses encore un peu et finis par l’écraser, c’est quand même bien dégueulasse. Le soleil commence à rejoindre l’horizon et tu sens une boule se former dans ton estomac. Qu’est-ce-qui t’as pris ? Tu t’es mise dans une jolie merde et tu ne vois pas trop comment en sortir.



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